Les professionnels des médias étrangers s’interrogent sur les raisons qu’ont leurs homologues français de refuser toute régulation déontologique. Un colloque vient de faire le point sur cette question et sur les chances que la situation évolue.
Flip Voets (Belgique), Dominique von Burg (Suisse) et Marc-François Bernier (Québec) au colloque de l´Apcp.
Photo JL ML
La presse écrite n’est pas tenue de rendre des comptes sur la façon dont elle travaille. Les dérives médiatiques, étant de ce fait rarement sanctionnées, peuvent prospérer sans crainte excessive[1]. Seuls les gros dérapages et les malversations les plus voyantes font parfois l´objet de mesures internes ou sont portés devant la justice.
Hormis ces quelques cas rares, la plupart des erreurs, des manipulations, des amalgames, des mises au pilori et des articles de complaisance (envers les pouvoirs politique ou économique) ou de parti pris ne craignent aucune sanction déontologique. Sinon celle des lecteurs qui finissent par se détourner de leurs journaux.
Dans la plupart des pays démocratiques, la fonction sociale de la presse est jugée capitale. C’est pourquoi ces pays ont mis en place des instances chargées de veiller au respect des grandes règles déontologiques, souvent sous la forme de conseils de presse.
En France, quelques journalistes[2] et citoyens refusent la fatalité et militent pour que soit mis en œuvre une vraie démarche collective de régulation de la qualité des médias. Il en va de la crédibilité de la presse et de sa dignité. L’Association de préfiguration d’un Conseil de presse (APCP) a invité des responsables étrangers à venir exposer leur vision et leurs contraintes lors d’un colloque organisé le 4 juin dernier à la Maison de Radio France, en partenariat avec France Culture.
(France-Culture : Emission du jeudi 4 juin 2009 : Faut–il créer une instance d’éthique et de médiation du journalisme?)
Flip Voets, secrétaire général du « Raad voor de journalistiek » (RVDJ), conseil de presse flamand, et ancien journaliste ; Dominique von Burg, président du Conseil de presse suisse (Presserat) et Marc-François Bernier, universitaire venu présenter le Conseil de presse québecois, ont expliqué le fonctionnement de leurs instances.
Si tout n’est pas rose sur le plan éthique dans ces pays, si des tensions demeurent entre les diverses parties, au moins un dialogue continu existe entre elles. Au moins les journalistes et les éditeurs savent qu’ils peuvent être interpelés par le public. Que leur fonction sociale et les facilités qui leur sont accordées exigent qu’ils ne confondent pas liberté et arbitraire. Et donc qu´ils s´expliquent sur leurs pratiques.
Le public peut faire connaître en permanence ses récriminations par le biais de procédures et de débats ouverts au sein même de ces instances, dont il est lui-même membre. Les éditeurs et les journalistes sont ainsi confrontés de façon plus proche avec ceux qui les lisent. Ils ont plus l’habitude des critiques qu’en France où notre profession supporte très mal les remises en causes publiques.
« J’espère que ce débat permettra à votre pays d’avancer dans la voie de la régulation, a conclu Dominique von Burg. Chaque pays a son modèle, différent du voisin. Rien n’empêche que l’instance que vous pourriez créer garde des spécificités bien françaises. Mais faites-le ! La plupart des pays européens s’y sont mis, y compris la Bulgarie, l’Estonie, la Lituanie, le Kosovo et, tout récemment, la Belgique wallonne. Le conseil de presse est un élément majeur du retour à la confiance envers la profession journalistique. »
[1] Pour l’audiovisuel, la surveillance déontologique, qui fait partie des attributions du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), est très superficielle.
[2] Dont votre serviteur.
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