2 – Les drones, à usages multiples, aiguisent les appétits

La technologie s’interposant toujours plus entre les militaires et leurs cibles, les drones sont vus comme des outils très prometteurs et engendrent des appétits commerciaux. Petit survol des lieux. Avec un regard particulier sur les usages autres que militaires.


Drone français Harfang – DGA

« Nous sommes, dans le cas des drones, face à une situation comparable à celle des débuts de l’aviation, avec un marché qui s’ouvre et qui va représenter, dans les dix années à venir, 20 milliards d’euros », estime Jean-Claude Viollet, auteur, avec son collègue Yves Wandewalle, d’un rapport de la Commission de la défense nationale et des forces armées sur les drones.
Un tel pactole ne pouvait manquer d’éveiller des appétits.
Ayant appris, en juin, que la France se préparait à acquérir plusieurs exemplaires de drones Predator B (General Atomics, USA), Dassault et Thales font pression pour que l´armée française adopte plutôt leur système de drones MALE (moyenne altitude, longue endurance). Ils ont pour cela agité le risque que l´Armée française ferait prendre aux industries nationales et européennes en achetant des drones aux États-Unis pour parer à son urgence opérationnelle (en l’occurrence l’Afghanistan).

 Question de souveraineté

 « C’est aussi une question de politique et de souveraineté », a déclaré Eric Trappier, directeur général international de Dassault Aviation. C’est déjà au nom de la « souveraineté » que les autorités soutiennent le SIDM-Harfang, drone MALE de la société Eads (dont chaque système coûte plus de 40 M€, hors coût du personnel d’utilisation). Les députés Viollet et Wandewalle expliquent ce favoritisme par des « considérations de souveraineté comme par la volonté de soutenir ce nouveau pan de l’aéronautique militaire, afin que nos industriels soient présents sur ce marché en progression. (…) Nos industriels ne pourront entrer et se maintenir sur le marché que si de fortes commandes publiques soutiennent leurs efforts ».
Les députés estiment que « les capacités dont nous disposons permettent à peine de soutenir notre déploiement en Afghanistan » et que, à terme, la France court le risque d’une « rupture capacitaire ».

 Une priorité stratégique

La fonction « connaissance et anticipation » ayant été placée « au premier rang des priorités stratégiques » par le Livre Blanc sur la défense et la sécurité nationale, l’utilisation des drones est préconisée.
En effet, ils enrichissent considérablement les moyens à la disposition du décideur et du combattant tant pour la préparation que pour la conduite des opérations et leur évaluation. Ils permettent de déployer des vecteurs à différentes altitudes, à des profondeurs variables et avec une charge utile composée généralement de capteurs optroniques, de radars, mais aussi de capteurs électromagnétiques.
Au-delà de cette fonction de renseignement, certains drones sont armés et permettent de conduire des attaques, y compris en profondeur, sans mettre en danger la vie des pilotes et avec davantage de discrétion qu’un avion de chasse.


Drone américain Predator 4.

 Les gros utilisateurs

Les États-Unis, les premiers, ont utilisé les systèmes de drones, au cours de la guerre du Vietnam. Ils furent rapidement suivis par Israël, dans les années 1970 après la guerre du Kippour. Les drones ont connu un développement très rapide au cours des dernières décennies, mais c’est leur utilisation intensive par Israël, ainsi que par les États-Unis sur les théâtres irakien et afghan, qui a mis en lumière leur importance dans la gestion des conflits.
Aux États-Unis, le Department of Homeland Security estime le coût de l’heure de vol d’un Predator B Reaper à 3 600 $ (3 000 €).

1er salon européen des drones en septembre

UAV Show Europe, le premier salon européen sur les micro et mini drones se déroulera les 15 et 16 septembre 2010 sur l’Aéroparc /Centre de services de Mérignac (Gironde). Organisée par Bordeaux Technowest, cette rencontre business réunira environ 400 participants : grands groupes, PME dédiées aux drones et aux activités connexes (informatique, capteurs, électronique). Ce premier salon doit servir de rampe de lancement à la filière drone en Aquitaine.

 À quoi servent les drones (usage militaire) ?

Les missions de surveillance : images et possibilité de mettre en œuvre des moyens de contre-mesure, par exemple de guerre électronique (brouilleurs).
Les actions de combat : les États-Unis ont conduit plusieurs milliers d’opérations sur la seule année 2009.
Le transport logistique : cette possibilité constitue une alternative opérationnelle ou financière à l’aérolargage, à l’héliportage ou à l’évacuation de blessés. La marine américaine a récemment retenu les candidatures de fabricants pour développer un drone cargo à voilure tournante, capable de transporter entre 4,5 et 9 tonnes de fret, y compris dans les conditions d’altitude et de climat de l’Afghanistan.

L’emploi des drones par l’armée israélienne

En Israël, les drones représentent actuellement 30 % de l’activité aérienne de Tsahal qui les déploie depuis 1999. On estime qu’ils ont même représenté 70 % des aéronefs mobilisés au cours de l’opération « Plomb durci » menée au début de l’année 2009 dans la bande de Gaza.

12 600 euros par heure de vol !

 Depuis février 2009, le soutien industriel a fait l’objet de deux procédures contractuelles avec EADS et IAI, cocontractants avec la Direction de l´armement. Le coût du second contrat s’élève globalement à 106 millions d’euros, étalés sur quatre ans. Si l’on déduit de ce montant les provisions, le coût du contrat est ramené à 96,34 millions d’euros, couvrant un objectif d’activité de 1 900 heures (soit 7 600 heures sur la durée du contrat), ce qui correspond à un coût du soutien industriel de 12 600 euros par heure de vol, sans compter le soutien opérationnel.
Les rapporteurs s’étonnent de ce coût très élevé, qui ne saurait s’expliquer qu’en partie par des effets d’échelle du fait du faible nombre de vecteurs concernés.

 Le drone français en Afghanistan

 Déployé à Bagram, le système SIDM-Harfang (EADS) couvre la zone Nord-Est du pays. De février à octobre, il a réalisé des missions au profit de l’ensemble de la coalition, notamment des forces françaises, américaines et norvégiennes.
La durée de vol moyenne y est de 10 à 12 heures, même si les capacités de l’appareil permettent d’atteindre 17 heures. En tenant compte du temps de vol nécessaire pour se rendre sur zone et en revenir, trois engins sont donc nécessaires pour assurer la permanence de la mission. En régime de croisière, il nécessite le déploiement de 40 militaires ainsi que de deux assistants techniques d’EADS. Cette donnée invite là encore à relativiser l’image d’un drone peu coûteux. On déploie finalement beaucoup de personnels pour un nombre de vecteurs limité (12). La mission elle-même mobilise de quatre à six personnes pour sa conduite, le pilotage et l’analyse, avec un changement d’équipe toutes les deux heures. Le SIDM-Harfang a principalement assuré des missions de surveillance de zones (39 %), de préparation à l’action (18 %), de reconnaissance d’axes avant le passage de convois (15 %), de protection de bases (9 %), d’escorte de convois (6 %), de détection de cibles en mouvement (6 %), ainsi que d’appui à la conduite d’opérations par les troupes au sol (3 %). Depuis le mois d’avril (2009), l’une des trois plate-formes est hors service à la suite d’un incident de vol. Fin 2009, la plateforme était en réparation chez IAI. Et un second vecteur était cloué au sol, servant de réserve de pièces détachées pour le seul vecteur actif.

La promesse des usages civils

Les usages civils des drones se développent rapidement dans le monde, malgré les problèmes qui restent à régler concernant leur certification pour leur insertion dans l’espace aérien civil et la gestion des bandes de fréquences électromagnétiques pour leur pilotage et la transmission des données.

