Opération de police musclée contre Terre du Ciel

En investissant militairement le Domaine de Chardenoux (Saône-et-Loire), jeudi 7 janvier, les pouvoirs publics s’en prennent à un symbole de la diversité spirituelle, l’entreprise Terre du Ciel fondée par Alain Chevillat. C´est un sérieux avertissement à tous ceux qui, en France, prient, dansent ou méditent hors des lieux officiellement reconnus…

Vidéo tournée en 2009 par le Centre pour présenter ses activités. L´opération militaire du 7 janvier met en lumière que la “joie” revendiquée par Terre du Ciel n´a plus droit de cité. Comme le montre l´omniprésente campagne publicitaire d´une certaine marque de voitures, elle ne peut plus désormais résider que dans le plaisir consumériste.

Ce jeudi 7 janvier à 8h45, trois voitures entrent à toute allure dans la cour d’honneur du Domaine de Chardenoux, à Bruailles en Saône-et-Loire, avant de repartir vers les bureaux. À 9h précise, une vingtaine d’hommes intiment au personnel l’ordre de ne plus toucher à rien – ni papier, ni ordinateur, ni téléphone – tandis que deux fourgons bleus de la gendarmerie se positionnent devant les deux entrées du Domaine et qu’en descendent des hommes armés, en treillis d’opération militaire : défense d’entrer et de sortir. C’est une perquisition. Elle va durer jusqu’à 18 h sans interruption.

Il y a là des hommes et femmes de la brigade de recherche, brigade financière, Urssaf, inspection du travail – avec un spécialiste de l’informatique et un médiateur psychologue. 

« La moindre pièce et le moindre placard furent visités et fouillés, explique Alain Chevillat, créateur du centre. Des cartons de dossiers furent mis sous scellés et emportés, tous les ordinateurs furent débranchés et emportés, ainsi que le serveur central, les sauvegardes, les disques durs annexes et tous les logiciels. Chaque membre du personnel était en permanence encadré de trois personnes et harcelé de questions ou de remarques ironiques : “Est-ce qu’on vous oblige à porter un uniforme ? Est-ce qu’on vous oblige à faire de la gymnastique ? Les repas sont-ils végétariens ? Sont-ils bons ? D’où viennent les stagiaires ?” À l’évidence, les gendarmes avaient une idée bien précise derrière la tête : nous n’étions pas une entreprise classique et il y avait un big boss tout puissant sur les corps et les esprits. La gendarmerie a emporté tous les ordinateurs, tous les fichiers, tous les carnets d’adresses, beaucoup de dossiers en cours, et beaucoup d’argent provenant du règlement des stages et des abonnements aux revues, et en instance de partir à la banque. Nous sommes pratiquement dans l’impossibilité de continuer à travailler. Nos programmes d’été doivent être bouclés dans un mois. Si ce n’est pas fait nous frôlons la catastrophe, et aujourd’hui nous ne pouvons rien faire. Aucune date ne nous a été donnée pour la restitution du matériel : “l’enquête prime”. »

Selon le Journal de Saône-et-Loire du 14 janvier, l´enquête serait justifiée par des “activités dissimulées”, la SARL Terre du Ciel n´ayant pas mis à jour son Kbis [1]. Celui-ci ne mentionne en effet qu´une activité d´édition de livres, alors que ses activités se sont élargies, depuis sa création en 1990, à l´organisation de stages, de voyages et de colloques.
Le journal local rapporte également le sentiment exprimé par les responsables de l´entreprise d´être les victimes d´une chasse aux sorcières : « Les questions des gendarmes et leurs attentes montrent qu’ils cherchaient à prouver que nous étions une secte ». Reste que la confiscation des outils de travail de l´entreprise met en péril la pérennité de l´entreprise et de ses 18 emplois.

Dans un communiqué, le Centre d’information et de conseil des nouvelles spiritualités (Cicns) fait le lien entre cette violence militaire et d’autres actions récentes de ce type : « Après le Moulin des Vallées à la fin de l´année 2009, le centre de Chardenoux (Terre du Ciel) vient de subir un de ces assauts policiers dont la France antisectes s´est fait une spécialité. Aucune justification à cette descente n´a été donnée aux intéressés qui pensent (nous avons évidemment le même avis) que la lutte antisectes aveugle et sourde est la raison principale de leur situation. En attente d´éclaircissements, ils sont à ce jour incapables de poursuivre leur activité à la suite de la perquisition ».

