La Cour des comptes a publié son analyse du Plan cancer français, qui a donné naissance à l’Institut national du cancer (INCa). Les moyens et les méthodes ne sont pas à la hauteur de l’adversaire qui tue toujours près de 150 000 personnes par an.
Malgré de notables progrès, notamment thérapeutiques, près de 150 000 personnes(1) sont toujours terrassées chaque année en France par cette maladie. Plus d´un Français sur deux et plus d´une Française sur trois sont ou seront atteints d´un cancer. Quelque 1,5 million de patients sont pris en charge, et l´on compte environ 320 000 nouveaux cas par an. Les hommes français ont le taux de décès par cancer le plus élevé des pays de l’Union européenne. C´est devenu la première cause de mortalité, devant les maladies cardiovasculaires. En 25 ans (1980-2005), l’incidence du cancer a quasiment doublé chez l’homme (+93%) et fortement augmenté chez la femme (+84%).
La Cour des comptes a publié en juin 2008 son rapport consacré à la mise en œuvre du Plan Cancer dans la période 2003-2007 lancé par Jacques Chirac(2).
Si la première « déclaration de guerre mondiale contre le cancer » date de 1906, à la conférence internationale de Heidelberg et Francfort, cent ans plus tard, la guerre continue et le nombre des victimes s’accumule. Ce qui n’empêcha pas l’initiateur du plan d’exprimer devant la presse, en mars 2007, sa « fierté d´avoir contribué à avoir fait avancer ce magnifique combat pour la vie »…
Certes, des « progrès importants » ont été réalisés, par exemple dans les domaines de la prévention, des droits des malades et de la recherche. Plus de 200 projets ont été financés et plus de 700 équipes de chercheurs sont actuellement au travail. Un peu plus d’une personne sur deux survit après traitement après cinq ans. Mais force est de reconnaître que les « défis » qui restent à affronter sont plus « immenses » que les progrès réalisés. Ni la société ni les pouvoirs publics n’ont réellement pris la mesure de cette tragédie qui engouffre des milliards d’euros. Sur les 140 milliards d’euros de dépenses annuelles de Sécurité sociale, 14 milliards d’euros (10 %) sont consacrés au cancer en coût direct et 17 milliards d’euros en coût indirect (coût potentiel des années de vie perdues).
Vivre avec ou combattre le cancer ?
Achevé à la fin de l´année 2007, le Plan Cancer – dont un tiers des mesures seulement a été réalisé et un autre tiers en partie seulement ou inégalement – n´a pas de successeur. Cependant, plusieurs dispositions du plan « sont appelées à être pérennisées ou à porter leurs fruits au-delà de cette date ». L´INCa, dont la mise en place (chaotique) a été présentée comme une « mesure phare » du plan, doit poursuivre un certain nombre d´actions.
Il est malheureusement à craindre, au vu des défaillances pointées par la Cour des comptes dans la politique nationale de lutte contre le cancer, que le “crabe” ait encore de beaux jours devant lui.
Parmi les reproches exprimés par les magistrats de l’institution : les dépenses réelles ne sont pas connues ; la faiblesse des indicateurs et des tableaux de bord empêche de mesurer l’apport précis du plan (« ce qui interdit de fait une connaissance véritable de la qualité des soins actuellement dispensés aux patients ») ; l’INCa [pourtant chargé de la coordination des actions dans ce domaine] n’a toujours pas de contrat avec l’État ; le peu de transparence des comptes de l’INCa envers le grand public et les professionnels ; l’absence d’un dispositif de suivi et d’évaluation du plan ; l’absence d’un système de surveillance des cancers professionnels (« L’État n’a pas tiré les leçons de l’amiante ») ; la faiblesse des registres du cancer (qui empêche une bonne connaissance de la réalité) ; l’infime part accordée à la prévention (malgré le fait que le cancer soit connu comme maladie fortement évitable, l’essentiel de l’effort est porté sur le traitement et la recherche) ; le gaspillage de la ligne téléphonique “Cancer info service” (10 M€ en trois ans) ; l’inefficacité du plan face à l’alcool ; etc.
Ne serait-il pas temps de réfléchir plus en profondeur sur les modalités et les objectifs de cette politique qui sert en fait, essentiellement, à aider à vivre mieux avec le cancer (avec des avancées réelles en terme de thérapie et d’accompagnement) qu’à le combattre ?
Un Comité éthique et cancer Le19 septembre 2008, le comité éthique et cancer, composé de 40 permanents, personnalités reconnues dans leur discipline pouvant être saisies à tout moment, a vu le jour. Il peut être saisi par toute personne et sur toute question légitime soulevant une problématique éthique concernant le cancer. Ce comité a un rôle consultatif et se réunit chaque trimestre. Il peut être saisi par voie postale (Ligue contre le cancer, question éthique, 14 rue Corvisart, 75013 Paris) ou par internet (ethique@ligue-cancer.net). |
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(1) 146 469 décès attribués aux tumeurs malignes en France en 2005 (Inserm).
(2) Le contrôle de la Cour a porté la gestion du plan et le degré de réalisation des objectifs qui étaient fixés au plan. Il n´a pas inclus une évaluation de l´efficacité du plan en termes d´impact médical et scientifique, que la Cour n´était pas habilitée à réaliser.