Les expériences étrangères

Aux États-Unis, les drones sont utilisés depuis plusieurs années pour la lutte contre la criminalité organisée (notamment le trafic de stupéfiants), pour la sécurité civile (feux de forêt, inondations) ou pour des travaux scientifiques (évolution du climat).
L’administration des douanes et de la protection des frontières disposent de drones équipés de capteurs images jour et infrarouge et l’administration souhaite les équiper d’une capacité de renseignement électromagnétique qui fait débat (problème constitutionnel car il s’agit d’écoutes).
La société Elbit a également fourni aux États-Unis une prestation de surveillance de leur frontière entre l’Arizona et le Mexique, à raison de 10 à 12 heures par jour sur une durée de six mois, mobilisant une équipe de huit personnes.
Au Royaume-Uni, les forces de police du comté de l’Essex sont équipées de drones de surveillance. La police brésilienne aurait aussi signé le 11 octobre 2009 un accord avec Israel Aircraft Industries (IAI) portant sur l’achat de 14 vecteurs Heron 1 qui seront destinés à la surveillance des frontières ainsi qu’à la lutte contre le trafic d’armes.
Enfin, on peut relever que les drones montrent également un potentiel intéressant pour la surveillance et l’entretien des réseaux, notamment en Australie pour l’entretien du réseau électrique, ou encore en Russie pour la surveillance des gazoducs. Des fabricants français, notamment des PME, développent déjà des dispositifs pour la surveillance d’ouvrages d’art, tels que les ponts.

Les usages envisageables en France

> Police, douanes et gendarmerie : Les forces de police et de gendarmerie peuvent trouver dans les drones un complément naturel des moyens héliportés pour la surveillance des espaces et des flux, que ce soit en métropole (sommets internationaux, maintien de l’ordre, filature) ou encore outre-mer (répression de l’orpaillage illégal en Guyane ou surveillance maritime).
La gendarmerie est en train d’élaborer sa doctrine d’emploi. En 2007, elle a acquis pour 150 000 euros un drone à voilure fixe et, en 2009, un autre à voilure tournante. Le GIGN utilise des minidrones depuis 2007.
La police nationale a quant à elle développé le démonstrateur ELSA (engin léger de surveillance aérienne). Elle souhaite un système d’une grande simplicité d’emploi utilisable en zone urbaine et avec une grande qualité d’image, pour des usages judiciaires. Le marché potentiel serait d’une centaine de vecteurs.
Depuis le début des années 2000, l’administration des douanes mène également une réflexion sur ce sujet, consciente du potentiel considérable des drones. Elle pourrait les utiliser pour des missions de surveillance de surfaces régulières (trafics illégaux en mer par exemple), de points de passage importants (tels que le rail d’Ouessant), ou en montagne, pour l’observation des mouvements suspects aux abords des barrages routiers, ou bien pour mener des filatures.

> Sécurité civile : La sécurité civile pourrait se montrer également intéressée par le recours aux drones pour différentes missions : surveillance de feux de forêt, recherche de personnes lors d’actions de sauvetage en haute montagne, etc.

>> Voir également : « Les drones, c´est l´avenir ! »

(Sources: Actualité + Rapport d´information déposé en application de l´article 145 du Règlement par la Commission de la défense nationale et des forces armées sur les drones, Assemblée nationale)

Rapport d´information déposé en application de l´article 145 du R&eg
ave;glement par la Commission de la défense nationale et des forces
rmées sur les drones

Les psychothérapeutes en exercice perdent la guerre des psy

Le décret d’application de la loi réglementant le titre de psychothérapeute est enfin paru le 20 mai 2010 (JO du 22 mai). Après le 1er juillet, personne ne pourra plus revendiquer cette appellation sans satisfaire un certain nombre de conditions. C’est heureux, mais les principaux intéressés, les psychothérapeutes en exercice, sont pratiquement exclus du dispositif. Et les risques de dérives dans le domaine de la « psy » ne sont pas forcément écartés pour autant.


A écouter : une intervention de Bruno Dal-Palu, président de la Fédération
PsY en Mouvement.

La guerre des « psy » s´achève par la défaite (momentanée ?) des psychothérapeutes. Le décret d´application qui réglemente désormais leur activité leur retire  en pratique le droit de porter ce titre.

Celui-ci, jusqu´au 1er juillet prochain, est encore librement accessible. Pas de formation spécifique ni de condition d’exercice exigées. Il suffit en effet de se proclamer psycho-thérapeute pour en avoir le titre et recevoir des patients, ce qui laisse la porte ouverte à d’éventuelles dérives sans moyen de les corriger.

L’article 52/91 de la loi Accoyer de 2004 et son décret d’application de mai 2010 réglementent l’usage de ce titre. À partir du mois prochain, toute personne désirant exercer la fonction de psychothérapeute doit être inscrite sur un « registre national » et justifier d’une formation en psychopathologie de 400 heures et d’un stage pratique d’au moins un mois.

Médecins, psychanalystes, psychologues et psychiatres pouvaient bien sûr, mais comme n’importe qui, se prévaloir de cette appellation en plus de leur spécialité (qui elle est réglementée).

Grâce au décret, ces quatre groupes professionnels pourront conserver le titre à condition de suivre certaines formations, sauf pour les psychiatres qui sont d’emblée considérés comme psychothérapeutes. Et les médecins auront moins de formation à suivre que les psychologues cliniciens, ceux-ci moins que les psychologues non-cliniciens, et ceux-ci moins que les psychanalystes. En fin de course, ce sont pour les « professionnels n´appartenant à aucune des catégories précédentes » que les exigences sont les plus lourdes (400 h au total, voir tableau ci-dessous).

Nombre d´heures de formation en psychopathologie clinique
exigées des candidats au titre de psychothérapeute


Annexe du décret du 20 mai 2010
.

Mais, et c’est là que bât blesse, le préalable à cette formation en exclut les « professionnels n’appartenant à aucune des catégories précédentes » c’est-à-dire un grand nombre de psychothérapeutes ! L’article 1er stipule en effet clairement : « L’accès à cette formation est réservé aux titulaires d’un diplôme de niveau doctorat donnant le droit d’exercer la médecine en France ou d’un diplôme de niveau master dont la spécialité ou la mention est la psychologie ou la psychanalyse ».

Des mesures transitoires permettront à certains professionnels « hors catégorie » de plus de 5 ans d’installation de s’inscrire sur le registre après avoir satisfait aux exigences de formation et de stage si leur demande est acceptée par une commission composée de représentants des trois autres professions. C’est-à-dire par leurs concurrents, voire leurs détracteurs. En tout cas, par des professionnels qui seront à la fois juges et parties…

Et ceux-ci n’auront pas à justifier leur décision : « Le silence gardé par l’autorité préfectorale à l’expiration d’un délai de deux mois à compter de la réception du dossier complet vaut décision de rejet de la demande ».

Dorénavant, il faudra être médecin, psychologue ou psychanalyste pour prétendre au titre de psychothérapeute. Les psychothérapeutes hors catégorie continueront donc d’exercer sous d’autres appellations (praticien en thérapie personnelle, conseiller psycho-relationnel, analyste transactionnel, analyste psycho-organique, Gestalt-thérapeute, etc.).

Suspects d´être des gourous reconvertis

Ils risqueront alors d’être accusés d’exercice illégal de la médecine et, désormais, de la psychothérapie. La Miviludes, le Conseil de l’ordre des médecins et les associations anti-sectes, qui dénoncent maintenant, outre les médecines non conventionnelles, le développement personnel, les formations à la communication et le coaching comme pratiques à risque, ne manqueront pas de les pourchasser.

