Le 13 février 2012, Tinariwen, un groupe de rock composé de touaregs originaires de Tessalit dans le nord-ouest du Mali, remportait le prix du meilleur album “Musique du monde” aux Grammy Awards. Une distinction symbolique, alors que, depuis le 17 janvier dernier, une nouvelle rébellion touareg sévit de nouveau dans le nord du pays.
L’histoire de ce groupe touareg né en 1982, est intrinsèquement liée à celle des anciennes rébellions touareg dont la 1ère fut déclenchée en 1963. La répression de celle-ci par l’armée malienne conduit ce peuple à un exil, principal source d’inspiration et fil conducteur de Tinariwen. Le nom originel de ce groupe, qui raconte dans sa musique un pan décisif de l’histoire de son peuple, est Taghreft Tinariwen, qui signifie «l´édification des pays ».
Depuis 30 ans, Tinariwen chante sur fond de guitare électrique en tamasheq (la langue touareg). Ibrahim Ag Alhabib, dit Abreybone d’une part, et Alassane Touhami, dit Abin-Abin d’autre part, en sont les deux membres fondateurs. A la fois chanteurs, guitaristes, compositeurs et interprètes, ils ont presque le même profil, Abin-Abin étant en outre percussionniste. Nés respectivement en 1958 et 1959, ils sont aussi les deux ainés du groupe. A leurs côtés, d’autres personnes nées entre 1968 et 1982, dont Wounnou Wallet Oumar et Mina Wallet Oumar, deux sœurs qui font du chant et de la percussion.
C’est pour son 5ème album dénommé “Tassili” (Anti-Records/août 2011) que le groupe vient de décrocher la prestigieuse récompense du Grammy Award. Avant d’avoir une renommée sur le plan international et de pouvoir écumer les scènes du monde, Tinariwen a d’abord jeté son dévolu sur les fêtes et les mariages dans la région du Sahel. Il a su revisiter son style, l’a travaillé en ajoutant à la tradition une bonne dose de modernité. Le succès est là, le groupe participe à la mise en lumière de la richesse culturelle du peuple touareg.
La nouvelle rébellion touareg
Le 17 janvier dernier, des combats ont éclaté entre l’armée malienne et un groupe de rebelles touaregs à Ménaka dans le nord du Mali, près de la frontière avec le Niger. C’est le Mouvement national de libération de l’Azawad (Mnla), apparu il y a un an de cela, qui mène la fronde contre les forces armées maliennes. Il réclame l’autodétermination de la région de l’Azawad, qui représente la totalité du nord du Mali. Cette nouvelle rébellion intervient, après deux autres qui ont été déclenchées en 1963 et au début des années 90. Outre cela, le pouvoir malien était déjà confronté dans la même région aux activités d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi). La confrontation militaire avec le Mnla, soupçonné de s’être allié avec Aqmi, a entrainé la fuite des dizaines de milliers de personnes vers le Niger, la Mauritanie et le Burkina-Faso.
Aussi les touaregs vivants à Bamako, la capitale malienne, ou d’autres personnes ayant la peau claire, ont été victimes ces dernières semaines de déni de faciès. Les auteurs de ces actes s’en prennent notamment à eux à cause de la vaste offensive militaire lancée par le Mnla au cours de laquelle plusieurs soldats maliens ont déjà perdu la vie. La rébellion rend d’ores et déjà impossible la tenue sur tout le territoire maliens des élections générales prévues pour le mois d’avril. Ahmadou Toumani Touré, l’actuel président malien dont le second et dernier quinquennat s’achève dans quelques semaines, connait donc une fin de mandat difficile.
Les membres de Tinariwen qui vivent toujours dans le nord du Mali, postaient le 8 février dernier, le message suivant sur leur page Facebook : « Bonjour tout le monde, quelques temps après que la rébellion a éclaté la semaine dernière, beaucoup d’entre nous ont fui les villages pour éviter les combats entre les rebelles et l’armée malienne. Nous sommes réfugiés ici dans la nature, depuis quelques jours, avec des femmes, des enfants et des vieilles personnes (…). Continuez de nous soutenir. Nous souhaitons de tout cœur que les choses s’arrangent. »