« Google paye 22,5 milliards de dollars d´amende ». Environ deux fois ses bénéfices annuels ! C’est ce qu’affirmait sans frémir l’Agence France-Presse dans le titre d’une dépêche le 9 août 2012, repris tel quel par une partie de la presse nationale et l’ensemble de la presse régionale.
Rectificatif : A l’occasion d’un contact avec un journaliste de l’AFP, le 16 octobre 2012, Ouvertures a pu vérifier, ce qu’il aurait dû faire au moment de la publication de l’article, que la “bourde” n’incombait pas à l’AFP. En effet, le titre original de la dépêche était : “USA: Google solde pour 22,5 M USD des poursuites sur la confidentialité”, et le journaliste de l’AFP affirme qu’il n’a pu être modifié par la suite, le système informatique ne le permettant pas.
L’erreur, incontestable puisque reproduite par de nombreux journaux, s’est produite lors d’un changement de titre qui a dû intervenir dans la chaîne de transmission de la dépêche.
Le lecteur pressé aurait fort bien pu prendre ce scoop pour argent comptant, car Google l’a habitué aux chiffres démesurés. Le nom même de Google ne vient-il pas du terme mathématique googol, qui désigne un nombre commençant par 1 et suivi de 100 zéros ? Le lecteur attentif qui aurait poursuivi la lecture de la dépêche AFP aurait pu être saisi d’un doute en constatant quelques lignes plus loin que l’amende était tombée à 22,5 millions de dollars, soit mille fois moins. Alors, 22,5 millions ou 22,5 milliards ?
Au lecteur pinailleur la phrase suivante donne des indices : « A l´échelle de Google, qui a publié le mois dernier un bénéfice trimestriel de 2,8 milliards de dollars, il s´agit d´une pénalité modeste, mais la FTC [Commission fédérale du Commerce américaine] a souligné qu´elle représentait en ce qui la concerne un montant record ». Millions donc, a priori, ce que confirme facilement la consultation de Google News, la version américaine de Google Actualités.
Cet exemple n’est pas isolé. Il n’est pas rare en effet qu’un journaliste se trompe en jonglant avec millions et milliards, ce qui est désolant. Mais la faute de l’AFP est impardonnable, car un simple contrôle de cohérence aurait suffi à la débusquer. Impardonnable également du fait de la responsabilité particulière de l’agence de presse en tant que pourvoyeuse d’informations. Si certains médias comme Le Monde, Le Figaro ou Le Point ont d´emblée rectifié l’erreur, certains de leurs confrères de la presse nationale – La Croix et Le Parisien – et l’ensemble de ceux de la presse quotidienne régionale n’ont pas fait le travail élémentaire de vérification et de recoupement qui leur incombait. Ils ont publié la dépêche telle quelle. L´AFP ayant ensuite rectifié son titre, la plupart d´entre eux ont dicrètement fait amende honorable.
Le 9 août 2012, l´article de La Croix reproduit l´erreur de l´AFP. Celle-ci ne sera corrigée que le lendemain.
A noter que le titre de l’AFP est doublement fallacieux. En affirmant que Google paye une amende de 22,5 milliards de dollars, celui-ci suggère en effet que Google a accepté de payer, alors que l’article indique que Google devra payer 22,5 millions de dollars. Simple nuance ?
On n´est plus à quelques milliards près quand on est dans une “bulle”… Les journalistes ont perdu le sens du “terrain”.
Des personnes qui ne vérifient pas les informations avant de les présenter comme faits méritent-t´ils le label de journalistes ?