Youssou Ndour un musicien de renommée internationale engagé pour l’Afrique

Auteur-compositeur, interprète et musicien, Youssou Ndour, né en 1959 à Dakar (Sénégal), a aujourd’hui à son actif une vingtaine d’albums, qui lui ont valu en 2005 un Grammy Awards. Depuis son 1er album en 1982 et jouissant avec sa carrière d’une forte notoriété à l’international, il s’est particulièrement impliqué dans plusieurs initiatives humanitaires pour le Continent africain.


En mai 2007, Youssou Ndour chanta devant les deux présidents français (le sortant Jacques Chirac
et le nouveau Nicolas Sarkozy) pour la deuxième cérémonie de commémoration de l´abolition
de l´esclavage, dans les jardins du Luxembourg à Paris.
Cliquer sur l´image pour voir la vidéo.

Dans la lancée de ses précédentes implications principalement dans des causes humanitaires, le mois d’août dernier n’aura pas été de tout repos pour Youssou Ndour. « Ne regardons pas la Somalie mourir à petit feu. Ne laissons pas nos frères de cette partie de notre continent disparaitre parce qu’ils ne mangent plus, parce qu’ils ne boivent plus », déclarait-il dans un communiqué. Et d’ajouter que « si la tragédie menace, elle n’est pas inéluctable ». C’est donc parce qu’il croit que tout est encore possible qu’il a lancé un appel durant le même mois aux africains et aux chefs d’État et de gouvernement du Continent pour qu’ils ne ferment pas les yeux sur la famine en Somalie et globalement dans la corne de l’Afrique en butte à une sécheresse qui menace des millions de personnes.

Lors d’une conférence de l’Union africaine (Ua) consacrée à cette crise humanitaire, le chanteur sénégalais s’insurgeait contre le fait que « les chefs d’État africains pensent toujours pour des problèmes en Afrique, que c’est l’Occident qui doit décider. Or c’est tout à fait le contraire. C´est ça que je voudrais voir changer ». Avec Bono le musicien irlandais, Ndour organisera au Kenya en 2012 un concert afin de mobiliser et d’informer l’opinion publique sur les problèmes de faim dans la région. Il s’agit surtout pour ces deux chanteurs, déjà associés pour d’autres causes pour le Continent, de constituer une sorte d’avant-garde face à d’autres crises humanitaires dans les prochaines années. Baptisée « New Africa », cette opération s’inspirera selon ses initiateurs des idées de la jeunesse et associera les pays d’Afrique ainsi que les amis du Continent.

Au-delà de la musique et de l’humanitaire

Ndour a participé aux côtés d’autres grandes voix africaines, telle que Manu Dibango, Alpha Blondy et Oumou Sangharé au single Afrik for Haïti, dont les bénéfices sont destinés à financer des projets haïtiens après le tremblement de janvier 2010 dans ce pays. Mais en organisant en 85 un concert pour la libération de Nelson Mandela et en sortant l’année suivante un album éponyme, Youssou Ndour a lancé les premiers jalons de l’activisme dont il fait preuve depuis plus de deux décennies pour des causes importantes pour l’Afrique. Ambassadeur de bonne volonté pour le Fonds des Nations-Unies pour l’éducation (Unicef) et pour d’autres organismes onusiens, il a lancé le 13 février 2008 une société de microcrédit baptisée Birima.

Actif dans l’humanitaire, Youssou Ndour porte par sa musique au-delà du Sénégal l’étendard de son pays et celui d’une Afrique positive qui se bat pour elle-même.

La vindicte populaire ignore l´abolition de la peine de mort

54 voix pour, 5 contre et 6 absentions. Tel est le verdict qui a sanctionné la ratification le 18 août dernier par l’Assemblée nationale du Bénin du deuxième protocole facultatif au Pacte international relatif aux droits civils et politiques. En clair, la peine capitale est abolie.


Le pneu à côté du cadavre indique la méthode
utilisée par les lyncheurs pour brûler vif
le supposé malfaiteur.

« Aucune personne relevant de la juridiction d’un Etat partie au présent protocole ne sera exécutée », c’est l’alinéa 1 du premier article du deuxième protocole facultatif au Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Ce protocole entrera en vigueur à la mi-novembre, soit trois mois après sa ratification par l’Assemblée nationale. Alors que la dernière exécution au Bénin remonte au 23 septembre 1987 selon le site spécialisé Peine de mort (Pdm), beaucoup de députés ont soulevé des objections lors de ce vote. L’un d’eux, Jonas Gbénamèto, s’est ainsi demandé « comment la loi peut protéger les assassins aux dépens des assassinés ». Mais il n´est pas isolé, la peine de mort a encore la faveur d’une frange non négligeable de Béninois.