• N´y a-t-il pas des moyens plus civilisés que des mitraillettes pour demander des comptes à des citoyens qui vivent sans se cacher ?

>> Alain Chevillat raconte son parcours sur France-Culture dans un entretien avec Olivier Germain-Thomas (texte non daté).
>> Lire aussi sur Ouvertures l´interview du procureur de Chalon sur Saône

>> Un communiqué de Terre du Ciel, daté du 1er février, annonce que l´entreprise allait pouvoir récupérer ses ordinateurs et son fichier ce mercredi 3 février après-midi.


[1] Extrait du registre du commerce et des sociétés, sorte de carte d´identité de l´entreprise

La dernière moisson (britannique) de crop circles

Pour le plaisir des yeux et de l´esprit, voici un florilège des crop circles apparus en Grande-Bretagne depuis le mois d´avril 2009. Certaines formations s´étendent sur plus de 200m !

Plus de 10 000 de ces formations (dont le nom savant est agroglyphes et qui peut être traduit en français par “cercles de culture”) ont été répertoriées dans le monde depuis plus de 30 ans.

Les photos sont de Steve & Karen Alexander, spécialisés dans les crop circles, qui publient depuis 10 ans une édition annuelle rassemblant les plus beaux motifs.

 
 
   

A admirer sur leur site.

Devenez blogueur littéraire !

Grâce à des réseaux sociaux comme babelio.com, recevez les nouveautés et devenez critique littéraire.

De plus en plus, l’internaute s’informe et découvre ses prochaines lectures via des critiques professionnelles en ligne, qu’elles émanent d’acteurs traditionnels (lemonde.fr, liberation.fr, bibliobs.com etc.) ou de nouveaux venus (nonfiction.fr, laviedesidees.fr etc.).

A ces critiques professionnelles s’ajoutent de nouvelles sources de recommandation et de découverte, comme les réseaux sociaux littéraires ou la blogosphère littéraire. Parmi les 100 blogs les plus populaires en France, 10 ont pour sujet la littérature (source : wikio.fr, Top Blogs – 11/2009).

Parmi les réseaux sociaux littéraires, babelio.com réunit aujourd’hui près de 10 000 bibliothèques, c’est-à-dire 10 000 membres qui ont créé leur bibliothèque en ligne. De la sorte, ils peuvent partager et échanger leurs goûts et impressions avec d’autres lecteurs. Ils critiquent les ouvrages qu’ils ont reçu en service gratuit par l’intermédiaire du site et notent les auteurs.

Depuis deux ans, à travers son programme Masse Critique, balelio.com met en relation éditeurs et principaux blogs littéraires.

Le principe est simple : « Nous fonctionnons comme un service de presse, explique Guillaume Teisseire, l’un des fondateurs du site. Sauf qu’au lieu de nous adresser à des journalistes, nous communiquons avec des blogueurs influents. Tous les trois mois, une trentaine d’éditeurs mettent quelques exemplaires de leurs nouveautés, par notre intermédiaire, à la disposition des blogueurs littéraires. En échange, les blogueurs que nous avons sélectionnés s’engagent à écrire une critique, positive ou négative, sur leur blog et sur le site dans le mois qui suit. Nous veillons à ce que les blogueurs reçoivent bien les livres mais aussi à ce qu’ils publient réellement leurs critiques.  S’ils ne le font pas ou tardent à le faire, nous les rayons de notre liste. Depuis deux ans, 1 700 livres ont été envoyés aux blogueurs et environ 1 500 critiques publiées ».

Une floraison de blogs littéraires

Sur le Net, selon un article de Télérama, on compte plus de 400 blogs littéraires francophones. Ils ont même désormais leur prix annuel, Biblioblog, décerné par un jury de blogueurs lecteurs et dont le lauréat de la troisième édition vient d’être désigné. Il s’agit de Paul Vacca, avec La Petite Cloche au son grêle (éd. Philippe Rey). Avec quelque trente-trois mille visiteurs chaque mois, Biblioblog est l´un des sites littéraires français les plus fréquentés.

Depuis deux ans, la plupart des maisons d’édition tentent d’intégrer les blogs à leur plan de communication. Les attachées de presse de Gallimard ont même suivi une formation pour tâcher de tracer leur sentier dans la jungle des passionnés de lecture.

