Le nouveau vaccin contre le cancer du col de l'utérus est vanté par de nombreux professionnels de par le monde. Pourtant, çà et là, des interrogations et des inquiétudes se sont exprimées face au manque de recul sur l'efficacité réelle et l'innocuité de ce vaccin. Ouvertures apporte – sans trancher – des éléments pour faciliter votre réflexion.
Le cancer du col de l’utérus tue chaque année de 900 à 1 000 femmes en France (400 au Canada, environ 230 en Belgique, 15 000 en Europe, 240 000 dans le monde). Le Gardasil, commercialisé par les laboratoires Sanofi Pasteur MSD et Merck, offre, selon leurs fabricants, l’espoir de voir disparaître ou du moins fortement diminuer ce type de cancer parmi les plus fréquents chez la femme. A l’origine de la maladie, des virus sexuellement transmissibles, les papillomavirus, dont certains seulement (les papillomavirus de type 6, 11, 16, 18) pourront être empêchés par ce nouveau vaccin, soit près de 70 % des cas d’infection.
Les virus du papillome humain (HPV) sont des virus courants sexuellement transmissibles par les muqueuses. Dans la grande majorité des cas, ces virus sont naturellement éliminés par le corps ou provoquent des infections bénignes. Mais l’infection se transforme parfois en lésions précancéreuses qui peuvent évoluer en cancer du col de l’utérus.
370 000 jeunes filles concernées
Le Gardasil concerne les jeunes filles de 14 ans (370 000 par an en France) et les jeunes femmes âgées de 15 à 23 ans qui n’ont pas eu de rapports sexuels ou au plus tard dans l’année suivant le début de leur vie sexuelle. En effet, les futures vaccinées doivent être vierges ou avoir démarré leur vie sexuelle depuis moins d’un an, puisque le seul moyen pour que le vaccin soit efficace, c’est de vacciner avant l’exposition au virus.
En Europe, l’Allemagne, l’Autriche, le Danemark, l’Espagne, la France, l’Italie, le Luxembourg, la Norvège et la Suisse recommandent la vaccination des jeunes filles contre le HPV. En France et en Belgique, le Gardasil est pris en charge par le systèmes de sécurité sociale.
Selon Roselyne Bachelot-Narquin, ministre française de la santé, de la jeunesse et des sports, «le Gardasil est un produit nouveau, efficace et coûteux (135 euros par dose, trois doses nécessaires) dont la prise en charge par la collectivité est indispensable pour assurer que les femmes aient accès à cette prévention». Son remboursement pourrait atteindre 100 millions d’euros par an. La ministre précise que ce vaccin «ne protège pas de toutes les souches de virus. Il est rappelé à toutes les femmes qu’un suivi clinique régulier par leur médecin et qu’un dépistage par frottis vaginal restent indispensables». De son côté, l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) a mis en place un plan national de gestion des risques pour détecter et étudier tout signalement d’effets indésirables nouveaux dans les conditions réelles d’utilisation de ce nouveau vaccin.
Efficace à 100 % ?
Souvent présenté pour être efficace à 100 % dans les publicités et articles de promotion, le Gardasil serait même utile pour lutter contre d'autres infections génitales: il permettrait de «prévenir 100% des lésions précancéreuses de la vulve et celles du vagin associées aux Papillomavirus Humains de types 16 ou 18» (communiqué Sanofi du 7 février 2007). Le vaccin devrait générer un chiffre d’affaires annuel de 0,5 à 1 milliard d’euros (145,94 € la dose, 3 étant nécessaires à la vaccination). Depuis 2006, date de sa première autorisation de mise sur le marché, le Gardasil a reçu une autorisation de mise sur le marché dans 85 pays (plus de 13 millions de doses distribuées dans le monde à la fin novembre 2007). Le nouveau vaccin est donc souvent présenté avec tous les atours d’un médicament-miracle, le mot étant même parfois prononcé.
Des moratoires demandés
Or, dans certains pays, le Gardasil fait débat. Aux États-Unis, au moins 30 États débattent actuellement de la pertinence de vacciner les femmes contre le VPH. L'ONG Judicial Watch signale une vingtaine de décès suspects liés à ce vaccin. Au Québec, le Réseau québécois d’action pour la santé des femmes (RQASF) et le Regroupement des maisons de jeunes du Québec (RMJQ) demandent un moratoire sur la campagne de vaccination contre le VPH annoncée en septembre dernier par le gouvernement : « Nous ne disposons pas suffisamment de données concluantes sur sa durée et son efficacité particulièrement chez les adolescentes, groupe ciblé pour cette campagne ».
