Laurent Villerouge, créateur d´une technologie qui récupère l´énergie via la marche des passants, jette l´éponge en France. Il a signé avec les États-Unis pour développer ses dalles et trottoirs innovants. Sa mésaventure souligne le désintérêt de la France pour la recherche sur les énergies alternatives.
Installation des plaques sur un trottoir. L´énergie récupérée servira à l´éclairage de la rue. Photo : Philippe Lejeaille. |
Cela faisait des mois et des mois que la jeune entreprise Viha Concept tentait d´intéresser des investisseurs à son projet de domotique urbaine : récupérer l´énergie des passants ou des voitures à travers des dalles pour la transformer en éclairage local. Une idée lumineuse, qui n´a pas manqué d´enthousiasmer tout le monde : le ministère de l’écologie, des collectivités, des filiales de gros groupes français, la presse aussi…
Laurent Villerouge, Pdg de Viha Concept. |
Mais voilà : « Il ne nous a pas fallu plus de quatre heures pour convaincre les Américains et signer un accord de confidentialité, alors qu´ici on n´attend toujours une réponse sur une éventuelle possibilité », lance, dépité, Laurent Villerouge, le dirigeant de Viha Concept.
Le développement de Viha Concept s´inscrit dans l´« Energy harvesting » (moisson d´énergie), secteur de recherche permettant d´exploiter des sources d´énergie faibles, diffuses, présentes partout, et essentiellement gratuites. « Le but de ces techniques est d´économiser l´énergie, mais seulement de façon accessoire : les niveaux absolus mis en jeu ne sont de toutes façons pas énormes. Le motif principal est de se libérer de toute source d´énergie » (source Futura-sciences). Dans le cas des dalles de Viha Concept, le produit ne marche que s´il est installé sur un lieu très passant.
Comment la France a-t-elle pu laisser filer cette technologie alternative ? Les applications et perspectives d´économies sont pourtant nombreuses : « On peut installer le produit dans tous les endroits où il y a du passage : péage d´autoroute, gares, parkings, trottoirs des centres-villes, aéroports. La dalle Viha Concept fonctionne avec le poids des pas ou d´une roue (voir cette vidéo d´un prototype installé à Toulouse, ndlr). Au passage de ce poids, la dalle s´affaisse de quelques millimètres et convertit l´énergie cinétique en énergie électrique grâce à un générateur électromagnétique. Un piéton peut produire 10 Ws (watt.seconde), une roue de voiture circulant à 10 Km/h, 60 Ws, détaille Laurent Villerouge, détenteur de plusieurs brevets pour des applications variées, aussi bien pour les particuliers que pour les entreprises.
« Les retours se font attendre »
Au passage d´un poids, la dalle s´affaisse de quelques millimètres et convertit l´énergie cinétique en énergie électrique. Photo : Philippe Lejeaille. |
Par exemple, 50 dalles et 3 600 personnes qui marchent dessus donnent 500 Wh, soit 10 heures d´éclairage pour un réverbère à leds de 50 W. 20 dalles routières et 1000 voitures qui roulent dessus, donnent 666 Wh.
« A raison de 100 € la dalle, on peut arriver à concurrencer le prix habituel de l´installation d´une rangée de réverbères branché sur le réseau. Creuser des tranchées est finalement très coûteux, environ 200 euros le mètre linéaire, sans compter le prix de l´enrobé ou le parement piéton. A cela s’ajoute la consommation électrique et l’entretien du réseau. L´avantage du système Viha Concept est que le parement est inclus avec le générateur et qu´en cas de problème de réseau (canalisation qui casse par exemple ou remplacement de conduite) il suffit de déposer la dalle sur le côté pendant les travaux puis de la réinstaller tout simplement après l´intervention ».
L´idée de récupérer une onde de choc peut aussi s´appliquer aux portières des voitures (pour alimenter le plafonnier par exemple) ou aux lave-linge dans la phase d´essorage (pour chauffer l´eau du prochain cycle). Bref, autant de possibilités que Viha Concept a présenté à beaucoup, beaucoup de gens potentiellement intéressés pour financer le développement industriel, la dernière phase avant la commercialisation du produit.
