Philippe Ogouz, comédien et président de l’Adami (voir encadré), est en colère. Il ne supporte plus de voir de grands comédiens, comme Jean-Pierre Léaud, par exemple, ou de bons musiciens, survivre à peine avec un salaire inférieur au smic ou une retraite de misère. La société doit se ressaisir et reconnaître aux artistes-interprètes le simple droit de vivre de leur travail.
Philippe Ogouz Crédit : Thomas Bartel |
La France ne reconnaît pas suffisamment les droits des artistes-interprètes. Moins bien lotis que les artistes auteurs ou compositeurs, les artistes-interprètes vivent de plus en plus dans un état de pauvreté, voire dans la misère. D’après Philippe Ogouz, président de l’Adami, les comédiens, par exemple gagnent en moyenne moins de 8 000 € par an. Ils doivent alors compléter ce revenu par des petits boulots alimentaires, loin de leur métier, pour survivre. Le chômage touche une grande majorité d’entre eux.
Sur les 23 000 adhérents de la société de répartition (voir encadré), 7000 n’ont touché aucun droit en 2008. Tous les mois, quatre à cinq anciens artistes sollicitent la solidarité de l’Adami pour continuer à exister.
A un acteur qui cherche un appartement, on reproche d’avoir des employeurs multiples. On lui demande une, deux, jusqu’à quatre cautions pour rassurer le bailleur. Certains comédiens ont la chance de faire partie d’une troupe, comme au Français ou dans quelques théâtres publics de province. Mais ces situations sont de plus en plus rares.
« Auparavant, explique Philippe Ogouz, un téléfilm nécessitait 30 jours de tournage. Puis on est passé à 28 jours, 26 et aujourd’hui une vingtaine. Les cadences augmentent dans nos métiers aussi. Il faut faire plus en moins de temps. Les textes aussi raccourcissent en durée et on diminue le nombre de rôles : il faut que tout soit rentable. Même chose pour le théâtre. Avant, on pouvait avoir dix acteurs sur scène. Maintenant, il ne faut pas que ça dépasse 3 ou 4 comédiens. »
Quant aux retraités, beaucoup doivent se contenter de 400 € par mois !
Qu’est-ce que l’Adami ? L’Adami est une société de gestion collective des droits de propriété intellectuelle des artistes-interprètes. Gérée par et pour les artistes depuis plus de 50 ans, elle perçoit et répartit les droits de 100 000 comédiens, chanteurs, musiciens, chefs d’orchestre et danseurs, dont plus de 23 000 adhérents, pour l’utilisation de leur travail enregistré. Également, elle soutient la création artistique (13 millions d’euros dépensés en 2008 pour aider différents spectacles) pour favoriser l´emploi des artistes. Enfin, elle défend les droits des artistes-interprètes à l´échelle nationale et internationale. |
La faiblesse particulière du métier d’artiste-interprète tient, selon M. Ogouz, à plusieurs choses. D’abord, il y a un « mépris » pour cette activité : « Il n’y a pas si longtemps, les comédiennes étaient appelées des “cocottes”… Nous ne sommes pas comme les buralistes, les chauffeurs de taxi ou les agriculteurs, à qui il suffit de manifester un peu bruyamment dans la rue pour obtenir gain de cause ».
En outre, le métier est peu syndiqué, à la différence des États-Unis, par exemple, où l’affiliation à un syndicat est obligatoire. Ce qui a permis aux scénaristes, récemment, de faire accepter leurs revendications après trois mois de grève.
Serge Gainsbourg au Gala
de l’Union des artistes. Crédit : Daniel Lebée. |
Philippe Ogouz déplore que les pouvoirs publics, et notamment le ministère de la culture, se désintéressent du sort de ces artistes : « M. Sarkozy a épousé une artiste, mais ça ne change pas grand-chose pour la profession, bien que Carla soit membre de l’Adami… Je compte relancer le Gala de l’Union, ce spectacle qui réunit les artistes pour une soirée de cirque avec la télévision. J’espère que le président de la République sera sensible à ce projet et voudra bien le patronner ».
Mais la grande question, pour améliorer la situation des artistes-interprètes, est celle des droits sur internet : « Nous réclamons simplement notre dû, c’est-à-dire quelques euros sur les œuvres téléchargées. Pourquoi les artistes-interprètes seuls ne seraient pas payés pour leur travail ? On ne parle plus de la “licence globale”, mais il faudra bien, un jour ou l’autre, qu’un pourcentage sur les téléchargements soit prélevé et distribué à ceux sans qui ces œuvres n’existeraient pas ».