Vindicte populaire : une peine de mort qui ne dit pas son nom

Certains ont surnommé la vindicte populaire, une pratique très en vogue au Bénin, de « glaive de la justice 125 » : 100 F d’essence et une boite d’allumettes à 25 F suffisent pour brûler vifs de prétendus voleurs qui subissent la furie des populations qui les ont arrêtés. Par un après-midi du mois de septembre, le délégué [élu d’un quartier] de Tonato, l’un des quartiers de la ville de Cotonou, est brusquement réveillé de sa sieste. Les habitants viennent d’arrêter trois hommes qui sont accusés d’avoir tenté de voler la moto d’une dame. Depuis plus de trois ans qu’il est le délégué de ce quartier, c’est le nième cas de vol sur lequel il doit statuer. Après un interrogatoire mené en présence d’une foule nombreuse, dont certaines personnes ont roué de coups les présumés voleurs, le délégué décide de renvoyer l’affaire au commissariat de l’arrondissement. Ces trois hommes ont eu la vie sauve, mais plusieurs autres personnes n’ont pas eu la même veine.

Une justice jugée inefficace

Quand les clameurs de « Au voleur ! » s’élèvent dans les agglomérations du pays, elles sont souvent suivies pas la manifestation d’une sauvagerie sans borne de certains habitants, qui ne se préoccupent guère du fait de savoir si les personnes mises en cause sont coupables ou non. Tout y passe : bâtons, gourdins, barres de fer avec comme supplice final l’aspersion d’essence du soi-disant voleur. En fin de compte, ces faits illustrent à quel point les Béninois n’ont pas confiance en la justice de leurs pays, qu’ils jugent trop laxiste et molle dans la répression des crimes et autres délits. « Si on le laisse maintenant, dans quelques mois il sera de nouveau libre et il pourra à nouveau voler et tuer ». C’est cette réponse que donnent à chaque fois ceux qui participent directement ou non à la vindicte populaire. A la fin, ils sont fiers d’avoir fait œuvre de “salubrité publique”.

Les télévisions du pays diffusent régulièrement les images des corps de personnes suspectées de vols et de crimes, après qu’elles ont été abattues par les « forces de défense et de sécurité » lors d’une opération ou d’une course poursuite. Dans ce climat, c’est la vengeance à tout prix qui compte. L’état d’esprit des citoyens est donc en contradiction flagrante avec les principes relatifs à la présomption d’innocence et aux respects des droits de l’homme. Les associations de défense des droits de l´homme dénoncent régulièrement ces faits. Et, bien que le pays ait aboli la peine de mort, l’Etat peine encore à trouver une solution efficace pour enrayer la vindicte populaire dont le nombre de cas est difficile à estimer.

Photos : avadjij.blogspot.com, blog du journaliste Avidji.

Bénin : l´Etat tolère les contrebandiers de l´essence

A Cotonou, la plus grande agglomération du Bénin, comme dans toutes les autres villes du pays, les stations services sont peu nombreuses et l´essence légale est deux fois plus chère que celle des contrebandiers. Voitures et motos s’approvisionnent donc surtout chez des vendeurs qui évoluent en marge de toute légalité et en toute insécurité.


Transport d´essence clandestin en provenance du Nigéria voisin. Photo : ebeninois.com

En parcourant le Bénin du nord au sud et d’est en ouest, on voit ces nombreux étalages sur lesquels sont disposées des bouteilles de différentes capacités contenant de l’essence. Devant ces étals, composés d’un parasol de fortune et d’une ou deux tables, figurent également des bidons ou un petit tableau où est marqué le prix du produit : « Sèche 275, mélange 300 ». Mais ce prix en Fcfa (la monnaie locale) fait parfois du yo-yo. En effet, il dépend de l’évolution de la situation sociale du Nigéria considéré au Bénin comme le « grand voisin de l’est » et avec qui il partage une frontière de 773 km.

Fraudeurs brûlés vifs sur leur moto

Mais ce pays est surtout le 5ème producteur de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) et le 10ème au niveau mondial. Le prix à la pompe dans les stations services béninoises quant à lui est actuellement le double de celui du circuit informel, en raison essentiellement des taxes dont s´exonère le circuit informel, et il est régulièrement ajusté par le gouvernement qui tient compte du prix du baril au niveau mondial. La commercialisation de l’essence de contrebande, dont dépendraient directement ou indirectement deux millions de personnes, a toujours été tolérée par les gouvernements successifs et ce en violation de la loi, car ceux-ci ont toujours été tétanisés à l’idée de l’explosion sociale qui pourrait découler d’une lutte plus active contre ces fraudeurs.

L’essence du secteur informel représente, de source officielle, 75% de la consommation du pays tandis qu’il ferait perdre à l’Etat 30 millions d’euros par an.


Etalage d´essence clandestin dans la capitale. Photo: Bernado Houenoussi.

L’essence de contrebande est le fruit d’une filière venant du Nigéria où subsiste un réseau d’approvisionnement bien organisé. Ceux qui revendent ce produit dans les coins et recoins des villes du Bénin ne sont que la partie immergée de l’iceberg. Régulièrement, ils sont approvisionnés par des intermédiaires qui disposent notamment de motos Vespa, dont ils ont spécialement aménagé les réservoirs afin de pouvoir y stocker un maximum de litres d’essence.

De la frontière entre le Bénin et le Nigéria, ces intermédiaires transportent dans tout le pays leurs cargaisons d’essence à leur risque et à celui qu’ils font courir aux différents usagers de la route. Les drames d’ailleurs ne manquent pas. Les images de fraudeurs brûlés vifs sur leurs motos diffusées par les chaines de télévision ne produisent à chaque fois qu’un électrochoc passager au sein de l’opinion publique.