« La viabilité du système, à son stade de développement, restait problématique »
« Cette étape est indispensable pour faire évoluer le produit en terme de rendement et de compétitivité, explique Laurent Villerouge. « Au début, l´accueil est toujours encourageant, on sent les personnes emballées, mais par la suite les retours se font attendre. Il faut sans cesse revenir à la charge, passer de services en services, justifier le caractère innovant du produit. Nous avons ainsi été reçus par des département de recherche développement de filiales de Véolia et de Bouygues, nous avons présenté le projet à la Commission européenne en avril 2011, nous avons participé à des opérations d´investissement public comme “Ville de demain”, nous avons même eu des contacts rapprochés avec le ministère de l’écologie. Là-bas, ou bien notre dossier s´était égaré ou bien la personne chargée du suivi ne travaillait plus dans le service », raconte Laurent Villerouge.
Contactée par Ouvertures, la filiale concernée de Bouygues explique : « Faire aboutir ce type de dossier prend du temps dans une grande boutique, relate la personne qui a reçu la requête de Laurent Villerouge… Il m´a semblé que la viabilité du système, à son stade de développement, restait problématique car l´énergie fournie n´est pas forcément à la hauteur de l´énergie demandée par un éclairage public. L´énergie générée est par ailleurs essentiellement fournie le jour, ce qui nécessite des batteries dont l´impact environnemental ne s´inscrit pas dans le développement durable. Il n´est toutefois pas exclu que ce produit puisse à terme résoudre ces contraintes ».
Fin de l’aventure en France
A force d´épuiser son énergie, Laurent Villerouge décide donc d´aller faire un tour aux États-Unis, à l´université de New York et au MIT de Boston. « L´accueil a été radicalement différent. Le suivi immédiat. Finalement, c´est l´université de New York qui s´est engagée sur la finalisation de la partie recherche & développement et une entreprise américaine pour le rachat du brevet. Très vite, l’université nous a mis en contact avec une société privée susceptible d´exploiter la licence ».
Finie donc l´aventure en France ? « Je considère que l´affaire est définitivement réglée ici. Il y a tellement d´inertie, aussi bien dans les administrations que dans les grandes entreprises, que cela m´a passé l´envie de progresser dans notre pays. Nous ne sommes pas les seuls à proposer de l´innovation verte et à rencontrer ce type de mur… Je ne sais pas si c´est de l´immobilisme, de la résistance psychologique, de la frilosité ou une volonté de nous épuiser pour mieux récupérer l´idée, mais quoiqu´il en soit, ne pas avoir réussi à percer en France reste incroyable! »
” Creuser des tranchées est finalement très coûteux, environ 200 euros le mètre linéaire, sans compter le prix de l´enrobé ou le parement piéton.”
Un prix linéaire de tranchée y compris les fourreaux le câbles et l´enrobé est plutôt, actuellement autour de 80€ TTC.
Les calculs de retour sur l´investissement sont essentiels pour juger de remplacer une technologie par une autre, alors évitons de dire des bétises.
Sinon je suis tout à fait d´accord avec l´approche de ce M. de vouloir éviter de mettre autant d´argent dans l´enfouissement des réseaux.
Il devrait être plus clair dans cet article que le produit, tel qu´il est présenté, n´est pas séduisant. Qui va entretenir ces dalles ? Qui va payer les batteries pur stocker la bien faible énergie générée ? Sans compter que de toutes façons on creusera toujours des tranchés le long des rues, pour faire passer l´eau, les eaux usées, les réseaux télécoms donc leur coût est en grande partie à mutualiser sur tous ces services et non sur seulement celui de l´éclairage public.
Mais ce constat évident fait, on a effectivement deux approches.
Des gens pas plus bêtes que les Français disent : ça vaut le coup de risquer de prendre du temps et de l´argent sur cette idée, on verra si on arrive à en sortir un truc intéressant dans 5 ans. Peut-être pas des dalles piétonnes mais peut-être des portes, ou autre.
Et d´autres qui disent qu´ils ne veulent pas prendre le risque.
Bonjour,
Etudiant en Licence de Commerce, je m’intéresse fortement aux dalles cinétiques.
En effet, dans le cadre d’un projet tuteuré, je souhaiterai établir une étude de marchés portant sur « les dalles cinétiques dans les Drives ou Parkings Souterrains ».
Pour ce faire, j’aimerai obtenir un maximum d’informations sur cette technologie (Fiches produits, coûts d’installation, avis journalistiques,…).
En espérant un quelconque retour de votre part, je vous prie d’agréer mes sincères salutations.
Merci de votre aide !
Maxime.
Nous sommes dans le même cas que vous, mais dans le cadre du TPE. Nous trouvons aucune informations et aimerions en savoir plus. Si vous avez trouvez des informations, pouvez vous nous les faire passer?
Merci de votre aide!
Toute L’équipe.