Thierry Kabile, un des fils de Mme Kabile dont on ne sait toujours pas vraiment où est la dépouille. Photo : J-L M-L.
Deux dates différentes de décès pour la même personne, entrée à l’hôpital pour une simple douleur au mollet. Deux corps transportés de deux hôpitaux différents pour une seule autopsie, autopsie pourtant déclarée effectuée quelques jours plus tôt. Des résultats d’autopsie incohérents. Une policière et un officier d’état-civil qui signent trois actes de décès pour la même personne dont on ne sait toujours pas vraiment où est le corps.
Cela fait beaucoup de choses pour les quatre enfants d’Eliane Kabile, et particulièrement pour Thierry, 54 ans, qui a donc entrepris plusieurs démarches judiciaires. Deux exhumations ont été ordonnées, mais là encore, des anomalies ont été constatées : des conditions de réalisation suspectes ; un cercueil exhumé différent du cercueil de l’enterrement ; une bouillie de plusieurs cadavres, dont une cage thoracique d’enfant ; un refus de communiquer les analyses d’ADN, le tout accompagné d’une condamnation pour « abus de procédure » ! Alors qu’il s’agissait simplement de vouloir la lumière sur cette douloureuse affaire.
« La pire enquête »
Photo de Mme Kabile publiée lors de l’émission “Sans aucun doute” de 2006.
C’est un dossier complexe, difficile, dont toute la presse a été informée mais qu’elle a très peu relayé. Au contraire de multiples sites et blogs non journalistiques sur internet.
Julien Courbet, animateur de « Sans aucun doute », avait reçu la famille éplorée en décembre 2006 : « C’est la pire enquête que nous n’ayons jamais eue à traiter. Elle glace le sang », explique-t-il en introduisant l’émission. Interrogé au téléphone par le journaliste, le médecin légiste qui a fait l’autopsie qualifie la famille de « pathologique ».
Le président Macron, alors candidat, avait répondu à la famille qu’il avait bien reçu son dossier et qu’il promettait de l’examiner.
Entretemps, une série d’actions en justice a été conduite, dont une citation directe, le 23 mars 2015, à l’encontre de Jean Maïa, agent judiciaire de l’État, devant la 11ème chambre correctionnelle du TGI de Paris, pour voies de fait et déni de justice. La demande a été rejetée. L’audience d’appel a été fixée au 12 septembre 2018.
La première présidente de la Cour d’appel de Paris, Chantal Arens, a fait répondre le 21 juin 2017 qu’elle allait répondre à la famille : elle est toujours silencieuse à ce jour, plus de six mois plus tard, malgré trois relances.
Confrontée aux réponses incomplètes voire à l’hostilité des autorités, la famille soupçonne un trafic d’organes masqué par des faux en écriture. Des conférences et des manifestations publiques devant le ministère de la justice ont été organisées des jours durant au cours de cette année avec l’aide de Politique de vie, le parti de Christian Cotten.
Affaire Eliane Kabile : la chronologie*
2000
– 22 décembre : Eliane Kabile, 64 ans, entre à l’hôpital de Gonesse (Val d’Oise) pour une douleur au mollet droit. Echographies négatives. Elle y reste jusqu’au 30 décembre.
2001
– 27 janvier : 2e hospitalisation : anémie, herpès, fièvre. Conclusions : insuffisance rénale, pneumopathie, péricardite.
– 09 février : entrée dans le service Dr Blin. Intubation, antibio, cathéter, épanchement péricardique, œdème pulmonaire lésionnel majeur (11/02), insuffisance rénale aigüe (12/02), myélogramme (13/02) : dysmyélopïèse.
Ce 9 février, le Dr Nizou écrit au médecin traitant de Mme Kabile (Dr Torjman) et l’informe du décès de sa patiente.
– 10 février : Mme Gaudimont voit sa sœur inerte, froide, intubée, écrans de contrôle muets, sauf celui du respirateur artificiel.
– 13 février : le chef service réanimation évoque une septicémie + décès arrêt cardiaque à 15 h15.
– 16 février : le procureur (TGI Pontoise) mandate le Dr Paraire, médecin légiste, pour une autopsie.
– 19 février : Elisabeth Humblot, capitaine de police, adresse deux requêtes de transport ce même jour :
• l’une au directeur de l’hôpital Gonesse : « Bien vouloir remette remettre le corps de Madame Kabile née le 02.08.36 aux Pompes funèbres générales (PFG) aux fins de transport à l’Institut médicolégal (IML) de Garches pour autopsie » (datée du 16 février !) ;
• l’autre au directeur du funérarium de Villetaneuse : « Bien vouloir faire effectuer le transport du corps de Kabile Eliane, décédée le 13.02.01 aux fins d’autopsie au Centre hospitalier de Garches. Bien vouloir procéder à l’enlèvement du corps de Kabile Eliane à l’hôpital de Garches et le transporter au funérarium de Gonesse ».