               Incendie qui s´est déclaré lors du remplissage frauduleux d´un bidon. Photo : Golfe TV.                                 

Pour payer ses fournitures scolaires

En ce matin du mois d’août, une période marquée comme à l’accoutumée par une forte fraicheur, il est 8 heures. Nous sommes dans l’un des quartiers de la périphérie de la capitale. Kuassi, un quadragénaire corpulent, porte une chemise jaune : la tenue des motos-taxis de la ville, appelés zémidjan, ce qui veut dire « Emmène-moi vite », dans une langue parlée au sud du Bénin. Mais les apparences sont trompeuses, car il est le propriétaire de l’étalage d’essence devant lequel il est debout en ce début de matinée. Il donne les dernières consignes à Samson, un élève du collège à qui il confie son étalage depuis le début des vacances scolaires. Il profite ainsi de la journée pour gagner de l’argent avec son autre activité de zémidjan : « L’année dernière à la même époque, c’est mon fils ainé qui était à la place de Samson. Mais dès que l’année scolaire débutera, ce sera de nouveau ma compagne qui prendre en charge la vente », nous déclare-t-il.

Quant à Samson, il aurait bien pu s’inscrire pour les cours de vacances organisés durant le mois d’aout par les établissements scolaires de la ville. Mais la  perspective de gagner 2 à 3 € à la fin de chaque journée a été plus alléchante. Il compte payer ainsi ses fournitures scolaires pour préparer la prochaine rentrée : « Je suis l’aîné de la famille. Mon père est mort depuis deux ans. Nous sommes trois et ma mère en fait déjà beaucoup », confie-t-il.

Pallier l’incapacité du secteur formel

Il est facile pour n’importe qui de vendre de l’essence de contrebande : un budget d’une centaine d’euros est largement suffisamment pour cette activité parfois funeste. Par exemple quand certains vendeurs entreposent des centaines de litres d’essence dans leur maison. Résultat : un incendie avec à la clé des dégâts matériels et un drame humain qui pouvait être évité.

Avant de démarrer sa moto, Kuassi conjure le mauvais sort et espère ne jamais vivre un tel évènement. Même à la nuit tombée, certains de ces étalages continuent de vendre de l’essence en se servant soit de l’éclairage public quand il fonctionne, ou bien grâce à une lampe rechargeable, ou très souvent en se connectant au compteur électrique d’une maison voisine. Disponible donc 24h sur 24, l’autre terreau fertile à la commercialisation de l’essence de contrebande est lié à l’incapacité des stations service du secteur formel à satisfaire une demande qui est forte.

A chaque fois que les autorités béninoises ont voulu, même timidement, lutter contre les fraudeurs, bon nombre de Béninois ont rétorqué qu’il faudrait au préalable que le nombre des stations officielles soit nettement revu à la hausse. Et le prix à la pompe fixé par le gouvernement est jugé exorbitant par beaucoup. Dans un pays où les chiffres officiels du taux de chômage sont inconnus, Kuassi et ses centaines de milliers d’autres compères peuvent réaliser grâce à ce système D une marge bénéficiaire largement supérieure au Smig fixé à environ 45 € au Bénin.

Le flop des mini-stations service

Après son élection en mars 2006, Boni Yayi, le président béninois, a annoncé à grands renforts médiatiques qu’il allait combattre activement la vente illégale de l’essence. Il a encouragé l’installation de mini-stations proposant une partie des prestations des stations-service classiques. Officiellement reconnues par les services étatiques, elles devaient surtout vendre de l’essence aux usagers. Un projet de financement de la construction de micro-stations a été lancé en octobre 2008 pour la reconversion des vendeurs du secteur informel. D’un coût de 1.200.000 €, ce projet consistait principalement à la mise à la disposition des bénéficiaires de crédits à un taux de 10% l’an avec une rétrocession de 50% des intérêts payés à ceux qui auront remboursé intégralement le crédit octroyé.

Il faut 23.000 € pour devenir propriétaire d’une mini-station, une caution qui a rebuté beaucoup d’acteurs du secteur informel. Aussi, bien que nombre de ces mini-stations se soient installés, leurs recettes sont très faibles et certaines ont dû fermer depuis.

Les nombreux transvasements de l’essence de contrebande engendrent une pollution des eaux de ruissellement et une pollution atmosphérique par les vapeurs dégagées. Selon Grégoire Akofodji, ministre béninois du commerce en 2008, « le trafic des produits pétroliers est à l’origine du développement des maladies cardio-vasculaires, hypertension artérielle, réduction progressive de l’intelligence, des dépressions, des fatigues physiques et psychiques ».

Sénégal : le collectif « Y’en a marre » commence à agacer le pouvoir

Pikine, Guédiawaye et Rufisque sont des quartiers de la banlieue de Dakar (Sénégal) où trois millions de personnes triment au quotidien. C’est là qu’est né début 2011 le mouvement citoyen « Y’en a marre » lancé par des jeunes rappeurs dont Fadel Barro et Thiat, tous deux membres du groupe Keur Gui. Avec Malal Talla, alias Fou Malade, ils dénoncent par ce biais les dérives du Parti démocratique sénégalais (Pds) actuellement au pouvoir.

