Photo: Jean-Luc Martin-Lagardette
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Jean-Marc a 54 ans. Je l’ai rencontré sur le pavé du boulevard Saint-Michel à Paris, avec sa casquette pour recueillir les aumônes des passants. Pour tenir son écuelle de coton, un livre : Les Damnés de la terre, de Frantz Fanon, dont il se dit solidaire.
Ce livre du psychiatre antillais militant des indépendances, préfacé par Jean-Paul Sartre et plusieurs fois saisi par la justice, a eu son heure de gloire. Il a servi – et sert toujours – de référence à des générations de militants anticolonialistes. « Il n’est pas à vendre », précise Jean-Marc aux passants qui l’interrogent. « C’est pour mon inspiration. »
Il a du mal à s’expliquer : « Je n’ai plus de mot pour dire ce que vis. J’ai perdu le sens de la parole à force de vivre comme un animal avec des obsessions : manger, dormir, pisser, chier et éviter de me faire voler le peu que je possède. Je pourrais jouer de la guitare – du “picking” à la Marcel Dadi, par exemple – mais je n’ai aucun endroit pour la déposer ».
Qui pourrait imaginer qu’assis à mendier sur le trottoir de la capitale, Jean-Marc est en fait facteur de clavecins ? Artisan, il construisait et accordait des clavecins et des flûtes. Les charges sociales ayant trop pesé sur son activité, il a dû rejoindre un confrère, en tant que salarié, avant de créer une entreprise avec des collègues.
Et puis, c’est le coup dur : le divorce après un mariage religieux auquel il tenait beaucoup. Et qui l’a abattu. Depuis, il ne parvient pas à reprendre pied, enchaîne les petits boulots, bénéficie des aides.
Mais Jean-Marc croit encore à la vie et n´a pas perdu confiance.
» Voir aussi notre grande enquête sur “la place et la parole des pauvres” dans la société.