– 20 février : Conclusions autopsie : le décès résulte de l’évolution d’une leucémie aigüe entraînant un état de défaillance polyviscérale + lésions centres nerveux végétatifs, suffusions hémorragiques + état de choc. Pas d’infection nosocomiale.
Or, le rapport d’expert (Dr Reverberi) parlera de syndrome infectieux brutal. Le Dr Nizou évoque, lui, un « climat septique ».
Utérus absent. Les ovaires sont le siège d’infiltration tumorale leucémique. Or, après son hystérectomie, « notre mère avait été privée de ses ovaires ».
– 21 février : la mairie Gonesse « dresse » un acte décès n° 90. Or, le 21 mai 2014, une copie intégrale de la même mairie indique que le n° 90 concerne maintenant une certaine Jeanne Bergeron, décédée le 20 février 2001. En outre, le 7 août 2014, une autre copie intégrale indique que l’acte de décès de Mme Kabile a été dressé le 14 février 2001 (et non plus le 21 février). Et il porte maintenant le n° 81 !
Thierry Kabile : « Il faut juste rappeler que personne ne peut modifier un acte d’état-civil, sauf demande d’un procureur sur les très petites erreurs ou d’un juge du siège pour les corrections plus importantes. Or, cet acte, barré à la main de la mention “Annulé”, que j’ai découvert récemment et photographié, cet acte existe depuis 2001 dans le registre d’état-civil de Gonesse, aux pages soigneusement numérotées et tamponnées de rouge et qui ne peuvent formellement contenir qu’un seul et unique acte.
Étrangement, aucun juge, aucun procureur, aucun agent du gouvernement n’est allé voir de près ce registre. Or, il a été modifié par un officier de police judiciaire et par un officier d’état-civil, adjoint au maire de Gonesse. Personne n’a jamais cherché à comprendre. Personne, au sein des services de l’État, n’a ouvert la moindre enquête sérieuse et ce malgré les multiples dénonciations et procédures engagées par notre famille auprès de multiples autorités ».
– 26 février : suite à la plainte déposée par la famille, première inhumation au cimetière de Sarcelles-Village.
– 4 juillet : remise du rapport d’expertise (Dr Reverberi).
2002
– 12 février : plainte pour homicide involontaire et non assistance à personne en danger près le doyen des juges d’instruction.
– 30 juin : exhumation à 6h au lieu de 8h30.
A cette occasion, la famille constate la disparition de la dépouille du frère (suicidé à 20 ans) dans la sépulture où reposait également leur mère.
– 1er juillet : 2e autopsie, par Pr Durigon.
– 3 octobre : ouverture d’une instruction judiciaire.
– 13 novembre : expertise génétique ordonnée.
2003
– Prélèvements ADN : extraits du 8 juillet au 6 octobre sur les membres de la famille.
2004
– 12 janvier : conclusions de l’expert de Mazencourt : « Les prélèvements des 2 autopsies proviennent bien du même corps ».
Un dentier de Mme Kabile, qui aurait pu constituer une pièce à conviction génétique, a été lavé puis écarté par le médecin légiste Durigon.
– 27 janvier : ordonnance de refus d’acte : la date erronée du 30 juin 2003 du rapport d’autopsie serait une « pure erreur matérielle ».
2005
– 25 mars : plainte avec constitution parte civile pour homicide involontaire et non assistance à personne en danger ; pour atteinte au respect dû aux morts.
– mai : reportage France 3 (JT 19/20h) : « Le corps réinhumé suite à l’autopsie de 2003 n’est pas celui de notre mère ».
– 14 mai : dépôt du rapport Dr Urbajtel, expert judiciaire.
2006
– 16 février : information ouverte pour atteinte à l’intégrité physique d’un cadavre.
– 15/12 : nouvelle demande d’exhumation.
2007
– 20 juin : 2e exhumation.
Découverte cette fois-ci du corps de frère. Contestation des parties civiles sur l’identité du cadavre (cercueil et vêtements différents, médaillon, restes humains « frais »…).
Trois n° différents hospitalisation.
– 21/06 : l’expertise génétique (Nantes) confirme l’identité de la morte.
La famille exprime ses doutes sur l’identité du corps examiné par le légiste. Pas d’ADN dans le rapport.
– 26 juillet : ordonnance non lieu ; appel le 1er août.
– 11 septembre : demande de contre expertise ADN.
