Ouvertures.- Quels ont été vos sentiments à la lecture des propos tenus par la Miviludes dans son rapport de 2012 ?
Robert Kempenich.- D’abord un sentiment d’indignation, car la médecine anthroposophique ne satisfait aucun des critères de dangerosité retenus par la Miviludes pour définir un risque de « dérive sectaire ». Immédiatement, avec mes confrères, nous avons décidé de faire rétablir la vérité.
– Quel ont été les impacts concrets de cette accusation de « dérive sectaire » ?
– Si cette accusation n’a jamais interféré concrètement avec les relations médecins-patients déjà existantes, car fondées sur la confiance, elle a certainement jeté un doute chez les patients qui projetaient de se tourner vers la médecine anthroposophique et les jeunes praticiens qui souhaitaient se former à sa pratique. Si les patients et les médecins ont été indignés par une telle accusation émanant d’un organisme rattaché au Premier ministre, elle a aussi indéniablement introduit le soupçon dans le monde social et médical, ainsi qu’auprès des instances de tutelle. Le préjudice occasionné par la publication de la Miviludes est très difficile à évaluer.
– Que représente la médecine anthroposophique en France, en Europe et dans le monde ? Comment sont formés les praticiens ? Peut-on être médecin anthroposophe et conventionnel ?
– La médecine anthroposophique est pratiquée exclusivement par des docteurs en médecine. Elle est un courant médical bien établi en France, fort répandu en Europe (22 pays européens) et dans 38 autres pays du monde entier. En plus des cabinets libéraux, elle est pratiquée dans 25 structures hospitalières en Europe, réparties dans plusieurs pays membres de l’Union Européenne. 14 de ces structures disposent d’un service d’urgence et 3 sont des structures hospitalières universitaires.
La médecine anthroposophique se fonde sur la médecine scientifique universitaire et l’élargit par une démarche spécifique d’observation de l’homme qui englobe les niveaux d’organisation corporel, physiologique, psychologique et individuel. Les médicaments utilisés par la médecine anthroposophique sont issus des 3 règnes de la nature (minéral, animal et végétal). Ils se présentent sous forme phytothérapique, homéopathique ou sont préparés selon des procédés pharmaceutiques spécifiques conformes aux pharmacopées nationales ou européenne.
Les médecins pratiquant la médecine anthroposophique ont une double formation, une formation universitaire comme tous les médecins et une formation spécifique en médecine anthroposophique. Après leur formation de base, ils suivent également des formations continues comme tout médecin, en médecine universitaire ainsi qu’en médecine complémentaire anthroposophique.
Certaines de ces formations sont intégrées dans l’enseignement universitaire (en Allemagne, en Autriche, au Danemark, au Royaume-Uni et en Suisse). En France, en plus des formations privées organisées par les associations de médecine anthroposophique, signalons que celle-ci est régulièrement enseignée depuis 5 ans (formation de base et formation continue) dans le cadre du Service de formation continue de l’université de Strasbourg (Unistra).
– Pouvez-vous expliquer votre stratégie juridique et pourquoi elle a permis cette issue favorable ? Savez-vous si la Miviludes va interjeter appel ?
– Nous avons d’abord demandé à la Miviludes de nous transmettre les pièces sur lesquelles elle s’était appuyée pour inscrire la médecine anthroposophique sur la liste des médecines à risque de dérives sectaires. Nous n’avons obtenu aucune réponse substantielle, si ce n’est que la médecine anthroposophique n’avait jamais été évaluée par le GAT (Groupe d’appui technique auprès de la Direction générale de la santé). Nous avons donc demandé immédiatement qu’elle puisse être évaluée par le GAT, demande réitérée à plusieurs reprises. On nous a répondu que cette évaluation n’était pas à l’ordre du jour. La médecine anthroposophique a donc été placée sur la liste des médecines à risque de dérives sectaires parce qu’elle n’avait pas été évaluée, tout en lui refusant cette évaluation. Nous avons bien sûr également demandé l’intervention de la Cada (Commission d’accès aux documents administratifs) auprès de la Miviludes, sans plus de succès.
Nous avons également demandé à être auditionnés au Sénat dans le cadre de la Commission « Dérives thérapeutiques et dérives sectaires », audition qui a eu lieu le 3 avril 2013, afin de pouvoir expliquer ce qu’est la médecine anthroposophique et ainsi de pouvoir répondre aux accusations de la Miviludes.
Ce n’est que par un jugement du 8 octobre 2015 que le tribunal administratif de Paris, sur requête du CNP MEP SMA (Conseil national professionnel des médecins à expertise particulières – Section médecine anthroposophique), a forcé la Miviludes à communiquer les documents ayant servi à l’élaboration du guide « santé et dérives sectaires ». Face à l’inconsistance des motifs et des éléments factuels utilisés par la Miviludes pour disqualifier la médecine anthroposophique, le CNP MEP SMA a alors saisi le tribunal administratif en vue de demander des comptes à cette instance et de faire retirer sans délai la médecine anthroposophique de la liste des médecines à dérive sectaire.
A ce jour, nous ne savons pas si la Miviludes va interjeter appel.
– Avez-vous connaissance d’autres pays ayant stigmatisé cette pratique ou au contraire l’ayant intégrée dans leur système institutionnel de santé ?
– Non, à notre connaissance, il n’existe pas d’autre pays ayant stigmatisé la médecine anthroposophique de cette manière. Mais la forte expansion des médecines complémentaires en Europe ainsi que la très forte demande des patients pour ces médecines entrainent inévitablement des réactions d’opposition de la part de certains confrères et de certaines institutions de tutelle bien établis dans le monde du « scientisme moléculaire » et de « l’homme machine ».
