Faut-il stocker des ampoules à incandescence ?

Alors que le top départ d´une conversion massive de nos lampes a été donné fin juin en France, certains se demandent si les bénéfices annoncés sont bien réels et si l´impact des lampes fluo-compactes sur l´environnement et la santé n´a pas été minimisé.

Au terme de notre enquête, les questions soulevées semblent pertinentes. Il est donc conseillé d´appliquer le principe de précaution et de ne changer les ampoules qu´avec parcimonie :

  • Remplaçons les ampoules les plus utilisées (plus d´une heure par jour) par des fluo-compactes, mais cherchons les bonnes affaires pour ne pas les payer plus qu´elles ne valent. Et recyclons-les en fin de vie.
  • Pour toutes les autres, ne faisons rien tant qu´elles tiennent le coup. Au besoin, prévoyons quelques ampoules à incandescence de rechange. Mais gardons en tête que nous pouvons aussi les remplacer par des lampes halogènes haute efficacité.
Faut-il remplacer les lampes à incandescence par des fluo-compactes ?

Crédit photo : zetson

Le mouvement est lancé : les bonnes vieilles ampoules à incandescence vont peu à peu disparaître des linéaires pour céder la place aux lampes basse consommation, principalement fluo-compactes. C´est une décision européenne reprise en France de manière volontariste par le Grenelle de l´environnement.

Pas un big-bang, mais presque

La convention passée entre l´état et les parties prenantes précise en effet que les ampoules de 100 W et plus seront bannies au 30 juin 2009, celles de 75 W au 31 décembre, celles de 60 W au 30 juin 2010, etc. Mais attention, ni les spots, ni certaines lampes halogènes, ni les lampes spéciales ne sont concernées, du moins pour l´instant (Détails sur le site de l´AFE).

Dans un récent avis, l´ADEME (Agence De l´Environnement et de la Maîtrise de l´Energie)  résume les enjeux. Le remplacement programmé devrait permettre d´économiser 6 TWh (6 milliards de kWh) par an à l´horizon 2016, soit un peu plus d´1% de la consommation électrique française. Il devrait permettre également d´éviter “près de 1 million de tonnes” de CO2, soit un peu moins de 0.2% des émissions françaises de gaz à effet de serre. Enfin, les lampes fluo-compactes seront recyclables à 93%.

Mais au-delà des objectifs louables d´économie, cette vaste opération constitue sans aucun doute une aubaine pour les fabricants et importateurs de lampes. En substituant des produits vendus autour de 1 € par d´autres vendus autour de 8 €, leurs chiffres d´affaire et leurs bénéfices vont exploser, d´autant que le coût de fabrication des fluo-compactes ne dépasserait pas 2 $ (1.50 €).

C´est dans ce contexte que sont nées un certain nombre de controverses sur l´opportunité de l´opération, d´autant plus qu´une autre technologie plus prometteuse, les LEDs (diodes électroluminescentes), pourrait prendre le relais dans quelques années.

Les controverses

Controverse N° 1 : Les lampes fluo-compactes contiennent du mercure qui est volatile et toxique.

Elles en contiennent en effet 3 mg en moyenne. Ce mercure, volatile et toxique risque de se retrouver un jour ou l´autre dans la nature, soit parce qu´on casse une lampe, soit parce qu´elles n´aboutissent pas, ou pas intactes, dans la filière de récupération.
Première raison donc d´appliquer le principe de précaution et de limiter nos achats d´ampoules au mercure.

Controverse N° 2 : Les lampes fluo-compactes émettent des radiations électromagnétiques qui ne seraient pas sans danger.

Les composants électroniques utilisés pour éviter le scintillement génèrent des champs électromagnétiques de basse fréquence (30-60 kHz). Il y a un pic à l´allumage, puis le champ décroît. Les mesures du Criirem montrent que ce champ peut dépasser la norme admise à moins de 20 cm. Il vaut donc mieux ne pas trop s´approcher …

Controverse N° 3 : La substitution ne sert à rien, car en hiver, il faut compenser la chaleur des ampoules à incandescence par un supplément de chauffage.

Cette controverse est fondée. Les promesses d´économies d´énergie ne seront pas entièrement tenues : dans la plupart des cas, le chauffage devra compenser au moins une partie de la chaleur fournie aujourd´hui par les ampoules à incandescence (mais a priori sans impact négatif sur les émissions de CO2).

Controverses N° 4 : Les lampes fluo-compactes créent de la puissance réactive, qui réduit les économies d´électricité escomptées

Les fabricants de lampes ne communiquent pas sur ce sujet, mais c´est exact. Ce n´est pas un inconvénient pour les particuliers qui ne sont pas facturés pour ça, mais c´en est un pour la collectivité, car la puissance réactive augmente les pertes en ligne. Les économies annoncées seront donc en partie neutralisées par cet effet. De combien ? Cela devra être évalué.

Vrai ou faux ? Les lampes fluo-compactes produisent une lumière blafarde.
Faux. Les lampes fluo-compactes peuvent produire une lumière froide ou chaude (bleutée ou  jaune). Cette caractéristique sera indiquée sur les emballages à partir de septembre 2010.

On ne peut pas utiliser de variateur.

Vrai. Mais les fabricants commercialisent maintenant des fluo-compactes compatibles avec les variateurs. Cette caractéristique est signalée par un logo sur l´emballage.

Les lampes fluo-compactes éclairent moins bien.

Faux. Ce sont les tables de correspondance entre anciennes et nouvelles lampes qui sont parfois imprécises. Il faudra s´habituer à parler en lumens, et non plus en watts. En attendant, ne pas hésiter à choisir des puissances un peu plus fortes.

Que faire ?

Sylvie, une mère de famille interviewée par Capital (M6, 11 mai 2009) a remplacé toutes les lampes de sa maison pour la jolie somme de 694.40 €. Elle est heureuse d´avoir fait un geste pour l´environnement, mais est consciente qu´elle ne rentabilisera sans doute jamais son investissement. Fallait-il être aussi extrémiste ?

Sûrement pas ! Je conseille un calcul simple, en oubliant un instant les économies  d´énergie, puisqu´elles ne sont pas aussi importantes qu´on veut bien le dire. Les données que j´utilise sont des valeurs moyennes officielles, que chacun peut ajuster à son idée.