– 26 septembre : Refus de la juge d’instruction TGI de Pontoise, Émilie Burguière, pour vice de forme et absence de motivation.
2008
– 28 mars : condamnation de la famille à 15 000 € d’amende par Sylvaine Reis, vice-présidente du TGI Pontoise, pour constitution de partie civile abusive.
2014
– 12 août : plaintes contres hôpital, mairies Gonesse et Sarcelles, IML de Garches et trois professeurs.
2015
– 23 mars : citation directe effectuée à l’encontre de Jean Maïa, agent judiciaire de l’État, devant la 11ème Chambre correctionnelle du TGI de Paris.
– 21 mai : prescription + clôture 22 septembre.
– 03 novembre : action des parties civiles.
– 16 décembre : jugement TGI Paris : rejet des demandes.
2016
– 14 janvier : déclaration d’appel.
– 16 mai + 17 juin : conclusions de Thierry Kabile.
– La date de la prochaine audience d’appel civil est au 9 mai avec une audience formelle de clôture au 10 avril 2018. L’appel au pénal contre M. Maïa, agent judiciaire de l’État, est fixée au 12 septembre 2018.
* L’établissement de cette chronologie uniquement factuelle nous paru nécessaire pour deux raisons :
- Parce que l’affaire, telle qu’elle est présentée sur le Net, est extrêmement embrouillée, mêlant événements, accusations et suppositions. Ici, nous nous sommes contentés de citer les faits tels qu’ils apparaissent dans les documents officiels ;
- Parce que les citoyens ont le droit de connaître les tenants et aboutissants de cette affaire que les “grands médias” passent sous silence.
> Enquête de France-Culture sur l’affaire Kabile (2007).
> L’affaire Kabile sur France Inter (2007).
Impensable en France ! Dès le 1er août 2017, les dépenses en médecine anthroposophique, homéopathie classique, médecine traditionnelle chinoise et phytothérapie pourront être remboursées par le régime d’assurance maladie de base sans plus aucune limitation dans le temps. Et surtout, à cette date, ces disciplines auront, dans le système de santé suisse, exactement le même statut que celui de la médecine conventionnelle.
C’est ce que vient d’énoncer la nouvelle règlementation de « l’obligation de prise en charge des prestations de médecine complémentaire (MC) par l’assurance obligatoire des soins (AOS) ». Lors de sa séance du 16 juin 2017, en effet, le Conseil fédéral helvète a approuvé les nouvelles dispositions d’ordonnances mettant sur pied d’égalité les MC, administrées par des médecins, avec les disciplines conventionnelles.
Cette reconnaissance des quatre MC concerne uniquement les prestations fournies par les médecins ayant un titre de spécialiste et disposant d’une formation postgrade dans l’une de ces disciplines complémentaire.
Durant leur formation universitaire, les futurs médecins, pharmaciens, dentistes, vétérinaires et chiropraticiens doivent maintenant acquérir des « connaissances adéquates » sur les MC.
Évaluation
L’acupuncture, actuellement remboursée par l’AOS sans limite de durée, sera elle aussi mise au même niveau que les quatre nouvelles disciplines reconnues.
L’Office fédéral de la santé publique, le ministère suisse de la santé, est le maître d’œuvre de la nouvelle politique en matière de médecines complémentaires.
Le 17 mai 2009, le peuple et les cantons avaient largement (par 67% des voix) accepté un nouvel article constitutionnel (art. 118) sur la prise en compte, par le système de santé public, des médecines complémentaires. Cet article contraint la Confédération et les cantons à pourvoir à la prise en compte des MC. Il avait été proposé par le Parlement en contre-projet à l’initiative populaire « Oui aux médecines complémentaires » qui exigeait la prise en compte complète des MC dans le système de santé suisse et qui avait été retirée.
Depuis 2012, l’AOS remboursait les prestations de la médecine anthroposophique, de la médecine traditionnelle chinoise, de l’homéopathie et de la phytothérapie. Cette prise en charge était cependant limitée à fin 2017.
Pour mettre en œuvre le mandat populaire, le Département fédéral de l’intérieur (DFI) a suspendu, en 2013, l’évaluation, qui était en cours, de ces quatre disciplines. Il a ensuite demandé à l’Office fédéral de la santé publique (OFSP, ministère suisse de la santé) d’élaborer, en collaboration avec les milieux concernés (administrations, médecins conventionnels et complémentaires, hôpitaux, assureurs, etc.), une solution alternative pour une prise en charge obligatoire des prestations de la médecine complémentaire en respectant les « principes d’efficacité, d’adéquation et d’économicité » (principes EAE).
