Les médicaments traditionnels à base de plantes (MTBP) vont-ils bientôt être interdits dans l’Union européenne ? Des informations alarmantes circulent dans ce sens sur internet, comme le montre cette pétition émise par un Collectif pour la défense de la médecine naturelle. La Commission européenne a publié une FAQ en anglais (traduction Ouvertures) pour tenter d’apaiser les inquiétudes.
– Quels sont les médicaments traditionnels à base de plantes (MTBP) ?
– Certaines plantes contiennent des substances qui peuvent être utilisées pour traiter les maladies. Les médicaments fabriqués à partir de ces substances sont dénommés “médicaments à base de plantes”. Même s’ils sont naturels, un certain nombre de ces produits peuvent être dangereux pour les patients. C´est pourquoi ils sont couverts par la législation pharmaceutique, qui vise à protéger la santé publique en assurant la sécurité, l´efficacité et la qualité des médicaments.
Parmi ces produits phytothérapeutiques, certains ont une longue tradition d´usage. La législation européenne qualifie de médicaments traditionnels à base de plantes les produits qui sont utilisés depuis au moins 30 ans, dont au moins 15 ans au sein de l´UE, qui sont destinés à être utilisés sans le conseil d´un médecin et ne sont pas administrés par injection.
Quelques exemples de plantes utilisées dans les MTBP : Calendula officinalis L, Echinacea purpurea L., Moench; Eleutherococcus senticosus (Rupr. et Maxim.) Maxi; Foeniculum vulgare Miller subsp. vulgare var. var vulgare. vulgare; Foeniculum vulgare Miller subsp. vulgare; Foeniculum vulgare Miller subsp. vulgare var. var vulgare. dulce (Miller) Thellung; Hamamelis virginiana L; Mentha x piperita L. and Pimpinella anisum L.
– Pourquoi l´UE a-t-elle décidé d´adopter une législation spécifique sur les médicaments traditionnels à base de plantes ?
– Tous les médicaments, y compris les produits de phytothérapie, doivent bénéficier d´une autorisation de commercialisation avant d’être mis sur le marché de l´UE. Or les médicaments traditionnels à base de plantes présentent des caractéristiques particulières, notamment celle de leur longue tradition d´utilisation. Pour tenir compte de ce fait, l´UE a introduit à leur intention une procédure d´enregistrement plus légère, plus simple et moins coûteuse, tout en offrant les garanties nécessaires de qualité, de sécurité et d´efficacité.
La directive sur les MTBP (directive 2004/24/CE) a été adoptée pour faciliter la mise de ces produits sur le marché de l´UE.
La procédure simplifiée permet l´enregistrement des MTBP sans exiger les tests de sécurité et les essais cliniques que le demandeur est tenu de fournir dans le cadre de la procédure d´autorisation de commercialisation complète.
La longue tradition du médicament permet de réduire la nécessité de ces tests et essais qui peuvent être remplacés par une documentation indiquant que le produit n´est pas nocif dans les conditions d´emploi spécifiées et que son efficacité est plausible sur la base d´une longue ancienneté d´usage et d´expérience.
Cependant, une longue tradition d´usage du produit n´exclut pas des préoccupations de sécurité. C´est pourquoi les autorités compétentes des États membres sont en droit de demander des données supplémentaires, si elles le jugent nécessaire, pour évaluer l´innocuité du médicament.
En résumé, la directive introduit une procédure simplifiée par rapport aux exigences requises pour une autorisation de mise sur le marché complète.
– Que représente la date limite du 30 avril 2011 pour les fabricants de médicaments traditionnels à base de plantes ?
– La directive sur les MTBP a été adoptée par le Parlement et le Conseil le 31 mars 2004. Elle a laissé une période exceptionnellement longue de transition (7 ans) pour enregistrer les médicaments phytothérapeutiques déjà présents sur le marché à la date d´entrée en vigueur de la directive. Cette période de sept années de transition se termine le 30 avril 2011.
Les MTBP légalement présents sur le marché avant le 30 avril 2004 ont été autorisés à y rester jusqu´à la fin de la période transitoire. Cela a donné 7 ans aux candidats pour les faire enregistrer. Il leur appartient de présenter leur demande aux autorités compétentes dans les États membres où ils veulent commercialiser leurs produits de manière à ce que leur enregistrement soit effectif avant la fin de la période transitoire.
– La directive sur les MTBP impose-t-elle de nouvelles exigences pour la mise sur le marché des médicaments traditionnels ? Ces exigences ne sont-elles pas trop lourdes pour les petites et moyennes entreprises et ne risquent-elles pas de réduire l´accès aux produits chinois et ayurvédiques?
– Avant 2004, les médicaments à base de plantes étaient couverts par les mêmes exigences que les autres médicaments. La directive modifie ces exigences et prévoit une procédure d´enregistrement simplifiée visant à faciliter la mise sur le marché des MTBP pour toutes les entreprises, y compris les petites et moyennes entreprises (PME).
La procédure simplifiée permet l´enregistrement des médicaments traditionnels, y compris des produits à base de plantes médicinales chinois ou ayurvédiques, ou des médicaments à base de plantes de toute autre tradition, sans nécessiter les tests et les essais sur la sécurité et l´efficacité que le demandeur est normalement tenu de fournir. En lieu et place de l’enregistrement des médicaments traditionnels, le demandeur doit seulement fournir une preuve suffisante de l´utilisation médicinale du produit pendant une période d´au moins 30 ans, dont au moins 15 ans dans l´Union européenne.
