Face à ce qu’il appelle « la panne des hommes politiques », Marc Houssaye, président de la Nouvelle Arcadie, anime un réseau de “cafés citoyens”, ces « parlements du peuple » (selon le mot de Balzac évoquant les bars), où toute parole est écoutée, pour peu qu’elle ne se cache pas derrière un rôle. Avec comme ambition de « tenter d’approcher l’intérêt général ».
Marc Houssaye |
Ouvertures.- Comment gérez-vous l’expression des différents points de vue exprimés dans ces cafés ?
Marc Houssaye.- Chaque conviction peut s’exprimer, quel que soit par ailleurs le parti pris ou non des individus. Nous ne refusons personne. Mais nous voulons rendre leurs lettres de noblesse aux idées, non aux étiquettes. Ce sont des citoyens qui parlent et échangent, non des représentants de telle ou telle chapelle. Il arrive, par exemple, que des élus participent. Alors, ils ne sont pas là pour avoir une tribune, mais d’abord pour écouter les autres. Et quand ils parlent, c’est en tant que citoyens, non comme personnalités politiques.
C’est indispensable pour que chacun se sente sur un pied d’égalité. C’est super quand ils jouent le jeu. Sinon, nous intervenons.
De même, nous avons eu un débat sur le foulard islamique. Des imams, des curés, des représentants d’autres confessions étaient venus. Ils ont défendu chacun leur position, mais sans prosélytisme. Ça c’est très bien passé : le fait de s’écouter désamorce la polémique.
O.- Mais pour qu’un débat soit riche et constructif, ne faut-il pas des experts et des chiffres ?
MH.- Il arrive qu’il y ait des spécialistes dans la salle, comme lorsque nous avons abordé la loi hôpital, santé, patients et territoires. Le débat a été un peu plus poussé que d’habitude, avec plus d’informations. Mais les professionnels présents étaient mis sur un même rang que les autres. Ils n’avaient pas un rôle prépondérant. Nous ne sommes pas des lieux de conférences. Il nous arrive cependant d’aborder des questions de philosophie politique (voir ici ou là). Et nous avons beaucoup de similitudes avec la démarche des Cafés Philos, qui donnent également la parole au citoyen de la rue.
La participation de tous et l´écoute réciproque sont au moins aussi importantes que la profondeur des idées et l´enrichissement du savoir.
Nouvelle Arcadie : fiche d’identité – Née en 1997, à Caen (Calvados) – Objectif : rétablir des lieux publics d´expression où tous les citoyens peuvent se retrouver pour discuter librement – Président : Marc Houssaye, directeur d’une agence de développement internet – Fédère 12 cafés citoyens (dont 2 en Belgique). Cinq sont en cours de constitution – Un café citoyen est régi par une Charte garantissant la liberté d’expression – Il est conduit par un président de séance et un animateur. Un secrétaire de séance prend les notes – Chacun ne parle qu’avec le « bâton de parole » – Les débats font l’objet de comptes rendus audio et écrit (internet). Parfois en vidéo pour l’analyse en interne par les animateurs – Les personnes présentes choisissent le thème du débat suivant – Tout le monde peut devenir animateur |
O.- Cette démarche vise-t-elle des buts politiques ?
MH.- Non, sinon dans un sens large. Jacques Chirac disait : « La politique est un (dur) métier ». Nous pensons, à l’inverse, que faire de la politique est un service. Un service envers les citoyens. Nous créons les conditions d’un débat démocratique direct pour permettre l’écoute réciproque, faire émerger l’intérêt général, exprimer la société idéale. Peut-être irons-nous jusqu’à établir une sorte de grand cahier des doléances. Mais ça s’arrêtera là. Il peut y avoir des applications très concrètes, mais alors, elles proviennent d’individus qui ont décidé, suite à nos débats, d’agir par eux-mêmes. Ainsi, un « Parti pour la reconnaissance du vote blanc » (pour que les votes blancs soient comptabilisés lors des élections) a vu le jour après un débat sur le blocage des institutions. Un local/café a également été créé pour écouter les pauvres. Mais ces initiatives étaient indépendantes de notre démarche.
O.- L’avenir ?
MH.- Multiplier les créations de cafés citoyens. Nous avons des contacts au Québec et en Afrique du Nord. Fin novembre, une Semaine des cafés citoyens sera organisée à l’échelle nationale (plus la Belgique) sur un thème unique, en lien avec des structures partenaires.
Propos recueillis par Jean-Luc Martin-Lagardette