20 ans après sa mort, Yad Vashem vient de reconnaître à Gitta Mallasz la qualité de « Juste parmi les Nations » [1]. Son charisme pour faire connaître l’enseignement spirituel des Dialogues avec l’ange avait un peu occulté le fait qu’elle ait sauvé la vie d’une centaine de juives hongroises.
Gitta Mallasz en 1983. Photo R. Hinshaw |
Budapest 1943. Alors que les Allemands n’ont pas encore envahi la Hongrie, mais que l’antisémitisme est de plus en plus prégnant, quatre amis, 3 juifs et une catholique, se retrouvent régulièrement pour partager leur inquiétude et chercher un sens à leur existence dans cette époque de mensonge et de violence. Un jour, l’une d’elles, Hanna Dallos, artiste d’une exceptionnelle sensibilité, se met à parler, avec la sensation que ses mots proviennent d’au-delà d’elle-même : « Attention, ce n’est plus moi qui parle », prévient-elle.
Commence alors le premier de 88 entretiens hebdomadaires qui vont progressivement constituer l’ébauche d’un enseignement spirituel original et universel. Les notes prises pendant 18 mois par Lili Strausz et Gitta Mallasz seront traduites en français et publiées par cette dernière 30 ans plus tard sous le titre Dialogues avec l´ange.
Une centaine de juives protégées par des uniformes allemands
Hanna Dallos, par Gitta Mallasz (avec l´aimable autorisation du Dr Vera Dallos-Pinter) |
En juin 1944, trois mois après l’invasion des troupes nazies, les déportations prennent de l’ampleur et commencent à toucher les juifs de la capitale. Gitta Mallasz, fille d’un général catholique, se voit alors proposer le commandement d’un atelier de confection d’uniformes militaires pour assurer la protection d’une centaine de femmes juives. Celle-ci accepte à condition que ses amies, Hanna et Lili, puissent en faire partie (Joseph Kreutzer, quatrième du groupe et mari d’Hanna, vient d’être arrêté). L’imagination et le sang-froid de Gitta permettront à la fabrique de la Katalin de tenir 6 mois, jusqu’au 1er décembre 1944. Ce jour là, alors que l’Armée rouge approche, un groupe de nazis hongrois, les Croix fléchées, vient pour mettre fin à la mystification. Gitta Mallasz fait alors appel aux SS qui occupent une villa mitoyenne et qu’elle avait auparavant amadoués et convaincus de ménager un passage dans la clôture. Aussi incroyable que cela puisse paraître, ceux-ci vont favoriser l’évasion d’une centaine d’ouvrières au nez et à la barbe des Croix fléchées qui ne repartiront toutefois pas totalement bredouilles : Hanna et Lili ont librement décidé de rester et seront embarquées dès le lendemain dans le dernier convoi à quitter Budapest pour Ravensbrück, avec quelques autres femmes qui ne pouvaient pas ou n’osaient pas s’enfuir.
Un exploit au goût amer
N’ayant pas réussi à sauver ses amies, Gitta Mallasz ressentira toujours cet exploit comme un échec et refusera de connaître les détails de leur mort en déportation. Elle réservera même plus tard un accueil plus que froid à une de leurs compagnes de la Katalin, Eva Danos, arrêtée avec elles, mais revenue des camps. Elle révélera qu’Hanna et Lili ne sont pas mortes en camp, mais au cours d’un interminable transfert en wagons à bestiaux à travers l’Allemagne : 16 jours dans le froid du mois de février 1945, de Ravensbrück à Burgau, entassées avec 75 femmes affamées, les pieds dans les excréments. Après la libération de son camp par les Américains, Eva Danos se retrouvera en convalescence dans un ex-hôpital militaire allemand où un bénédictin lui recommandera d’écrire ce qu’elle avait vécu. Ce récit, initialement écrit en hongrois, vient seulement d’être traduit en français et publié par Albin Michel sous le titre Le Dernier convoi.
> Une présentation du livre Le Dernier convoi aura lieu le jeudi 2 février 2012 à 19h au Forum 104 (104 rue de Vaugirard, 75006 Paris), avec la participation de Françoise Maupin, traductrice du livre et amie de Gitta Mallasz, Marguerite Kardos, présidente d’Adda, Robert Hinshaw, éditeur des versions anglaises et allemandes et auteur d’une postface inédite sur la vie d’Eva Danos et Patrice Van Eersel, auteur le La Source blanche, l’étonnante histoire des Dialogues avec l’ange.
[1] Yad Vashem a reconnu Gitta Mallasz en juin 2011, mais la cérémonie officielle n´a eu lieu que le 13 mai 2012.