Une lampe à incandescence dure 1000 heures et coûte 1 €. Une lampe fluo-compacte de 8000 heures de durée de vie annoncée achetée 8 € ne reviendra donc au final pas plus cher. Mais à condition de l´utiliser 8000 heures, c´est-à-dire au moins 1 heure par jour pendant 20 ans !

Conclusion pratique : le changement des ampoules utilisées plus d´une heure par jour est forcément gagnant, et d´autant plus gagnant qu´on paiera les fluo-compactes moins de 8 €. Mais attention aux importations mal contrôlées. Les marques de fabricant ou de distributeur offrent une certaine garantie de qualité, même si beaucoup de leurs lampes sont aussi fabriquées en Chine.

Inversement, l´intérêt n´est pas évident pour toutes les ampoules utilisées peu souvent (caves, greniers, pièces inutilisées, résidences secondaires …) ou fréquemment mais pendant de courtes durées (WC, couloirs, salles de bains …). D´une part, toutes les fluo-compactes ne supportent pas  les allumages fréquents ni ne donnent leur pleine puissance immédiatement, d´autre part, le jeu n´en vaut pas la chandelle. Ni économiquement, ni, on l´a vu, du point de vue de l´environnement. L´ADEME contactée pour cette enquête conseille, pour ces utilisations, de garder les vieilles ampoules jusqu´à ce qu´elles grillent.

Faut-il faire des stocks en prévision de cette éventualité ? L´ADEME ne le préconise pas, mais on peut le faire, de manière raisonnable – pas plus d´une pour trois – car la technologie va évoluer très vite. On peut en tous cas garder les ampoules à incandescence remplacées plutôt que les jeter.

Pour terminer, un petit coup de projecteur sur les lampes halogènes haute efficacité. Vendues quelques €, elles durent plus longtemps et sont plus économes que les ampoules à incandescence, sans présenter les inconvénients des fluo-compactes. Elles peuvent représenter un bon compromis, à condition de les trouver effectivement chez les détaillants.

>> Remerciements : le déclic de cette enquête m´a été donné par l´article d´Eugène Wermelinger dans Agoravox : Ampoules basse consommation, mais haute dangerosité ?  Merci également à Liberty, fergus, lapa, roger_imotep, Truk, jacques, dont j´ai suivi les pistes indiquées dans leurs commentaires.

Pour en savoir plus sur les controverses, voir la version intégrale de mon enquête publiée dans Agoravox. A noter que plusieurs commentaires font remonter le fait que les lampes fluo-compactes ont une durée de vie bien inférieure à ce qui est annoncé.

> Lire notre dossier Faire des économies

Crédit photo : zetson

Débats de bonne tenue chez les francs-maçons

Jean-Claude Sommaire, membre du Grand Orient de France, puis de la Grande Loge mixte de France depuis une vingtaine d´années, décrit de manière très concrète la vie d´une loge et indique comment des rituels pluri centenaires peuvent concourir à l´éthique des débats.


Jean-Claude Sommaire

A quelles occasions débat-on dans ta loge ? Qui en prend l´initiative ?

Jean-Claude Sommaire : On débat beaucoup ! Sur l’année, environ trois quart du temps est dévolu aux exposés et aux débats qui s´ensuivent. Il y a d´abord les sujets à l´étude des loges(1), proposés par l´obédience autour de trois grands thèmes : le social, la maçonnerie et la laïcité. Ils sont traités au cours de plusieurs tenues (assemblées) et donnent lieu à une synthèse. A côté de cela, il y a les  planches. Les planches sont des exposés sur des sujets choisis par les  frères. Enfin, dans ma loge, on a introduit des chantiers, qui courent sur toute l´année ou une partie seulement. On choisit des sujets dont on aimerait bien parler ensemble. Un exemple de chantier mené à mon initiative : immigration et identité nationale. Ma planche a été suivie de 5 ou 6 contributions qui sont venues exprimer des points de vue souvent très différents du mien…

Comment se déroule un débat ? Décris-nous le rituel de prise de parole.

JCS : Quand un frère présente une planche, il quitte sa place. Il est conduit par le maître de cérémonies, qui l´emmène à l´orient, là où siègent le vénérable maître, l´orateur et le secrétaire. L´orateur, qui est le gardien de la loi, lui cède sa place. Il prend le plateau d´orateur et  présente sa planche.  Personne ne peut l´interrompre, si ce n´est le vénérable maître, s´il est trop long. Il est interdit de donner le moindre signe soit d´acquiescement, soit de refus de ce qui est dit. Il faut écouter dans le silence. Ça se passe aussi à peu près comme ça lors des tenues blanches fermées, au cours desquelles une loge reçoit  un conférencier profane venant de l´extérieur. Et à la fin, il n´y a pas d´applaudissements. Il y a un court temps de silence, voire de musique – dans une tenue maçonnique, il y a ce qu´on appelle une colonne d´harmonie qui accompagne en  musique certains moments du rituel.

Après commence le débat. Les frères ou les sœurs – ma loge est mixte – peuvent poser des questions ou intervenir sur l´exposé qui vient d´être fait. Ces interventions doivent être brèves. Elles ne s´adressent pas directement à celui qui a fait la planche, mais au vénérable maître. Il y a une triangulation. Celui qui parle est debout et à l’ordre avec la main à plat sur la poitrine, juste sous le cou : « Vénérable maître, et vous tous mes frères en vos grades et qualités, je viens d´entendre avec beaucoup d´intérêt la planche de notre frère, néanmoins je ne partage pas son opinion …». Il va pouvoir manifester son désaccord, mais de manière nuancée, en évitant de heurter, en évitant aussi les propos manipulateurs ou réducteurs. Quand il a terminé, le vénérable maître s´adresse à l´orateur et lui demande s´il souhaite répondre.

C´est donc le vénérable maître qui anime les débats ?

JCS : Oui, avec l’aide des deux surveillants de colonne – dans la loge les maçons prennent place sur deux colonnes, celle du nord où sont obligatoirement les apprentis et celle du midi où sont obligatoirement les compagnons, les maîtres se plaçant comme ils veulent. Mais il n´a pas à faire la police. Tout le monde connaît la règle.

Comment la parole est-elle distribuée ?