La médecine anthroposophique est intégrée dans le système de soins en Allemagne et en l’Autriche. En Suisse, elle fait partie des médecines complémentaires dont l’inscription dans la Constitution a été plébiscitée par 67% des électeurs. Au Royaume-Uni et au Danemark, les médecines complémentaires, dont la médecine anthroposophique, sont intégrées dans la législation.
– Existe-t-il des études indépendantes sur cette pratique ?
– Il existe de très nombreuses publications, tant en recherche fondamentale que clinique, dans tous les domaines de la médecine (cancérologie, pédiatrie, traitement de la douleur, traumatologie, allergologie, maladies chroniques, etc.)
Une évaluation générale de la médecine anthroposophique a été publiée en 2011 à la demande des autorités suisses dans le cadre d’un « HTA report » (Health Technology Assessment report). Un tel rapport consiste à évaluer une technologie de santé en étudiant les concepts, la pratique, la qualité, l’efficacité, l’innocuité et les coûts. Il permet à une autorité administrative dans le domaine de la santé de se former un jugement sur une méthode médicale, de l’autoriser ou non, dans le cadre d’un système ou d’une politique de santé. C’est sur la base d’un tel rapport que la Suisse a intégré la médecine anthroposophique dans les médecines complémentaires officiellement reconnues par la Confédération. En effet, les résultats de 265 études cliniques, portant sur l’efficacité et l’innocuité de la médecine anthroposophique, étaient majoritairement positifs et l’évaluation des coûts très favorable. De plus, d’après ces études, les patients se disent très satisfaits des soins anthroposophiques. Depuis cette publication, de très nombreuses autres études cliniques ont été publiées. Un médicament particulièrement étudié est le Viscum Album. 150 études cliniques dont 34 randomisées (RCT – Randomized Controlled Trials) ont été publiées. Ces études montrent un impact positif sur la qualité de vie et la réduction des effets secondaires des traitements conventionnels dans les cancers. Des études récentes concernant le cancer du pancréas ont montré une nette prolongation de la durée de survie.
– Que souhaitez-vous, que proposez-vous, pour que votre activité puisse avoir droit de cité dans le paysage sanitaire français ?
– Actuellement, l’intégration des médecines complémentaires dans les systèmes de soins européens est très disparate comme l’a montré en 2012 l’étude CAMbrella, menée par un réseau de recherche constitué de 16 pôles universitaires de 12 pays européens afin d’établir les besoins, l’intérêt et la pertinence des CAM (médecines complémentaires et alternatives) pour les citoyens européens. L’étude CAMbrella a été financée par la Commission européenne.
La médecine anthroposophique est présentée dans cette étude de manière exhaustive. Cette étude la classe parmi les 5 principales médecines complémentaires pratiquées en Europe : acupuncture et médecine traditionnelle chinoise, homéopathie, phytothérapie, médecine anthroposophique et médecine manuelle. Entre 2010 et 2012, j’ai été membre de l’Advisory Board de CAMbrella en tant que président de l’ECPM (European Council of doctors for Plurality in Medicine).
L’objectif de CAMbrella est de proposer une harmonisation des statuts des médecines complémentaires en Europe, de garantir la qualité des médicaments et la formation des praticiens et de promouvoir la recherche scientifique. Elle prévoit aussi de créer un institut européen des médecines complémentaires qui serait un lieu d’information objective indispensable pour garantir le libre choix des patients européens. Rappelons qu’en matière de santé, la tâche essentielle de la Commission européenne est non seulement de protéger les patients mais également de promouvoir la santé.
L’objectif de CAMbrella fixé à 2020 sera-t-il tenu ? Les choses semblent bien plus compliquées que prévu…
– Dans son rapport paru en 2018, la Miviludes réitère ses allégations concernant votre démarche. Allez-vous engager une autre action en justice contre elle ?
– Avec les diverses associations de médecine anthroposophique et notre avocat, nous réfléchissons à cette éventualité.
> Communiqué Médecine anthroposophique avril 2018.
il n’y a que les membres de la secte pour nier que ça en est une: comme d’habitude
C’est peut-être celui qui le dit qui y est…
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Je ne comprends pas les raisons de cette attaque de la part de la Miviludes. Pour ma part, à mon niveau de technicien, je sais que les maladies et les traitements reconnus sont officiellement répertoriés au plan international par l’ISO (à Genève) et la carte Santé (Vitale en France) est basée sur la version 19 ou 21 de cette norme CDI, selon les pays. Si la Miviludes entend établir sa propre liste de médecines agréées, pourquoi ne participe t-elle pas aux travaux de l’ISO ? “Techniques de l’Ingénieur” a publié en langue française plusieurs documents d’information sur l’organisation de la santé en France et à l’étranger. Ces documents sont d’accès gratuit dans les Bibliothèques universitaires. Par ailleurs la médecine anthroposophique est assez peu connue sous ce nom, même si par ailleurs…!
Connaissez vous la technique appelée “électro-photonique” ? Elle est en cours de développement et les résultats sont spectaculaires: lisez plutôt ce que dit le Labo : ” l’appareil pour la maladie de Lyme (…). Compte tenu du sujet complexe et polémique, nous avons subi de violentes attaques qui n’ont pas empêché les patients de continuer à nous faire confiance, tant pour la détection de marqueurs photoniques que pour le traitement que nous proposons sous contrôle médical…” Attendons, la Miviludes va sans doute se mettre en travers ! Restons en veille !
de tout temps l’inquisition a existé (peu d’ouverture d’esprit)…..pourquoi en serait-il autrement aujourd’hui?