« Rapport public 2011 : Consulter autrement, participer effectivement », le Conseil d’État voudrait voir moderniser les procédures de décision publique. Les attentes des citoyens et des usagers, le droit à l’information, la contestation des points de vue officiels et des experts, invitent à dépasser les consultations et à mettre en discussion les idées, les projets et les textes. Internet pourrait ainsi favoriser une « mise à l’épreuve continue de la décision publique ».
En France, on consulte beaucoup mais on le fait sans chercher à construire une décision qui viendrait d’un consensus ou d’un compromis. On préfère souvent la confrontation suivie d’une décision unilatérale ou la “consultation-information” (on discute mais on ne change pas le contenu d’une décision déjà prise).
Le rapport public 2011 voudrait faire évoluer cette situation paradoxale : d’un côté prolifèrent une multitude d’organismes consultatifs (voir encadré) et, de l’autre, on ressent un déficit de dialogue avec la société civile.
Il faut simplifier les procédures devenues formelles ou trop complexes, à l’aval (lorsque la décision est proche), et, au contraire, mieux encadrer, par des garanties et procédures minimales, les consultations ouvertes qui interviennent beaucoup plus en amont, quand il est encore temps d’influer sur la décision.
La légitimité de la décision publique dépend désormais de l’instauration d’un véritable processus délibératif sur la base duquel l’autorité compétente se prononce en toute responsabilité.
L’étude publiée par le Conseil d’État dessine les traits d’une nouvelle figure de l’administration, qualifiée de « délibérative » parce qu’elle cherche à développer, au-delà des consultations formelles qui gagneraient à être allégées, de nouvelles procédures caractérisées par « la transparence, l’ouverture, le débat public et le compte rendu ».
4700 organismes consultatifs ! Le nombre des commissions, conseils, comités et autres organismes consultatifs de toutes natures fait l’objet de nombreuses critiques. La première étant que l´on ne connaît même pas leur nombre avec précision. Ce nombre a longtemps été évalué à environ 4700 (dont 500 conseils, 1200 comités et environ 3000 commissions). Le décret du 7 juin 2006 relatif à la réduction du nombre et à la simplification de la composition de diverses commissions administratives vise l’examen du “stock” des commissions et procède à la réorganisation de certaines commissions placées auprès des administrations centrales. Il a permis aussi la fusion et la suppression de nombreuses commissions administratives déconcentrées. En 2010 par exemple, 58 organismes ont été supprimés tandis que 35 ont été créés, soit un solde de 23 suppressions. Le décret du 8 juin 2006 relatif à la création, à la composition et au fonctionnement de commissions administratives à caractère consultatif rationalise les règles de création et de fonctionnement des commissions. Ainsi, toute création doit être précédée d’une étude qui vérifie que la mission impartie à la commission répond à une nécessité et n’est pas susceptible d’être assurée par un organisme existant. |
L’apport d’Internet dans les nouvelles consultations
La généralisation de l’outil Internet a, depuis quelques années, transformé l’ensemble du processus préparatoire à la décision. Elle procure « une nouvelle jeunesse aux pratiques de consultation » et donne aux citoyens la possibilité d’intervenir de manière plus directe, quasi instantanée et de s’affranchir des intermédiaires.
Internet contribue en effet largement à favoriser l’implication d’acteurs nouveaux : membres d’associations peu connues, médias alternatifs (comme Ouvertures…), groupes d’intérêt isolés, experts, simples citoyens.
L’outil est bien adapté aux « impératifs de transparence, d’échange et de traçabilité » qui caractérisent “l’administration délibérative” que le Conseil d’État appelle de ses voeux. La discussion électronique, par sa force de pénétration, sa rapidité et sa fluidité, permet une mise à l’épreuve continue de la décision publique.
Une loi-code des principes de la concertation en ligne
Mais, si un plus large recours à Internet doit être encouragé, il doit être assorti de sérieuses précautions en renforçant les garanties procédurales des concertations ouvertes.
Le Conseil d’État propose d’introduire dans la « loi-code » des normes minimales ou principes directeurs du droit de la concertation en ligne.
La concertation devrait :
– respecter des délais proportionnés à l’importance du sujet présenté ;
– être circonscrite et mentionner les principales parties prenantes ;
– être préalablement documentée, de manière complète, précise et objective ;
– être conduite de manière impartiale et, si possible, par un tiers ;
– faire l’objet d’un bilan des observations recueillies ;
– indiquer les suites qu’il est envisagé de lui donner.
Une loi-code crée les règles d’une procédure administrative non contentieuse, sur le modèle de la loi « informatique et libertés » ou de celle relative au Médiateur de la République.