Jean-Claude Duvalier, dit Bébé Doc, ancien dictateur d´Haïti, pourrait n’être jugé que pour détournements de fonds, pas pour crimes contre l´humanité. L’occasion d’apporter un éclairage saisissant sur son père François, surnommé Papa Doc et proclamé homme-dieu.
Bébé Doc (cravate bleue) était retourné à Haïti juste après le tremblement de terre de janvier 2010. (Euronews). |
Le juge haïtien chargé d´enquêter sur Bébé Doc a recommandé au procureur du gouvernement, lundi 30 janvier 2012, d´envoyer l’ancien dictateur devant un tribunal correctionnel pour les seuls faits de détournements de fonds publics. Le magistrat dit ne pas avoir suffisamment de motifs d´ordre juridique pour l´accuser de crimes contre l´humanité.
Un porte-parole du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l´homme, Rupert Colville s´est indigné : « De très graves violations des droits de l´homme, y compris de torture, de viol, et des exécutions extrajudiciaires ont été largement documentées par des organisations internationales et haïtiennes des droits de l´homme sous le régime de Duvalier. Nous sommes extrêmement déçus que M. Duvalier ne puisse être accusé d´aucun de ces crimes contre les droits de l´homme, malgré les plaintes déposées par plusieurs victimes. »
Le « noirisme » haïtien
Jean-Claude Duvalier, dit « Baby Doc » ou « Bébé Doc », fut président de la République d´Haïti de 1971 à 1986 après le décès de son père, François Duvalier, dit « Papa Doc » À 19 ans, il était devenu le plus jeune chef d´État au monde. Le 7 février 1986, sa politique, les difficultés économiques du pays et une insurrection populaire l´avaient forcé à prendre la fuite en France, où il a résidé 25 ans avant de retourner au pays.
Son père François Duvalier avait été élu en 1957 à la tête du pays. Surnommé « Papa Doc », il avait instauré une implacable dictature, se positionnant comme « chef des Noirs », exaltant la négritude, ou le « noirisme haïtien », selon ses propres mots. Pour asseoir son pouvoir, il avait mis en place la milice des Volontaires de la sécurité nationale, 40 000 « tontons macoutes » (« bonhomme bâton », en créole) qui avaient carte blanche pour faire régner la terreur. Fidèle au culte vaudou, il en avait fait une religion nationale, organisant des célébrations publiques gigantesques. Il a mis en place un culte de la personnalité le plaçant comme l´élu des « loas », esprits vaudous, et faisant de lui un homme-dieu. (Source : radio-canada)
Ouvertures profite de cette actualité pour communiquer à ses lecteurs les deux documents suivants, témoignages de l´ environnement surréaliste qui a imprégné toute la jeunesse de Bébé Doc.
« Notre Doc qui êtes au Palais national pour la vie… »
Voici un exemple de texte que les élèves haïtiens devaient réciter chaque jour (tiré de Le dossier Haïti : un pays en péril, de Catherine Eve di Chiara, Paris, Tallandier, 1988) :
« Notre Doc qui êtes au Palais national pour la vie,
que votre nom soit béni par les générations présentes et futures,
que votre volonté soit faite à Port-au-Prince et en province.
Donnez-nous aujourd´hui notre nouvel Haïti,
ne pardonnez jamais les offenses des apatrides qui bavent chaque jour sur notre Patrie,
laissez-les succomber à la tentation et sous le poids de leurs baves malfaisantes,
ne les délivrez d´aucun mal.
Amen. »
Extraits du Catéchisme de la Révolution
Q. Qu´est-ce que Duvalier ?
R. Duvalier est un Nègre de génie.
Q. Comment s´appellent le Seul Chef que le peuple haïtien reconnaît comme son Sauveur et la Seule Femme qui est à ses côtés et que le peuple a dénommée la Première Marie-Jeanne de la République ?
R. Le Seul Chef que le peuple haïtien reconnait comme son Sauveur et la Seule Femme qui est à ses côtés… s´appellent l´Honorable Docteur Duvalier et Madame Simone-Ovide Duvalier.
Q. Pouvez-vous citer quelques-uns des actes révolutionnaires de François Duvalier ?
R. Il a doté la police d´une caserne magnifique et a construit le palais des Contributions qui fait l´orgueil et la fierté de notre capitale…
Q. Comment Duvalier nous a-t-il rachetés ?
R. Duvalier nous a rachetés en se sacrifiant et en souffrant pour nous nuit et jour au Palais National.
Q. Combien y a-t-il de sacrements Duvaliéristes ?
R. Il y a sept sacrements Duvaliéristes qui sont : le Prestige, la Dignité, la Discipline, le Respect de soi, la Compétence, l´Ordre et la Probité.
Q. Qu´est-ce que l´Extrême-Onction Duvaliériste ?
R. L´Extrême-Onction Duvaliériste est un sacrement institué par l´armée populaire, la milice civile et le peuple haïtien pour, sous le commandement de leur Chef, l´Honorable Docteur François Duvalier, écraser à coups de grenades, de mortier, de bazooka, de lance-flammes et d´autres outils, en les ratiboisant et en les annihilant, les apatrides, ces “vases d´immondices” qui, alliés à des étrangers et à la solde des ennemis de notre nation, ont tenté plus d´une fois de mettre en péril la souveraineté de l´État.
Q. Quand fait-on un péché mortel ?
R. On fait un péché mortel quand on a la velléité de se mettre au travers de la route lumineuse de progrès et de justice que poursuit la grande Révolution Duvaliériste…
Q. Récitez la Salutation Angélique.
R. Je vous salue, Simone-Ovide Duvalier, pleine de courage et de bonté. Vous êtes bénie entre toutes et nous autres vos sujets en la patrie sommes bénis. Simone, Mère des déshérités, priez pour nous autres pauvres Duvaliéristes, maintenant et durant le règne à Vie. Amen.
Q. Récitez la Deuxième Litanie.
R. Duvalier protecteur des faibles : Président à Vie
Duvalier, destructeur des taudis : Président à Vie
Duvalier, espoir du peuple : Président à Vie
Héritier du Sang Dessalinien, Emancipateur des masses, Constructeur de la Nouvelle Haïti ; Réconciliateur de la famille haïtienne, Rénovateur d´Haïti, Chef Suprême aimé et respecté, Homme-Drapeau et Homme-Nation, Pages Glorieuses de la Nouvelle Histoire, Idole des masses : Président à Vie
Leader spirituel de la Nation : Président à Vie
Le plus Grand Chef d´Etat de tous les temps : Président à Vie.
Éditions Imprimerie de l´État, Port-au-Prince, juillet 1964.
Toutes les majuscules sont d´origine.
(Extrait de Secouons le cocotier de Jean Raspail)