Le modèle économique est basé sur les versions payantes qui accompagnent cette démarche gratuite : « L’une consiste à proposer une palette de 30 à 50 blogueurs à un éditeur qui veut promouvoir un titre et obtenir un volume certain de commentaires à son sujet. Pour ce faire, il offre aux blogueurs sélectionnés par nous autant de livres dont il a la garantie qu’ils seront critiqués. Toujours en bien ou en mal, c’est le principe. L’autre version consiste à vendre aux bibliothèques municipales diverses prestations : critiques de livres, citations, notes, mots-clés, etc. Nous avons commencé avec Toulouse et sommes en discussion avec d’autres villes. Nous visons l’équilibre économique d’ici deux ans. »

Livres et revues : notre sélection du 1er trimestre 2010

En conscience le refuse d´obéir
Résistance pédagogique pour l´avenir de l´école
Alain Refalo
des ilôts de résistance

« Je vous écris cette lettre car aujourd´hui, en conscience, je ne puis plus me taire ! En conscience, je refuse d´obéir. Depuis un an, au nom des indispensables réformes, un processus négatif de déconstruction de l´Education Nationale s´est engagé  qui désespère de plus en plus d´enseignants (…) »

Ainsi commençait la lettre qui l´a rendu célèbre. Alain Refalo, instituteur (professeur des écoles) à l’Ecole Jules Ferry de Colomiers (Haute Garonne), par ailleurs président du Centre de ressources sur la non-violence de Midi-Pyrénées, a choisi de lutter, plutôt que de se résigner à la perte de sens de son métier. Propulsé au devant de la scène par la position qu´il a prise dans ce courrier adressé à son inspecteur de l´Education nationale, il a engendré un mouvement spontané d´enseignants « désobéisseurs », qui refusent d’appliquer certaines réformes jugées nuisibles. Et qui ont été sanctionnés pour cela.

A. Refalo a imaginé cet ouvrage comme un manifeste. Analysant les réformes qui menacent aujourd’hui l’école de la République, il répond par des actions et des contre-propositions étayées par la pratique des enseignants. Il détaille les raisons d´une révolte personnelle qui a eu l´intuition de parler aux consciences d´un grand nombre.

L´auteur présente également la légitimité de la désobéissance et de la contestation positive. S´appuyant sur les textes et les actions de Thureau, Gandhi ou Martin Luther King, Alain Refalo invoque la justesse de ce mouvement au regard de l´histoire ou de la simple responsabilité citoyenne. Il termine son texte en appelant à l´insurrection des consciences.

La France au pluriel
La Documentation française
Cahiers français n° 352

A l´heure du grand débat sur l´identité nationale, voici une réflexion utile sur la diversité de ses composantes. Ce dossier des Cahiers français rappelle que la France fut de longue tradition une terre d´accueil. Il nous parle des peuples, d´identité culturelle, de mémoire nationale plurielle, mais aussi des politiques d´intégration et du questionnement du modèle français.

Une approche pluridisciplinaire pour un dossier fouillé, servi par des plumes de renom.

 

 

 

Guide du chauffage au bois
Habitat naturel hors-série n° 7
Avec l´Ademe

Ce 7e hors-série d’Habitat Naturel, réalisé en collaboration avec l’ADEME, est un guide pour choisir un bon appareil, bien l’utiliser et opter pour un combustible de qualité, afin que le chauffage au bois soit véritablement synonyme d’écologie et d’économie !

En complément de ce hors-série, vous trouverez dans le n°28 d’Habitat Naturel, des comparatifs de poêles et de chaudières à granulés qui faciliteront vos recherches.

La France au pluriel

Un nouvel outil pour s’intégrer aux écosystèmes sans leur nuire

L’évaluation des services rendus par les écosystèmes (ESR) permet aux entreprises de se développer tout en comprenant, en utilisant et en respectant les écosystèmes qui les entourent.

Issu des travaux conjoints du World Business Council for Sustainable Development (WBCSD)[1], du World Business Resources Institute (WRI) et du Meridian Institute, l’ESR est né en réaction à l’accélération et à l’extension du déclin des écosystèmes. Or les entreprises dépendent de services rendus par des écosystèmes en bonne santé : eau douce, bois, ressources génétiques, pollinisation, régulation climatique etc.

Ce constat avait débouché en 2005 à “l’évaluation des écosystèmes pour le Millénaire”, premier audit mondial des forêts, zones humides et autres écosystèmes de la planète.