Fin août 2007, le Journal de l'Association Médicale Canadienne (CMAJ) évoque la nécessité d'évaluer «les données scientifiques (moléculaires, épidémiologiques, immunologiques) et sociales qui ont trait aux vaccins contre le VPH [ainsi que] les avantages et les préjudices possibles qui pourraient découler d’une immunisation généralisée au moyen du vaccin contre le VPH avant que les gouvernements affectent à de tels programmes des sommes énormes tirées des enveloppes budgétaires déjà limitées des soins de santé. Le moment est venu de faire une pause, de réfléchir sur ce que nous savons et ne savons pas, et d’élaborer un plan fondé sur des données fiables et solides qui ajoutent de la valeur pour tous. Les jeunes filles et les femmes individuellement, ainsi que les décideurs, pourront prendre des décisions vraiment éclairées sur la vaccination seulement lorsqu’ils auront toutes les données probantes. Aujourd’hui, il y a plus de questions que de réponses».
En Espagne, comme le rapporte un article du site de Formindep (qui milite "Pour une formation et une information médicales indépendantes au service des seuls professionnels de santé et patients"), le directeur du Journal of Epidemiology and Community Health, professeur de santé publique de l’Université d’Alicante, spécialiste des vaccins, a appelé à une mobilisation civique au nom de la «défense du bien public». Plus de 3000 médecins ont signé une pétition demandant également un moratoire sur l’utilisation du Gardasil. Appuyés par la Fédération des associations de défense de la santé publique, ils ont exprimé leurs réticences face au vaccin, dénonçant «une campagne marketing très agressive qui fait passer la publicité d’un produit à vendre pour de l’information en santé publique et crée des besoins thérapeutiques basés non sur des preuves médicales mais sur la peur d’une souffrance hypothétique».
Voir également : "Gardasil: efficacité surévaluée par Merck – Sanofi. Analyse d'Arznei-Telegramm".
Deux procès sanitaires en cours Quatorze ans après la campagne nationale de vaccination contre l'hépatite B, les responsables de deux laboratoires ayant mis au point le vaccin (GlaxoSmithKline, et Sanofi Pasteur) ont été mis en examen fin janvier pour "tromperie aggravée". Plus de vingt millions de Français (le tiers de la population) ont été vaccinés entre 1994 et 1998 contre le virus de l'hépatite B, maladie à l'origine de cirrhoses ou de cancer du foie. 1 300 d'entre eux ont subi des effets secondaires neurologiques, dont un millier de scléroses en plaques, selon certaines estimations.
Les plaintes pénales sont instruites par la juge d'instruction Marie-Odile Berthela-Geffroy, la même qui a enquêté pour le procès du scandale de l'hormone de croissance, qui vient d'ouvrir devant le tribunal correctionnel de Paris. Sept médecins devront s'expliquer sur leur responsabilité dans ce drame qui s'est soldé par la mort, à ce jour, de 110 jeunes victimes. Il leur est reproché une accumulation de fautes et de négligences dans la collecte des hypophyses sur des cadavres humains puis leur transformation en hormones de croissance. |
Pour se faire son idée
Pour permettre à nos lecteurs de se faire eux-mêmes leur idée, nous avons sélectionné deux sources d’informations contradictoires qui éclairent de façon assez complète la problématique.
– Dans le premier, la Fédération du Québec pour la planification des naissances (FQPN) expose les objectifs du Gardasil et ses enjeux, avec les arguments pour et contre, etc. La FQPN s’inquiète surtout du fait que le vaccin est recommandé par le gouvernement pour les jeunes filles à partir de 9 ans, ce qui n’est pas le cas en France. Mais le contenu du dossier est instructif par les différents aspects qu’il aborde, y compris l’aspect des “intérêts économiques”.
– L’autre site publie une réponse détaillée de Merck Frosst à un article critique publié en première page du numéro du 27 août 2007 de Maclean’s.
Il serait souhaitable que les données de vaccinovigilance soient enfin publiées intégralement et que la question de l'utilité de ce vaccin soit débattue de façon plus transparente.