JCS : Celui qui veut poser une question lève la main. Ensuite, son surveillant de colonne  donne un petit coup de marteau et annonce : « Vénérable maître, un frère de ma colonne demande la parole ». Celui-ci répond alors : « Frère deuxième surveillant, donne la parole au frère Tartempion ». Ce dernier se met à l´ordre et pose sa question. Bien sûr, tout ça prend un peu de temps. Si plusieurs mains se lèvent, le surveillant de colonne le signale au vénérable maître qui lui indique comment procéder pour leur donner la parole.

Un intervenant n´est jamais interrompu ?

JCS : Non, non, non. Mais s´il abuse de la situation, le vénérable maître peut le rappeler à l´ordre.

Ces rituels ne nuisent-ils pas à la spontanéité des débats ? Les vois-tu comme un avantage ou une entrave ?

JCS : On perd inévitablement en spontanéité, mais globalement, c´est bénéfique. Au départ, je n´étais pas très fana des rituels, mais finalement, j´y prends un certain plaisir. Ca aide, ça crée quelque chose entre nous. Se lever, se mettre à l’ordre devant tout le monde, oblige à ne pas prendre la parole pour rien, à mesurer ce qu´on dit. Sur des sujets délicats, c´est important, car en loge des points de vue différents, voire très différents peuvent s´exprimer. Dans ma loge, il y a une militante UMP, 2 militants socialistes et un du MoDem. Il y a des croyants et des non croyants. Nous avons un français de souche converti à l´islam, des juifs, une catholique très active dans sa paroisse. Des personnalités assez diverses … Mais rien n´empêche de poursuivre le débat, avec plus de liberté, pendant les agapes qui suivent la tenue !

Peut-on parler d´une éthique du débat ?

JCS : Oui et non. C´est en tous cas un débat organisé, formalisé, qui vise à ce que chacun puisse exprimer accords et désaccords en maîtrisant ses émotions, en respectant celui qui parle.

Finalement, quel est l´objectif des débats ?

JCS : L´objectif général de la maçonnerie, c´est l´amélioration de soi-même et de l´humanité. Comme on dit dans notre jargon : en construisant son temple intérieur, on cherche à construire le temple de l´humanité. Le décor est là pour le rappeler : la voûte étoilée au plafond, l´orientation orient occident, avec une colonne du midi et une colonne du Nord, les symboles de la lune et du soleil. Le sol est pavé de carreaux noir et blanc, qui rappellent à tout moment aux maçons qu´un sujet n´est jamais totalement noir ou totalement blanc. Les bougies allumées sur des plateaux symbolisent les lumières qui éclairent la loge. Les débats ne se font pas dans un lieu neutre. Il y a le décor et le rituel.

Personnellement, je m´intéresse aux questions d’immigration et d´intégration. Les débats que j’ai pu mener dans ma loge, et dans d´autres, sur ce sujet très sensible m´ont enrichi car ils ont contribué à conforter mon analyse sur certains points, à la faire évoluer sur d’autres, à mieux comprendre certains problèmes. Dans une loge, des points de vue forts différents peuvent s’exprimer. Je me souviens d´un débat sur l’insécurité dans une loge qui rassemblait des policiers, des magistrats, des éducateurs, des journalistes, tous maçons. C´était un peu chaud ! Il fallait que le vénérable tienne le choc !

Qu´est ce qui pour toi est essentiel chez les francs-maçons ?

JCS : J’ai trouvé en franc maçonnerie une diversité de personnalités qu´il est difficile de trouver ailleurs, une grande tolérance et un esprit de fraternité. C’est une expérience humaine assez unique et très enrichissante au plan personnel.

(Propos recueillis par Henri-Jack Henrion et Eric Lombard le 29 octobre 2008)

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(1) « Loge » et autres mots en italiques : voir lexique.

 

Gratuité des hotlines : la loi est-elle respectée ?

Ouvertures a présenté dans son numéro 5 la première partie de l´enquête sur la gratuité des hotlines qui faisait appel aux lecteurs d´Agoravox pour faire le point sur l´application des lois Chatel et LME. Ces lois, promulguées pour mettre un terme à une pratique détestable adoptée par les opérateurs, sont elles appliquées ? Ont-elles permis de mettre fin à tous les abus ?
Quel bilan au terme de cette enquête publiée le 24 février dans Agoravox?

Gratuité des hotlines : la loi est-elle respectée ?En voici les principaux enseignements :

  • Les lois Chatel et LME sont encore peu ou mal respectées par les professionnels. Les lobbies s’activent dans l’ombre pour essayer d’obtenir un délai d’application, un moratoire, voire l’abrogation pure et simple
  • Certains services publics maintiennent des numéros qui assèchent les poches de leurs usagers les plus vulnérables.
  • Et enfin les opérateurs de téléphonie – fixe, ADSL et surtout mobile – exploitent de manière éhontée la mine d’or des “numéros spéciaux”.

Face aux lobbies, les associations de consommateurs continuent à batailler. La pétition qui a contribué à faire bouger les choses a déjà obtenu 148 000 signatures. Ses initiateurs visent maintenant les 300 000. Elle marche, parce qu’elle répond à l’exaspération des consommateurs indignés d’avoir à payer pour simplement faire valoir leur droit à un produit ou un service qui fonctionne, alors qu’ils paient déjà beaucoup en désagréments et en temps perdu ! Indignés également d’être traités avec désinvolture, arrogance ou inhumanité par certains “Services clients”.

Bannir les numéros surtaxés pour toutes les communications ayant trait aux obligations légales des professionnels a été une première étape nécessaire, qu’il faut consolider. Mais la bataille suivante est à mener contre les opérateurs de téléphonie, pour que soit créée une classe de numéros spéciaux tarifés comme les numéros géographiques et donc inclus dans tous les forfaits.

Le gouvernement a entendu cette revendication, puisque le ministre du budget Eric Woerth et le secrétaire d´Etat à la Consommation Luc Chatel ont écrit le 17 mars 2009 aux opérateurs télécoms pour leur demander d´inclure dans les forfaits mobiles et internet les appels vers les numéros surtaxés (ZDnet). Une première réponse vient de parvenir de la Fédération française des télécoms qui annonce que les numéros verts (0800) sont inclus dans les forfaits depuis le 1er avril, et que les numéros Azur (0810) le seront à partir du 1er janvier 2010.