L’ESR est un outil qui permet aux entreprises de comprendre les interactions entre l’évolution des écosystèmes qui les entourent et la réalisation de leurs objectifs économiques. Les entreprises peuvent ainsi mieux gérer les risques et saisir les opportunités découlant de leur dépendance et de leur impact vis-à-vis de la nature.

Une large gamme d’activités est concernée, des industries minières au secteur agroalimentaire, en passant par les industries manufacturières ou la grande distribution. Dans chacun de ces secteurs, l’ESR aide à étayer les processus décisionnels ou les choix de procédés industriels. Il complète utilement les systèmes de management environnementaux existants.

Publié en mars 2008, l´ESR a été récemment traduit en langue française grâce au soutien d’EDF, GDF-SUEZ et Veolia Environnement, tous trois membres du WBCSD et d’EpE, en partenariat avec l’Institut Inspire.

Deux exemples

Mondi : ce groupe multinational spécialisé dans le papier et l’emballage a utilisé l’ESR pour mettre au point de nouvelles stratégies pour affronter les évolutions des services écosystémiques de leurs plantations africaines certifiées FSC. Mondi améliore sa consommation d’eau par une gestion plus efficace des espèces invasives. Elle améliore l’adéquation entre les espèces d’arbres plantées et les caractéristiques du site, utilise l’eau de manière plus rationnelle et pratique les brûlis contrôlés de manière plus appropriée.

Syngenta : cette société agroalimentaire a choisi de tester l´ESR avec les agriculteurs du sud de l’Inde. L’entreprise a identifié plusieurs moyens d’aider les agriculteurs à réduire leurs impacts sur les écosystèmes ou à s’adapter aux changements. Par exemple : l´augmentation de la population de pollinisateurs en vendant des abeilles et un mélange de graines naturelles ; et l’utilisation des savoirs de l’entreprise afin d’offrir aux agriculteurs un système intégré de gestion des ravageurs.

La version française de l’ESR sera présentée le mardi 26 janvier 2010 chez Veolia Environnement, au 36/38 avenue Kléber, 75008 Paris.
• Contact : Valérie Philip, tél. : 01 49 70 98 51, vphili(at)epe-asso.org

>> Télécharger le guide : L’évaluation des services rendus par les écosystèmes aux entreprises (ESR) L´ESR est un guide pratique pour la mise au point de stratégies permettant la prise en compte, pour une entreprise, des risques et opportunités découlant de sa dépendance ou de ses impacts vis à vis des écosystèmes et des services qu´ils fournissent.

>> Télécharger l’outil d’analyse des dépendances et impacts, tableur Excel qui guide les utilisateurs à travers une série de questions permettant d’identifier les services rendus par les écosystèmes les plus susceptibles de présenter des risques et opportunités pour sa performance économique.


[1]  Dont Entreprises pour l´environnement (EpE) est le partenaire français.

Un magazine pour faire entendre les voix du Sud (I)

Le mensuel Afrique Asie, qui a accompagné l’expression des nouvelles soifs de liberté des pays africains sous tutelle coloniale, vient de fêter ses 40 ans. Il a connu des hauts et des bas, mais jamais de complaisance. Ce dont lui est aujourd’hui encore reconnaissante toute une génération de militants tiers-mondistes devenus altermondialistes…

Bouzid Kouza, journaliste, connaît bien l’histoire du magazine Afrique Asie dont il a rejoint l’équipe en 1979 (voir encadré).
Photo : JL ML

Il y a tout juste 40 ans (novembre 1969) naissait le magazine Afrique Asie, sous l’impulsion de Simon Malley († 2006). Alors correspondant diplomatique à New York pour des journaux et radios arabes et africains, ce journaliste égyptien a réuni une équipe de collaborateurs de toutes origines pour tenter une difficile aventure éditoriale : la publication d’un périodique consacré à la lutte de libération des peuples opprimés.

C’était courageux à l’époque. Les États-Unis pataugeaient dans le bourbier vietnamien. Les luttes pour l’indépendance en Afrique, Asie ou Amérique latine embrasaient les anciennes colonies. À contre-courant de la pensée unique véhiculée par la “grande presse”, les publications de Simon Malley – à Afrique Asie s’étaient ajoutés L’Économiste du Tiers Monde et Africasia en anglais – délivraient des informations, des analyses et des points de vue qui en a dérangé plus d’un. À preuve, l’irritation manifestée à l’égard du journal par le maréchal Mobutu, Omar Bongo et quelques autres, qui ont obtenu notamment l’intervention du président français Giscard d’Estaing pour tenter de faire taire Afrique Asie à jamais. Le 3 septembre 1980, Simon Malley, qui n’avait pas la nationalité française, était expulsé manu militari par la police française. Le prétexte ? Lui et son journal « mettaient en péril la sécurité même de notre pays » !