Dès lors, le mécontentement des psychothérapeutes en exercice se comprend : alors que les professions en place pourront seules, dans les faits, récupérer le titre, eux en sont dépossédés car suspects à prioiri d’être des gourous ou des charlatans reconvertis. Leurs compétences, leur professionnalisme et leur éthique sont volontairement ignorés des pouvoirs publics. La spécificité même du métier est niée puisqu’un psychiatre non formé à la psychothérapie pourra parfaitement se prétendre d’emblée psychothérapeute sans rien connaître de cette discipline contrairement à son confrère qui pourra avoir suivi sept années de formation !

Pourtant, depuis une vingtaine d’années, les fédérations de psychothérapeutes ont tenté de faire réglementer la psychothérapie comme profession par les pouvoirs publics. Une proposition de loi relative à l´exercice de la profession de psychothérapeute avait même été déposée le 28 mars 2000 à l´Assemblée nationale par les députés Marchand, Aschieri, Aubert, Cochet et Mamère (n° 2288).

Grand apéro psy le 1er juillet

« Nous soussignés, Psychothérapeutes, reconnus par nos Ecoles, nos pairs et nos patients, considérons que les articles 52 et 91 (de la loi de 2004), concernant “L’usage du titre de psychothérapeute” seraient appliqués de manière inique, si ceux qui font exister ce titre en étaient exclus. »

Psy-en-mouvement invite les psychothérapeutes et leurs sympathisants à manifester lors d’un apéro géant, le 1er juillet à 19 h devant le tribunal de grande instance de Paris, 4 bd du Palais dans le 1er arrondissement, ainsi que sur tous les parvis des tribunaux des métropoles régionales.

> Lire l´appel.

Les psychothérapeutes s’étaient aussi organisés en fédérations pour réguler les pratiques de leurs membres, pour rendre crédible leur profession grâce à un haut niveau de formation validée à l’échelle européenne (l’European Association for Psychotherapy (EAP) délivre un Certificat européen de psychothérapie – CEP).

Dans ce cadre, les formations à l´une des multiples méthodes psychothérapeutiques (on dit qu’il en existe autant que de jours dans une année) comprennent la théorie, l’expérience sur sa propre personne, la pratique sous supervision et de vastes notions sur d’autres méthodes.

Sous l’égide du Psy’G (1966) et du SNPPsy (1981), ils avaient proclamé la nécessité de respecter les principes qui ont été repris, en 1990, dans la Déclaration de Strasbourg de l’EAP, à savoir l’indépendance et la spécificité de la psychothérapie ainsi que le libre choix du psychothérapeute et de la méthode d’intervention (Déclaration de Paris, sur le Droit à la Psychothérapie, 1998).

Enfin, de leur côté, les psychologues contestent le tableau paru en annexe du décret (voir ci-dessus) et en demandent la modification.

>> Cette dépossession du titre de psychothérapeute par ceux qui en avaient fait un métier spécifique a été encouragée par les organisations de psychiatres et de psychologues. Pour eux, la psychothérapie ne devait pas être une profession à part, c’était simplement une fonction de leur profession. Le député Bernard Accoyer, lui-même médecin et militant antisecte, a proposé son amendement qui, au départ, réservait le titre de psychothérapeute aux seuls médecins et psychologues. Le tollé qui a suivi a permis aux psychanalystes d’être reconnus légitimes au même titre que les deux autres professions. La loi reconnaît donc maintenant « les psychanalystes régulièrement enregistrés dans les annuaires de leurs associations ».

Or, ces associations sont simplement des regroupements des psychanalystes sous forme association 1901. Ni plus ni moins que les associations de psychothérapeutes ! Mais les psychanalystes bénéficient (encore, car ils sont fortement contestés en ce moment) d’une aura de respectabilité et de l’appui des intellectuels et médias nationaux.

Les psychothérapeutes se sont manifestement mal défendus. Ils auraient dû pointer dès le début cette incohérence de la loi et exiger d’être traités de la même façon que les psychanalystes.

Finalement, le problème de la régulation est simplement déplacé d’un cran : qui contrôlera ces praticiens qui ne pourront prétendre au titre de psychothérapeutes ? Sans parler des voyants et autres mages… En réglementant l’appellation, en la subordonnant à la médecine académique, la loi nouvelle risque de la vider de sa richesse, voire de son sens, et surtout d’engendrer un faux sentiment de sécurité…

Terre du Ciel, victime de la psychose antisecte, cherche à rebondir

Après 20 ans d’existence, Terre du Ciel tient les 1ères Assises des savoirs et sagesses du monde, les 26 et 27 juin à Chardenoux (Saône-et-Loire), pour réfléchir au développement de son université.

Une intervenante à Terre du Ciel a fait savoir au dirigeant de l´entreprise, Alain Chevillat, que la piste « sectaire », qui avait orienté la descente de gendarmerie dans son domaine le 7 janvier dernier, avait été, selon une source policière, abandonnée au profit d’un banal contrôle financier. Réaction de l’intéressé : « Comment réparer, maintenant, les souffrances infligées aux salariés de l’entreprise, tous traumatisés par la perquisition et ses suites ? Comment réparer le discrédit, la suspicion ou l’opprobre jetés « par erreur » sur l’entreprise Terre du Ciel ? Comment réparer les pertes financières qui ont déjà coûté deux emplois ? »

En attendant des excuses ou des réparations, TdC reçoit de nombreux soutiens, dont celui, pour le moins paradoxal, de Jacqueline Tavernier, l’ancienne présidente de l’Unadfi, association de lutte anti-secte qui, elle, se réjouit officiellement des malheurs de ce lieu original de spiritualité.

Terre du Ciel demande le remplacement de la Miviludes

TdC se joint au Cicns pour réclamer la création d’un « Observatoire indépendant des minorités spirituelles, thérapeutiques et éducatives » en remplacement de la Miviludes. Un site internet destiné à recueillir avis, commentaires et signatures pour la création de cet Observatoire sera bientôt ouvert.

« Depuis des années les psychologues, sociologues, experts en religion dénoncent l’incompétence de la Miviludes et sa dangerosité par ses a priori idéologiques normatifs qui lui voilent tout discernement, explique Alain Chevillat dans un communiqué. Quand seront-ils entendus ? Quand les médias auront-il le courage de dénoncer cette aberration sociale ? »

Enfin, TdC prépare les 1ères Assises des savoirs et sagesses du monde, qui se tiendront les 26 et 27 juin à Chardenoux (Saône-et-Loire) : « En 20 ans, écrit A. Chevillat, TdC a mis en place une structure, développé des métiers, créé un réseau, acquis une réputation – a forgé un bel outil de travail tout entier au service de l’émergence d’un Homme nouveau et d’un monde nouveau. Aujourd’hui, qu’allons-nous faire de cet outil ? Comment allons-nous nous y prendre ? Comment chacun de nous peut-il participer à l’aventure ? C’est l’objet de ces Assises de partager librement sur ces questions, et ainsi de dynamiser un grand mouvement en faveur d’une métamorphose de notre société. »

Télécharger le programme des Assises.

>> En raison de la perquisition du début d’année, TdC n’a pu préparer les brochures pour ses stages, qui auront bien effectivement lieu comme prévu. Se renseigner sur le site.

Télécharger le programme.

3 – Des ascètes vivraient des années sans boire ni manger. Même en France…

Un yogi indien a fait récemment sensation à la une des journaux pour son étrange don : il ne mangerait ni ne boirait plus depuis plus de 70 ans. En France, cette pratique a aussi ses partisans, comme Henri Monfort, qui vivrait de la même façon depuis 8 ans.

