Jean-Luc Tournaire, éleveur bio à Le Bousquet dans l’Aude, a été obligé de faire vacciner sa trentaine de vaches à viande contre la fièvre catarrhale ovine (FCO). Ne pouvant supporter cet acte contraire à sa conscience, il se tue d´un coup de feu.
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Courant mars, l’élevage de l’agriculteur sexagénaire ainsi que celui d´un autre éleveur sont pris en défaut de vaccination contre la FCO par les services vétérinaires. La gendarmerie convoque les deux hommes et leur dresse procès-verbal.
Selon les amis de Jean-Luc Tournaire, éleveurs bio comme lui cités par la Dépêche, cette procédure judiciaire est la goutte d´eau qui a fait déborder le vase : « Jean-Luc était sur le point de prendre sa retraite. Pour des raisons éthiques, en plein accord avec ses convictions sur l´agriculture et l´élevage bio, il avait toujours refusé de vacciner ses animaux. Une cinquantaine d´éleveurs sont dans le même cas dans l´Aude. Je veux croire que le contexte économique, ajouté à la pression de plus en plus lourde des tracasseries administratives, a fait perdre les pédales à notre ami », commente Gérard Chauvet, éleveur de moutons.
Le Collectif des éleveurs audois, la Confédération paysanne, Biocivam et Nature et progrès, après avoir été reçus par le directeur de cabinet du préfet et la directrice des services vétérinaires, expliquent : « Nous avons appris que seuls deux éleveurs, dont Jean-Luc, étaient poursuivis pour refus de vaccination obligatoire, alors que plusieurs dizaines sont dans ce cas, ont-ils expliqué. Ils ont voulu faire un exemple. Cette vaccination a un caractère commercial. Elle ne va pas effacer la fièvre catarrhale ovine qui n´est pas contagieuse pour l´homme et pour l´animal. Les éleveurs qui refusent la vaccination n´ont pas plus de pertes que les autres. Et ils n´ont pas les nombreux effets secondaires (stérilité, changements de comportements, morts inexpliquées…) constatés chez les bêtes des éleveurs qui vaccinent. » (source : L´Indépendant)
« La plupart de nos voisins européens n´ont pas vacciné »
La Confédération paysanne de l´Aude dénonce, depuis plus de deux ans, la gestion de la FCO. Lors de l’assemblée générale du Groupement de défense sanitaire (GDS), le 2 avril dernier à Sainte-Colombe-sur-l´Hers, elle a reproché au GDS du département de n’être plus « une structure au service des paysans mais au service de l´administration ».
Elle a également accusé la Chambre d´agriculture de « continuer son travail de désinformation et de se désolidariser de celles et ceux qui demain seront condamnés. Alors qu´au mois de juin 2009 un consensus semblait se dégager, aussi bien parmi les éleveurs et la Fngds [1] qu´au sein des services du ministère, en faveur d´une vaccination facultative contre la FCO, Bruno Le Maire, ministre de l´agriculture, reconduisait la vaccination obligatoire. Coût de l´opération : 98 millions d´euros. Comme pour la gestion de la grippe H1N1, on peut se demander à qui profite ce choix, si ce n´est aux multinationales de la pharmacie, efficacement promues par le pouvoir en place. L´éradication de la fièvre catarrhale ovine, véhiculée par un insecte autochtone possédant un large réservoir dans la faune sauvage, est impossible. Mais il faut savoir que cette maladie n´est ni grave, ni contagieuse et ne présente aucun danger pour l´homme. D´ailleurs, la plupart de nos voisins européens, également touchés, n´ont pas vacciné leurs cheptels. C´est pourquoi nous, éleveurs responsables, garants de la bonne santé de nos animaux et par là même de la qualité des produits pour les consommateurs, exigeons l´abolition des poursuites et l´arrêt définitif de l´obligation de vacciner ».
« Combien faudra-t-il de morts ? »
Lors de la session de la chambre d´agriculture, le même jour, Robert Curbières, élu à la chambre d´agriculture et porte parole de la Confédération paysanne, a violemment interpelé les représentants de l´Etat (de la Direction départementale du territoire et de la mer et des finances publiques) : « Combien faudra-t-il de morts pour que l´État se penche sur le désespoir du monde paysan ? Nous vous accusons de mettre en application avec zèle les lois de la République qui ne servent qu´à augmenter les bénéfices des groupes pharmaceutiques ; nous vous accusons de vous aplatir devant les lobbies industriels ; nous vous accusons de vouloir déstabiliser des éleveurs par cette répression ciblée. Devant tant de souffrance, de malheurs accumulés, de dédain, d´injustice, nous accusons l´État de non assistance à personnes en danger ».
[1] Les GDS et leur fédération (Fngds) regroupent les éleveurs français œuvrant pour l´amélioration de la qualité sanitaire de leurs animaux.
> Intervention intégrale de Robert Curbières à la chambre d´agriculture de l´Aude le 2 avril 2010.
> L´Etat, le paysan et le moucheron (Chronique de Hervé Kempf).