Pour concrétiser ce processus, l’ordonnance sur l’assurance-maladie (OAMal) et celle sur les prestations de l’assurance des soins (OPAS) furent adaptées.
Principe de confiance
La procédure de consultation prit fin le 30 juin 2016. Après bien des débats, rendus particulièrement ardus par la difficulté d’évaluer globalement l’efficacité des MC en question, un consensus fut trouvé. Les quatre MC seront placées sur un pied d’égalité avec les disciplines médicales classiques.
À certaines conditions (tradition de recherche et d’application, preuve scientifique et expérience médicale, formation postgrade), les prestations de la médecine anthroposophique, de la médecine traditionnelle chinoise, de l’homéopathie et de la phytothérapie, administrées par des médecins, seront soumises au « principe de confiance » et prises en charge par l’AOS. Le principe de confiance suppose que « les médecins ne fournissent que des prestations qui remplissent les obligations d’efficacité, d’adéquation et d’économicité ».
Les autorités politiques et médicales ont donc choisi de faire confiance aux hommes de l’art ainsi qu’à leur système de formation pour mettre en œuvre les traitements en MC que les citoyens suisses ont réclamé à une forte majorité.
Une commission pour les prestations controversées
Seules « certaines prestations controversées » seront examinées, tout comme pour les autres disciplines médicales conventionnelles. En cas de problème, en effet, si par exemple une méthode est expressément critiquée par certains, un dispositif particulier est prévu. Les prestations controversées, tout comme les nouvelles d’ailleurs, sont évaluées sur demande par une Commission fédérale des prestations générales et des principes (CFPP).
En principe, toute personne ou organisation intéressée peut déposer une « demande de prise en charge des coûts d’une prestation nouvelle » ou « remettre en question le remboursement d’une prestation ».
La demande est déposée en règle générale par un professionnel (fabricant, hôpital ou groupe hospitalier, société médicale) ou, occasionnellement, par une organisation de patients, par un assureur ou par l’OFSP lui-même.
Et c’est le DFI qui tranche en définitive, décidant si la thérapie ou la prestation mérite ou non son remboursement par le régime général.
Pour que le principe de confiance puisse s’appliquer, les prestations doivent se fonder sur les éléments suivant :
(Source : OFSP)
200 techniques de médecine complémentaire
Par ailleurs, d’autres médecines douces (médecine ayurvédique…) peuvent faire l’objet de prestations fournies par des thérapeutes non médecins. Elles ne relèvent pas de l’AOS et sont couvertes par des assurances complémentaires privées. Celles-ci ont établi des listes de disciplines qu’elles acceptent de couvrir.
A noter que dans ce domaine, le secrétariat d’Etat à la formation, à la recherche et à l’innovation (Sefri) avait validé très officiellement le 28 mai 2015, le diplôme de « naturopathe ». Une première en Europe ! Un examen similaire pour les thérapeutes complémentaires est en cours d’évaluation. A l’avenir, ces diplômes fédéraux seront une condition d’obtention des autorisations cantonales d’exercer.
Aujourd’hui en Suisse, quelque 3000 médecins et 20 000 thérapeutes non médecins utilisent près de 200 techniques de médecines complémentaires (source : OFSP).
Ainsi, grâce à un système politique ouvert à l’initiative populaire et à leur art du compromis, les Suisses sont parvenus à intégrer cinq médecines complémentaires dans leur système de santé, médecines douces qui sont désormais considérées, du point de vue professionnel, politique et social, au même titre que les disciplines classiques.
Christophe Delaval. Photo : JL ML
Il faudrait un livre entier pour détailler cette histoire inquiétante par les interrogations qu’elle soulève ! Comme nous l’avons écrit dans un article précédent, le 5 avril 2017, devant le tribunal correctionnel, la procureure de Châlons-en-Champagne (Marne) a requis quatre ans de prison contre Christophe Delaval. Ni le juge ni la presse et encore moins la procureure n’ayant exposé l’affaire dans son entièreté, Ouvertures, qui s’emploie à défendre des citoyens « inécoutés » et injustement traités par les pouvoirs, s’est plongé dans le dossier. Nous n’en abordons ici que les éléments les plus marquants.
Ce que nous avons découvert est effarant. En fait, selon nos observations, M. Delaval est surtout victime de partis pris d’administrations et d’instances qui ont eu pour résultat la spoliation des biens de sa famille. Lui-même ne possède aucun bien, étant dessaisi en raison de sa liquidation judiciaire non close depuis 2004.
Le tribunal de grande instance de Châlons-en-Champagne (Marne) a rendu son verdict (jugement du 7 juin 2017). Christophe Delaval est condamné à trois ans de prison (dont deux fermes), à une amende de 50 000 € et à une interdiction définitive d’exercer une activité industrielle ou commerciale. Sa mère Ghislaine Delaval, née Raussin, est elle punie d’une peine de deux ans de prison (dont un an ferme) et à une amende de 20 000 €.