Soirée du 26 juillet dernier à Dakar. Cyrill Touré, alias Thiat, convoqué la veille par la Division des investigations criminelles (Dic), vient d’être libéré de sa garde à vue. Selon Fadel Barro, le coordonnateur du mouvement « Y’en a marre », les inspecteurs enquêtaient sur un possible « délit d’injure par voie publique et d’injure au Chef de l’Etat ». En cause, le fait que lors d’une manifestation du Mouvement du 23 juin (M 23) organisé quelques jours auparavant, Thiat ait fait allusion à un « vieux menteur de plus de 90 ans ».

Seydi Gassama, le directeur d’Amnesty International à Dakar, y voit une « tentative d’intimidation » du pouvoir sénégalais. Celui-ci a du souci à se faire : depuis que le mouvement « Y’en a marre » a été lancé, ses membres parcourent la banlieue pour faire signer des pétitions telles que : « Je suis mère de famille, mon panier est dégarni, pourtant on m’a fait rêver en 2000 ». Dans la perspective du scrutin présidentiel de février prochain, Thiat et ses acolytes ont fortement incité les jeunes des banlieues à s’inscrire sur les listes électorales.

Les Sénégalais sont devenus des « sénégalériens »

Les figures de proue de ce collectif ont donné une nouvelle définition au sigle PME, qu’ils définissent par « Papa, maman et les enfants ». Ils pointent ainsi du doigt le fait que Karim Wade, fils du président sénégalais, soit à la tête d’un ministère aux prérogatives très larges. Quant à sa sœur Syndiely, elle est la conseillère spéciale de son père tandis que Viviane Wade, la 1ère dame, dirige une fondation.

Pour Malal Talla, les sénégalais sont tous devenus des « sénégalériens » à cause de cette gestion clanique. Inspiré par le boycott des factures d’électricité lancé par un collectif d’imams en juillet 2010, « Y’en a marre » a choisi le 19 mars 2011 pour organiser sa 1ère manifestation d’envergure où il a réussit à mobiliser entre 10.000 et 15.000 personnes. Cette date coïncidait avec le 11ème anniversaire de l’accession d’Abdoulaye Wade à la présidence de la République.

Depuis, le « gorgui » (vieux, en wolof), qui a battu campagne en 2000 avec le slogan du « sopi » (changement), cristallise sur sa personne une forte contestation sociale. Malal Talla ajoute que « leur collectif est composé de marchands ambulants, des ouvriers et d’étudiants de toutes les couches de la société », précisant : « C’est un mouvement du peuple sénégalais ». Quant à Thiat, il estime que « c’est une jeunesse consciente qui s’est levée pour dire son ras-le-bol de la situation dans laquelle se trouve le pays », parce qu’elle est fatiguée d’un système qui « l’opprime depuis plus de 50 ans ». Fadel Barro déclare que leur collectif veut « développer un nouveau discours et travailler à l’émergence d’un nouveau type de sénégalais ».

Une crise énergétique inédite

Depuis plusieurs années, le Sénégal vit au rythme de fréquentes coupures d’électricité. Le courant est rarement disponible et la Sénélec, la compagnie nationale d’électricité, peine à juguler cette crise énergétique dont les conséquences économiques et sociales sont incommensurables pour la grande majorité des Sénégalais. Les locaux de la Sénélec ont d’ailleurs été saccagés par des manifestants en juin dernier, alors que la tension a monté d’un cran lorsqu’Abdoulaye Wade a voulu faire adopter par l’assemblée nationale une nouvelle réforme constitutionnelle à laquelle il a finalement renoncé.

A cause de cette crise énergétique, Thiat estime que « le régime Wade est en train de tuer une seconde fois les morts parce qu’il n’y a pas d’électricité dans les morgues ». Malal Talla, alias Fou Malade, rappelle également que leur « mouvement est apolitique et que la jeunesse a décidé de prendre en main son destin » parce qu’elle est la seule à pouvoir « changer les choses dans le pays ». Il réclame aussi la fin de la corruption et appelle à une veille citoyenne des « populations pour que les deniers publics soient correctement utilisés dans l’intérêt du peuple ».

A moins de huit mois du scrutin présidentiel de 2012, il faudra compter avec le mouvement « Y’en a marre » qui prend de l’ampleur au pays de la téranga (l’hospitalité sénégalaise).

> Avec RfiAfrik.com et Rewmi.com

Comment la société civile se mobilise pour conforter les avancées démocratiques

Depuis le début des années 90, le multipartisme intégral a progressivement remplacé, dans les pays d’Afrique sub-saharienne, le régime du parti unique en cours durant les précédentes décennies. A côté des nouvelles formations politiques créées dans la foulée, des organisations, principalement de la société civile, ont fait leur apparition et accompagnent de leur aiguillon cette nouvelle donne politique.


Manifestation contre les pénuries au Sénégal.
Source: seneweb.com

La démocratisation en cours dans une bonne partie des pays d’Afrique sub-saharienne depuis une vingtaine d’années a permis l’éclosion d’une société civile aux multiples composantes. Bien que ces actions fussent balbutiantes durant les décennies 70 et 80, la société civile a pris pleinement la mesure dès 90 de sa nouvelle marge de manœuvre. Dès lors, elle a été animée, entre autres, par les syndicats (actifs bien avant 90), les ligues de défense des droits de l’homme et les organisations non gouvernementales (Ong) de développement.

