La Constitution du Bénin stipule qu’il est un Etat laïc. Mis à part cet aspect juridique, les différentes religions, traditionnelles ou plus récentes, entretiennent des relations pacifiques. Et ne posent pas de “problème” particulier…
Mosquée Zongo à Cotonou. Photo : B. H. |
Le Bénin est une ancienne colonie de la France. Le principe de la laïcité tel qu’indiqué dans la constitution béninoise s’apparente plus à un legs colonial qu’à autre chose. Car, la loi fondamentale actuellement en vigueur dispose en son article 35 que le président de la République, avant son entrée en fonction, prête un serment au cours duquel il doit déclarer notamment « devant Dieu, les mânes des ancêtres, la nation et devant le peuple béninois, seul détenteur de la souveraineté ».
Cette disposition constitutionnelle vient donc quelque peu contredire l’article 2 de cette même loi fondamentale qui indique que « la République du Bénin est (…) laïque ». Et selon l’article 156 de cette même loi fondamentale, « la forme républicaine et la laïcité de l’Etat ne peuvent faire l’objet d’une révision ». Au vu des 3 articles précités, les dispositions des articles 2 et 35 sont contradictoires. Aucune loi, ne vient compléter ces articles de la Constitution relative à la laïcité.
D’une certaine manière, les réalités socioculturelles du pays, notamment celles relatives à la religion, ont pris le pas sur l’idée de base de la laïcité. De ce fait, les autorités, à divers niveaux du pays dans leurs discours officiels et autres interventions publiques, font régulièrement référence à Dieu. L’une des conséquences est que la religion n’appartient pas uniquement à la sphère privée, car les pratiques religieuses ou la croyance en un être suprême sont un fait tangible et profondément ancré dans la vie du pays.
Seulement 441.628 béninois déclaraient en 2002 n’avoir aucune religion, sur une population estimée à 6.769.914 habitants. Selon d’autres données remontant à la même époque, les religions chrétiennes, l’islam et les religions traditionnelles représentaient respectivement 42.7%, 24.4 % et 23.3% de la population.
Salles de cinéma transformées en lieux de culte
Au Bénin, il est courant de voir une mosquée construite entre deux maisons, ou une église installée dans une habitation qui a été louée afin de servir lors de la célébration de la messe. A Cotonou, la capitale économique du pays, les salles de cinéma sont se transformées au fil des années en lieux de culte les dimanches. Dans les services et lieux publics, les messages à connotation religieuse font partie du décor, de même que les signes distinctifs portés par telle ou telle personne afin d’affirmer clairement sa conviction religieuse. Chaque année, plusieurs journées sont fériées à l’occasion des différentes fêtes religieuses afin de permettre aux fidèles de toutes les religions de célébrer ces réjouissances.
Dans l’éducation nationale, les établissements scolaires confessionnels côtoient ceux gérés par l’Etat. Fondé en 1951, le complexe scolaire protestant de Cotonou accueille des élèves de toutes les confessions religieuses, nous confie Gabriel Ganhoutodé, l’un de ses directeurs. Il ajoute que « les élèves reçoivent une éthique confessionnelle devant les former sur le plan académique, afin d’en faire des hommes complets, harmonieux et capables de respecter les lois. »
Il déclare également qu’il y a « un cours d’éducation religieuse civique (Erc), suivi par tous les élèves. C’est une synthèse qui présente toutes les formes de religions. Je suis très heureux de voir des musulmans aller au temple avec nous et réciter le Notre Père, une prière chrétienne. Le musulman peut se reconnaître à travers les paroles de la dite prière ». Il ne nie pas quelques accrocs, mais affirme que « leurs élèves non protestants peuvent s’abstenir d’aller au temple s’ils le veulent ». Dans le paysage médiatique béninois, l’église catholique et l’islam disposent chacun d’une radio. Quant à la télévision nationale, elle consacre particulièrement les dimanches matins une heure de son programme aux principales religions. La presse écrite n’est pas en reste.
C’est notamment le journal La Croix du Bénin, fondé en 1946, qui anime ce registre un peu particulier.
Interview
« Nous refusons l’aide de l’Etat à la presse pour marquer notre indépendance »
L’abbé André Quenum, directeur de publication de La Croix du Bénin, parle de son travail au sein de l’hebdomadaire et des perspectives pour les chrétiens catholiques béninois.
Comment La Croix du Bénin joue, en tant que journal proche de l’église catholique, la partition qui est la sienne dans notre Etat laïc ?
– André Quenum : Ce n’est pas un journal proche de l’église catholique, c’est un journal qui appartient à l’église catholique. Le premier devoir que nous avons, c’est d’être professionnels. C’est pourquoi, nous avons une équipe de professionnels qui essaye d’honorer le métier de journaliste. Et notre deuxième devoir est d’annoncer l’évangile, de former et d’informer les chrétiens. Nous faisons tout pour donner au citoyen une information de qualité sur les questions de société. Nous analysons les évènements en apportant selon les valeurs de l’évangile ce qu’il faut pour que le citoyen ait une lecture un peu plus équilibrée.
La première condition, pour nous, c’est de n’être inféodé à aucune force politique. Nous défendons et cultivons notre indépendance et notre liberté, car nous estimons que nous avons le devoir et la capacité d’être assez critique. Nous exprimons un visage un peu particulier dans le paysage médiatique du Bénin, étant donné que c’est difficile pour certains médias d’être indépendants. Nos sources de financement sont connues. Nous ne prenons même pas l’aide de l’Etat à la presse, afin de marquer notre indépendance. Nous avons une imprimerie qui effectue différents travaux, dont les fonds nous permettent de supporter les frais d’impressions du journal. Notre service commercial décroche aussi des contrats de publicité en bonne et due forme. Une petite partie de nos revenus vient des abonnements et de la vente du journal. Donc nous n’avons pas de grands moyens, mais nous tenons à contribuer à la construction de la cité dans laquelle nous sommes, et à éduquer la conscience des chrétiens.
Cette année, l’église catholique célèbre 150 ans d’évangélisation au Bénin. Comment voyez-vous l’avenir?
Les perspectives qui s’offrent aux chrétiens catholiques du Bénin entrent à la fois dans le fait que nous célébrons ces 150 ans d’évangélisation, mais aussi à travers la visite du pape Benoît XVI en novembre prochain au Bénin. Mais il ne vient pas uniquement pour le compte du Bénin, mais pour celui de toute l’église d’Afrique. Car à l’occasion de sa venue ici, il rencontrera les représentants des conférences épiscopales de tout le Continent. Il donnera à l’église d’Afrique son exhortation, qui vient juste après le synode sur l’église d’Afrique en octobre 2009. Le thème de ce message est « l’église d’Afrique au service de la réconciliation, de la justice et de la paix ». La réconciliation, c’est accepter de se parler, dépasser les conflits et par la force de la grâce, accepter de donner à l’autre ce qui est mien. Mais cela ne suffit pas, il y a aussi la justice, qui doit être plus forte et indépendante dans nos sociétés, c’est très important pour l’Etat de droit. On ne peut pas clamer tout le temps, « pardonnez-les ». Le chrétien pardonne tout le temps, mais s’il n’y a pas la justice, humainement parlant, il sera difficile de continuer à pardonner.
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