Dans L’Art et la pratique spirituelle du reiki, éditions Grancher, Patrice Gros, enseignant de reiki traditionnel, présente cet « art de la guérison » en insistant sur le « niveau spirituel » qui n’est pas « réellement enseigné et qui fait défaut dans la plupart des formations proposées actuellement où seul prédomine l’aspect technique ».
En effet, selon lui, la guérison n’est pas simplement le fruit d’une lutte contre un mal, mais la restauration de « l’équilibre de l’être tout entier. (…) Guérir nécessite que nous reconnaissions, servions et honorions la dimension sacrée, divine, de la personne traitée. Il faut comprendre ici “traiter” dans le sens métaphysique de “se soumettre à l’action de grâce de l’Energie de Vie. De ce point de vue, guérir est un acte spirituel ».
Il est vrai que l’aspect spirituel est la plupart du temps ignoré ou minimisé. Cet affadissement, couplé avec les bienfaits qu’il procure à un nombre croissant de partisans, favorise son expansion aujourd’hui en France.
Les magazines féminins, par exemple, des sites de santé également, en font une promotion sans détour comme méthode efficace pour lutter contre le mal de vivre ou pour se relaxer et favoriser le bien-être.
A cette différence d’approche s’ajoute l’existence de multiples écoles de reiki qui se critiquent les unes les autres, dénonçant des altérations et des déviations du concept original, développé par le japonais Mikao Usui (1865 –1926), vers des pratiques magiques (du type « Nouvel Age »), mystiques ou à vocation médicale.
De même, le reiki est toujours stigmatisé par la Miviludes qui a tendance à classer tout ce qui n’est pas « validé scientifiquement » comme « dérive sectaire ».
Or, le reiki, en soi, ne peut pas nuire puisqu’il s’agit, pour le praticien de cette discipline, de seulement imposer les mains (mais rien à voir avec le magnétisme, selon l’auteur) et méditer.
Le seul risque, mais qui est commun à toute pratique de médecine complémentaire, est de croire détenir la seule voie d’accès à la guérison et de rejeter toute alternative. En ce sens, la médecine conventionnelle elle-même peut être considérée comme une « dérive sectaire » quand elle veut interdire les approches alternatives sous le prétexte qu’elles ne seraient pas basées sur des preuves scientifiques, alors même qu’elles font leur preuve empiriquement et que leur intérêt peut ultérieurement être validé.
C’est ce qui est arrivé par exemple pour la “méditation de pleine conscience”, considérée comme « dérive sectaire » par la Miviludes et dont l’efficacité vient d’être démontrée par le célèbre Lancet.
La même chose pourrait un jour concerner le reiki…
“Energie de Vie universelle”
Dans son livre, après un bref aperçu historique, Patrice Gros analyse les différentes étapes de l’initiation au reiki ainsi que les notions qui sous-tendent chacun des degrés. Le voyage est intéressant mais il ne s’adresse qu’au lecteur déjà convaincu. Les autres pourront tiquer sur les concepts convoqués, et jamais vraiment définis, comme « Energie de Vie universelle, Véritable Lumière, guérison ou vérité ultime, cœur de Dieu, canal (channeling), Esprit de sagesse de Bouddha, envoi (de reiki), chakra, nature fondamentale », etc.
Certes, il est bien difficile de parler de spiritualité avec un langage universel et « scientifique ». C’est même sans doute l’une des caractéristiques de cette dimension d’être indicible, irréductible à une forme ou une autre d’expression langagière.
Un effort de rigueur conceptuelle aurait cependant quand même pu être tenté.
Cette lacune est à notre sens l’une des deux principales faiblesses de cet ouvrage, la seconde étant la quasi impasse faite sur les considérations sociétales autour de cette pratique. A peine quelques pages pour préciser que le reiki n’est pas une pratique médicale, qu’elle n’est pas « reconnue » officiellement (« au même titre qu’auparavant l’ostéopathie, la chiropractie »). Et pas un mot sur l’accusation parfois portée de « dérive sectaire ».
Certes, ce livre a surtout pour objet de rétablir l’aspect « spirituel » du reiki. Mais la spiritualité ne devrait pas empêcher, bien au contraire, d’être précis et effectif sur tous les aspects concrets de la problématique.
De même, on peut regretter que l’auteur ne signale pas que l’ouvrage est une ré-édition d’un livre paru sous le même titre en 1997 (éditions du Rocher).
Ceci dit, la lecture du livre est une bonne introduction à cet art à la portée de tout le monde, à condition d’y être prédisposé. Un art qui, certainement, mériterait un cadre mieux organisé et une présentation plus rigoureuse.