Gérard Guéniot n´est pas un gourou. La Cour d’appel de Douai, par décision du 17 février dernier, réhabilite le médecin homéopathe qui fut accusé à tort de pratiques sectaires et d’avoir une responsabilité dans la mort d’une de ses patientes. Le jugement est qualifié par son avocat de «monumental», tant par son volume que par sa qualité.
« C’est exceptionnel en matière correctionnelle, explique François Jacquot, l’avocat du médecin homéopathe Gérard Guéniot relaxé par le jugement de 87 pages de la Cour d’appel. Je n’ai jamais vu une décision aussi précisément et exhaustivement motivée. Les juges ont vraiment décortiqué l’affaire point par point, ce qui est assez rare dans ce type de dossier. Ils ont non seulement relaxé mon client mais ils l’ont réhabilité sur tous les chefs d’accusation. »
Nous sommes en 1996. Suite à l’émission de télévision de TF1 « le Droit de savoir », se déclenche une campagne médiatique faisant l’amalgame entre l’histoire d’une jeune femme atteinte d’un cancer du sein (affaire Marsaleix) et deux médecins du Nord, Gérard Guéniot et Michel Saint-Omer.
« Une mère de famille était décédée en 1997 pour avoir suivi les prescriptions médicales illusoires des deux médecins, liés tous deux au Mouvement du Graal, répertorié comme sectaire dans les deux rapports parlementaires de 1995 et de 1999 », explique par exemple le Panorama du médecin, sous le titre : « Les nouveaux charlatans de la santé ». « Le procès d’un gourou en blouse blanche », commente l’Unadfi, qui, deuxième partie civile au procès, a été finalement déboutée par la Cour d’appel.
Dans la longue suite d’attendus du jugement, les juges expliquent que le Dr Guéniot ne pouvait être condamné pour « non-assistance à personne en péril ». En effet, l’unique consultation de mars 1995 (la patiente décédera en janvier 1997) « n’a donné lieu qu’à la délivrance d’une unique ordonnance pour de l’acide ascorbique sur quelques jours, dans l’attente de prescription ultérieure par ses confrères ». Lors de cette consultation, Gérard Guéniot a dit qu’il ne souhaitait pas revoir la patiente déjà suivie par le Dr Saint-Omer. En la référant à ce dernier, « il disposait des éléments lui permettant de savoir que, face au refus persistant d’Evelyne Marsaleix, la prise en charge confraternelle comportait le recours au spécialiste ». C’est lui-même qui avait fourni au Dr Saint-Omer quelques jours plus tôt le nom du cancérologue parisien qu’elle ira finalement consulter en juin.
La décision de la cour détruit ainsi complètement le montage tissé par ses détracteurs et lave le médecin des accusations fausses véhiculées contre lui tant par les associations et les institutions de lutte contre les dérives sectaires que par la presse.
Pour l’Unadfi, la victoire juridique de son adversaire est à mettre sur le compte du « pouvoir de persuasion » du médecin.
Le comportement des journalistes
Pour l’avocat de Gérard Guéniot, le fait que l’Unadfi soit déboutée constitue une remarquable avancée de jurisprudence : « En effet, toute l’affaire avait commencé par la plainte déposée par cette association qui avait dénoncé mon client pour “sujétion psychologique” à caractère sectaire sur la victime. Pour elle, M. Guéniot était un gourou qui a laissé mourir sa patiente. Les magistrats ont complètement détruit cette thèse. C’est la première fois en France que l’Unadfi est ainsi déboutée pour n’avoir pas réuni les conditions de fond pour se constituer partie civile dans ce procès. Elle a échoué à démontrer le caractère sectaire de l’action de mon client. Cela peut conduire à limiter sa capacité à déposer plainte sur la seule affirmation d’une sujétion par une personne ou un mouvement. Désormais, il faudra démontrer cas par cas et victime par victime qu’il y a eu exploitation à caractère sectaire ».
« Le plus incompréhensible pour nous, s’étonne Hugues Leroy, président du Comité de soutien du docteur, c’est – sans même parler du caractère partial de l’émission du Droit de savoir – le comportement des journalistes. Après le jugement, non seulement ils continuent de présenter M. Guéniot sous une mauvaise image (« un ex-adepte de secte »), mais surtout aucun n’a fait amende honorable ni n’a enquêté pour tenter de comprendre comment toute cette cabale a pu être montée. Le docteur a perdu des patients et des amis, même proches, après les calomnies proférées à la télévision et dans la presse. Il a subi cet opprobre pendant 13 ans ! Et personne ne cherche à comprendre pourquoi…»(1)
Dans la presse locale, toutefois, on a pu trouver parfois une attitude plus équilibrée, comme celle-ci du journal Nord-Eclair, écrite avant la décision de la cour d’appel.
Pourquoi toutes ces affaires ?