Prahlad Jani, un ascète hindou de 83 ans, affirme avoir passé plus de 70 ans sans eau ni nourriture, et sans uriner ni déféquer, rapporte l´AFP dans une dépêche du 10 mai dernier. L´agence note la « stupéfaction » des trente médecins qui ont observé le yogi dans un hôpital à Ahmedabad (Inde). L´octogénaire était surveillé 24 heures sur 24, deux semaines durant, par des caméras pendant cette expérimentation lancée par l´Organisme de recherche et de développement du ministère de la Défense (DRDO). Il affirme « qu´une déesse l´a béni à l´âge de 8 ans, lui permettant de vivre sans nourriture ».

En attendant les résultats détaillés des tests qui devraient être connus prochainement, les scientifiques supposent que Jani tire son énergie d´autres sources que les aliments et l´eau, le soleil étant l´une d´elles probables : « En tant que praticiens du champ médical, nous ne pouvons exclure les hypothèses comme celle d´une source d´énergie autre que les calories » d´origine alimentaire, a dit Sudhir Shah, un neurologue de l´équipe.

Un tel jeûne est-il possible ?Sudhir Shah, un des médecins impliqués dans le suivi médical de Prahlad Jani avait dirigé une première étude de 10 jours de ce même yogi en 2003. Le Dr Shah, qui est neurologue et adepte du jaïnisme, fait des recherches sur des thèmes se situant à l´interface de la science et de la spiritualité. Il a publié sur son site un article dans lequel il tente de répondre à la question que tout le monde se pose : “Comment un tel jeûne est-il possible ?“.

Mais les esprits rationnels resteront sur leur faim car les hypothèses qu´il avance ne relèvent pas de la démarche scientifique.
Exemple : “La télépathie, la téléportation d´objets ou tordre les objets sont des exemples bien connus des capacités de l´esprit humain. Si un esprit décide de jeûner de manière inhabituellement longue, il peut certainement le faire”. Et plus loin : “On peut faire l´hypothèse que ces gens recyclent l´énergie dans leur propre corps. Cela peut-être fait par des mécanismes complexes mettant en jeu des organes neuraux et humoraux.” (Traduit de l´anglais par la rédaction). Le “recyclage de l´énergie” invoqué par le Dr Shah est malheureusement contraire au second principe de la thermodynamique qui indique que l´énergie se dégrade irrémédiablement.

L´Union rationaliste indienne proteste contre la publicité accordée au yogi, affirmant que chaque fois que des cas similaires lui ont été soumis, une fraude a été démasquée. Cette fois, l´accès aux lieux de l´expérience leur a été refusé. (EL)

>> Communiqué du DIPAS, le laboratoire du ministère de la défense indien, à la suite de l´expérimentation de 2010

En France, huit ans sans manger


Le Français Henri Monfort
jeûnerait depuis près de 8 ans.

Or, il n´est pas besoin d´aller jusqu´en Inde pour s´offrir de tels vertiges de la pensée. Il existe en France un homme de cette trempe, du moins selon ce qu´il affirme et enseigne. Il s´appelle Henri Monfort, vit en Bretagne et ne s´alimenterait que d´eau et de prana depuis huit ans (voir encadré) : « Avec la nourriture pranique, on met en place une nouvelle manière de se nourrir et cela n’est pas limité dans le temps. Et j’en suis la preuve ainsi que les milliers de personnes dans le monde qui vivent cette expérience ».

En 2002, l’ascète français avait entrepris un jeûne transitoire de vingt-et-un jours (avec arrêt de toute nourriture solide), un jeûne qui durerait toujours aujourd´hui. Il a écrit un livre l’an dernier sur son expérience, « La Nourriture pranique » (éditions Lanorde). Il donne de nombreuses conférences à travers la France et délivre des « soins » dont il ne décrit pas la teneur.

Dans un témoignage vidéo, il explique sa démarche de « pionnier ».

Prana, le souffle vital

Le prana est un terme sanskrit qui signifie souffle ou respiration. « C’est la substance même de la Vie qui est présente dans tout ce qui existe, commente Henri Monfort sur son site internet. Jusqu’à présent et à part quelques ascètes dans les grottes de l’Himalaya ou les Ashrams, il n’y avait pas eu, à ma connaissance, d’expérimentation systématique et dans la société où nous vivons au quotidien. »

Conscient des risques qu’une approche superficielle de ces pratiques pourrait faire courir aux intéressés, le french yogi précise qu’il ne « fait pas école et ne conseillerait jamais à personne de suivre ce chemin sans s´y être longuement préparé. Il faut comprendre avant tout que cette démarche est différente du jeûne : dans le jeûne, on vit sur ses réserves, on se prive de nourriture et cette expérience, bien qu’elle ait sa valeur pour la purification et le nettoyage du corps, ne peut durer très longtemps sans risques sérieux pour la santé. On vide ses réserves et lorsque ces réserves sont épuisées, on meurt. Au-delà d’un mois, un jeûne est risqué… »

En France, la Miviludes évoque le respirianisme comme une pratique à risque sectaire, de ce fait placée sous « surveillance étroite ».

Ce n’est pas dans notre pays que des moyens scientifiques et publics seraient mobilisés, comme c’est le cas en Inde, pour traiter le problème sous l’angle de la connaissance. A l´analyse rigoureuse des faits, on préfère le dénigrement et la suspicion envers ce qui dérange trop fortement nos convictions…



>> Ouvertures a interviewé Henri Monfort deux mois après cet article : voir l´interview d´Henri Monfort par Ouvertures
>> A lire également dans Ouvertures : Vivre sans manger : quand le « miracle » devient profane et Jasmuheen, star mondiale du pranisme.
>> L´article de wikipedia sur l´inédie (ou respirianisme ou pranisme).

Les dépêches AFP bénéficieront-elles de la protection du droit d’auteur ?

L’Agence France Presse (AFP) a fait condamner les éditeurs d’un site internet pour contrefaçon pour avoir reproduit ses dépêches, légèrement modifiées, sans son autorisation. Cette décision du tribunal de commerce de Paris du 5 février dernier est une grande avancée pour l’agence qui se voit accorder le bénéfice des dispositions du droit d’auteur. Mais l´éditeur attaqué a fait appel.

Le logo de l´Agence France Presse.

La production littéraire et artistique, pour être protégée par le droit d’auteur, doit être originale et refléter la personnalité de l’auteur. La signature des textes publiés constitue par exemple une marque de la personnalité de l’auteur, indice très favorable pour bénéficier de la protection.

Or, une jurisprudence constante et de longue date a toujours refusé le bénéfice de cette disposition aux dépêches d’agences de presse, pour le motif que les textes produits sont le reflet de faits bruts et non des œuvres de l’esprit originales et émanant de personnalités. C’était donc une fragilité pour la première agence française qui ne pouvait défendre ses productions que sur la base de la propriété industrielle.

Si le jugement se trouvait confirmé en appel, ce serait une grande victoire pour l’AFP et pour toutes les agences filaires (toutes celles qui produisent un « fil d’informations »). Celles-ci pourront désormais revendiquer également la protection du droit d’auteur.

Extraits du jugement : « Les dépêches de l’AFP correspondent, par construction, à un choix des informations diffusées, à la suite le cas échéant de vérifications de sources, à une mise en forme qui, même si elle reste souvent simple, n’en présente pas moins une mise en perspective des faits, un effort de rédaction et de construction, le choix de certaines expressions. [Elles] présentent [donc] les caractéristiques d’une œuvre de l’esprit, protégée par les dispositions des Livres I et III du code de la propriété intellectuelle. »

Rapporter des faits réels n’est pas faire œuvre créative

La Convention de Berne du 9 septembre 1886 pour la protection des œuvres littéraires et artistiques, qui a été complétée et modifiée à diverses reprises depuis sa signature, indique à l´article 2.8 : « La protection de la présente convention ne s´applique pas aux nouvelles du jour ou aux faits divers qui ont le caractère de simples informations de presse ».

