Démocratie

Elections présidentielles : faut-il changer de méthode de vote ?

Personne n’a contesté l’élection de François Hollande à la présidence de la République, pas même François Bayrou. Il avait pourtant de bonnes raisons de le faire, car les sondages le donnaient vainqueur de tous ses adversaires au second tour s’il passait le barrage du premier. N’aurait-il pas gagné avec un mode de scrutin différent ?

Quel président devait sortir des urnes ? F. Hollande ou F. Bayrou ?
Crédits photo : idf-photos et pierremeunie

Des citoyens et des chercheurs ont mis à profit les élections présidentielles françaises d’avril-mai 2012 pour tester d’autres méthodes de vote. Ils ont fait appel à des volontaires qui se sont exprimés par Internet peu avant les élections. Deux expériences indépendantes ont rencontré un franc succès, avec chacune 11500 électeurs dans leur bureau de vote virtuel.

Le vote de valeur : rassembler au lieu de diviser

Bulletin de vote de valeur

Bulletin de vote de valeur

Insatisfaite du système actuel, l’association Citoyens pour le vote de valeur promeut une méthode qui permet à l’électeur d’exprimer de manière nuancée son opinion sur tous les candidats, au lieu d’être contraint de n’en choisir qu’un. Dans le vote de valeur, l’électeur est invité à noter tous les candidats sur une échelle de -2  (très hostile) à +2 (très favorable). Au dépouillement, le candidat qui obtient le plus de points est élu en un seul tour.

Parmi les 7 avantages du vote de valeur identifiés par l’association, on trouve le fait qu’il favorise la cohésion nationale : les rejets comptent autant que les soutiens, un candidat de clivage est battu par un candidat soutenu moins fortement mais par plus d´électeurs. A noter également, la disparition du vote utile (je préfère A, mais je vote B par peur que C soit élu), frustrant pour l’électeur.

Une fois le test terminé, ses organisateurs ont recalé les résultats avec les « vraies élections » pour éliminer le biais de l’échantillon [1]. Et surprise, ce n’est pas François Hollande qui sort vainqueur de cette élection parallèle, mais François Bayrou, avec une note moyenne de 0,25, contre 0,05 – juste la moyenne – à l’autre François. On trouve ensuite, dans un mouchoir de poche, Mélenchon, Sarkozy et Joly, avec des notes de – 0,3 à – 0,4. Quant à Poutou, Arthaud, Le Pen et Cheminade, ils sont franchement rejetés avec des notes autour de -1.

Si Hollande perd cette élection virtuelle, c’est en raison d´un nombre trois fois supérieur de francs rejets (-2) par rapport à Bayrou, malgré près du double de francs soutiens (+2).

Moyenne des notes attribuées par les électeurs à chaque candidat dans ce vote de valeur à un seul tour. C´est François Bayrou qui est élu.

Dans son bilan de l´expérimentation, l’association constate avec satisfaction que l´écrasante majorité des électeurs s´exprime de manière nuancée, en utilisant des notes intermédiaires ou en soutenant plusieurs candidats à la fois. Elle regrette toutefois d’avoir employé le terme “indifférent” (associé à la valeur zéro), trop ambigu, qui pouvait être interprété comme un vote blanc.

Quelle méthode choisir ?

Un autre collectif rassemblant des chercheurs Français et Québécois a testé deux autres méthodes de vote. L’une, au dépouillement particulièrement compliqué, le vote alternatif, consiste à classer les candidats par ordre de préférence. L’autre, le vote par approbation, consiste pour l’électeur à cocher le (ou les) candidats qu’il approuve. Contrairement au vote de valeur, ces deux méthodes n’auraient pas changé la donne et auraient désigné François Hollande. Il aurait gagné devant Nicolas Sarkozy dans l´une, devant François Bayrou dans l´autre (résultats détaillés).

>> Ces expériences sont intéressantes à plus d’un titre. D’abord, elles montrent à quel point le mode de scrutin peut influer sur le résultat des élections. Ensuite, elles font connaître des alternatives au scrutin uninominal à deux tours dont les déficiences ne sont plus à démontrer. Enfin, elles testent la manière dont les électeurs perçoivent et utilisent ces nouveaux modes d´expression électorale.

Il ne faut toutefois pas perdre de vue qu’elles gardent un caractère artificiel dans la mesure où une élection, c’est tout un écosystème – les candidatures, les primaires, les alliances, les programmes… – qui s’organise en fonction de la méthode retenue. D’autre part, ces élections virtuelles n’ont pas été accompagnées de sondages comme dans les vraies, tout au moins de sondages effectués selon les modes de scrutin testés.

[1] Les organisateurs avaient pris soin de faire également voter les volontaires selon le mode de scrutin en vigueur, afin de pouvoir redresser l´échantillon par rapport à l´ensemble des votes réellement exprimés le 22 avril.

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1 commentaire pour cet article

  1. Il est assez intéressant de constater que la plupart des articles de ce webzone utilisent la technique, peut-être irréfléchie ou inconsciente, du clivage journalistique, caractéristique d´une pensée dualiste et conflictuelle: le pour et le contre, la création d´opposés, la mise en avant ou la défense du communautarisme, le positionnement ou la publicité implicite, etc… Une ligne éditoriale bien affirmée, donc. Simple remarque d´un lecteur passager.