Malgré les difficultés financières qui lui ont valu trois interruptions (1987, 2001 et 2006), le journal continue sa route, exerçant son influence sur des générations d’Africains et d’Orientaux, et de militants tiers-mondistes, faisant entendre « la voix des sans voix », produisant quelques scoops.

« Sortir des conflits par le débat »

« Le journal a parfois payé cher son engagement, comme son soutien appuyé à l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), explique Bouzid Kouza, journaliste d’origine algérienne travaillant pour Afrique Asie. C’est vrai que nous avions une approche empathique, vue de l’intérieur, des luttes d’émancipation. Nous avons participé à l’éveil et à la formation, dans les domaines politique et économique, de nombreux cadres africains qui sont aujourd’hui aux commandes. Après une première période très révolutionnaire et antiimpérialiste, nous avons soutenu, face à l’insidieux néocolonialisme, le courant de pays africains considérés comme “progressistes” mais avec une approche moins schématique, moins véhémente dans la forme pour privilégier une écriture toujours critique mais davantage analytique et prospective, en phase avec la nouvelle donne dans les relations internationales et avec les nouvelles formes de lutte des peuples du Sud. En donnant la parole à des personnalités ignorées par la grande presse, nous avons diffusé des visions du monde exprimées par les gens de ce Sud, qui vivent différemment de ceux du Nord. Nous ne sommes plus dans l’antagonisme ni l’hostilité gratuite, mais dans l’explication, le discernement des enjeux. À l’ancienne attitude de confrontation avec les « méchants capitalistes », nous avons substitué une volonté de sortir des conflits par le débat. Les formes d’activisme héritées du 19e siècle sont obsolètes. Nous donnons la parole aux intellectuels « différents » et à ceux qui sont à l’écoute des faibles et des démunis, de ceux qui n’ont pas les moyens d’exprimer leurs besoins. La démocratie a apporté un plus pour les élites et pour ceux qui veulent intégrer le système. Nous en sommes désormais. »

 Après s’être investi, d’abord pour assurer sa continuité, ensuite pour améliorer le contenu, la diffusion et, surtout l’équilibre financier, le mensuel va passer à l’étape supérieure. Son site Internet sera alimenté en permanence par des informations supplémentaires, des analyses, des reportages audio et vidéo. Une  newsletter et une lettre confidentielle viendront étoffer l’édition imprimée. Les numéros hors-série seront plus nombreux pour mieux couvrir certains sujets d’actualité et certains pays insuffisamment traités dans l’édition mensuelle.

Avec toujours la même volonté d´être la voix de ceux et celles qu´on n´entend pas…

>> L’histoire d’Afrique Asie de sa naissance à ce jour, vue par la rédaction (décembre 2009). 

Madjiguène Cissé : l’ex-sans-papière aide les femmes à créer des richesses (III)

Elle avait connu son heure de gloire, à Paris en 1996,  en prenant la défense du mouvement des “sans-papiers” de Saint-Bernard. Aujourd’hui, elle anime le Refdaf, Réseau des femmes pour le développement durable en Afrique, basé au Sénégal. Son objectif : aider les femmes, y compris les plus pauvres, à passer de la survie à la création de biens et de services sur des bases solides et durables.

Madjiguène Cissé à Marrakech lors du congrès Africités 2009.
Photo : JL ML.

Le 28 juin 1996, trois cents étrangers en situation irrégulière – en majorité des Maliens et des Sénégalais qui travaillaient depuis longtemps en France – commencent l’occupation de l´église Saint-Bernard à Paris pour demander leur régularisation.

Ils avaient occupé l´église Saint-Ambroise en mars, mais s´en étaient fait expulser.

