Président de l’association ACIDD (Communication et développement durable) et du Forum européen TIC21, Gilles Berhault vient de publier Développement durable 2.0 aux éditions de l’Aube.
– Face à un monde en crise et en perpétuelle mutation, vous nous donnez des raisons de préférer la confiance à l’angoisse. Pourtant, la méfiance envers les élites et les institutions s’accroît.
– Nous basculons d’un monde apparemment logique, maîtrisé, vers un monde incertain, complexe, systémique. Nous avons du mal à comprendre ce mouvement permanent. Les modes de gouvernance actuels nous paraissent dépassés. On ne peut plus attendre six ans entre deux élections pour donner son avis. De même, nous ne voulons plus laisser le médecin intervenir sur nos corps sans exprimer notre sentiment. Nous voulons de plus en plus participer à l’élaboration des décisions qui nous concernent. Et ceci, dans de nombreux domaines.
Cette montée de la liberté individuelle doit s’accompagner d’une augmentation du niveau culturel de chacun. D’où la nécessité d’un renforcement de l’approche collaborative, approche que peuvent faciliter les nouvelles technologies de l’information et de la communication (TIC). Pour moi, la priorité est donc l’éducation, l’apprentissage, et en premier lieu l’apprentissage collaboratif (et non compétitif). Les salles informatiques devraient disparaître dans les écoles après que les ordinateurs auront été introduits dans chaque classe…
– La raréfaction des ressources naturelles et les pollutions assignent des limites à nos modes de vie. Vous dites que les TIC peuvent nous aider à évoluer.
– D’une certaine façon, nous avons de la chance : pour la première fois, tous les hommes ont un ennemi commun, le changement climatique ! Il nous faut réfléchir à une meilleure gestion des ressources, économiser chaque électron d’énergie. Les TIC permettent de reconsidérer notre gestion du territoire, la localisation de nos activités, notre mobilité, la fabrication de nos bâtiments, etc. Nous devrons de plus en plus rompre avec la propriété, par exemple avec la propriété des véhicules. Les TIC ont permis le Vélib’, elles facilitent le covoiturage, l’autopartage. Nos anciens fantasmes deviennent possibles. La propriété, c’est très lourd : beaucoup de frais, de soucis, etc. Allégeons nos vies ! Marx ne disait-il pas que ses idées pourront être mises en œuvre le jour où le capital serait menacé sur ses fondements. N’est-ce pas le cas aujourd’hui ? (rires)
– Dans votre livre, vous employez plusieurs fois le mot « réconciliation » avec la nature, avec les autres, avec nous-mêmes.
– Parlant de protection de l’environnement, nous n’avions pas bien intégré que nous faisions nous-mêmes partie de la biodiversité ! Le développement durable, ça se vit aussi avec son corps. Quand on se sent dans un environnement naturel, on peut mieux le comprendre, l’aimer. Et aimer aussi son corps dans cet environnement. Trop souvent, les gens ne s’aiment pas et n’aiment donc pas l’environnement. Le travail physique, le chant, le rythme, la relation spatiale à l’autre doivent être redécouverts.
Bientôt les TIC produiront des images en relief : on sera dans des espaces en 3 D. Les vidéoconférences en volume induiront une autre relation à l’espace. Mettons-nous en résonnance et nous pourrons faire bouger beaucoup de choses…
S´il est bien un exercice salutaire, c´est de faire l´inventaire de tous les esclaves électro-mécaniques dont nous nous sommes entourés : appareils élecroménagers, d´électrobricolage, audiocomputovideo, de jardinage, de toilettage, de transportage … avec leur poids d´encombrement, de bruit, de consommations d´énergie, de piles, de pannes, de déchets, d´accidents …
Oui, allégeons nous ! Beaucoup ne valent pas le risque de faire couler la planète et nous avec.