 

Astérix et le CO2

Nous sommes en 2009 après Jésus-Christ. Toute la planète est recouverte par un voile de CO2. Mais quelques irréductibles Gaulois résistent à l´envahisseur. Et la vie n´est pas facile pour les défenseurs de l´empire …

Jean-Marc Jancovici a un petit côté Astérix. Dans le livre coécrit avec Alain Grandjean, C´est maintenant, 3 ans pour sauver le monde (Seuil), il empile les casques : ceux des énarques (Jacques Attali, et “ceux qui savent compter”), ceux des élus, qui ne connaissent rien aux questions d´énergie, ceux des écolos, adeptes du ni …ni. A ces trophées, il aurait pu ajouter celui de Christian Gerondeau, polytechnicien comme lui, si son livre, CO2, un mythe planétaire (Le Toucan), n´était sorti après le sien.

Jusqu´à la dernière molécule

Car Christian Gerondeau défend l´empire, l´Occident développé et son mode de vie que le  reste du monde lui envie. D´autant que, pour le président de la Fédération française des automobiles clubs, le réchauffement climatique et ses conséquences apocalyptiques sont loin d´être prouvées. Son raisonnement est simple : tout ce que la terre recèle d´énergies fossiles sera consommé jusqu´à la dernière molécule, parce qu´il n´y a pas d´autre alternative. Ce que nous n´utiliserons pas le sera par la Chine, l´Inde et les autres. On ne pourra pas éviter les émissions de CO2, car la technologie de capture et de séquestration de ce gaz est loin d´être démontrée et coûte trop cher. Tenter de freiner la consommation des énergies fossiles ne ferait que retarder de quelques années l´émission d´un CO2 qui aboutira de toute façon dans l´atmosphère. Les dépenses engagées par les gouvernements pour lutter contre le réchauffement sont donc inutiles. Il en veut pour preuve que tous les gouvernements continuent par ailleurs d´encourager l´exploration et l´exploitation de nouveaux gisements.

Le calme avant la tempête

Pour Jean-Marc Jancovici, il y a bien un gros problème, deux, même : le pic pétrolier et le réchauffement climatique. « Les signaux avant-coureurs se multiplient qui devraient nous inciter à affaler les voiles : quand l´ouragan sera là, il sera trop tard. Or le baromètre continue à descendre à vitesse accélérée… ». Après avoir passé en revue toutes nos bonnes raisons pour ne rien faire et fustigé la politique européenne, il montre, en s´appuyant sur des exemples de l´histoire récente, voire très récente, que quand on veut, on peut, et qu´il n´est point besoin d´accroître nos connaissances pour agir. « Y´a plus qu´à ! », nous exhorte-t-il en détaillant un programme en 13 points. Mais pour nous mobiliser, il faudrait un nouveau De Gaulle et une bonne rasade de potion magique (la taxe carbone).

Au volontarisme à toute épreuve de l´un, s´opposent un scepticisme et un fatalisme fondé sur l´ampleur du problème posé par la Chine et les autres pays en développement. J-M. Jancovici a en effet beau dire que le droit au développement invoqué par C. Gerondeau n´est qu´un “cache-sexe pour justifier que l´on ne souhaite pas soi-même renoncer au superflu”, ce dernier lui oppose les plans d´électrification à marche forcée de la Chine et de l´Inde qui passent par  la construction de centrales au charbon : une centrale de 1000 MW par semaine pendant 20 ans en Chine. En 2006, la Chine a même fait mieux, puisque 102 000 MW ont été mis en service, “soit plus que la totalité de la puissance électrique installée depuis plus d´un siècle en France”. Dans ces conditions, il est effectivement difficile d´imaginer que le gouvernement chinois supprime toutes ces centrales dans les 20 ans qui viennent, comme le préconise Jean-Marc Jancovici, ou leur adjoigne des installations de capture du CO2. Car même si le coût invoqué par C. Gerondeau n´est pas aussi insupportable qu´il ne le dit (de 30 à 60€ par tonne de CO2, soit environ 15 à 30$ le baril), la technologie n´en est encore qu´à ses balbutiements.

Le principe de précaution n´est étrangement mentionné par aucun des deux auteurs. Sans doute parce qu´il va de soi chez l´un pour qui les fortes irréversibilités engendrées par l´accumulation des gaz à effet de serre ne permettent pas de tergiverser ; et qu´il est tabou pour celui qui fait « confiance au progrès et à l´imagination humaine » pour trouver des solutions.

La vache et les prisonniers de l´automobile

Malgré leur opposition déclarée, les deux hommes se rejoignent parfois. Par exemple, pour fustiger les Allemands qui, derrière une forêt d´éoliennes, camouflent des politiques parfaitement antiécologiques : constitution d´un important parc de centrales à charbon et défense à tout crin de leur industrie automobile. Automobile qu´eux voient évoluer vers des véhicules continuant à brûler du carbone, mais dont la consommation tomberait sous les 3 litres/100km en réduisant poids et puissance, puis aux environs d´1 litre/100km avec les hybrides. Tous deux sont pronucléaires par raison et s´opposent au développement irrationnel des énergies renouvelables. Ils pensent en effet qu´elles contribuent trop peu à la solution et qu´il y a mieux à faire avec tout cet argent. Enfin, ils soulignent en choeur que réduire notre consommation de viande rouge serait efficace et facile à mettre en œuvre. Une vache émet en moyenne plus de gaz à effets de serre qu´une voiture !

On a souvent tendance à ne lire que les auteurs qui confortent ce que l´on pense déjà. Le sujet du réchauffement climatique est trop important pour que l´on n´écoute pas d´autres points de vue que le sien, ne serait-ce que pour être capable de les réfuter. Que vous fassiez partie de ceux qui comme Jean-Marc Jancovici pensent que la situation est grave, mais pas désespérée ou de ceux qui comme Christian Gerondeau pensent  qu´elle n´est pas grave, mais désespérée, lisez donc les deux livres, même si l´un des deux vous donnera forcément des boutons.

» le site de Jean-Marc Jancovici : manicore

Gratuité des hotlines : la loi est-elle respectée ?

La loi Chatel, appliquée depuis juin 2008, et la loi de modernisation de l´économie (janvier 2009) sont venues, enfin, mettre un terme à une escroquerie généralisée : faire payer par le consommateur des hotlines (support technique) surtaxées. Escroquerie tellement rentrée dans les mœurs que les consommateurs s’en sont longtemps tenus à réclamer seulement la gratuité du temps d’attente, acceptant implicitement de payer pour le traitement des problèmes, y compris quand la responsabilité de l’opérateur est avérée.
Cette nouvelle enquête participative Agoravox/Ouvertures fait le point sur l’application de ces deux lois. Et recense les autres abus.