Christophe et sa mère, après avoir été dépouillés de plusieurs de leurs terres et sociétés, doivent en outre verser autour de 1,6 millions d’euros € de dommages-intérêts, dont 255 000 € à la Mutualité sociale agricole (MSA) !
S’il a pu commettre des maladresses, voire des erreurs, sa volonté de nuire et de frauder n’est nullement prouvée. En effet, M. Delaval a toujours agi dans l’intérêt de sa famille, n’a jamais tiré aucun profit personnel des actes reprochés dans la procédure et, last but not least, n’a causé aucun préjudice aux sociétés prétendument spoliées, qui appartiennent toutes exclusivement aux membres de sa famille (parents, épouse, sœurs, enfant) ! Toutes sont immatriculées et domiciliées en France et elles effectuent les opérations liées à leurs activités dans les banques de l’Hexagone.
Incarcéré huit mois en “préventive”
Alors comment se fait-il qu’il ait été condamné à la faillite personnelle (10 mars 2008) à 3 ans d’interdiction de gérer (31 mars 2010), qu’il ait été « préventivement » incarcéré durant 8 mois en 2012 puis définitivement interdit de gérer (5 février 2014) ? Et qu’il risque dans quelques jours d’écoper d’une peine de quatre ans de prison ?
Comment se fait-il que, le 20 juin 2012 :
– une cinquantaine de gendarmes ait investi différents lieux appartenant à des membres de sa famille, procédé à cinq perquisitions ainsi qu’à une cinquantaine d’interpellations et gardes à vue ?
– Christophe Delaval ait été appréhendé, que les gendarmes lui aient fait part de leur satisfaction d’avoir arrêté le « cerveau de l’affaire », ajoutant : « Au cas où vous n’auriez pas été présent à 6 heures du matin, nous avions prévu l’assistance d’un hélicoptère pour vous intercepter ! »
Comment se fait-il :
– que toutes les sociétés appartenant à des membres de sa famille seront rapidement mises en liquidation (six sociétés dès fin 2012) suite à l’arrêt de leurs activités, arrêt décidé par l’administrateur judiciaire ?
– que ses parents soient mis dans l’obligation, en tant que cautions des sociétés, de régler les créances des banques ?
– que Christophe Delaval soit formellement interdit de contacter sa femme, une de ses filles, ses parents, ses sœurs, au total dix personnes jusqu’au procès ?
Pourquoi ce déploiement impressionnant de procédures et de contraintes ?
Un « escroc » d’envergure
Parce que le système institutionnel et médiatique a considéré que M. Christophe Delaval était un « escroc » d’envergure, ayant élaboré tout un montage financier, au travers de multiples sociétés, pour tromper son monde !
Le village des Delaval, près de Châlons-en-Champagne (Marne).
La présence des Delaval et des Raussin-Dommange (côté maternel) dans la région de Châlons-en-Champagne (Marne) date d’avant la Révolution. Au cours des générations, cette famille d’agriculteurs-éleveurs a constitué un patrimoine voué à l’agriculture. Les parents Delaval, Henri et Ghislaine (née Raussin), demeurant à Saint-Germain-la-Ville, ont trois enfants, Christophe, Marielle et Blandine. Les deux sœurs participent aux différentes sociétés constituant le patrimoine global, estimé à plusieurs millions d’euros, Christophe agissant en tant que « chef de famille ».
Pour diversifier leurs activités, les Delaval ont mené une politique d’acquisition et de création de sociétés (agricoles, immobilières, énergétiques), toutes immatriculées officiellement en France et, pour la plupart d’entre elles, à Châlons, dans la région natale et résidentielle de la famille.
Saint-Germain-la-Ville signalée par une épingle rouge sur la carte de France (document Google).
En toute transparence, les membres de la famille détiennent seuls les parts sociales de chacune d’entre elles, avec les responsabilités inhérentes (sociétés civiles indéfiniment responsables) et cautions vis-à-vis des banques. Conséquence de cet accroissement de patrimoine, les parents Delaval paient régulièrement l’impôt sur la fortune (ISF).
Ce patrimoine englobait, au moment des événements (2012) que nous allons décrire, une douzaine de sociétés propriété des parents et trois sociétés, propriété des sœurs, Christophe n’en possédant plus aucune. Ce dernier consacrait tout son temps et son énergie à faire fructifier ces biens pour le compte de sa famille. Il ne s’est jamais enrichi personnellement, ce qui rend incompréhensible les accusations d’escroquerie et de blanchiment d’argent ainsi que la sévérité des condamnations dont il a été l’objet.