La convention considère en effet qu´il manque à ces informations de presse, dont font partie les dépêches d´agence, les caractères distinctifs de l´œuvre littéraire et artistique tels que l´originalité de la forme et la manifestation de la créativité de l´auteur.

En France, la jurisprudence avait refusé jusqu’à présent d´assimiler les nouvelles à des œuvres littéraires puisqu´elles se bornent à rapporter des faits réels.

(Source : Martine Ostrowsky)

Le tribunal précise que les « les dépêches de l’AFP bénéficient individuellement, et collectivement, rassemblées en bases de données, » de cette protection. Ainsi, « en recopiant servilement des phrases entières des dépêches de l’AFP, voir (sic) la totalité de celles-ci, les Défenderesses se sont rendues coupables d’actes de contrefaçon ».

Les « défenderesses », soit, en l’occurrence, Topix Technologies et Topix Presse, propriétaires d’universalpressagency.com, un site libre d’accès et gratuit. En octobre 2006, l’AFP y avait découvert certaines de ses dépêches reproduites sans autorisation. Ce qu’elle avait fait constater avant d’assigner les entreprises en justice. Topix a fait appel.

>> Télécharger le jugement.

Martine Ostrowsky

L´Inconnue du métro lève un (tout petit) coin du voile

Marie Dinkle est le pseudo que s´est choisi cette banlieusarde de 25 ans à l´origine d´un blog de portraits d´inconnus dans le métro qui fait beaucoup parler de lui. Ouvertures lui a posé quelques questions.


Son carnet de notes, c´est tout ce que “Marie” a bien
voulu montrer aux internautes !

– Ouvertures.- Vous dites sur un blog : « Le destin des autres m’a toujours plus attirée que la vie intime de Brad Pitt ». Qu’est-ce qui vous attire précisément dans le « destin des autres » ?

– Marie Dinkle.- Le fait qu´une personne n´est jamais telle qu´on la perçoit au premier abord. Comme tout le monde je juge énormément sur le physique et je suis régulièrement bousculée dans mes a priori. Ensuite je suis curieuse comme une pie, j´aime connaître la vie des gens, ma petite personne ne me suffit pas du tout !

 – Vous dites avoir fait des études de communication mais vouloir entrer dans la fonction publique : dans un service de communication territorial, par exemple ?

– Pas du tout, j´ai un parcours très éclectique, je suis sortie de mon IUT à l´âge de 18 ans, j´ai travaillé dans la musique, je suis partie à Berlin, puis dans l´animation, puis dans l´hôtellerie au Vietnam ! Maintenant je viens de passer un concours dans la fonction publique mais dans le social. Voilà et je suis admissible, donc j’attends l´oral pour en dire plus.

– Quelles sont les deux valeurs qui vous tiennent le plus à cœur ?

– La fidélité et l’intégrité.

– Avez-vous d´autres passions ?

– Pas vraiment, je n´ai jamais eu de grandes passions, à part pour observer les autres et en déduire 500 000 idées à la minute.

– Anonymat : est-ce par peur ? par stratégie ? pour coller au concept « inconnudumetro » ? Comptez-vous dévoiler prochainement votre identité ?

– Je souhaite rester anonyme pour 2 raisons : je ne souhaite pas fausser l´expérience même s’il serait prétentieux de croire que tout le monde va me reconnaître dans  le métro je n´ai pas vraiment envie que ça arrive. Et puis ensuite le phénomène de buzz me fait un petit peu peur, je suis bien planquée sous Marie Dinkle ! Si demain tout s´arrête, moi je continue comme si de rien n´était !

– Considérez-vous votre action comme militante ou artistique ?

– Ni l´une ni l´autre, amateur est le mot je pense. A la base c´était un petit projet destiné à n´être vu et lu que par mes copains et ma famille. Bon si je devais choisir je dirais artistique quand même parce que je suis engagée ailleurs (au Genepi, l´association d´étudiants qui enseigne en prison).

– Pensez-vous faire évoluer votre concept : autres villes, autres personnes (sorte de franchise), vidéos, autres lieux, etc. ?

– Oui je pense le faire dans d´autres villes mais je ne gagne pas assez bien ma vie pour voyager comme je l´aimerais.

 – A la fin de chaque portrait, vous demandez à votre interlocuteur s’il a un message à faire passer. Et vous, avez-vous un message à faire passer ?

Je suis surprise par le succès de mon blog, aussi je suis vraiment reconnaissante à tous ceux qui ont été le voir ne serait ce qu´une fois et pour tous ces messages d´encouragements et de félicitations que je reçois.

>> Voir un de ses posts dans notre rubrique “Emotion“.

Cicns : « Le rapport de la Miviludes : une apparence d’action mais un résultat nul »

La Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) vient de publier son rapport 2009. Alors que l’ensemble des médias en reproduisent sans aucun recul les conclusions, Ouvertures a demandé son analyse au Centre d’information et de conseil des nouvelles spiritualités (Cicns). Pour lui, la Miviludes est une mauvaise réponse au phénomène des groupes alternatifs émergents, phénomène qu’il vaudrait mieux étudier méthodologiquement et avec impartialité plutôt que de le réprimer à l’aveuglette.

– Quelle analyse faites-vous du dernier rapport de la Miviludes ?

Marie-Christine Koenig, porte-parole du Cicns.

– Sous couvert d’efficacité, il n’affiche que des pages vides de faits. Il se contente de décrire l’important dispositif mis en place pour lutter contre un prétendu fléau social qui n’est jamais démontré ni étayé par des chiffres résultant d’une étude sérieuse. L’accroissement constant de l’arsenal de mesures et de services mis en œuvre contre les « sectes » donne une apparence d’action de grande ampleur, mais pour un résultat nul. Et à l’incompétence s’ajoute l’hypocrisie. Georges Fenech [président de la Miviludes], alors qu’il est lui-même l’artisan de la formation des magistrats dans ce domaine, reproche aux juges, dans ce dernier rapport, de se référer à la fameuse liste parlementaire  des sectes  de 1995 pour fonder leurs jugements, alors que cette liste n’a  pas de valeur normative. Or après l’annonce de la circulaire Raffarin  en mai 2005, Monsieur Fenech appuyé par deux autres députés antisectes publiait un communiqué stipulant que cette liste devait rester une référence pour le travail de prévention et de lutte contre les dérives sectaires, ce qui s’est bien confirmé depuis. Quand, en plus, on sait que la Miviludes est en train d’élaborer  un référentiel des mouvements susceptibles de dérives sectaires qui concernerait 600 groupes et pratiques, on atteint le comble de l’hypocrisie. Il s’agira bien d’une nouvelle liste noire, même si elle n’en aura pas le nom…

– Il paraît normal, cependant, qu’une vigilance soit exercée sur les risques que peuvent présenter des démarches nouvelles ou différentes de celles qui sont habituelles ou connues…

– Bien sûr ! Ce que nous critiquons, c’est l’amalgame systématique de quelques dérives qui sont des faits circonscrits à un ou quelques individus avec un courant de pensée en général. Toute personne qui commet des délits  doit être effectivement condamnée,  mais dans le cadre du droit commun, puisqu’il existe déjà toute une panoplie de lois pour cela. Pas besoin de créer un organe ni une législation spécifiques pour les minorités spirituelles et thérapeutiques ! Les mots « secte » ou « sectaire » ne doivent pas être réservés à une catégorie d’individus particulière. Il n’en existe d’ailleurs pas de définition juridique ni sociologique. Les dérives existent partout dans la société ! On a voulu  centrer l’idée de dérives sectaires sur quelques domaines particuliers, d’abord sur les minorités spirituelles et aujourd’hui sur les alternatives thérapeutiques. Mais pourquoi le rapport ne parle pas, par exemple, des dérives constatées au sein de l’église catholique ou des suicides à répétition dans certaines entreprises ?