La société civile africaine s’efforce d’impulser un changement dans la gestion politique et économique de ces Etats. Elle est souvent à la tête des revendications populaires, s’assure de la bonne marche des élections et s’investit dans la résolution des conflits dans les pays en guerre. En plus de son rôle d’intermédiation entre les gouvernants et le citoyen, elle a fait notamment de la dénonciation de la mauvaise gouvernance et des cas de violation des droits de l’homme, deux de ces principaux chevaux de bataille. Les organisations qui animent la société civile ont rué à maintes reprises dans les brancards lorsqu’elles estimaient que les manœuvres du pouvoir en place étaient de nature à remettre en cause les avancées démocratiques, aussi timides qu’elles soient.

Sénégal : mobilisation contre le ticket présidentiel


La «Peanut Revolution», révolution des cacahuètes,
comme l’ont déjà surnommée certains commentateurs,
a commencé à Dakar. En quelques heures, jeudi 23 juin
2011, la rue a fait plier le régime du président
Abdoulaye Wade, 85 ans, au pouvoir depuis 2000.
Source : socialisme-republiquesn.org

Le 22 juin 2011 au Sénégal, la société civile a lancé une campagne intitulée « Touche pas à ma constitution », dont le but était de contester une nouvelle réforme constitutionnelle envisagée par le gouvernement sénégalais. En effet, celui-ci avait adopté le 16 juin, en conseil des ministres, un projet de loi visant à instituer notamment l’élection au suffrage universel direct d’un ticket présidentiel, composé d’un président et d’un vice-président. Alors que la prochaine élection présidentielle est prévue pour février 2012 dans le pays, cette loi instaurait également le “quart bloquant”. En d’autres termes, un ticket présidentiel en lice remporte le scrutin s’il obtient 25% des suffrages exprimés dès le 1er tour.

Cette disposition de la loi a été particulièrement contestée par la société civile. C’est grâce à son activisme qu’Abdoulaye Wade, le président sortant, a été contraint de demander  le retrait de l’intégralité de ce projet qui était déjà en discussion à l’Assemblée nationale. Ces organisations, dont la Rencontre africaine pour les droits de l’homme (Raddho) est l’une des figures de proue, ont reçu pour la circonstance le soutien des principales formations politiques de l’opposition qui estimait que ce projet de loi était un « déni de la souveraineté populaire ».

L’affaire Norbert Zongo

Le 13 décembre 1998 à une centaine de km de Ouagadougou (Burkina-Faso), les corps de Norbert Zongo et de trois autres personnes ont été retrouvés dans une voiture carbonisée. Directeur de publication de l’hebdomadaire l’Indépendant, Norbert Zongo enquêtait sur le décès de David Ouedraogo, un employé de François Compaoré, un frère du président burkinabè. Suite à des tortures, Ouedraogo meurt le 18 janvier 98 à l’infirmerie de la Présidence. Il était soupçonné de vol au même titre que trois autres employés de François Compaoré, arrêtés en même temps que lui. Dès lors, Norbert Zongo s’interroge et critique le fait que cette affaire de vol ait été confiée à des membres de la garde présidentielle. C’est parce que Norbert Zongo a été menacé à plusieurs reprises que la société civile s’est massivement mobilisée pour que la vérité se manifeste après sa mort. Elle obtint du gouvernement la mise en place d’une commission d’enquête. Des investigations de celle-ci, il résulte que Norbert Zongo et ses trois  compagnons ont été victimes d’un « attentat criminel », lié principalement aux activités journalistiques de l’ex-directeur de publication.

Mutineries dans l’armée et climat social tendu

Depuis février 2011, les mutineries au sein de l’armée et de la police burkinabèes et les manifestations en série des autres couches socioprofessionnelles ont alourdi un climat social qui fragilise Blaise Compaoré au pouvoir depuis octobre 87. Même si la situation est redevenue calme, les observateurs estiment que d’autres turbulences ne sont pas à exclure. Les organisations de la société civile burkinabèe ont une fois encore saisi la balle au bond. Dans une déclaration publiée le 10 juin relative aux réformes politiques envisagées par le pouvoir pour répondre à la forte poussée de fièvre sociale, elles ont dénoncé entre autres, « une gouvernance sous-tendue par une culture politique monopolistique et d’exclusion, qui au fil du temps a engendré, frustration, exaspération et lassitude ». Elles ont également souligné la « perte de crédibilité des relais habituels de la contestation sociale, la paupérisation croissante des populations, la perte des valeurs fondatrices de la société, le déficit de crédibilité du système judiciaire, etc. En somme, le constat est celui d’une démocratie à basse intensité citoyenne ».

Les “biens mal acquis” : une collaboration internationale d’Ong


Lors de l´émission du 10 novembre 2010 sur France 24.

