Lundi 10 janvier dernier, c’était la fête des religions endogènes, qui regroupent en leur sein plusieurs sortes de divinités. Le professeur de fâ, David Koffi Aza nous parle du « fâ », une divinité permettant de prédire l’avenir.
Que représentent pour vous les religions endogènes en général et le Vodoun [vaudou] en particulier ?
Professeur David Koffi Aza : Les religions endogènes constituent le centre fondamental même de l’être surtout en Afrique, puisque les religions endogènes font partie de la tradition primordiale, plus tard modernisée puis christianisée, par la suite islamisée. Nous, nous avons gardé l’authenticité des religions traditionnelles. Le Vodoun en particulier est un instrument mis à notre disposition par le macrocosme afin de nous permettre de jouir de toutes les opportunités, de tous les avantages liés à cette nature là, par rapport à l’homme et par rapport à son environnement. Le Vodoun pour nous, c’est normalement le recours de l’homme, c’est normalement la solution aux problèmes existentiels de l’homme et ce, dans tous les domaines de son existence.
Vous êtes professeur de fâ. Qu’est-ce que le fâ ?
C’est difficile de définir en quelques mots ce qu’est le fâ. En se basant sur l’étymologie même de son nom qui signifie le sort, l’avenir, le fâ en réalité est l’harmonisation de la sagesse universelle qui regroupe en son sein les quatre éléments fondamentaux qui ont concouru à la création de notre macrocosme et également de notre microcosme, et à partir de ce moment, il tire sa source du grand nom divin qui symbolise les quatre points cardinaux. Donc, en un mot, le fâ est un guide, un éclaireur qui permet d’avoir une vision claire par rapport à un individu depuis sa conception jusqu’à sa mort et même 16 ans après sa mort. Le fâ nous permet également d’avoir des visions précises sur des préoccupations précises telles que le mariage, le voyage. C’est une lumière des hommes qui tire sa source du grand nom divin.
Quels sont les autres bienfaits du fâ pour la société ?
Il y a beaucoup d’autres aspects parce que le fâ, à part son caractère visionnaire, est également un conseiller par excellence. Le fâ est également « médecin » parce que rien qu’à partir des tracés du fâ, nous pouvons guérir les maladies les plus élémentaires qui se présentent à nous. Il y a d’autres potentialités sur le plan de la prospérité. Nous avons beaucoup de vertus du fâ que nous pouvons utiliser pour harmoniser le foyer, pour retrouver un emploi, pour faire prospérer une société, pour assurer sa protection et son autodéfense. C’est un gisement de potentialités.
Est-ce que la plupart de vos prévisions se vérifient effectivement dans le temps ?
Depuis dix ans maintenant que moi j’ai commencé, j’ai été consacré « Boconon » [Devin interprète du Fâ doublé d’un guérisseur. Il consulte le sort et prédit l’avenir dans l’intérêt de ceux qui s’adressent à lui]. Les prévisions du fâ sont exactes à la différence que si le prêtre du fâ qui est chargé de l’interpréter n’a pas la maitrise nécessaire avant de commencer, ses prévisions peuvent ne pas être vérifiées puisque c’est de la géométrie sacrée. Mais tel que moi je sais et je la pratique, les prévisions de fâ sont vérifiables à tout moment.
A-t-on forcément besoin de prédire l’avenir ?
On ne peut pas naviguer à vue. Il faut prévoir l’avenir. Aujourd’hui on fait des prévisions dans les domaines scientifique, climatique et autres ; même dans les cinquante prochaines années. Il faut connaitre l’avenir afin de prendre les mesures qui s’imposent.
Est-ce qu’il n’y a pas de dangers liés à la pratique du fâ ?
Il n’y a aucun danger si les rituels sont bien respectés.
Un message à l’endroit de la population ?
Il faudra qu’elle comprenne que l’arbre qui se désolidarise de sa racine est voué à la mort. Elle ne peut survivre ; il faudrait qu’on retourne à notre culture, à notre racine, on s’est désolidarisé de notre racine, ce qui fait qu’aujourd’hui, nous sommes sans boussole, nous sommes devenus des gens errants, sans culture et sans racine, or nous ne pouvons amorcer notre propre développement qu’en se basant sur notre propre culture, notre propre racine. L’Asie l’a démontré, les occidentaux l’ont démontré et pourquoi l’Afrique a honte de sa culture, de ce qu’elle est et de ce qu’elle a. Il faut que nous comprenions qu’aucune solution importée ne peut apporter le salut à l’Afrique. Après près de cinquante ans d’indépendance nous avons fini par comprendre que les solutions importées n’ont jamais contribué au développement de l’Afrique.
>> Entretien publié le 12 janvier 2011 dans le Quotidien La Nation/Bénin (avec son aimable autorisation).