Quel soutien apporter collectivement aux associations d’environnement ?

La ministre de l´écologie, Nathalie Kosciusko-Morizet, a demandé à ses services “d´étudier” une éventuelle suspension des subventions à France Nature Environnement (FNE), après sa campagne d´affichage choc. Pour Arnaud Gossement, avocat en droit de l´environnement, cette réaction est une mauvaise réponse à une bonne question.


Une des affiches de la campagne de FNE.

Arnaud Gossement.

Le financement public de France Nature Environnement pourrait être remis en cause. En tant qu´ancien administrateur et porte parole de la fédération des associations de protection de la nature et de l´environnement, je m´abstiens bien sûr de tout commentaire sur son activité. Toutefois, la controverse actuelle liée à la possible suspension de la subvention ministérielle accordée à FNE au motif d´une campagne de communication jugée trop agressive pose une question fondamentale, celle du financement du monde associatif. Question importante pour notre démocratie mais très mal traitée.

Une subvention n´est pas un cadeau ou une sanction

Au préalable, je tiens à préciser que je suis tout à fait opposé à ce que le financement public dirigé vers FNE soit ainsi discuté. Le débat est trés mal posé. Il faut en effet se garder de confondre tous les sujets. Chacun peut avoir son opinion sur la campagne de communication de FNE. A titre personnel, je n´ai été convaincu ni par la campagne ni par les réactions à cette campagne. Je reste cependant convaincu que le financement de FNE et cette campagne sont deux sujets bien différents. Car, ledit financement sert bien à soutenir une contribution précieuse et absolument indispensable au service public environnemental.

Il n´existe aucune autre possibilité de financement que le financement public pour permettre aux associations de s´organiser et de contribuer aux travaux des multiples commissions et agences dans lesquelles l´Etat leur demande – à raison – de siéger. Imagine-t-on qu´un particulier ou une entreprise puisse financer directement la participation d´une association à une commission devant laquelle ses intérêts pourraient être discutés ? En toute hypothèse, aucun particulier ni aucune entreprise n´aura sans doute envie de financer ce type d´activité.

Supprimer le financement public de FNE reviendrait à paralyser le travail de centaines d´institutions. C´est pourquoi, je ne crois pas que Nathalie Kosicusko-Morizet ait eu réellement l´intention de prendre une telle décision. Je pense plutôt que les termes de la lettre qu´elle a adressée à un député (Marc Le Fur) ont été surinterprétés, à dessein.

Un débat utile

La question du financement des associations de protection de l´environnement est un véritable serpent de mer. Toutes les thèses et tous les mécanismes existent : dons de particuliers, mécénat d´entreprises, subventions administratives, etc….Les avis sont souvent trés tranchés et les débats trés rudes, y compris et peut être surtout parmi les associations elles-mêmes : faut-il accepter de l´argent public ? N´accueillir que des dons privés ? Lesquels ? Comment ?

En réalité, avant de traiter la question du financement des associations, il faut d´abord poser la question du rôle social exact d´une association. Et s´interroger sur l´apport que nous attendons d´elles à notre vie démocratique. Les responsables politiques font tous les éloges du travail des associations. Encore faut-il reconnaître que ce travail a nécessairement un coût, que le recours au bénévolat ne peut totalement effacer. Au passage, il serait temps de reconnaître au bénévole un statut et des droits.


Une autre affiche de la campagne FNE.

Le monde associatif : des réalités trés différentes

Une association, c´est d´abord un contrat entre au moins deux personnes, régi par les dispositions de la loi 1901 (principalement). Toutefois, sous le vocable “associations environnemantales” coexistent des réalités juridiques diverses : associations loi 1901 mais aussi fondations par exemple. Outre ces différences de réalités juridiques, il existe des différences d´objet social. Certaines associations ont pour fonction de participer au service public environnemental. C´est le cas de FNE. D´autres exercent à l´inverse le rôle d´un contre pouvoir comme Greenpeace. D´autres les deux, tout le temps ou à certains moments, comme FNE aussi par ses prises de position. Situation complexe donc.

