Aujourd’hui, pour savoir ce que vaut un traitement médical, on le teste. Partant de cette affirmation, les auteurs du livre expliquent ce que sont les méthodes scientifiques d’évaluation des thérapeutiques : essais cliniques avec groupes de contrôle, études de cohortes sur le long terme, choix randomisé, étude avec placebo en double aveugle, etc.
Fuyant croyances, traditions, intuitions et autres perceptions subjectives, le journaliste Simon Singh et le professeur Edzard Ernst ont voulu savoir ce que ces méthodes, qui ont permis de valider scientifiquement la médecine conventionnelle (médecine fondée sur des preuves, Evidence Based Medecine, EBM), donnent comme conclusions quand elles sont appliquées aux médecines douces.
Ils ont ainsi étudié les résultats de centaines d’évaluations, d’analyses, de méta-analyses (analyses d’analyses) et d’essais cliniques sur ces médecines (appelées non conventionnelles en France) dans le monde entier.
Leur livre, « Médecines douces : info ou intox ? » (éd. Cassini), compte 400 pages qui renvoient aux documents leur permettant de tirer ce bilan général : « Sur la base des meilleures preuves disponibles, nous pouvons dire que la plupart des formes de médecines alternatives ne procurent, pour la plupart des maladies ou affections, aucun bénéfice thérapeutique [nous soulignons, ndlr] prouvé ou bien apparaissent de façon démontrable comme inefficaces ; de plus, un certain nombre de thérapies alternatives peuvent présenter des risques pour les patients », [par exemple, en raison de leur « hostilité aux vaccinations »].
Illusions, sophismes et placebos
Les auteurs dénoncent :
– des principes illusoires : pour l’acupuncture, « il n’y a aucune preuve de l’existence du Qi ou des méridiens ». Les conceptions du feng shui ou celles de la médecine anthroposophique « ne sont pas plausibles sur le plan biologique ». Pour la chiropraxie (fondamentaliste), la notion d’« intelligence innée » n’est pas reconnue par la science. Dans l’univers des médecines alternatives, les « termes à la mode » d’ondes ou de résonance « sont dépourvus de sens ». « En réalité, il y a une abondance de preuves montrant que les champs d’énergie chez les êtres humains sont un mythe ». « Le toucher thérapeutique, le reiki et les autres thérapies apparentées sont des pratiques fondées sur rien de plus que le principe du “prendre ses désirs pour la réalité” » ;
– des sophismes : le naturel, le traditionnel, le holisme, la prière (« De nos jours, le poids des preuves penche manifestement contre la possibilité d’une guérison d’origine divine par le truchement de la prière ») ;
– des « placebos sophistiqués » : fleurs de Bach, thérapie par les cristaux, etc. Pour l’homéopathie : « Il n’y a pas de mécanisme connu expliquant comment des solutions ultra diluées, ne contenant aucune substance active, pourraient agir sur le corps ; et il n’y a pas la moindre preuve de l’existence d’une force vitale. (…) L’exemple le plus achevé de l’escroquerie homéopathique est peut-être celui du remède appelé Oscillococcinum. (… C’est sûrement la forme la plus achevée du charlatanisme médical ».
Une certaine efficacité contre certaines affections
Certaines approches trouvent cependant grâce à leurs yeux, mais seulement pour le traitement de certaines affections restreintes et bien précises. La chiropraxie (pressions manuelles sur les vertèbres), par exemple, peut procurer un certain « bénéfice thérapeutique », mais uniquement pour les problèmes de nuque ou de dos, et certainement pas pour soigner des maladies qui ne concernent pas le système musculo-squelettique, comme les coliques, l’asthme ou les allergies.
De même, la phytothérapie offre « quelques remèdes intéressants », comme le millepertuis, excellent contre les dépressions. Mais « il n’y a aucune raison de prendre un remède phytothérapeutique s’il existe un traitement conventionnel plus sûr et plus efficace » et qui a généralement été testé de façon beaucoup plus sérieuse ».
« Certaines pratiques de la médecine traditionnelle chinoise peuvent être efficaces dans le cas d’affections particulières. » L’acupuncture, par exemple, est « peut-être efficace pour soulager certaines douleurs ainsi que les nausées », mais rien d’autre.
« Une grande partie de la démarche de la naturopathie est parfaitement sensée », mais on ne peut formuler « un jugement général » sur elle « étant donné la grande diversité des traitements ».
Les auteurs s’inquiètent du « battage inouï en faveur des médecines alternatives dans les médias, des proclamations exagérées sur Internet et des annonces trompeuses dans les vitrines des magasins. Est-il juste de les laisser gaspiller leur argent et mettre en danger leur santé en recourant aux médecines alternatives ? »
Chemin de Damas
L’éditeur présente cet ouvrage comme « honnête, impartial, rigoureux, complet. Le livre de Singh et Ernst est le livre définitif sur le sujet ». S’il est aussi affirmatif, en dehors du fait de recourir à un argument commercial, l’éditeur table sur la qualité des deux auteurs.
Simon Singh, docteur en physique des particules, journaliste, a produit de nombreuses émissions scientifiques à la BBC et a écrit plusieurs ouvrages de vulgarisation qui ont connu des succès mondiaux.
Le professeur Edzard Ernst a occupé jusqu’en 2011 la première chaire au monde de médecine alternative à l’université d’Exeter (Grande-Bretagne). Son groupe de recherche a passé quinze ans à tester l’efficacité de ces approches. Il a débuté sa carrière comme docteur en médecine conventionnelle, puis à plancher sur l’homéopathie avant d’exercer celle-ci durant des années, ainsi que d’autres traitements alternatifs, comme l’acupuncture.
Etrange quand même qu’un scientifique ait pu passer tant d’années à étudier et pratiquer des médecines qu’aujourd’hui il traite d’escroquerie et de charlatanisme… Il raconte dans son livre son chemin de Damas et comment il s’est mis à devenir sceptique après avoir lu une étude réalisée en 1991 par un pharmacologue allemand, W. H. Hopff. Ce professeur avait entrepris de répéter l’expérience originale de Hahnemann avec le quinquina. N’ayant pas observé les effets décrits par le fondateur de l’homéopathie, il avait conclu que le résultat qui avait servi de base à l’homéopathie était erroné.
Mais alors, que faut-il penser du parcours du professeur Ernst qui a passé plusieurs années à étudier et à pratiquer – certainement à l’entière satisfaction de lui-même et de ses malades, sinon il aurait arrêté ! – un mode de traitement qu’il considère aujourd’hui comme inefficace voire dangereux ?
> Les auteurs confondent trop souvent “absence de preuve” avec “preuve de l’absence”… On sait même que les “vérités scientifiques” sont biodégradables et évolutives. Vouloir baser la validité des approches différentes ou traditionnelles sur le seul procès du double aveugle pour les exclure du champ thérapeutique est de courte vue et abusif.
Il se pourrait même que certaines de ces approches, généralement plus globales et moins intrusives, sans être aujourd’hui des “sciences” au sens occidental du terme, soient plus proches de la réalité thérapeutique que nombre de disciplines “validées par les preuves”…
JL ML