Abonné à un fournisseur d’accès
internet découvrant le coût de la
prestation d’assistance téléphonique
après une panne.

La loi Chatel, votée le 3 janvier 2008 et entrée en application le 1er juin, a joué un rôle précurseur. Ce qu’elle a imposé aux fournisseurs de communications électroniques en termes d’assistance technique a été généralisé à tous les commerçants et prestataires de service par la loi dite LME (loi de modernisation de l’économie) du 4 août 2008 qui prescrit :
« Le numéro de téléphone destiné à recueillir l’appel d’un consommateur en vue d’obtenir la bonne exécution d’un contrat conclu avec un professionnel ou le traitement d’une réclamation ne peut pas être surtaxé. Il est indiqué dans le contrat et la correspondance. »

Non seulement le temps d’attente, mais aussi et surtout la prestation d’assistance sont maintenant gratuits. Les numéros d’appel à 0,34€ la minute sont donc totalement bannis.

Il était temps de mettre fin à ce scandale, de colmater la brèche dans laquelle la grande majorité des entreprises s’était engouffrée en France !

Seul le coût de la communication peut être facturé par l’opérateur de la ligne sur laquelle vous appelez. Si vous avez un forfait (fixe ou mobile), la communication doit venir en déduction du temps du forfait, et ne peut être facturée.

Exemple : si vous appelez votre FAI (fournisseur d’accès à internet) de votre portable Bouygues, l’appel ne doit pas vous être facturé, ni par votre FAI, ni par Bouygues (tant que votre forfait n’est pas épuisé).

Mais, ça, c’est la théorie !

Car des FAI ont contourné la loi. Free a ainsi reçu un carton rouge de 60 Millions de consommateurs (novembre 2008) et été épinglé par Freeks. Car cet opérateur a bien supprimé le numéro d’appel surtaxé, mais a institué une facturation de la prestation d’assistance, en supplément de l’abonnement, au mépris de son obligation de résultat. Il justifie cette pratique par le nombre d’appels de gens qui ne savent simplement pas se servir de leur ordinateur. Aux dernières nouvelles, Free ne facturerait plus les appels dus à sa propre défaillance.

Et les professionnels font de la résistance. Ils viennent de demander un délai d’un an pour supprimer les numéros surtaxés, moratoire refusé par Bercy, qui a toutefois «demandé à ses services de faire preuve de compréhension » ! (AFP 16/01/09)

Sans parler des autres problèmes qui ne sont pas réglés par les nouvelles lois…

>> Voir l´enquête en cliquant sur le pavé ci-dessus.
>> Voir les conclusions de l´enquête dans Ouvertures N°6.

Quand l’écran libérera l’écrit

ClipRead, un logiciel développé aux Etats-Unis, améliore la lisibilité des textes et facilite leur compréhension par les lecteurs. Il peut trouver sur Internet et les e-books, qui disposent d’une place illimitée, la condition de son développement.

« Le contenu Web devra être facile à lire, facile à explorer et facile à comprendre »
K. Zibell, 2000

Bien souvent, l’internaute ressent la lecture à l’écran comme une épreuve, si bien qu’il adopte diverses attitudes de contournement – sortie sur papier pour lecture off-line, balayage rapide – ou qu’il renonce. S’il ne peut rien changer à la manière dont les textes sont émis par d’innombrables plumitifs, il peut se demander à juste titre si tout a été fait pour améliorer son confort de réception (la lecture).

Contrairement au lecteur de papier qui ne peut rien changer à la présentation de textes figés pour l’éternité, le lecteur d’écrans   pages web ou e-books   voit s’ouvrir des possibilités infinies de mise en page ou de formatage. Malheureusement, chacun peut constater que la flexibilité du numérique est encore assez peu exploitée : les navigateurs permettent seulement de modifier la taille des caractères (très facilement avec Firefox, beaucoup moins avec Internet Explorer) ; le Cybook n’autorise que le changement de taille et de police, pas la lecture en colonnes.

Et si la lecture à l’écran n’était plus une punition ?

C’est ce que sont dit
   les frères Walker,
      fondateurs
        de Live Ink !

Leur expérience,
  de médecin pour l’un,
    d’ophtalmo pour l’autre,
 les avait confrontés
     aux problèmes visuels
        liés à la lecture à l’écran.

 

En fouillant
  la littérature scientifique,
     ils sont arrivés
        à la conclusion
 que le système dominant d’édition
    mise en page
         en blocs compacts 
    met la chaîne
         de traitement visuel
              à rude épreuve.

Ils ont alors cherché
     la meilleure manière
        de décompacter les textes
   pour les adapter
       à la physiologie de la vision.

Le logiciel ClipRead
        est né
         de ces recherches.

Il améliore la lisibilité
    en découpant les textes
       sur la base de la syntaxe
           en courtes lignes
     disposées en cascade,
          un peu à la manière
               d’un poème.

Selon les tests réalisés,
   cette présentation
         aérée et logique
    ne permet pas
        de lire plus vite,
      mais  réduit la fatigue
         et surtout améliore
            la compréhension,
      un peu
         à la manière
            d’un texte dit
               avec le bon rythme
                   et la bonne intonation.

Cette nouvelle manière
   de présenter les textes
       n´est pas spécifique
           à l´écran,
               mais seul l´écran
                  lui permettra d´exister,
    car elle prend
       beaucoup plus de place
            que la présentation classique.

Le logiciel (téléchargeable ici) n’existe encore qu’en anglais. La simulation française a été faite manuellement.


>> Pour en savoir plus :

Une révolution dans la lecture à l’écran ?
Live Ink : « Une nouvelle étape de la lecture humaine »
Live Ink offers better way to read text online

 

Taxe carbone : l´idée fait son chemin

Prônée par le Pacte écologique, la “contribution climat-énergie” n’a finalement pas été retenue après le Grenelle de l’environnement. Le contexte économique, avec un pétrole à plus de 100 $ le baril, s’y prêtait en effet assez mal. Mais avec un cours retombé à moins de 40 $, le moment n’est-il pas venu ? D’autant que les réticences sont en train de tomber et que de nouvelles idées sont en train de germer pour qu´elle soit mieux acceptée par l’opinion.