Cet agriculteur, qui s’engageait progressivement dans le bio, risque de retourner en prison après une longue série de procédures, parfois très violentes, qui l’ont meurtri ainsi que tous les membres de sa famille.
Le contentieux avec la MSA
Pour tenter de comprendre les dessous de cette affaire, il faut remonter au début des années 1990, époque à laquelle Christophe Delaval et son compagne à Marie-Odile Remy (qui plus tard deviendra son épouse) choisissent de souscrire auprès d’une compagnie privée, Amariz, un contrat d’assurance-maladie. Ils sont tous deux agriculteurs et contestent le monopole de la Mutualité sociale agricole (MSA). Ils sont membres de la Confédération de défense des commerçants, artisans, agriculteurs (CDCA, syndicat aujourd’hui disparu), dont le leader, Christian Poucet, fut assassiné en 2001, une affaire à ce jour non élucidée.
Les Delaval militent pour le droit de cotiser à la prévoyance de leur choix, selon une interprétation de deux directives européennes datant, respectivement, de 1989 et 1992 supprimant le monopole de la Sécurité sociale (et de la MSA par conséquent).
L’Etat français conteste cette interprétation des textes européens. Néanmoins, la France sera condamnée pour non-respect des directives européennes à une astreinte journalière de 241 000 €.
Le débat est toujours d’actualité. Certaines associations militent toujours pour faire reconnaître le droit de s’affilier à une autre instance. Le 11 mars 2017, une nouvelle étape vers la fin du monopole a été franchie, même si l’arrêt de la Cour de cassation ne dénonce pas l’existence du monopole mais ses conditions d’attribution.
Le site de la MSA.
En 2004, la MSA, suite à des arriérés de cotisations (15 000 €), obtient les redressements judiciaires de Christophe Delaval et de Marie-Odile Remy.
La brutalité et la rapidité de la sanction semblent sans commune mesure avec les faits reprochés. Pourtant, ce coup de tonnerre n’est que le signe annonciateur de la tempête qui va s’abattre sur la famille Delaval.
De guerre lasse, le couple d’agriculteurs contestataire finit par rentrer dans le rang et, à partir de 2007, règle « normalement » ses charges sociales à la MSA.
En 2007, différents contrôles fiscaux sur deux ans (TVA, SFP, ISF, IRPP) concernant tant Christophe Delaval que ses parents et ses sociétés ne donnent lieu qu’à des redressements dérisoires (total 4000 €).
Mis sur écoute
En 2008, M. Delaval est mis en faillite personnelle pour une durée de dix ans, au motif d’une absence de comptabilité à laquelle pourtant, en tant qu’agriculteur individuel, il n’est normalement pas soumis ! Il se défend jusqu’en Cassation, obtient gain de cause avec renvoi devant une autre Cour d’Appel. Malheureusement, en raison d’une faute de l’avocat (non saisine de la cour d’appel de renvoi), la faillite est définitivement actée. Sa femme, Madame Remy, elle-même condamnée à quinze ans d’interdiction de gérer, n’a pas la force de se pourvoir contre cette décision.
En 2009, la confusion est grande. Les relations se tendent entre M. Delaval et certaines administrations et instances, et particulièrement la MSA. D’autant que cette dernière constate des retards de paiement des charges de l’agriculteur — qui se débat dans de grandes difficultés.
Cette même année, la MSA obtient le redressement judiciaire de deux structures de la famille, deux décisions qui sont annulées, l’une en 2009, l’autre en 2011 pour absence de fondement.
Nous voici en 2010. La MSA, refusant une conciliation obligatoire, assigne le couple Delaval-Remy devant le tribunal de commerce et celui de grande instance pour « retenue de précompte salarial » de près de 40 000 € pour une de leurs sociétés de l’époque. La veille de l’audience, la MSA modifie ses conclusions indiquant qu’après réactualisation de la dette, il n’était plus dû que 1 001 € ! Néanmoins, des condamnations sont prononcées : respectivement 6 mois et 3 mois de prison avec sursis avec interdiction de gérer pendant 3 ans.
De surcroît, saisi par le parquet, suite à une information de la MSA, le juge d’instruction Delpierre ouvre alors une enquête. Christophe Delaval est mis sur écoute.