“Biens mal acquis” : c’est le nom donné à cette affaire pendante actuellement devant la justice française et dans laquelle les présidents Denis Sassou Nguesso (Congo), Omar Bongo (Gabon) et Teodoro Obiang Nguema (Guinée équatoriale) ainsi que leurs proches sont soupçonnés d’avoir acquis des biens en France avec des fonds publics. Cette affaire met diplomatiquement la France dans une position délicate. En effet, ces trois pays font partie de ses plus importants partenaires économiques en Afrique centrale et sont de gros producteurs de pétrole sur le continent africain. Malgré cela, les principaux mis en cause ne s’embarrassent pas de détails et continuent d’acquérir des objets et voitures de luxe à des sommes dispendieuses. Entre autres révélations, selon le journal Le Monde, les policiers auraient établi qu’Ali Bongo, qui a succédé à son père Omar Bongo (décédé en juin 2009), a acquis en 2009 une voiture Bentley coûtant 200 000 €.

Ce duel judiciaire à l’issue incertaine a été lancé dans la foulée de la publication en 2007 par le Comité catholique contre la faim et pour le développement (Ccfd) d’un rapport intitulé « Biens mal acquis… profitent trop souvent ». L’Ong Sherpa, par le biais d’une étude, décide alors d’explorer les voies judiciaires pouvant permettre de saisir ces biens qui seraient localisés sur le sol français. C’est suite à cela que Sherpa, de concert avec Transparency international France (TIF) et la Commission arabe des droits humains et soutenus par plusieurs Ong africaines, dépose en mars 2007 une plainte contre ces trois Chefs d’Etats pour « recel de détournements de fonds publics ».

Bien que cette plainte ait été classée « sans suite » par le parquet de Paris, TIF en dépose une nouvelle dès 2008 avec constitution de partie civile en évoquant le même motif que pour la plainte précédente. Fin 2009, la Cour de cassation, la plus haute juridiction pénale en France, la juge recevable. Grâce à la désignation en 2010 des juges d’instruction parisiens, les biens appartenant en France à ces trois chefs d’Etats sont inventoriés. Mais les deux magistrats doivent compter avec un parquet placé hiérarchiquement sous la coupe directe du ministère de la justice, donc du pouvoir politique français, qui ne voit pas forcément d’un bon œil cette enquête.

Représentée dans les commissions électorales

Au temps fort du régime du parti unique, l’organisation des élections dans les pays d’Afrique sub-saharienne était confiée au ministère de l’intérieur. Avec l’amorce du processus démocratique dans ces Etats, cette tâche est dorénavant à la charge d’une commission électorale. A titre d’exemple, au Bénin elle est dénommée Commission électorale nationale autonome (Cena), au Niger Commission électorale nationale indépendante (Ceni) et Commission électorale indépendante (Cei) en Côte d’Ivoire. Ces commissions électorales sont le plus souvent composées par des représentants des différentes formations politiques, du gouvernement et de la société civile. Grâce à l’ouverture politique, celle-ci a dorénavant droit au chapitre dans l’organisation des élections.

Au-delà de cette représentation au sein de ces commissions électorales, la société civile a été en pointe dans l’organisation des conférences nationales dans bon nombre de ces pays. Au Bénin par exemple, c’est Mgr Isidore de Souza, en ce temps archevêque de Cotonou (Bénin),  qui a présidé les travaux de la conférence
nationale des forces vives de la nation (février 90). C’est cette conférence qui a permis le renouveau démocratique en cours dans ce pays.

Ernest Kombo au
ongo-Brazzaville, Laurent Monsengwo en République démocratique du Congo (Rdc), deux autres hommes d’Eglise, joueront dans leurs pays respectifs le même rôle qu’Isidore de Souza au Bénin. Même si, dans ces deux derniers Etats, l’organisation d’une conférence nationale n’aura pas véritablement catalysé le processus, il n’en demeure pas moins qu’elle a permis à la société civile de donner son avis sur les réformes politiques et économiques.

Malgré une forte croissance des organisations membres de la société civile africaine, celle-ci est jeune, manque d’expérience et peine à trouver les ressources pour assurer pleinement ses responsabilités. Ces composantes peuvent néanmoins bénéficier d’un renforcement de leurs capacités grâce à des partenaires extérieurs, mais pourraient avoir trop tendance à en attendre aussi cette manne financière qui est nécessaire pour leurs activités.

Mathias Hounkpè : « Les Africains ne peuvent se dispenser de réfléchir à leur propre système politique »

Mathias Hounkpè, politologue et expert à l’International fundation for electoral system (Ifes), évoque les retombées éventuelles du printemps arabe en Afrique sub-saharienne, la guerre en Libye et la question du modèle pour les systèmes politiques africains.

Quel est le regard que portent les citoyens des pays d’Afrique sub-saharienne sur le  printemps arabe ?


Mathias Hounkpè.

Sans avoir fait une étude au préalable, je pourrais dire que chez beaucoup d’entre eux il pourrait y avoir un sentiment d’envie. Dans très peu d’Etats de cette région, les citoyens sont satisfaits de la manière dont leurs pays sont gérés. Les pays concernés par le printemps arabe étaient des régimes autoritaires parfois même dictatoriaux. Même si dans plusieurs pays d’Afrique sub-saharienne l’élection est le mécanisme politique, cela ne change pas le sentiment d’insatisfaction qu’éprouvent les citoyens. Je pense que ceux-ci voudraient bien avoir la capacité de faire chez eux ce qui s’est passé dans les pays arabes afin qu’ils aient un peu plus de contrôle et d’influence sur le cours des choses.