– Quels sont ces quelques domaines ?

– L’action de la Miviludes s’est focalisée sur des groupes émergents et qui développent  des pratiques, des recherches, des démarches innovantes, en réponse aux problèmes non résolus par la société contemporaine. La Mission interministérielle dénonce ces approches qui sont particulièrement  actives précisément dans les domaines les plus en crise : éducation, médecine, spiritualité, violence chez les jeunes, etc. Elle rejette à priori leurs propositions. Par exemple, les parents qui veulent élever leurs enfants à la maison, dans un contexte mieux maîtrisé et plus sécurisé que dans bien des écoles, sont d’emblée suspectés de dérives sectaires. Or, quand on observe toutes ces démarches alternatives on voit qu’elles essaient en fait, pour la plupart, des voies humanistes et solidaires qui prennent en compte la personne dans sa totalité et qui pourraient sans doute contribuer au débat en cours sur « la violence à l’école ».  Parfois elles le font maladroitement peut-être, mais ce climat permanent de haine et de répression ne leur facilite pas la tâche. Au lieu d’entendre leurs propositions, on les stigmatise comme des criminels, on leur envoie les gendarmes, ou les membres de la Miviludes, qui deviennent les agents d’une police de la pensée.

Pourquoi n’intervenez-vous pas dans les médias pour alerter l’opinion ?

– Nous diffusons chaque année des dizaines de communiqués à toutes les rédactions,  mais celles-ci se limitent au son de cloche de la Miviludes  et des associations antisectes, qui est uniquement à charge : il n’y a aucune déontologie, aucun recul critique, c’est de la reproduction passive des rumeurs et des soupçons, la partialité est systématique, etc. Le sujet, pourtant, est d’importance et mériterait  des investigations sérieuses et contradictoires. Un exemple : Georges Fenech avance régulièrement  devant les caméras et les micros le chiffre de  80 000 enfants qui seraient en danger dans les sectes en France, alors que ces chiffres n’existent ni dans le dernier rapport parlementaire sur les sectes et l’enfance, ni dans les rapports de la  Miviludes. Monsieur Fenech a besoin d’annoncer des chiffres alarmistes pour susciter de la peur et de la suspicion dans l’opinion publique, car ce sont les ingrédients de son fond de commerce. Les médias reprennent ces assertions mensongères les yeux grands fermés contribuant à alimenter une psychose dans le grand public, psychose qui fait de l’audimat.

Et la télévision ?

– On nous sollicite parfois mais tant que nous n’avons pas la garantie du direct et d’un plateau équilibré avec un temps de parole équitable et sans être coupés, nous refusons de parler sur les antennes. Tous ceux qui ont tenté l’expérience ont été échaudés et ont vu leurs propos coupés ou déformés. Alors que le président de la Miviludes est invité partout avec quelques autres acteurs antisectes sans aucun contradicteur. En France, il est impossible d’avoir une vraie réflexion sur le sujet tant que la plupart des medias sont les haut-parleurs de la pensée dominante.

Que proposez-vous pour faire avancer ce dossier ?

– La Miviludes malgré son déploiement de moyens croissant et son vœu d’efficacité n’est manifestement pas la réponse adéquate pour observer et étudier ce phénomène social d’émergence des minorités spirituelles et des démarches thérapeutiques non conventionnelles. On peut regarder ce qui se passe à l’étranger, en Grande-Bretagne, notamment, avec Inform, un observatoire indépendant qui étudie ces manifestations nouvelles avec méthodologie, expertise et impartialité. En France, on ne cherche pas à observer les choses et encore moins à les comprendre. On combat à l’aveuglette, on liste, on dénonce, on stigmatise. Georges Fenech tente même de convaincre  nos voisins de créer une Super-Miviludes européenne qui serait un organe de répression avec à son bord uniquement des personnalités « antisectes » comme son nom le laisse prévoir : « Programme européen d’études sur les dérives sectaires et leurs dangers pour les Droits fondamentaux ». Le Cicns travaille depuis 7 ans à démontrer la nécessité d’un observatoire indépendant fondé sur une démarche de connaissance dont un projet est proposé sur notre site Internet.

La santé naturelle confisquée par la pharmacie?

L’Ordre des pharmaciens poursuit devant les tribunaux, avec succès, les compléments alimentaires non diffusés dans ses réseaux. Prétexte ? Ce sont des médicaments !  La justice, interprétant la loi de façon partiale, et avec l´appui du gouvernement, lui donne raison, au prix d’un double-jeu inquiétant et en contradiction avec les règles européennes.


L´avocat Patrick Beucher.
Photo : JL ML.

Deux jugements récents pouvaient laisser penser que la France allait rentrer dans le rang européen, en matière d’autorisation des compléments alimentaires. 

En effet, pour deux affaires différentes, les tribunaux, en premier jugement puis en appel, avaient  relaxé les prévenus, des entreprises qui commercialisent des extraits de plantes, vitamines et minéraux.

Ces entrepreneurs étaient poursuivis par le Conseil national de l’ordre des pharmaciens (Cnop) qui les accusaient de vendre ce qu’il considérait comme des médicaments et d’exercer illégalement la médecine.

Mais, en cassation, la Cour a rendu, le 2 et  le 18 février 2010, deux arrêts contradictoires : elle leur a donné raison sur le premier point et tort sur le second. En clair : « Vos produits sont bien des médicaments, pas des compléments alimentaires. Mais en les vendant vous n’êtes pas coupables d’exercice illégal de la médecine. » (voir les arrêts en fin d´article)

Difficile à comprendre un tel message : « On ne vous interdit pas de vendre ces produits, mais si vous les vendez, on vous tombe dessus ! »

On comprend mieux la contradiction si on éclaire ces décisions par le contexte français très spécifique du lobby médical et pharmaceutique.  Lequel tente de défendre bec et ongles une position monopolistique de plus en plus ébréchée par Bruxelles. En effet, les pharmaciens cherchent à empêcher le développement  de produits nouveaux non soumis aux mêmes contraintes que les médicaments mais ayant un effet « nutritionnel ou physiologique » appelés à une belle fortune : les compléments alimentaires.

Revenons quelques années en arrière. En 2006, fabricants et importateurs de compléments alimentaires s’étaient réjouis, mais un peu trop vite. « Bruxelles avait condamné la France à plusieurs reprises ces dernières années pour avoir de manière presque systématique empêché les consommateurs français d’avoir accès à des substances naturelles qui sont librement vendues partout ailleurs, explique l’avocate Isabelle Robard. Les autorités sanitaires françaises ont enfin fini par bouger en adoptant un décret conforme à la réglementation européenne ».

Effectivement, le 20 mars de cette année, le décret n°2006-352 relatif aux compléments alimentaires donnait un statut officiel à ces substances dont le flou juridique permettait toutes les poursuites de la répression des fraudes (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes – DGCCRF). Plantes, vitamines, minéraux et autres préparations nutritionnelles (voir encadré), dotés d’une existence légale, pouvaient enfin prétendre à l’octroi d’autorisations administratives en bonne et due forme. Les professionnels pensaient pouvoir exercer leur métier sereinement sans la menace permanente de poursuites.

C’était sans compter avec l’Ordre des pharmaciens et l’industrie pharmaceutique qui veulent empêcher le développement de ce marché hors de leur contrôle. Ils multiplient les procédures, allant jusqu’à la Cour de Cassation, sous le prétexte que ces substances sont des « médicaments », donc soumis à autorisation de mise sur le marché (AMM).