Crédit : Licence creative common

En 2008, le renchérissement des énergies fossiles a modifié nos comportements et nos décisions d’achat ou d’investissements : nous avons roulé moins vite sur les autoroutes, relancé des travaux d’isolation ou changé notre mode de chauffage. Mais pour que les résultats soient durables, il faut que le signal prix le soit. Quand le soufflé des prix retombe, les efforts se relâchent et les projets d’investissements perdent leur justification économique.

N´est-il donc pas opportun de maintenir volontairement les prix à un niveau plus élevé que les prix de marché, sans attendre que la hausse s´impose à nous  car les prix finiront bien par remonter ? Voulons-nous, comme en 1973, 1979 et 2008, remplir les poches des pays producteurs ? Pensons-nous que ceux-ci soient plus avisés que nous pour utiliser cette manne de dollars ? Préférons-nous continuer à financer des pistes de ski à Dubaï plutôt que des recherches sur les énergies renouvelables ?

Qu´est-ce que la taxe carbone ?

La taxe carbone, rebaptisée en France “contribution climat-énergie”, s´appliquerait à toutes les énergies fossiles à proportion de leur contenu en carbone et donc de leurs émissions en CO2. Elle concernerait donc les produits pétroliers, le gaz et le charbon. Pas le bois ni le biogaz qui sont des énergies renouvelables. Elle serait payée par celui qui achète l´énergie et répercutée ensuite dans les prix des produits et services.

Elle serait progressive dans le temps, avec un plan d´augmentation annoncé à l´avance, mais sans renoncer à la flexibilité en cas de turbulences sur le marché du pétrole.

Son produit pourrait être affecté au financement de recherches ou d´investissements relatifs au réchauffement climatique, ou permettre la baisse ou la suppression d´autres impôts ou charges sociales. La compensation de ce nouvel impôt peut être soit partielle, soit totale.

Pourquoi une taxe carbone ?

Taxer le carbone, c’est se protéger des hausses à venir, tout en gardant la maîtrise de l’utilisation de l’argent collecté.  Plus nous serons nombreux à le faire, plus nous pèserons sur les prix. Et si la contraction de la demande est insuffisante, le simple fait de jouer sur les quantités réduira mécaniquement la facture à payer.

Taxer le carbone, c’est de même nature que taxer le tabac. C’est nous contraindre à sortir d’une toxicomanie inavouée. Car nous sommes bel et bien drogués aux énergies fossiles. En nous maintenant dans l’euphorie d’une vie agréable et facile, elles nous tuent à petit feu. Tout le monde connaît maintenant l’histoire de la grenouille qui saute de la marmite si on la plonge dans l’eau chaude, mais qui se laisse ébouillanter si on chauffe l’eau progressivement. Comme l’aimable batracien, nous laisserons nous piéger par le réchauffement climatique et asphyxier par la pollution aux oxydes d´azote (NOx) et particules ? Voulons-nous rester sous la coupe de nos fournisseurs et nous laisser imposer leur politique ?

Taxer le carbone, c’est enfin remédier à deux grossières erreurs de gestion. Alors que n’importe quelle entreprise amortit ses investissements afin de permettre leur remplacement, aucun mécanisme n’est actuellement prévu pour assurer le renouvellement du capital naturel que constituent les énergies fossiles. Et alors que la combustion du carbone détruit  l’environnement, ce coût “externe” est actuellement supporté sans contrepartie par la collectivité.

Mais pourquoi une taxe carbone, alors que l’Europe et d’autres pays mettent laborieusement en place des marchés de permis d’émission ? En fait, les deux systèmes ne sont pas incompatibles. Les permis d’émissions s’appliquent aux gros émetteurs, centrales thermiques et industrie lourde, mais seraient ingérables pour une multitude d’émetteurs individuels. Pour les émissions diffuses, taxer le carbone est d’une très grande simplicité : pas de bureaucratie, pas de tricherie.

Un changement d’état d’esprit

« En tant qu’homme d’affaires, il est difficile de plaider pour une nouvelle taxe. Mais je trouve qu’une taxe carbone est une approche plus directe, plus transparente et plus efficace. C’est aussi le moyen le moins cher de refléter le coût du carbone dans toutes les décisions économiques. »

Cette phrase prononcée le 8 janvier 2009 par Rex W. Tillerson, PDG d’ExxonMobil, a fait sensation. D’abord parce qu’Exxon avait jusqu’alors nié l’origine anthropique du réchauffement climatique – allant jusqu’à financer des chercheurs sceptiques – et avait logiquement refusé toute politique de réduction des émissions. Ensuite, parce que les autres grandes compagnies pétrolières se sont toutes ralliées au système des permis d’émission. Quelle mouche a donc piqué cet homme qui n’est pas connu pour ses convictions écologiques? Les observateurs sont perplexes. Sans doute a-t-il été sensible à des signaux encore faibles mais qui sont en train de s’amplifier :

– Le système des marchés d’émissions n’est pas la panacée, même pour les gros émetteurs. Bien qu’il permette de focaliser les efforts sur les économies les plus faciles à réaliser, il crée des effets d’aubaine, donne lieu à des abus ou des tricheries et attire les spéculateurs. Le récent discrédit des marchés financiers augmente le risque que ce nouveau marché soit rejeté par l’opinion.

– Deux Etats canadiens (la Colombie Britannique et le Québec) viennent d´instituer une taxe carbone et la France envisage de le faire. Si la taxe carbone ne fait pas partie de la loi Grenelle I adoptée par le parlement, Jean-Louis Borloo(1)  assure qu’elle est à l’étude, sans toutefois s’engager sur un calendrier. « Il faut du temps pour faire cette analyse du fait de sa complexité. »

– James Hansen, l’expert climat de la Nasa(2), plaide pour la taxe carbone en l’assortissant d’une clause révolutionnaire propre à faire accepter ce nouvel impôt par l’opinion. Dans sa lettre à Barack et Michelle Obama (28/12/2008), il propose tout simplement de redistribuer l’argent collecté à parts égales à tous les américains. Ainsi, le pauvre qui consomme peu de carbone fossile sera bénéficiaire et le riche sera incité à en consommer moins.

Quel montant ?