Les citoyens de ces pays peuvent donc suivre l’exemple du printemps arabe…

Cela peut-être une bonne inspiration. Curieusement, ce n’est pas seulement dans le monde arabe qu’il y a des protestations. Ce qui se passe aujourd’hui au Grèce, en Espagne et qu’on observera éventuellement dans les autres pays est la preuve que les citoyens ont compris que, quelque soit la nature du régime dans leurs pays, ils ont la capacité d’obliger les acteurs politiques à opérer des changements, si ceux-ci n’arrivent plus à tenir compte de leurs préoccupations. La vague de démocratisation qui a atteint les rivages des pays africains en 1990 a d’abord commencé dans les pays de l’Europe du sud, à savoir en Grèce, en Espagne et au Portugal. C’est ce qu’on a appelé la 3ème vague de démocratisation. Aujourd’hui, voilà que le printemps arabe a débuté de l’autre côté de la Méditerranée et qu’elle rejaillit un peu sur les rives de l’Europe du sud.

Quid du rôle clé que la France joue en Libye ?

La France fait preuve d’un certain activisme en exigeant la prise en compte des préoccupations des citoyens libyens, une attitude qu’on ne lui connaissait pas par le passé dans d’autres dossiers sensibles. Cela s’explique à mon avis par trois raisons : d’abord il y a la personnalité du président actuel de la France, ensuite les relations que celui-ci a nouées avec des pays tels que les Etats-Unis et enfin le faux-pas de la diplomatie française au début du printemps arabe. La France avait trainé le pas avant d’apporter un soutien clair aux citoyens de la Tunisie et de l’Egypte qui exigeaient une plus grande ouverture du système politique de leurs pays respectifs. Elle a donc aujourd’hui tendance à vouloir se rattraper après cette erreur.

N’y a-t-il pas en toile de fond des intérêts économiques ?

Absolument, les hommes sont a priori guidés par des considérations liées à leurs propres intérêts. Pourquoi voulez-vous que des soldats français aillent se faire tuer en Côte d’Ivoire, ou en Afghanistan, si cela ne rapporte rien à leurs pays ? Si nous analysons sous le prisme de l’humanisme, il faudrait défendre tout ce qui concourt à humaniser le monde et ce, même s’il n’y a aucun intérêt personnel en jeu. Dans la réalité, ce n’est jamais le cas. Il faut condamner les puissances qui choisissent de défendre leurs seuls intérêts. Mais il ne faut pas se voiler la face. Elles interviennent vigoureusement en Libye, mais en Syrie, ces puissances sont encore inactives malgré le fait qu’il y aurait déjà eu plus d’un millier de morts. Mis à part les intérêts, il y a aussi des enjeux géostratégiques. Par exemple, la chute du régime syrien pourrait créer dans la région des problèmes pour lesquels ces puissances n’ont pas encore des solutions.

Le modèle de démocratie des pays d’Afrique sub-saharienne s’inspire de celui de l’Occident. Est-ce une faiblesse ou une force ?

C’est nécessairement une faiblesse lorsqu’on ne tient pas compte des réalités de son pays. A l’époque de la Grèce antique, un citoyen a demandé au philosophe Solon ce que devrait être une bonne constitution. Celui-ci lui a demandé pour quel peuple cette constitution devait être rédigée et pour quelle époque. La constitution est l’élément qui définit le cadre institutionnel du système politique. Elle doit tenir compte du peuple qui l’utilisera et de l’époque où elle est rédigée. Il faut donc se référer à l’environnement régional et international pour parler de l’époque où nous nous trouvons. Mais également à l’environnement intérieur, c´est-à-dire l’état d’esprit des citoyens pour lesquels vous voulez construire le système politique. En Afrique, la plupart des démocraties sont jeunes. Ce n’est pas une raison pour vouloir tout inventer ou pour recopier des solutions toutes faites. Le vrai défi est de pouvoir adapter ces solutions aux contextes qui sont les nôtres, afin de réduire les travers qu’on observe dans le fonctionnement de nos cadres institutionnels.

Y a-t-il un modèle dont devraient s’inspirer les pays africains ?

Il n’y a pas un modèle qui pourrait servir à tous les pays africains. Les Africains ne peuvent pas faire l’économie de l’effort que chaque peuple a fait pour créer le système politique qui lui correspond. Si vous prenez les Américains, ils ont créé un système tout en se référant à leur histoire, à la situation au moment où ils mettaient en place un tel système. Mais ils ont aussi veillé à l’adapter au fil du temps. Au moment où le système politique américain était créé, ceux de la Grande-Bretagne et de la France existaient déjà. Les Américains se sont gardés de les copier. Lors de la convention de Philadelphie qui a décidé du contenu de la constitution américaine, ils ont fait référence à tous les grands philosophes politiques, tout en rejetant par exemple l’option d’une monarchie républicaine ou celle d’un régime parlementaire. Les raisons de ces choix ont été expliquées. C’est donc un travail de fond que les Américains ont fait à cette époque, et il faut qu’en Afrique nous y arrivions.

