« Je vais vous raconter une anecdote très rapide. Un jour dans une émission comme ça d’arnaque (12 mai 2000) un petit artisan à peine, il nous dit : j’ai inventé un brevet pour éteindre les puits de pétrole et je me le suis fait piquer. On enregistre sans en parler à personne. Dans la nuit la boîte de prod est dévalisée sans que l’alarme sonne. Et le lendemain, on retrouve des dossiers partout par terre, il en manque un, celui-là, aucun autre, donc voilà ! »
Ce que Julien Courbet ne précise pas dans l’émission de Thierry Ardisson “Salut les Terriens !” sur Canal +, c’est que son émission à lui avait été annulée par TF1, la chaîne qui l’avait financée et devait la diffuser…
Rappel des faits : à la fin de la guerre du Golfe, en 1991, les puits de pétrole du Koweït sont incendiés par l’occupant irakien en fuite. Grâce, vraisemblablement, au procédé d’un inventeur franco-libanais, ces puits sont soufflés beaucoup plus rapidement que par les procédés connus. En contrepartie du temps et du pétrole épargnés, le Koweït verse 23 milliards de dollars aux opérateurs.
Gilbert Collard : « Ce serait la plus grosse escroquerie du siècle »
L’inventeur du procédé, Joseph Ferrayé, et l’un de ses collaborateurs d’alors, le comptable Christian Basano, ne verront cependant pas une miette de ce trésor de guerre. Qui n’a pas été perdu pour tout le monde sans que l’on sache aujourd’hui qui en a bénéficié…
En 2000, Julien Courbet, alors animateur de l’émission “Sans aucun doute” sur TF1, prévoit de présenter toute l’affaire après avoir fait faire une enquête par le journaliste d’investigation Bernard Nicolas. Il annonce : « C’est une affaire qui pourrait remonter très très haut ».
Me Gilbert Collard, alors avocat de Joseph Ferrayé, présent sur le plateau de “Sans aucun doute”, s’exclame : « Ce serait la plus grosse escroquerie du siècle sur fond de politique et de guerre du Golfe ! – la plus grande escroquerie du siècle, escroquerie incroyable, enjeu colossal ; on ne joue plus avec des rigolos, on joue avec de vrais tueurs, des hommes prêts à tout sous prétexte qu’un Etat a des intérêts qui sont relayés par d’autres Etats ».
Yves Bertrand, ancien directeur des Renseignements généraux, dans son livre “Je ne sais rien mais je dirai (presque) tout”, paru en 2007 : « Nous sommes confrontés typiquement à un fond de vérité gravissime qui, faute d’avoir été examiné sérieusement en temps voulu, risque bien d’être enseveli ».
Où l’on parle encore de DSK
Mais les noms d’hommes politiques, notamment celui de Dominique Strauss-Kahn, alors ministre de l’industrie, ayant été évoqués, TF1 déprogramme l’émission.
En février 2002, dans son Rapport Omerta 2, Sophie Coignard interroge Bernard Nicolas : « Vous avez déjà été victime de censure dans l’exercice de votre métier ? » Réponse de l’intéressé : « Plusieurs fois. Dès lors qu’il était question de personnages politiques de premier plan, les ennuis commençaient à TF1. Une fois, j’avais fait un reportage sur une histoire politico-financière compliquée qui devait passer dans l’émission de Julien Courbet “Sans aucun doute”. Dans la journée, une autopublicité annonce le thème de mon enquête. La direction de TF1 s’inquiète : cette affaire peut-elle être gênante pour Dominique Strauss-Khan ? J’étais interloqué : rien n’indiquait dans mon enquête que DSK fût mêlé en quoi que ce soit à cette affaire. Soit on se trompait en haut lieu, soit on en savait plus long que moi… Les téléspectateurs qui ont vu la bande-annonce n’ont jamais vu la suite ».A l’époque, Anne Sinclair était directrice adjointe de l’information sur TF1 et l’épouse de DSK. Aujourd’hui, l’émission déprogrammée se trouve sur Internet (Youtube).
Quelques jours après cette “non-émission”, le mensuel Entrevue a publié un article disant que le reportage avait été « censuré ». Le magazine reproduisait des images du reportage sur le Koweït. Julien Courbet et le producteur de l’émission Gérard Louvin avaient alors porté plainte pour le vol présumé de la cassette de montage qui a servi à l’article d’Entrevue. Plainte qui s’était conclue par un non lieu.
Christian Basano, le comptable floué, a multiplié les actions de justice pour tenter de faire valoir ses droits. En vain jusqu’à ce jour. À sa demande, son avocat Emmanuel Ludot, a assigné l’État du Koweït le 7 décembre 2011 devant le Tribunal de grande instance de Paris. Son autre avocat Dominique Kounkou, en septembre 2010, avait déjà assigné l´Etat français et son ministre de l´économie de l´époque (1991), Dominique Strauss-Kahn.
Affaires toujours en cours…
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