Tests génétiques : les fausses promesses d’un marché en explosion

Si la médecine s’intéresse au dépistage des maladies génétiques ou à la détection de prédispositions à certaines maladies, aux Etats-Unis, des start-ups de plus en plus nombreuses proposent des tests génétiques sur internet pour des finalités parfois moins sérieuses.

Amour, bien-être, beauté, alimentation : une vaste panoplie de tests génétiques à la mode – plus d’un millier dans le monde ! – est désormais déroulée sur le marché international. Objectif : faire débourser à un vaste public des centaines de dollars en lui faisant espérer que des réponses à ses préoccupations mondaines ou sanitaires seront trouvées dans les génomes. Or, pour tous ces diagnostics concernant de près ou de loin la santé humaine, des questions éthiques, sociales et sanitaires ne manquent pas de se poser.

En France, des scientifiques et des membres de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst) proposent, dans le cadre de la révision des lois de bioéthique, de contraindre les tests à une autorisation de mise sur le marché (AMM) identique à celle qui existe pour les médicaments.

Les tests « qui ne font pas l’objet d’un remboursement ne sont soumis à aucune réglementation », remarque Hervé Chneiweiss, membre du comité d’éthique de l’Inserm.

Des prévisions incertaines

En France, les tests génétiques sont encadrés par la loi du 6 août 2004 qui précise que «l’examen des caractéristiques génétiques d’une personne ne peut être entrepris qu’à des fins médicales ou de recherche scientifique ». Parmi les 6 000 maladies génétiques répertoriées(1) , seules 10 % sont aujourd’hui concernées par les tests génétiques, selon l’Agence de la biomédecine(2) .

Si l’objectif de ces dépistages est avant tout d’anticiper l’avenir de santé d’un sujet pour mieux le préparer, caractériser des personnes comme des « malades en devenir » n’est pas sans conséquences. La connaissance d’un « risque génétique » devient alors un risque psychologique.

Par exemple, un test génétique sur l’autisme est en développement par une entreprise française, IntegraGen (Evry). En cas de réponse positive, le risque d’autisme serait de 10%. « Neuf enfants sur dix seraient étiquetés ’’pré-autistes’’, considérés comme ’’à risque’’ et soumis à un traitement préventif. S’ils n’étaient pas autistes, ce système fera en sorte qu’ils le deviennent », a mis en garde Bertrand Jordan, biologiste moléculaire(3) .

Ethique et déontologie

Incertitude dans la manifestation de la maladie et sa sévérité, interprétation des résultats difficile nécessitant de prendre en compte l’historique de la personne, qualité et fiabilité des tests proposés discutables sont autant de limites qui rendent ces « pré-diagnostics » délicats et devraient obliger ceux qui les mènent à suivre un protocole déontologique strict.

Quand les tests concernent la santé, le client peut-il faire confiance aux prédictions fournies et aux éventuels traitements proposés ? Pour l’ONG ETC Group(4) , ces tests s’avèreraient d’un usage limité et potentiellement néfaste pour la santé des clients. D’une part la fiabilité n’est pas toujours au rendez-vous et d’autre part, ils risquent de créer une confusion entre « résultats d’un test génétique » et « diagnostic médical ». Le risque serait que le client/malade sous-estime des résultats justifiant un suivi médical sérieux ou au contraire qu’il amplifie une information anecdotique et se ruine inutilement en soins et «para-soins ».

L’amour génétiquement décrypté

Sur scientificmatch.com, la « science de l’amour », pour reprendre le langage marketing de la société, aide à identifier l’âme « chimiquement » sœur. La comparaison des génomes permet non seulement de prédire la satisfaction sexuelle des deux partenaires, de garantir l’appréciation réciproque des odeurs corporelles, mais surtout d’assurer une bonne fécondité et la conception d’une progéniture pourvue d’un système immunitaire performant.

Cygene Direct prédit quant à lui les performances athlétiques du sujet et détecte ses éventuelles dispositions ou indispositions à la pratique de certaines activités physiques. D’autres sociétés surfent sur des préoccupations « à la mode » en prédisant la façon dont un sujet métabolise la caféine, en évaluant son potentiel d’addiction à la nicotine, en décryptant ses caractéristiques dermiques en termes de vieillissement et d’entretien de la peau, ou encore en détectant les séquences génétiques responsables de déséquilibres nutritionnels. Selon les cas, les firmes commercialisent des compléments nutritionnels ou des soins épidermiques adaptés au profil génétique du client.

Surfant sur la vague du net, certaines sociétés se lancent dans le développement de sites de réseaux sociaux reposant sur des critères génomiques. Profils génétiques et « amis » génétiquement appareillés sont au rendez-vous.

Un débat public quasi inexistant

Les citoyens sont-ils bien informés des finalités de ces pratiques ? Sont-ils favorables à l’élargissement des tests génétiques et au développement d’une médecine personnalisée avec les bénéfices, risques et dérives que cela implique ? Des cadres de régulation internationaux sont-ils envisagés pour éviter que des législations locales soient détournées par des compagnies opérant sur internet ? Peu de réponses positives à ces questions, alors qu’un important marché de la génétique humaine se met en place (entre 730 millions de dollars et 8 milliards de dollars selon les sources) sans que les questions d’égalité devant les soins, de respect de la « personne génétique » et d’éthique médicale ne soient vraiment posées et encore moins discutées dans le grand public.

François Rebufat

» L’enquête complète est consultable sur Vivagoveille avril 2008.

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(1) Online Mendelian Inheritance in Man, http://www.ncbi.nlm.nih.gov/omim/

(2) Tests génétiques en accès libre et pharmacogénétique : quels enjeux individuels et collectifs pour l’Europe ? Séminaire européen, octobre 2007, http://www.agence-biomedecine.fr/fr/presse/doc/DPcolloque021007.pdf

(3) SPS n° 269, octobre 2005, http://www.pseudo-sciences.org/spip.php?article465

(4) Direct-to-Consumer DNA testing and the myth of personalized medicine, mars 2008,
http://www.etcgroup.org/en/materials/publications.html?pub_id=675

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