En 1975, Gérard Guéniot, passionné de médecine naturelle depuis son adolescence, s’installe comme médecin homéopathe et acupuncteur à Roubaix (Nord). Il crée trois écoles, l’une d’homéopathie (active jusqu’en 2000), une autre d’acupuncture (jusqu’en 2005) et la dernière, en 2005, le Nemi, école de médecine énergétique et naturelle.
Aujourd’hui, il exerce en tant que médecin à Tourcoing (Nord) et gère une société de conseil en santé naturelle à Genval et à Tournai (Belgique). Enfin, il prodigue un enseignement en homéopathie au Canada et en Italie.
À partir de 1980, Gérard Guéniot comparaît une dizaine de fois devant le conseil de l’ordre des médecins du Nord. Il gagne toutes ces affaires sauf une, qui lui valut une suspension de son droit d’exercer pendant trois ans.
À ces conflits ordinaux s’ajoutent deux procès devant la justice pénale, tous deux gagnés à ce jour. Dans sa première affaire (affaire Pohl 1988-1992), Gérard Guéniot obtint un non lieu au pénal en 1992 et fut complètement blanchi par le Conseil national de l’Ordre en 1994, après que le conseil départemental du nord eut porté l’affaire en cassation. La deuxième est l’affaire Marsaleix.
Une troisième affaire est encore en cours en Belgique.
Pourquoi tous ces dossiers autour d’un seul homme ? D’autres médecins homéopathes exercent leur art sans problème particulier…
Selon notre analyse, cet « acharnement » dont a été victime Gérard Guéniot tient à deux aspects, l’un personnel, l’autre sociétal.
Pour le premier, son caractère à l’emporte-pièce l’a plus d’une fois desservi. S’exprimant de façon parfois tranchée et excessive, il a ainsi tendu à ses opposants des verges pour se faire battre.
Pour le second aspect, sa foi « différente » (le Graal, voir vidéo) a certainement dérangé les gardiens de la bien-pensance religieuse, sociale et thérapeutique (représentés par l’Unadfi et la Miviludes).
Mais surtout, sa démarche originale et confiante en la nature heurte les tenants d’une médecine mécaniste et chimique. Ceux-ci acceptent mal que des méthodes simples, éprouvées autrement que par les méthodes modernes « basées sur la preuve », puissent simplement accompagner les leurs.
Toute cette affaire pose clairement la question du traitement des dérives médiatiques non sanctionnées et de l’arbitraire, quand il a lieu, des administrations et des associations de lutte contre les sectes.
L’affaire GlineurEn 1996, se greffe une affaire ordinale dans laquelle la fille d’une patiente de Gérard Guéniot qu’il a suivie pendant 5 ans et qui décéda à la suite d’un cancer du sein et métastases pulmonaires, porte plainte pour défauts de soins. On reprocha au médecin d’avoir continué à suivre sa patiente durant une période de 18 mois pendant laquelle elle refusera toutes thérapeutiques officielles. Après plusieurs années de procédures ordinales, Gérard Guéniot sera finalement suspendu d’exercice durant trois ans (automne 2003-automne 2006). C’est, à ce jour, sa seule condamnation. Alors que faire ? Les médecins homéopathes ont tous dans leur cabinet des patients cancéreux récalcitrants à l´allopathie. Gérard Guéniot avait donc demandé à son ordre professionnel quel comportement avoir face à des patients refusant clairement les traitements classiques. La réponse : les signaler à la Sécurité sociale. Gérard Guéniot refuse de procéder à ce type de dénonciation, ne voulant pas risquer de saper la confiance de ses patients. Mais alors, il prend le risque d’être à nouveau attaqué lorsque le moindre problème surgit. D’autant plus que le recours à l’homéopathie peut facilement être qualifié de charlatanisme s’agissant d’une pratique « non basée sur des preuves avérées »… |
>> Le Docteur Guéniot est mort.
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(1) Voir à ce sujet le résumé et l’analyse du Centre d’information et de conseil des nouvelles spiritualités (Cicns).
Avez-vous seulement lu complètement l´arrêt : c´est quand même très étrange que, sur les 75 scellés du dossier, les 2 qui ont “disparu” correspondent au dossier médical de la victime, non ?
Oui, c´est effectivement “très étrange” : lui-même m´en avait spontanément parlé lors de l´interview pour le regretter fortement et s´interroger sur ce dysfonctionnement. Sous-entendriez-vous qu´il aurait lui-même réussi à manipuler la justice (par quels moyens occultes ?) pour faire disparaître ces pièces ? Ce serait lui prêter un entregent qu´il était loin d´avoir et alimenter une sorte de “théorie du complot” pour le discréditer…
Je vous posais seulement la question de savoir si vous aviez lu l´arrêt car il me semble que cet “événement” aurait eu toute sa place dans le récit de l´affaire et de son jugement. Je ne prétends nullement qu´il soit personnellement à l´origine de la disparition du dossier et je n´ai aucun avis particulier sur l´identité du responsable.