La Colombie Britannique a fixé le montant de la taxe à 10$ canadiens la tonne de CO2 et prévoit de l´augmenter de 5$ par an pour atteindre 30$ en 2012. Sachant qu´un baril(3) de pétrole produit 450 kg de CO2, cette taxe de 30$ rajouterait environ 11 $ US au prix du baril . C´est beaucoup en pourcentage du prix actuel de 40$, mais c´est peu en valeur absolue, et sans doute pas suffisant pour déclencher un sursaut de même ampleur que celui suscité par la récente flambée des prix. Mais si on adopte l´idée de James Hansen, on peut frapper un grand coup, à condition toutefois que tout le monde en fasse autant – ce que prêche la multinationale ExxonMobil !

>> Cet article a également été publié par Agoravox, partenaire d´Ouvertures dans le réseau Infovox. Pour le commenter ou le discuter, je vous invite à suivre ce lien. Le prochain numéro d´Ouvertures fera une synthèse des réactions des lecteurs.

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(1) Ministre français de l’écologie, de l’énergie, du développement durable, et de l’aménagement du territoire.

(2) James Hansen s’était fait connaître sous l’administration Bush par ses démêlés avec sa hiérarchie qu’il accusait de censurer ses prises de position en faveur de la lutte contre le réchauffement climatique.

(3) Sur la base de 0.81 $ US pour 1 $ canadien.

 

Le débat public a fait évoluer l´opinion

Nicolas Sarkozy et la plupart des candidats à l’élection présidentielle de 2007 promettaient d’instituer un service civique obligatoire, soutenus par une opinion publique encore sous le choc des émeutes de 2005 dans les banlieues. Mais quand Luc Ferry remet son rapport fin 2008, préconisant un service sur volontariat ne touchant plus que 60 000 jeunes chaque année, personne ne bouge, pas même le président ! L’opinion a évolué, certes sous l’effet de la crise (un service obligatoire aurait coûté au moins 3 milliards d’euros), mais aussi au fil du débat relayé par les médias.


Luc Ferry présentant son rapport
en septembre 2008. 
Crédit : elysee.fr

Luc Ferry, ancien ministre de l´éducation nationale et président délégué du Conseil d´analyse de la société (CAS) a finalement tranché en faveur d´un service civique sur volontariat (voir encadré). Dernier rebondissement d´un débat qui a connu beaucoup de revirements ? Ou point final ? Seul l´avenir le dira (*). Mais plusieurs éléments indiquent que le débat est clos. Au terme de trois ans, période suffisamment longue pour permettre aux différents points de vue de se confronter, une grande partie de l´opinion semble s´être rangée aux arguments des réalistes. Et puis Luc Ferry ne ferme pas totalement la porte à l´idée que le service civique devienne un jour obligatoire si son succès est tel qu´il finisse par toucher l´ensemble d´une classe d´âge.

Le rapport Ferry

Le 10 septembre 2008, Luc Ferry remet à Nicolas Sarkozy son rapport Pour un service civique établi avec le Conseil d´analyse de la société (Editions Odile Jacob). Il s’écarte des promesses de campagne du président en préconisant « la mise en place d’un service volontaire progressivement accessible à 60 000 jeunes par an ». Sa durée serait de 6 mois. Son coût, qui s’élèverait à terme à 385 millions d’Euros, pourrait être en partie financé par des fonds privés.
Pour justifier l´abandon de l´idée d´un service obligatoire, Luc Ferry s´appuie sur un argument de nature philosophique : « On ne peut pas faire appel à la générosité de quelqu´un que l´on oblige à faire quelque chose. Cette contradiction est insurmontable ».
Il est rejoint en cela par les associations susceptibles d´accueillir des jeunes qui n´ont jamais fait preuve d´un grand enthousiasme à l´idée de devoir accueillir et gérer des cohortes de jeunes peu motivés.

La question était restée latente depuis la suppression en 1997 du service militaire : comment rétablir les fonctions d´intégration républicaine, de brassage social et d´émancipation qu´il assurait tant bien que mal ? L´idée d´un service civique obligatoire était dans l´air depuis longtemps, mais n´a émergé avec vigueur qu´à l´automne 2005, à la suite des émeutes dans les banlieues. L´hebdomadaire La Vie s´en est fait le porte-parole, avec le succès que l´on sait.

L´appel de La Vie

Le 17 novembre 2005, en pleine crise des banlieues, l´hebdomadaire La Vie publie un appel à la création d´un service civique obligatoire. C´est une véritable lame de fond, puisqu´en quelques mois, il est signé par 443 parlementaires de droite comme de gauche et que la plupart des candidats à l´élection présidentielle l´inscrivent à leur programme.
« Les signataires de cet appel déclarent qu´il est urgent que soit créé un service civique obligatoire fondé sur la mise en œuvre de l´idée de fraternité et de solidarité. Un service citoyen par lequel chacun d´entre nous, en contrepartie des droits que lui garantit la République, acceptera comme l´un de ses devoirs de participer au bien commun en donnant de son temps. »

La problématique est alors prise à bras le corps par le CAS qui demande à l´amiral Béreau de faire le tour de la question pour éclairer la campagne électorale qui approche. Celui-ci publie son rapport en septembre 2006. Sans nier l´intérêt d´un service obligatoire, il met en garde contre les difficultés et le coût du projet.
Alors que les candidats à l´élection présidentielle prennent position pour un service obligatoire  (seuls les Verts et le FN se limitent au volontariat), le débat continue dans les associations, les partis et les syndicats étudiants. Les arguments échangés alors sont assez bien reflétés par le débat organisé au début de 2007 sur hyperdebat.net, en partenariat avec des collectifs d´associations.

Contre : «Si on ne naît pas citoyen, on peut encore moins ordonner à quelqu’un de le devenir»

C´est sans doute l´argument le plus fort asséné par les défenseurs du libre choix, dont le philosophe Luc Ferry qui souligne la contradiction inhérente au projet : « On ne peut pas faire appel à la générosité de quelqu´un que l´on oblige à faire quelque chose ».
Les internautes pointent également d´autres contradictions ou obstacles :

  • Le projet vise essentiellement à restaurer la paix dans les cités, mais il est illusoire de penser que les “sauvageons” répondront à l´appel.
  • Pourquoi seulement les jeunes ?
  • Concurrence avec l´emploi salarié et le bénévolat
  • Coût trop élevé
  • Projet à risques et difficile à mettre en œuvre : énorme, complexe pour l´Etat et les associations ; coupure difficile à gérer par les jeunes (perte d’emploi, perte d’une année universitaire) ; comment gérer les réfractaires, éviter les tricheries ?

