Au Bénin, rencontre avec l’arnaque en ligne, une pratique qui gagne du terrain.
En ce début de journée ensoleillé, nous voici dans le 8ème arrondissement de Cotonou, la capitale économique du Bénin (Afrique de l’ouest). Nous sommes dans l’un des cybercafés les plus prisés de ce coin de la ville. Cet établissement compte une trentaine d’ordinateurs plus ou moins en bon état. Tous à cette heure sont occupés par des hommes âgés d’une vingtaine d’années, eux-mêmes occupés à travailler. L’ambiance est bonne, et ils se chahutent joyeusement.
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Nous voici à côté de Thibaut, qui nous confie être âgé de 28 ans. Il gère le cybercafé. Après quelques échanges, il nous indique Ghislain, un jeune homme âgé de 21 ans. Comme la quasi-totalité des personnes présentes ce jour-là et qui sont des habituées du lieu, il poste des fausses annonces de vente de divers objets sur des sites européens. « Si vous voulez avoir des informations sur leur mode opératoire, Ghislain pourra tout vous dire », nous dit-il. Et d’ajouter : « Parmi tous ceux qui fréquentent ce cyber, c’est l’un des seuls qui n’aura pas froid aux yeux pour vous dire qu’il fait de l’arnaque en ligne ».
Effectivement, Ghislain se prête volontiers à l’exercice. « Je viens de mettre quelques annonces en ligne », déclare-t-il. Nous sortons avec lui.
Un procédé bien ficelé
Le procédé est bien ficelé. D’abord, l’escroc poste une annonce de vente sur un des nombreux sites spécialisés. Ces sites sont notamment leboncoin.fr et topannonces.fr. Les objets à vendre varient souvent entre, notamment, des animaux (oiseaux, chiots, etc.), mais surtout des voitures. Il met comme adresse e-mail une créée de toute pièce avec un faux nom.
Comment le Bénin lutte contre la cybercriminalité
Nous avons interrogé Assani Latifou, commissaire adjoint de la Brigade économique et financière (Bef), rattachée à la direction de la police judiciaire, à Cotonou. Cette cellule est composée de deux équipes : l’une est composée d’ingénieurs informaticiens et d’analystes programmeurs ; l’autre est chargée des enquêtes (cyberpatrouilles). |
Rares sont ceux qui postent une seule annonce, ils en font plusieurs et sur divers objets. Et, à chaque fois, ils s’arrangent pour donner différentes adresses e-mail avec les annonces. L’essentiel pour eux étant que l’annonce tape dans l’œil d’un internaute habitué du site web… et de préférence un Occidental. Dès que l’acheteur potentiel les contacte par e-mail, ils lui proposent un contact téléphonique, après lui avoir donné tous les détails que celui-ci exige sur l’objet proposé. Pour l’appâter davantage, les arnaqueurs se procurent des cartes SIM d’opérateurs téléphoniques de la France, qu’ils utilisent par le système du roaming [faculté de pouvoir appeler ou être appelé quelle que soit sa position géographique, ndlr].
Appel aux forces occultes
L’acheteur croit ainsi que ses interlocuteurs sont en France. Si l’objet de la vente est une voiture, par exemple, ils s’arrangent pour avoir toutes les pièces (papiers administratifs) du véhicule qui sont évidemment des fausses. Eux qui évoluent aussi bien en solo qu’en groupes de plusieurs personnes envoient les pièces du véhicule à l’acheteur potentiel. Ils créent même des sociétés bidons en prétendant en être des représentants. Si le « client », malgré toutes ces « assurances », ne cède pas, ils font monter les enchères et font entrer dans la négociation un autre acheteur potentiel, mais fictif et qui serait lui aussi intéressé.
Si la vente ne se concrétise toujours pas, appel est fait aux forces occultes en se payant les services d’un charlatan. Celui-ci a pour mission de faire céder l’acheteur. Après diverses cérémonies occultes, le charlatan demande aux arnaqueurs d’appeler le ou les acheteurs potentiels. Ceux-ci prononcent des formules incantatoires avant le coup de fil et, par « magie », la réticence du « client » fait désormais partie du passé…
Des dispositions pratiques
Les sommes engrangées varient de la centaine à plusieurs milliers d’euros. Les arnaqueurs entrent en possession de la manne par des agences de transfert d’argent qui ont pignon sur rue. Pour s’éviter tout ennui ou retard dans la réception des fonds, ils mettent en place une certaine collaboration avec des agents de ces services cités plus haut. Ceux-ci les contactent dès que l’argent est disponible. Ils se font, à la clé, des « commissions ».
Les Nigérians ont été les pionniers au Bénin de cette pratique. Mais certains Béninois suivent de plus en plus leur exemple et deviennent de parfaits apprentis. Ces arnaqueurs disparaissent dans la nature dès qu’ils entrent en possession de l’argent et, quand le ou les acheteurs potentiels se rendent compte du pot-au rose, ils ne peuvent plus rien faire. Certains de ces arnaqueurs, dès qu’ils reçoivent l’argent, prennent chez eux tout le matériel nécessaire pour avoir la connexion internet. Ils restent donc à domicile pour faire leurs coups et ne fréquentent plus les cybers. D’autres y sont toujours abonnés.
>> Fraude sur Internet : les pièges à éviter. Une brochure du Centre européen des consommateurs.
* Rédacteur en chef du bi-hebdo Le Mutateur (Bénin).