Ils avaient ensuite occupé d´autres lieux de la capitale dont ils s´étaient fait à chaque fois évincer. Autour de leur action, et particulièrement grâce à Madjiguène Cissé [1], se crée une forte médiatisation. Deux ans plus tard, près de 90 000 sans-papiers étaient régularisés…

 Aujourd’hui, l’ancienne porte-parole, mère de trois enfants, s’est assagie. Mais elle n’a renoncé ni à ses idéaux ni à son activisme. Depuis neuf ans, elle accompagne les femmes d’Afrique et particulièrement du Sénégal, son pays d’origine où elle est professeur d’allemand, dans leur quête d’un développement durable. Elle continue d’intervenir également, sur la scène internationale, comme spécialiste des questions de migration, de droits des femmes ou de développement local.

 Nous l’avons retrouvée à Marrakech (Maroc) où elle intervenait le 17 décembre dernier dans le cadre d’Africités, dans l’atelier « Economie populaire et microcrédit ».

 Ouvertures.- Quel but vise le réseau de femmes que vous présidez ?

 Madjiguène Cissé.- Faire émerger une société civile féminine africaine. Nous accompagnons les femmes dans des programmes de création de richesses, biens et services. Nous voulons renforcer leurs capacités dans tous les domaines, par la sensibilisation et la formation.

Malgré le rôle éminent qu’elles ont toujours joué, malgré le fait qu’elles constituent la majorité de la population rurale et urbaine, les Africaines sont confinées dans l’informel et mènent des activités de survie au quotidien. Il faut les sortir du « petit » dans lequel elles sont enfermées : petit logement, petit élevage, petite agriculture, petit commerce, petite finance… Nous voulons trouver les moyens de l’envergure, en faire des propriétaires, des directrices, des entrepreneuses, des capitaines d’industrie…

Pour cela, nous fédérons nombre d’associations de base existantes, environ 150 à ce jour. Le réseau permet de poser des objectifs communs et de mettre en œuvre des stratégies communes.

 6000 sans-papiers en région parisienne

Plus de 6 000 sans-papiers sont actuellement en grève dans toute l’Ile-de-France, représentant plus de 2 000 entreprises. Soutenus par plusieurs syndicats et associations (CGT, CFDT, FSU, Solidaires, UNSA, Femmes Egalité, Cimade, LDH, RESF, Autremonde, Droits Devant), ces immigrés demandent la rédaction et la publication d’une nouvelle circulaire sur les titres de séjour reconnaissant leurs droits et leur dignité de travailleurs. Le texte devrait  définir des critères de régularisation par le travail  « améliorés, simplifiés et appliqués sur l’ensemble du territoire ».

La présidente du club patronal Ethic, Sophie de Menthon, dans une tribune publiée par Les Echos le 28 décembre, a proposé de « donner une chance aux employeurs, plutôt de bonne foi, de rentrer dans les clous en accordant « trois mois à ceux qui veulent régulariser la situation de leurs employés cachés », en échange de « l´impunité s´ils s´engagent sur des CDI ».

 – Des exemples concrets ?

 – L’accès à la terre. Souvent, les femmes ne savent même pas qu’elles y ont droit. Et quand elles le savent, elles n’ont pas les moyens de louer. Nous avons organisé des campagnes d’information, rédigé des modèles de demande de location, aidé au regroupement de moyens financiers.

Autre initiative, l’espace d’échanges et de commercialisation. Nous aidons les femmes à acquérir des étals et des cantines sur les marchés, avec Dakar dans un premier temps comme région-test. Cet espace leur permet d’écouler et d’échanger les produits de terroir.

Autre projet qui me tient à cœur, la Cité des femmes, une expérience réussie d’habitat social [2]. C’est une forte demande de la part des femmes, dont beaucoup sont veuves ou divorcées et vivent dans des pièces étroites, mal équipées et chères. Les femmes du Refdaf, après d’énormes sacrifices, ont pu obtenir 100 parcelles à Keur Massar. Ménagères, vendeuses au détail, commerçantes, elles cotisent sur un compte commun ouvert auprès de la Banque de l’habitat (Bhs). Quand un certain montant d’apport personnel est atteint (500 000 francs CFA, soit 762 €), elles obtiennent une parcelle viabilisée par l’État. Là, elles construisent elles-mêmes leur maison avec les conseils de l’Atelier de construction que nous avons mis sur pied.

Le Refdaf a pu aussi acheter sur le même site une parcelle de 300 m², son premier patrimoine commun, qui va abriter une crèche et un centre social pour les femmes.

[1] Voir son livre “Parole de sans-papiers“.

[2] Un film a été réalisé par Alejandra Riera sur ce projet.

Deux ans déjà !