Chaque entreprise est finalement condamnée, à l´étape actuelle du périple judiciaire, à plus de 30 000 € de dommages et intérêts au profit du Conseil national de l’ordre des pharmaciens (Cnop).

Les compléments alimentaires, selon le décret de 2006

1° ” Compléments alimentaires “, les denrées alimentaires dont le but est de compléter le régime alimentaire normal et qui constituent une source concentrée de nutriments ou d´autres substances ayant un effet nutritionnel ou physiologique seuls ou combinés, commercialisés sous forme de doses, à savoir les formes de présentation telles que les gélules, les pastilles, les comprimés, les pilules et autres formes similaires, ainsi que les sachets de poudre, les ampoules de liquide, les flacons munis d´un compte-gouttes et les autres formes analogues de préparations liquides ou en poudre destinées à être prises en unités mesurées de faible quantité ;

2° ” Nutriments “, les substances suivantes : a) Vitamines ; b) Minéraux ;

3° ” Substances à but nutritionnel ou physiologique “, les substances chimiquement définies possédant des propriétés nutritionnelles ou physiologiques, à l´exception des nutriments définis au 2° et des substances possédant des propriétés exclusivement pharmacologiques ;

4° ” Plantes et préparations de plantes “, les ingrédients composés de végétaux ou isolés à partir de ceux-ci, à l´exception des substances mentionnées au 2° et au 3°, possédant des propriétés nutritionnelles ou physiologiques, à l´exclusion des plantes ou des préparations de plantes possédant des propriétés pharmacologiques et destinées à un usage exclusivement thérapeutique.

Conséquence des arrêts : les fabricants de compléments alimentaires, qu’ils soient composés de vitamines et minéraux ou de plantes, risquent de tout simplement disparaître, bien que ces produits soient reconnus par le décret de 2006 comme non-médicaments.

Et ce, même s’ils sont expressément autorisés à la vente libre (comme partout ailleurs en Europe). En effet, le décret n° 2008-839 du 22 août 2008 précise bien que : « Lorsque l’emploi de plantes médicinales inscrites à la pharmacopée a été autorisé dans les compléments alimentaires en application du décret n° 2006-352 du 20 mars 2006 relatif aux compléments alimentaires, ces compléments alimentaires peuvent être vendus par des personnes autres que des pharmaciens ».

Autre contradiction, qui confine à la schizophrénie : si ces compléments n’ont pas l’AMM, ils devraient être interdits de vente aussi en pharmacie. Or, vous pouvez facilement le constater partout, ces produits trônent sur les présentoirs des officines. Mais cela ne gêne pas la justice ! Les pharmacies ne sont poursuivies par personne pour un acte commercial qui devient un délit hors leurs murs. Le consommateur est donc miraculeusement protégé des effets nocifs éventuels de ces gélules du seul fait que c’est le pharmacien qui encaisse son achat !

« Les deux produits contre lesquels le Cnop et l’industrie pharmaceutique s’acharnent le plus, s’indigne l’avocat Patrick Beucher, sont harpagophytum (anti-inflammatoire) et le millepertuis (antidépresseur). Curieusement, ces deux plantes entrent en concurrence avec des médicaments contre ces affections qui représentent les deux plus grosses ventes des labos ! »

Et il s’étonne : « Pourquoi, alors, la justice ne poursuit-elle pas le groupe agro-alimentaire Danone qui a lancé une nouvelle marque santé, Danacol, une spécialité laitière destinée à lutter contre le mauvais cholestérol ? C’est dramatique. Il y a dans ce dossier un énorme enjeu de santé publique. On ne veut pas que les Français guérissent par des moyens naturels. L´évocation de la dangerosité potentielle des compléments alimentaires est clairement un prétexte pour protéger le monopole. Les dégâts provoqués par les médicaments sont eux bien réels. Malades, vous êtes la poule aux œufs d’or pour le système médical : voilà le message que les autorités veulent en fait faire passer ».

L’avocat a décidé de se pourvoir à nouveau en cassation pour ces deux décisions et de porter l’affaire devant la Commission européenne pour qu´elle saisisse la Cour européenne de justice.

>> Arrêt Orléans/Fenioux.

>> Arrêt Lyon/Cahierc.

Basarab Nicolescu : « Il y a toujours un tiers inclus entre les choses opposées qui permet de les considérer simultanément »

Basarab Nicolescu, physicien, président-fondateur du Centre international de recherches et études transdisciplinaires (Ciret) et cofondateur du Groupe de réflexion sur la transdisciplinarité auprès de l´Unesco, évoque pour Ouvertures les impacts de la philosophie du « tiers inclus » de Stéphane Lupasco (1900-1988).


Basarab Nicolescu.
Photo : JL ML.

Ouvertures.- En quoi la pensée de Stéphane Lupasco, qui semble prolonger et formaliser celle issue de la physique quantique, est-elle originale ? Pouvez-vous la présenter d’abord en quelques mots ?

 – Basarab Nicolescu.- Son idée centrale est que la contradiction est la texture de l’univers. Tout ce qui est dans le monde, et pas seulement ce qui est dans notre pensée ou nos propositions, résulte d’une tension entre des contradictoires. La pensée de Lupasco est effectivement directement inspirée par l’enseignement de ses professeurs qui furent de grands bâtisseurs de la mécanique quantique.

Le monde n’est pas une unité fusionnelle et harmonieuse de type Parménide, mais une unité de type Héraclite dans laquelle la tension est constitutive des choses. Il y a toujours un tiers (le tiers inclus) entre les choses et les événements opposés qui permet de les considérer simultanément, même s’ils sont irréconciliables (sauf, c’est ce que j’ajoute personnellement, à d’autres niveaux de réalité). Un exemple célèbre est la dualité onde-corpuscule qui est un des fondements de la physique quantique : cette dualité se vérifie au niveau quantique et pas au niveau macrophysique.

– Cette idée de « tiers inclus » est-elle acceptée par les scientifiques contemporains ?

 – La mécanique quantique n’use pas de ce terme : elle parle du « principe de superposition ». Beaucoup d’hommes de sciences admettent cette réalité prouvée sans pouvoir vraiment se la représenter. Dans la physique classique, il y a soit oui, soit non ; soit un électron va vers la droite, soit vers la gauche, pas les deux en même temps. En mécanique quantique, oui et non doivent être pensés ensemble. Les bâtisseurs de cette nouvelle vision de la réalité, comme Heisenberg, parlaient comme Lupasco, mais sans formaliser les choses comme lui.

Ce que les scientifiques ont du mal à accepter, c’est le prolongement de ce constat étrange aux niveaux de la psychologie, de l’histoire, de la politique ou de la société.

Un penseur comme Edgar Morin, avec sa théorie de la complexité, a bien pris la mesure de la pensée de Lupasco qui place la contradiction au cœur des choses.

– Pouvez-vous donner des exemples concrets d’implication de cette théorie ?

 – Un exemple facile à comprendre, dans l’univers social, est la question des conflits qui nous perturbent, que ce soit dans le milieu scolaire ou sur un plan politico-religieux. La médiation est la recherche de ce tiers à inclure entre deux pensées qui s’opposent pour accéder à un autre niveau de réalité où le compromis sera possible.

Je peux donner ce cas, présenté à un colloque de l’Unesco, d’un conflit entre deux groupes de confessions différentes qui avait amené des familles à se battre entre elles. Une fête et un festin partagés ont permis de dépasser les oppositions stériles.

Autre exemple, en politique, on peut faire vivre le tiers inclus, l’intérêt de la nation par exemple, pour favoriser le dépassement des convictions partisanes. Ou la féminisation des postes à haute responsabilité.