Cette procédure est moins lourde que l´autorisation de commercialisation complète et facilite ainsi l´accès de ces produits au marché de l´UE. En conséquence, il ne réduit pas l´accès aux produits chinois ou ayurvédiques indiens, ou aux produits des entreprises à faibles moyens financiers.
– Quel est le rôle de l´Agence européenne des médicaments pour l´enregistrement des MTBP après le 30 avril 2011 ?
– L´Agence européenne des médicaments (EMA) n´a pas de rôle dans l´enregistrement des MTBP. La procédure simplifiée est de compétence nationale. Cela signifie que les demandes d´enregistrement doivent être déposées dans chaque État membre où le produit sera commercialisé. Ces demandes sont traitées par l´autorité compétente dans chaque État membre.
Toutefois, un Comité des médicaments à base de plantes (HMPC) a été créé à l´Agence européenne des médicaments en septembre 2004 en vue de la création, par la Commission européenne, d´une liste européenne de préparations ou de substances à base de plantes. Cela signifie que les États membres doivent reconnaitre l´enregistrement des MTBP par un autre État membre dès lors que cet enregistrement figure sur la liste de l´UE.
Les tâches du Comité HMPC ne sont pas liées à la période transitoire. Les demandes d’enregistrement des MTBP peuvent être faites, même si la substance ou préparation n´est pas incluse dans la liste de l´UE.
– Les produits à base de plantes peuvent-ils rester sur le marché comme aliments ou compléments alimentaires après le 30 avril 2011 ?
– Les substances à base de plantes peuvent être utilisées pour la fabrication de médicaments ou de nourriture. Un produit à base de plantes sera considéré comme un médicament s’il est présenté comme possédant des propriétés curatives ou préventives de maladies humaines ou s’il a une action pharmacologique, immunologique ou métabolique. Décider, au cas par cas, si un produit à base de plantes répond à la définition du médicament, est du ressort et de la responsabilité des autorités nationales.
Si un produit à base de plantes médicinales n’est pas enregistré ou autorisé au 1er mai 2011, il ne peut être commercialisé dans l´UE.
En revanche, les produits à base de plantes peuvent être classés et mis sur le marché comme denrées alimentaires à condition qu´ils ne remplissent pas les caractéristiques des médicaments et qu´ils soient conformes à la législation alimentaire en vigueur. En particulier, les produits à base de plantes commercialisés sous forme de compléments alimentaires doivent être conformes à la directive 2002/46/CE concernant les compléments alimentaires et le règlement (CE) n° 1924/2006 concernant les allégations nutritionnelles et de santé portant sur les denrées alimentaires.
– Toutes les thérapies alternatives, les plantes et les livres sur les plantes seront-ils interdits après le 30 avril 2011 dans l´Union européenne ?
– Non. La directive réglemente les MTBP en permettant une procédure d´enregistrement simple et légère. Elle ne s´applique pas aux thérapies alternatives et n’interdit aucune substance spécifique, praticien, livre ou plante en tant que tels.
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>> Le point de vue de Thierry Thevenin, président du Syndicat des Simples (qui regroupe 80 producteurs-cueilleurs de plantes médicinales aromatiques, alimentaires, cosmétiques et tinctoriales). Il participe à un groupe de travail réunissant producteurs-herboristes, pharmaciens, enseignants, médecins, universitaires et élus politiques qui élabore un programme de formation professionnelle. Par ailleurs, il suit les auditions menées par le groupe de travail au Sénat, présidé par Jean-Luc Fichet, sénateur du Finistère, visant à soumettre prochainement une proposition de loi pour la réhabilitation du métier d’herboriste en France.
>> “Europe : mon plaidoyer pour les plantes médicinales“. Dans ce texte, Michèle Rivasi, députée européenne (Europe Ecologie Les Verts), expose les enjeux de la démarche européenne. Dans les commentaires qui suivent son article, elle ajoute : « Il y a bien un enjeu culturel. En opposant preuve scientifiques et usage traditionnel, le système introduit une discrimination envers des cultures minoritaires ou orales. Ces savoirs traditionnels spécifiques, ethniques ou régionaux, devraient-ils être rejetés du circuit légal alors que les preuves académiques ou universitaires de leur efficacité existent ? Des critères scientistes doivent-ils supplanter les savoirs empiriques transmis au fil des générations d´herboristes ? Un pan de la diversité culturelle européenne est mis en péril. »
>> En fait, la procédure simplifiée d´enregistrement des médicaments traditionnels phytothérapeutiques dépendra de chaque pays. La France ayant souvent montré une grande intolérance envers les démarches et produits “naturels” (voir la guerre du purin d´ortie, par exemple), ainsi qu´une sorte de “préférence nationale” pour la chimie, il est à craindre que notre pays soit toujours le théâtre d´absurdes interdictions et de répression… Beaucoup dépendra de son influence au sein du Comité des médicaments à base de plantes (HMPC) qui établira la liste des produits phytothérapeutiques reconnus.
>> “L’Herboristerie de la place Clichy va-t-elle devoir fermer ?” Jean-Pierre Raveneau, qui dirige la célèbre herboristerie de la place Clichy à Paris, craint de devoir fermer boutique. Interview par Eric Lecluyse sur le site bienbeau.fr.
Europe : mon plaidoyer pour les plantes médicinales