Après 8 numéros publiés chaque trimestre, Ouvertures entre dans sa troisième année. Vous êtes désormais 15 000 chaque mois à venir visiter notre site. Notre objectif, début 2009, était d’atteindre 10 000 visiteurs en décembre… Cette année-ci, nous avons totalisé près de 100 000 visiteurs.

Et vous êtes plus de 5 000 abonnés, gratuitement, à notre titre. C’est-à-dire qui recevez systématiquement notre communiqué présentant les principaux titres de chaque édition.

Selon nos statistiques, Ouvertures est régulièrement consulté par les institutionnels (ministères, Commission européenne…), les universités, les grands médias classiques : le Monde, Radio France, l’Express, etc. Il est lu dans toute la francophonie et même au-delà.

Ainsi, même si nous ne sommes pas encore cités ou repris par la presse traditionnelle, nous savons que les “décideurs” nous lisent…

Publication originale parmi les “pure players”, Ouvertures vit sans publicité. Le salaire du seul journaliste professionnel est assuré par l’Association pour la promotion de l’information citoyenne (Apic). Celle-ci est financée pour l’instant par un seul contributeur, la Fondation M, fondation belge d’utilité publique.

Cet organisme finance des programmes d’action dans l’éducation et le journalisme. Dans ce dernier domaine, elle soutient le projet de créer en France une instance de déontologie et de médiation ainsi que le journalisme participatif.

Ouvertures n’a pas de budget piges ni marketing. Ses collaborateurs, réguliers comme occasionnels, sont bénévoles et son expansion ne dépend que de l’intérêt qu’il suscite.

Les capacités du titre peuvent toujours croître par la volonté de futurs mécènes préoccupés par la question de la qualité de l’information dans la francophonie (certaines initiatives de ce type ont été lancées aux USA). L’Apic pourrait financer par exemple des investigations sur des sujets non ou mal couverts par les médias traditionnels. D´ores et déjà, nous vous invitons à  faire part à notre rédaction de sujets que vous aimeriez voir explorer.

Notre magazine met un point d’honneur à donner la parole aux oubliés des médias et aux minorités, à vérifier ses informations et à citer ses sources. De même, il s’engage à rectifier ou à compléter ses contenus si la preuve de l’erreur ou des précisions significatives lui sont communiquées.

Enfin, le commentaire des internautes est publié immédiatement sans passer par la case “modération”. Bien sûr, la rédaction se réserve le droit de retirer toute expression ne respectant pas les règles de l’éthique (ce qui, à ce jour, n’est jamais arrivé).

Nous vous souhaitons de très joyeuses fêtes de fin d’année. Et espérons vous informer de plus en plus correctement mais aussi vous émouvoir par le choix de nos thèmes et de nos angles.

Congo RDC : la maison d’un défenseur des droits de l’homme incendiée (IV)

Un incendie a ravagé le domicile d’Emmanuel Kabengele Kalonji, directeur du Cefop, une ONG pour la défense des droits de l´homme au Congo (RDC), dont l´épouse oeuvre également pour les droits de l´homme au sein d´un bureau de l´ONU (BCNUDH-Monuc). Accident ou acte criminel, la police devra trancher. Le bureau du militant avait été attaqué cet été par un groupe de cinq hommes armés.

Emmanuel Kabengele Kalonji
Photo JL ML

La maison d’Emmanuel Kabengele Kalonji, directeur du Centre d’études et de formation populaires pour les droits de l’Homme (Cefop-DH), à Mbujimayi dans le Kasaï oriental de la République démocratique du Congo (RDC), a été réduite en cendres par un incendie survenu dans la nuit du 18 au 19 décembre sans faire de victime.

L’épouse du militant, Rebecca Kambay, qui travaille au bureau conjoint des Nations unies aux droits de l’homme (BCNUDH-Monuc), se trouvait au même moment chez son père avec leur enfant de trois ans pour la prière traditionnelle du vendredi. Ses deux belles-sœurs, qui dormaient dans la maison au moment où l’incendie s’est déclaré, sont parvenues à s’échapper des lieux, avec l’aide d’un voisin, après avoir été réveillées par la fumée qui s’en dégageait.

Emmanuel Kabengele se trouvait à Marrakech pour recevoir ce jour en soirée le prix Harubuntu, décerné par l’ONG belge Echos Communication, qui couronne chaque année des hommes et des femmes qui, par leurs actions locales, contribuent au développement d’une société plus solidaire en Afrique.