Pour : “La citoyenneté n’est pas une matière à option”

C´est l´argument de ceux qui ont relancé l´idée d´un service obligatoire, dont Max Armanet, rédacteur en chef du magazine La Vie au moment de l´appel, qui rappelle que : « De même que l’instruction obligatoire a permis de réduire le coût de l’ignorance, c’est le prix à payer pour réduire le coût de l’incivisme ». Et le candidat Sarkozy ajoute : « Il n’y a pas de République sans obligations de chacun envers tous. »
D´autres soulignent que sans obligation, on n´atteindra pas l´universalité recherchée.
Il n’attirera qu’une petite frange de la population, et ceux qui en ont le moins besoin. Sans obligation, il n’y aura pas d’engagement de l’Etat.

Sortir du dilemme obligatoire / facultatif

Beaucoup de partisans d´un service obligatoire reconnaissent qu´il serait très risqué de le mettre en place sans expérimentation et sont prêts à accepter une phase de transition basée sur le volontariat.
D´autres proposent des aménagements : une durée minimum obligatoire de 2 à 3 mois, que chaque jeune pourrait prolonger s’il le souhaite ; la prolongation de l’obligation scolaire jusqu’à 18 ans en y intégrant le service civique.
D´autres enfin préconisent d´en rester au volontariat mais de l´assortir d´un système de bonus malus fortement incitatif.

Relancer l´idée de civisme autrement

Quelques voix enfin tentent de recentrer le débat en se demandant s´il n´y a pas d´autres moyens que cette « mesure miracle » pour atteindre les objectifs recherchés :

  • Faire jouer pleinement à l´école son rôle d´éducation au civisme
  • Lancer une politique de la jeunesse pragmatique et ambitieuse
  • Lutter contre le chômage des jeunes : « Le travail reste encore le meilleur moyen de s’intégrer dans la société et de sortir de son milieu d’origine ».

Les leçons d´un débat

Le service civique obligatoire était une solution, sans doute pas la solution pour accroître le civisme.
Certains pourront être déçus qu´un projet ambitieux et porteur d´espoir ait accouché de si peu, ne faisant que relancer le service civique volontaire dont plusieurs formes étaient déjà proposées aux jeunes. Mais, finalement, la démocratie n´y aura-t-elle pas trouvé son compte ? Combien de lois en effet sont-elles adoptées dans la précipitation et sous l´empire de l´émotion de l´opinion ? Une certaine éthique du débat a été respectée, tant par ses organisateurs que par ses participants.

(*) Martin Hirsch a confirmé, le 4 février 2009, la mise en place d’un service civique sur la base du volontariat. Le nouveau haut commissaire à la Jeunesse a défini deux objectifs :
– répondre au désir d’engagement de la jeunesse et aux besoins exprimés par la société ;
– décloisonner et permettre que le passage par le service civique soit reconnu et valorisé.
Martin Hirsch a précisé qu’une mission de préfiguration du futur service civique sera mise en place.
Selon un sondage de juin 2008, plus de 260 000 jeunes seraient prêts chaque année à accomplir un service civique de 6 mois. (Source : site du premier ministre)

 

TGV : le casse-tête du Creusot

Heureusement pour la SNCF, le TGV va vite. Car si ses usagers étaient des clients libres, beaucoup auraient certainement fui depuis longtemps vers une compagnie plus attentive aux à-côtés du voyage : composter un billet, se laver les mains, réserver un billet sur internet…

Qui d´entre nous n´a jamais en effet pesté de ne pouvoir composter son billet sans le retourner dans tous les sens (parfois sans succès) ? Qui peut se vanter d´avoir pu se laver les mains sans éclabousser partout. Qui surtout est capable de rester zen à l´idée de naviguer sur voyages-sncf.com ?

Je prends souvent le TGV à la gare du Creusot pour aller à Paris. 1h20 de trajet, rien à redire. Mais quelle galère pour réserver le billet ! Gare de départ : “Le Creusot TGV”. Le logiciel ne comprend pas. Il faut un certain nombre de clics pour nous mettre d´accord.

Saisi par mail de cette anomalie, le service client du site me répond :

« Nous avons bien reçu votre message dans lequel vous nous faites part de vos remarques et regrettons les désagréments rencontrés sur le site.

La gare du Creusot que vous souhaitez est répertoriée dans notre site et dans notre base de donnée comme étant ” LE CREUSOT MONTCEAU MO TGV” (c´est à dire Le Creusot Montceau Monchanin TGV) pour justement la différencier de l´autre gare “LE CREUSOT VILLE”, qui elle, n´est pas desservie par les Grandes Lignes.

Pour faciliter vos prochaines recherches, nous vous remercions de bien vouloir saisir “LE CREUSOT MONTCEAU MO TGV”

Cordialement »

Je ne lâche pas le morceau et m´étonne que la SNCF n´ait pas songé à simplifier la tâche de l´usager en simplifiant le nom de la gare. On me répond :

« Nous comprenons parfaitement votre remarque.

Il n´est pas prévu de modifier le nom de cette gare dans la base de données.

Toutefois, nous transmettons dès maintenant votre message à notre équipe de développement en charge de l’évolution du site, qui prendra en compte vos observations dans le cadre des demandes d´évolution et des mises à jour pour les prochaines versions du site.

Cordialement »

J´attends toujours, et pourtant la gare s´appelle bien “Le Creusot TGV”. C´est marqué dessus !

 

Le quai : LE CREUSOT – MONTCEAU LES MINES – MONTCHANIN

 

voyages-sncf.com : LE CREUSOT MONTCEAU MO TGV

 

gares-en-mouvement.com : LE CREUSOT TGV

 

Le billet : LE CREUSOT MO TGV

>> En 2011, la situation n´a pas évolué par rapport au constat établi en 2008. Seul voyages-sncf.com a modifié le nom de la gare en l´amputant de “TGV”. Mais est-ce un progrès ?

>> En 2012, capitainetrain.com, site concurrent de voyage-sncf.com, adopte “Le Creusot TGV”, tout court !