Colloque Lupasco à l´Unesco

Cette interview a été recueillie dans le cadre du colloque international « À la confluence de deux cultures : Lupasco aujourd’hui », manifestation co-organisée le 24 mars 2010 par la Délégation permanente de la Roumanie auprès de l´Unesco et le Centre international de recherches et études transdisciplinaires (Ciret), avec le soutien de l´Institut culturel roumain (ICR), de l´association “Les Roumains de France” (RDF) et de l´Association pour le dialogue entre science et théologie en Roumanie (ADSTR), à l´occasion du Jour de la Francophonie.

– Mais je ne vois pas le tiers dans ce que vous venez de dire. Vous valorisez seulement l’un des deux pôles, celui de la femme…

– Quand je dis « féminisation », je ne parle pas du nombre ni de la parité, mais de l’ouverture, chez tous !, aux valeurs généralement portées par les femmes. Je parle au sens métaphorique et symbolique, pas sexuel. Et sans jugement de valeur. On peut ainsi sortir des antagonismes binaires. L’ouverture en politique semble aller dans ce sens, mais à condition qu’elle soit stable et sincère. Sinon, ce sera l’inévitable retour de bâton !

Parlant de bâton, vous connaissez le sketch de Raymond Devos qui met en scène un homme s’étonnant de trouver toujours deux bouts à son bâton, même après l’avoir coupé. Et cela, à l’infini. Entre les deux bouts, il y aura toujours le tiers, infiniment inclus.

– Vous parlez de tiers inclus, d’infini, d’autre niveau de réalité, tout cela fait penser à la spiritualité ?

– Oui, entre autres, mais aussi à l’esthétique, à l’art en général… Et puis, si j’évoque la spiritualité, il s’agit d’une spiritualité laïque, libre dans sa quête du tiers inclus entre moi et le monde et qui peut nous réconcilier. Les religions c’est autre chose. On peut suggérer une spiritualité sans dogme.

Belle arme contre tous les sectarismes. Cette pensée à qui la physique quantique donne des bases concrètes peut-elle s’enseigner simplement ?

– Oui, cela se fait même sans le savoir, avec les contes de fées ou les oxymorons, dans lesquels on met ensemble les opposés. Les enfants acceptent cela sans aucun problème. Ils n’ont pas l’esprit sclérosé par la pensée binaire qui est une pensée d’exclusion. En effet, quand on exclut l’autre, on n’exclut pas seulement l’autre extérieur, mais aussi l’autre qui est en nous, le tiers qui fait un pont entre l’autre et nous. C’est cela, la transdisciplinarité.

Le blues des employés de la Fnac

La Fnac figure dans “liste verte” des entreprises ayant élaboré un Plan d’urgence sur la prévention du stress, dans le cadre d’un processus national engagé en juillet 2008. Si les pouvoirs publics honorent la bonne élève, les employés, eux, ne voient pas les choses du même œil. Ouvertures a recueilli les propos d’Éric Maclos, délégué syndical CGT de la Fnac du Forum des Halles (Paris).


Eric Maclos.
Photo: JL ML.

« S’il y avait autant de gens pour siffler les infractions au code du travail que celles au code de la route, il y en a qui auraient du souci à se faire. Il ne suffit pas d’entamer une négociation avec les salariés pour que le stress disparaisse.

Les méthodes de management actuelles de la Fnac exaspèrent les employés. La dégradation des conditions de travail date de quelque temps. Il y a d’abord eu le plan social avec la fermeture du magasin Bastille et 170 emplois supprimés. Alors que la boîte gagne de l’argent : 480 M€ en 2008 ! C’est la seule entreprise du groupe PPR qui progressait.

Nous nous préoccupons de ceux qui partent mais aussi de ceux qui restent : la demande de productivité pèse d’autant plus sur eux.

Notamment avec le nouvel accent mis sur la vente des services qui accompagne celle des produits : extensions de garantie, assurances, garanties échanges, adhésion, etc. Pour la direction, c’est intéressant : ces biens sont immatériels, il n’y a pas de stock (la marchandise est devenue une patate chaude !), le client avance de l’argent pour quelque chose qui n’arrivera d’ailleurs sans doute pas (extensions de garantie, par exemple), etc.

La pression pour le résultat fait même évoluer les métiers. Les vendeurs et les personnels de caisse doivent se transformer en commerciaux pour proposer ces services. Cela provoque des tensions dans les files d’attente avec des clients qui doivent patienter plus longtemps.

Dans certains rayons, chez les vendeurs hifi, par exemple, on assiste même à une dénaturation du métier. Ces vendeurs ont un savoir-faire et une connaissance des appareils dont ils sont fiers. En mettant la pression sur eux, plusieurs fois par jour parfois, pour qu’ils vendent ces fameux services, on mutile leur acte de travail, on dévalorise leur expertise. On stigmatise et culpabilise ceux qui ne font pas les chiffres souhaités dans cette voie. On demande même aux caissiers de vérifier auprès des clients si les vendeurs leur ont bien proposé les services. Bonjour l’ambiance entre collègues !

Dans le même ordre d’idée, la direction favorise fnac.com, beaucoup moins coûteuse à gérer : on pille la librairie réelle au profit de la librairie virtuelle. Et nos magasins sont transformés en simples virtines pour le magasin virtuel. On encourage de la sorte une baisse de la fréquentation de la vraie librairie…

Des gens commencent à craquer dans ce contexte. Un certain nombre sont sous antidépresseurs.

Le plan national d’urgence contre le stress

Les suicides chez France Télécom ont mis dramatiquement en lumière les risques que le stress mal géré fait courir aux salariés. Les pouvoirs publics s’en sont émus. Ils ont lancé un Plan d’urgence sur la prévention des « risques psychosociaux »

Xavier Darcos, ministre du travail, a voulu accélérer le processus de transposition de l’accord national interprofessionnel sur le stress du 2 juillet 2008 au niveau des entreprises. Il a invité ces dernières, lorsque leur effectif dépasse 1000 salariés, à engager des négociations, un diagnostic et/ou un plan d’action au plus tard le 1er février 2010.

La carte du site du ministère dresse un premier bilan de cette action. Elle sera régulièrement mise à jour tout au long de 2010 et permettra de suivre l’évolution des négociations ainsi que les progrès réalisés.

Les risques psychosociaux sont souvent réduits par souci de simplification au terme de « stress », qui n’est en fait qu’une manifestation de ce risque. Ils recouvrent en réalité des risques professionnels d’origine et de nature variées, qui mettent en jeu l’intégrité physique et la santé mentale des salariés et ont, par conséquent, un impact sur le bon fonctionnement des entreprises.

>> Les engagements de la Fnac dans le domaine social.

En outre, depuis 2002, il n’y a plus d’augmentation générale des salaires. Elle a été progressivement remplacée par une augmentation individuelle au mérite (prime mensuelle variable liée à la réalisation d’objectifs). Nous, nous traduisons : prime à la tête du client ! Longtemps, chez nous, le collectif a primé sur l’individuel. Cette nouvelle politique brise les solidarités. On achète la paix sociale avec des primes bien placées, les autres s’achètent de l’Hexomil

La direction remet aussi en question les emplois du temps et certains usages consacrés malgré l’engagement qui avait été pris de les respecter lors de la signature des 35 h. En fait, il y a un enjeu politique fondamental : ôter toute autonomie au salarié, réduire au maximum ses marges de manœuvre, lui faire admettre que toute sa vie dépend de la bonne volonté de son employeur. Le métier disparaît, place à la mission et aux objectifs ! On assiste à une véritable militarisation de la vie salariale.

Du point de vue syndical, tout conflit débouche rapidement sur ce constat qu’il risque de remettre en cause l’ordre social existant, qu’il touche directement à la relation de subordination. Je ne désespère pas pourtant d’obtenir des améliorations des conditions de travail, même s’il faut pour cela passer par  la justice. »