La cause du sinistre est pour l’heure inconnue. La thèse de l’accident semble peu plausible, l’électricité ayant été coupée dans tout le quartier au moment des faits. De plus, selon une des sœurs qui dormaient dans la maison, une personne aurait été entendue entrant à moto dans la parcelle vers 4 h du matin peu avant le déclenchement de l’incendie.

Archives parties en fumée

Par ailleurs, sans que pour l’instant un lien puisse être établi entre les deux événements, les bureaux du Cefop-DH avaient été attaqués par des hommes armés dans la nuit du 27 au 28 juillet cet été. Un groupe de cinq individus, dont deux revêtus de la tenue des Forces armées de la RDC (Fardc), s’était introduit par effraction dans les locaux de l’ONG dans la commune de la Kanshi. Ces hommes avaient ligoté et torturé le gardien des lieux, dans le but de lui extorquer l’adresse du domicile du directeur du Cefop. Le passage inopiné d’une Jeep avait fait s’enfuir les malfaiteurs qui sont partis sans rien obtenir du gardien ni rien emporter.

Une plainte contre X avait alors été déposée.

La maison après le sinistre.
Photo : Marcel Mpoyi

Emmanuel Kebengele venait de rendre public, le 10 décembre dernier, le rapport annuel de son association sur les droits de l’homme dans le pays. Le Cefop s’efforce d’éveiller l’esprit critique et d’introduire plus de démocratie dans les mœurs politiques de la province en favorisant le dialogue entre les citoyens et les élus.

« Nous ne travaillions pas sur un contentieux précis, explique Emmanuel Kabengele. Quand nous dénonçons les manquements que nous avons pu observer, nous le faisons de façon non agressive, en rapportant des faits, sans émettre de jugements ni formuler d’évaluation. Nous nous limitons à décrire des situations. Ce qui est très ennuyeux dans cette affaire, c´est la dispartion de toutes mes archives…»

Belgique : le public pourra se plaindre des médias

Le journalisme francophone belge dispose désormais de son Conseil de déontologie. Journalistes, éditeurs et représentants du public y étudieront les dérives médiatiques qui leur seront signalées afin d’assurer un minimum de régulation dans les pratiques.

Le Conseil de déontologie journalistique pour la Communauté française de Belgique a été installé lundi 7 décembre à Bruxelles. Le CDJ dote le journalisme francophone belge d’une instance de déontologie chapeautant l’ensemble des organes de presse. Sa première réunion de travail est programmée pour le 13 janvier prochain.

Le CDJ doit rassembler une vingtaine de membres (et autant de suppléants). Parmi ces membres, 6 représentants des journalistes, 6 représentants des médias (éditeurs de presse écrite, agence Belga, RTBF, RTL-TVI, télévisions locales, ASBL regroupant les radios privées), 6 représentants du public (personnalités de la société civile) et 2 représentants des rédacteurs en chef.

Le financement de la nouvelle instance sera assuré pour moitié par la Communauté française de Belgique, qui subventionne la part des journalistes à hauteur de 80 000 €/an, et pour moitié par les médias écrits et audiovisuels qui apporteront les 80 000 € restants.

André Linard, directeur de l´Agence de presse Info-Sud Belgique, a été désigné secrétaire général du CDJ.

La Flandre possède depuis sept ans son organisme déontologique, le Raad voor de journalistiek. Un Conseil de déontologie avait existé en Belgique de 1995 à 2001. Fédéral, il était composé de journalistes bénévoles.

En France, il n´existe toujours pas d´instance de régulation et de médiation pour la presse. Une association, l´Association de préfiguration d´un Conseil de presse (Apcp), a été créée dans ce but*.

Coïncidence, Elio Di Rupo, le président du PS belge, a obtenu le même jour, devant son bureau politique, un vote de soutien sur la réforme des statuts de son parti. L’élément central de la réforme consiste dans la mise en place d’un “Conseil de déontologie” chargé de rendre des avis à portée générale sur le comportement éthique et déontologique des mandataires socialistes. Mais les pouvoirs de ce comité seront plus étendus que ceux du CDJ : les sanctions pourront aller jusqu´à l’exclusion pure et simple du parti…

>> CDJ (AADJ/Conseil de déontologie)
rue de la Loi, 155 / 103
1040 Bruxelles
tél (32)02 280 25 14

>> Voir également l´articleOuvertures d´avril 2008.

 * L´auteur de cet article est membre fondateur de cette association.