Perquisitions, interpellations, gardes à vue, emprisonnement
Le 20 juin 2012, une cinquantaine de gendarmes perquisitionnent cinq adresses de la famille Delaval. De nombreux documents sont saisis sans que les Delaval puissent y avoir accès ultérieurement, ce qui aura des suites désastreuses, la défense ne pouvant pas, dès lors, être correctement assurée. Trois contrats d’assurance-vie des parents de Christophe sont saisis, représentant 500 000 €, au motif qu’ils n’ont pu être souscrits qu’avec de « l’argent frauduleux ». Ceci a permis au juge Delpierre de placer la mère de Christophe Delaval sous contrôle judiciaire avec interdiction de gérer.
Parmi les motifs de l’incarcération de M. Delaval, on peut lire que “les écoutes téléphoniques révèlent qu’il a de très nombreux contacts à l’étranger et notamment dans les pays de l’Est qu’il convient donc d’éviter qu’il soit tenté de se soustraire à la justice”. C’est vrai que Christophe était en lien avec des Roumains et des Polonais, comme beaucoup d’agriculteurs qui vendent du matériel d’occasion. De là à le soupçonner de vouloir fuir à l’étranger…
Une cinquantaine d’interpellations et de gardes à vue est réalisée. Le lendemain, Christophe Delaval est incarcéré « préventivement » à l’issue de sa garde à vue. Pour lui, cet emprisonnement, qui durera huit mois, était en fait une mise à l’écart pour éviter qu’il guide sa famille vers des choix de défense adéquats.
Le 10 juillet 2012 paraît un article dans le journal local l’Union, lequel constitue la seule source d’« information » pour l’opinion publique. Sur trois colonnes, le quotidien régional présente les soupçons des enquêteurs comme des faits avérés et titre : « Écroué pour une série de malversations, l’agriculteur cultive la fraude et récolte la prison ».
Sur un ton ironique, le journaliste parle de la mise au jour d’une « nébuleuse » de sociétés « pompes à fric », maniées « en sous main » par « l’incorrigible » Christophe Delaval malgré son interdiction de gérer, coupable par ailleurs de « fraude fiscale », ce que l’enquête n’a jamais démontré. Ses proches sont tétanisés par la violence de la charge. Surtout que pas un mot n’est accordé dans cet article à la défense. L’étiquette d’escroc va désormais coller à la personne de l’agriculteur poursuivi.
Des membres de sa famille accordent même du crédit aux accusations portées par la gendarmerie à l’encontre de Christophe, croyant avoir été trompés. Le doute s’installe dans leur esprit. Beaucoup se détournent alors de lui.
Grève de la faim
Sûr de son bon droit, l’agriculteur fait la grève de la faim, ce qui lui vaudra, après sa libération, une obligation de soins sous le motif de « difficultés psychiatriques apparues en détention »…
C’est la stupéfaction, bien sûr chez les premiers intéressés, mais aussi dans le voisinage et toute la région.
Ghislaine Delaval, la mère de Christophe, également poursuivie, connaîtra son sort ce 7 juin 2017. Photo : JL ML.
Pour expliquer les mouvements financiers qualifiés de litigieux, il suffisait, selon Christophe Delaval, de vérifier leur objet en regardant dans les grands livres comptables la façon dont ces sommes avaient été enregistrées. Selon sa mère, Ghislaine Delaval, il ne s’agissait nullement d’abus de biens sociaux ni de blanchiment d’argent, mais de remboursements à un associé de sommes qu’il avait mises en « compte courant », pratique très courante, mais que les enquêteurs présentent comme une manipulation frauduleuse.
Ghislaine Delaval a demandé officiellement au juge d’instruction copie des grands livres comptables des sociétés pour justifier des mouvements financiers considérés comme frauduleux par le juge Delpierre. Ce dernier refuse par ordonnance d’en communiquer copie en invoquant que Mme Delaval n’était plus gérante et que ces documents appartenaient aux sociétés concernées.
En février 2014, les beaux-parents et un ami agriculteur de Christophe sont expulsés manu militari de leurs terres par un commandant de gendarmerie qui les menace de « mettre le feu à la ferme s’ils ne se laissent pas faire ». Une enquête de la police des polices est diligentée sur ces faits.
« Les gendarmes ont fait leur travail »
La même année, la cour d’appel de Nancy le condamne à une « interdiction définitive d’exercer une profession commerciale ou industrielle, de diriger, administrer, gérer ou contrôler une entreprise ou une société ». La procureure, en avril 2017, basera l’essentiel de son accusation sur la prétendue violation par Christophe de cette interdiction et justifiera par ce motif son souhait de le voir en prison.
En juillet 2014, Christophe présente une requête aux fins de désignation d’un expert comptable judiciaire pour « mieux apprécier la nature et les responsabilités encourues » par les inculpés. Le juge Delpierre lui répond par ordonnance son refus en expliquant : « Les gendarmes ont fait leur travail ».
Comment, dans ces conditions, assurer équitablement la défense ?
