Le psychothérapeute belge Baudouin Labrique avait été appelé par Jean-Luc Delarue comme expert en psychothérapie à l’émission “Ça se discute” diffusée le 19 septembre 2007 sur France 2. Le thème : “Nouvelles sectes, nouveaux gourous”. S´estimant maltraité par l’animateur, M. Labrique a porté l´affaire en justice devant le tribunal de grande instance de Paris. Jean-Luc Delarue, sa société Réservoir Prod et France 2 ont été condamnés fin 2009 et n´ont pas interjeté appel. Le jugement est une avancée jurisprudentielle car elle permet d’imputer aux médias la responsabilité de leurs dérives en matière d’abus de la liberté d’expression lorsque la faute est « sans rapport avec une infraction de presse ».
En matière de presse, les « blessés de l’information » ne pouvaient s’appuyer jusqu’à maintenant sur l’article 1382 du Code civil (« Tout fait quelconque de l´homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ») pour réclamer justice. Or, ce jugement du TGI de Paris (daté du 21 septembre 2009 – 17e chambre) admet que l’application de cet article est possible en matière d’abus de la liberté d’expression « lorsque la faute est sans rapport avec une infraction de presse ». La requalification de l’action sur le fondement de la loi de 1881 sur la liberté de la presse a été en effet été refusée par le tribunal.
Baudouin Labrique, qui était d’abord réticent pour participer à l’émission de Jean-Luc Delarue, avait fini par se laisser convaincre, l’assistante de l’animateur lui ayant affirmé « qu’il s’agissait d’un débat sain et équilibré ». Mais, comme il le redoutait, le psychothérapeute s’est senti manipulé au cours de l’émission. Traité avec agressivité et ironie, plusieurs fois interrompu, désespérant de se faire entendre, il finit par sortir du plateau.
Dans le cours de l’émission, Jean-Luc Delarue avait prétendu que Baudouin Labrique parlait depuis 20 minutes : le décompte exact de son temps de parole n’est que de 1 minute et 30 secondes, ce qui équivaut à 1 % de l’émission diffusée (2 heures et 20 minutes au total).
Baudouin Labrique a adressé en vain un droit de réponse à la société de production de Jean-Luc Delarue. Il a alors assigné en justice l’animateur, sa société Réservoir Prod et France 2, se prévalant de « manquements à la loi du 30 septembre 1986 sur la communication audiovisuelle ainsi qu’aux principes d’honnêteté de l’information, d’équité du débat télévisé et de respect de la dignité ». Le tribunal a relevé le retrait d’une phrase entière prononcée par Baudouin Labrique, de toute première importance pour l´information objective des téléspectateurs et qui changeait le sens du dialogue.
La charte de l’antenne de France Télévisions stipule en effet que « lorsqu’une interview ou une émission fait l’objet d’un montage, celui-ci ne doit pas avoir pour conséquence de dénaturer les propos tenus, leur sens et leur portée ».
M . Labrique avait pris la précaution de procéder lui-même à un enregistrement de l’émission, ce qui a permis d’élucider la dérive. Baudouin Labrique s’estime « satisfait d’avoir pu faire avancer la jurisprudence » et « espère que les animateurs de télévision, entre autres, auront à cœur de respecter davantage les droits de leurs intervenants ».
>> Une émission de décryptage du discours médiatique par le Cicns évoquant notamment l´émission de J-L Delarue.
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