Outre ces différences d´objet social, il existe des différences d´organisation. D´un côté, le modèle anglo saxon, centré sur le souci de l´efficacité, dans lequel l´association est dirigée par des professionnels salariés de l´écologie qui organisent l´action de militants bénévoles. De l´autre, le modèle de l´”association citoyenne” au sein duquel ce sont au contraire les bénévoles élus qui dirigent l´association et organisent le travail des salariés (FNE par exemple). Il existe bien entendu des associations qui empruntent à ces deux modèles.

A ces différences juridiques, d´objet et d´organisation interne s´ajoute celle relative au choix des instruments. L´association de bénévoles investit souvent moins dans la communication et l´action “coup de poing” que les associations de salariés.

Enfin, il faut aussi souligner qu´il existe de “fausses” associations, c´est à dire des associations dont l´objet social ne correspnd pas à la réalité de l´activité. Il en va ainsi d´associations créées de toutes pièces par des entreprises pour attaquer le projet d´un concurrent. De même, certaines associations officiellement “apolitiques” recherchent en réalité un but politique et sont instrumentées dans un combat précisément politique.

Reste que c´est bien la diversité des associations qui fait aussi leur intérêt et leur complémentarité. Il est exact que, lors du Grenelle de l´environnement, des tensions parfois fortes ont existé entre associations. Des choix stratégiques différents ont pu être opérés mais, paradoxalement, le Grenelle est allé jusqu´au bout de son chemin grâce à cette complémentarité d´action, parfois inconsciente.

Une chose est certaine : il est impossible de soutenir de la même manière toutes les associations.

Réalités diverses, financements divers

Il est bien évident que le financement des associations ne peut être identique pour toute les structures mais doit être fonction de son objet social et de son organisation.

Ainsi, il est parfois reproché à FNE de “dépendre” de financements publics, lesquels nuiraient à son indépendance vis à vis du Ministre de l´écologie en place. Reste que la misson de participation à des commissions administratives, qui représente une activité importante de FNE et qui consitue une participation au service public environnemental, ne sera et ne pourra jamais être financée par des particuliers ou des entreprises. Le financement public de cette acitivité est incontournable sauf à considérer – ce qui n´est pas mon cas – que les associations ne doivent plus être représentées au sein desdites commissions. Reste que le mécanisme actuel de financement des associations est certainement perfectible. Le financement par projets ou par objectifs pluriannuels a souvent pour effet premier d´enserrer l´activité de l´association dans des contraintes fortes (respecter chaque ligne budgétaire) et la prive de visibilité sur le long terme.

Il n´existe cependant pas de système idéal. Le financement par des particuliers comporte aussi des contraintes. Il oblige l´association à consacrer beaucoup de temps à la recherche de dons à tel point que cette recherche est devenue un marché pour des sociétés spécialisées dans le “fundraising”. De même, les dons des particuliers sont souvent la conséquence d´une actualité (“vu à la télé”). L´association dont le financement dépend exclusivement de dons privés peut être parfois tentée d´accorder plus d´importance à des problèmes médiatiques, susceptibles de déclencher de nombreux articles de presse et donc d´attirer l´attention des personnes susceptibles de faire un don.

A cette diversité des financeurs s´ajoute la diversité des instruments de financement : dons, conventions d´objectifs, contrats de partenariat, legs, etc…

Associations et entreprises

Le financement par les entreprises est lui aussi trés complexe. Il peut aller du partenariat de projet au mécénat financier ou de compétences. D´un côté, certains responsables associatifs refusent ce mode de financement au motif que l´indépendance d´une association serait menacée par sa dépendance financière à l´égard dune société. De l´autre, certaines associations pensent à l´inverse que travailler avec les entreprises sur la base de conventions qui déterminent clairement les droits et devoirs de chacun permet de faire avancer la cause au sein même du secteur économique.

Il ne me semble pas utile de choisir. L´utilité des fondations ou associations qui travaillent avec les entreprises est tout aussi grande que celle des associations qui dénoncent des pratiques inacceptables. Il faut toujours une carotte et un bâton.

En conclusion, la lettre de Nathalie Kosciusko-Morizet au député Marc Le Fur devrait permettre, non de “punir” FNE, mais plutôt d´introduire un débat bien posé sur la place et le soutien que nous acceptons collectivement d´accorder aux associations.

* Avocat au Barreau de Paris, docteur en droit, maître de conférences à l’Institut d’études politiques de Paris, associé du cabinet Huglo-Lepage.

> Le blog d´Arnaud Gossement.

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