En 2015, Ghislaine Delaval est sanctionnée d’une faillite personnelle (pour la gestion d’une société qui n’avait pourtant aucune dette).
Le conflit avec la Direction départementale de l’agriculture (DDA)
En 2007, les Delaval font face à de grandes difficultés. Ils sont éligibles à des primes européennes, versées sous certaines conditions aux agriculteurs, et destinées à compenser les pertes d’exploitation imputables à la politique des prix imposée par l’Europe. Mais, en raison d’atermoiements administratifs, certaines de leurs fermes ne les perçoivent pas.
En effet, pour en bénéficier, les exploitations doivent justifier auprès de la Direction départementale de l’agriculture et de la forêt (DDAF) d’un « relevé parcellaire ». Or, la délivrance du document est de la compétence exclusive de… la MSA. Celle-ci traîne des pieds puis finit par le leur transmettre deux ans plus tard, deux ans pendant lesquels les fermes font face à des difficultés de trésorerie.
En décembre 2010, deux recours sont introduits devant le tribunal administratif par les Delaval pour faire valoir un préjudice de 120 000 €/an.
Alors qu’ils peuvent prétendre à bénéficier d’une mesure agroenvironnementale (MAE) visant à la conversion à l’agriculture biologique, ils en sont privés, abusivement selon eux. Dans ce cadre, deux autres fermes familiales des Delaval dont s’occupe Christophe, ont le même type de souci, avec un préjudice global s’élevant à 320 000 €.
Les Delaval doivent introduire un recours hiérarchique en mars 2012 auprès du ministère de l’agriculture et saisir le tribunal administratif qui les déboutera. Sur appel de cette dernière décision, la Cour administrative de Nancy rendra en avril 2012 deux arrêts opposés, l’un acceptant, l’autre rejetant le recours alors que les deux fermes invoquaient exactement les mêmes arguments.
Les terres liquidées sont désormais dans le giron de la Safer.
Interdiction de contacter sa femme, une de ses filles, ses parents, ses sœurs, dix personnes en tout
Pour résumer la suite de l’histoire, une fois l’interdiction de gestion prononcée à l’encontre de Ghislaine Delaval, sa première avocate lui conseille en juillet 2012 de demander la nomination d’un administrateur provisoire. Elle obtempère. Mais, en novembre de la même année, l’administrateur (dont la famille pense qu’il a pour mission de protéger son patrimoine) ordonne la mise en redressement puis la liquidation judiciaire de la quasi totalité des sociétés ! Ghislaine Delaval est écartée de la vente de ses biens, des contestations de créances des banques… mais pas de sa qualité de caution.
A ce jour, la situation des parents Delaval, avant tout jugement sur le fond, est la suivante : la totalité de leur patrimoine est hypothéquée jusqu’à trois fois et tous les placements ont été saisis ou nantis. Leur retraite mensuelle – pour deux – est de 1531 €. Mais, après saisie sur rémunération, ils ne perçoivent que 1201 € pour vivre… et payer leurs avocats. Ils ont dû emprunter de l’argent à quelques amis. Toutes les demandes d’aide juridictionnelle leur ont été refusées.
Malgré les 250 000 € dépensés en honoraires d’avocats, la famille Delaval n’a pas pu jusqu’à ce jour faire vraiment entendre son point de vue face au rouleau compresseur médiatique, administratif et judiciaire.
Jusqu’au procès du 5 avril 2017 dont Ouvertures s’est fait l’écho, M. Delaval avait interdiction formelle de contacter sa famille. Y compris dans le cadre de la préparation de son divorce (décidé en 2012), le refus de conciliation ayant été ordonné par le juge d’instruction Delpierre !
Pour conclure, Christophe Delaval assure avoir seulement fait tout ce qu’il lui était possible pour conseiller et accompagner les sociétés de la famille, sans commettre d’« actes de gestion » proprement dits et sans que personne ne soit lésé. L’agriculteur de Saint-Germain-la-Ville s’élève contre la violence et le grand nombre d’« irrégularités » ayant émaillé, selon lui, les différentes procédures engagées contre lui et sa famille. Par exemple, le tribunal de grand instance a requis 373 000 € d’amende pour un prétendu préjudice envers la MSA, alors que ni celle-ci ni le fisc n’ont demandé le moindre euro au liquidateur judiciaire des sociétés.
Au cours du procès, la procureure a cherché à démontrer que la violation de l’interdiction de gérer, son principal grief, était caractérisée de multiples façons. Cette violation méritait bien, selon ce qui ressortait du ton moralisateur employé par la procureure lors de son réquisitoire, quatre ans de prison !
Verdict le 7 juin 2017.