Bénin : contre le paludisme, Valentin Agon mise sur le capital végétal local

Valentin Agon, praticien de la santé et spécialiste des questions de changement social et du développement, a inventé Api-Palu, un antipaludéen d’origine naturelle. V. Agon invite l´Afrique à l´indépendance médicamenteuse.


Valentin Agon.

Au Bénin, selon le Programme national de lutte contre le paludisme (Pnlp)« le paludisme représentait en 2006, 39,7% des motifs de recours aux soins et la première raison d’hospitalisation (18%) dans les structures sanitaires ». Homme aux multiples engagements, Valentin Agon s’est assigné l’objectif « d’une grande ambition et d’une forte volonté » pour « inventer des réponses locales » aux « problèmes de maladie » en Afrique et notamment au Bénin. C’est pourquoi, il souhaite vivement que l’Afrique rêve à son « indépendance médicamenteuse », vu qu’elle est « le plus grand marché de médicaments au monde, en étant notamment réduite à la consommation des antipaludéens » qui sont fabriqués par des firmes pharmaceutiques occidentales. Selon lui, ces médicaments battent en brèche les vertus des plantes locales issues du « capital végétal qui contient un formidable potentiel antipaludéen transformable ».

Api-Palu, un antipaludéen

Dès septembre 2007, au laboratoire de pharmacognosie du professeur Mansourou Moudachirou à l’Institut des sciences biomédicales appliquées (Isba), la composition chimique d’Api-Palu a été établie. Un screening chimique phytochimique a été fait afin de déterminer les grands groupes chimiques qui composent le produit. Aussi, leur activité biologique a été vérifiée afin de déterminer s’ils ont effectivement des propriétés anti malariales. Au préalable, suite à des essais cliniques, le produit a été déclaré non toxique et non dangereux.

« La 2ème étape, après le screening phytochimique, est actuellement en cours. Elle doit déterminer, par un fractionnement bio-guidé, les composés chimiques actifs qui se trouvent dans le produit. Ces analyses sont très poussées et longues. Les premiers résultats ont révélé la présence de 2 grands groupes chimiques agissant en synergie et ayant un effet inhibiteur très intéressant sur les souches 3D7 de Plasmodium falciparum, agent causal du paludisme », ajoute le Pr Mansourou Moudachirou. Les analyses qui restent exigent énormément de moyens matériels et financiers. Elles prendront deux à trois ans, en fonction de la disponibilité des moyens nécessaires.

Et de compléter « qu’à terme, une forme évoluée d’Api-Palu peut être mis sur le marché. Elle pourra être sous forme de comprimé ou de gélules. L’invention de ce produit, l’abondance de la matière première végétale et les travaux en cours ouvrent de bonnes perspectives à la fois pour la recherche béninoise et le traitement du paludisme à un coût très accessible pour nos populations. »

Valentin Agon a obtenu un brevet d’invention pour Api-Palu qui est vendu dans les pharmacies, mais également par le biais de plusieurs boutiques spécialisées situées aux quatre coins du pays, et qui appartiennent à Api-Bénin International. Grâce notamment à Api-Palu, Valentin Agon a décroché plusieurs distinctions. Il s’agit entre autres, d’une médaille d’or au 37ème salon international des inventions de Genève (Suisse) en avril 2009 et du prix Arc d’Europe en juin 2010 à Frankfurt (Allemagne).

La mise en vente d’Api-Palu a été autorisée par le Programme national de la pharmacopée et de la médecine traditionnelle (Pnpmt), qui dépend de la Direction nationale de la santé publique (Dnsp). Selon le Dr Rock Houngnihin, le Pnpmt, dont il est le coordonnateur, a pour objectif principal « d’assurer la promotion et l’intégration de la pharmacopée et de la médecine traditionnelle dans le système national de santé au Bénin. » L’efficacité d’Api-Palu a été certifiée suite à des essais cliniques effectués avant et après l’administration du produit. Ces essais ont été homologués par le Pnpmt.

L’Etat béninois valorise la pharmacopée et la médecine traditionnelle

Le Programme national de la pharmacopée et de la médecine traditionnelle (Pnpmt) a été crée en 1996. Depuis plusieurs dispositions d’ordre juridiques et institutionnelles ont été prises. Il s’agit notamment d’un décret du 15 février 2001 qui fixe « les principes de déontologie et les conditions de l’exercice de la médecine traditionnelle » au Bénin. La même année, le 12 juin a été déclarée comme journée nationale de la pharmacopée et de la médecine traditionnelle. Suivra en 2004, l’adoption d’un arrêté ministériel qui réglemente « la publicité en matière de pharmacopée et de médecine traditionnelle » et en 2007 la mise en place du conseil national de la médecine traditionnelle au Bénin.

 Le Pnpmt développe une politique d’intervention en quatre volets. Il s’agit notamment d’un « appui à la mise à jour de la pharmacopée traditionnelle » qui se traduit par le « recueil des noms de plantes, d’extraits d’animaux, de minéraux et des normes destinés à la préparation de médicaments traditionnels. » Cette même politique promeut le « développement de la recherche en matière de médecine traditionnelle », et le renforcement des capacités des praticiens de la médecine traditionnelle (Pmt). C’est ainsi que 3580 praticiens ont été formés sur la prise en charge du paludisme entre 2003 et 2007 sur toute l’étendue du territoire béninois.

Le Pnpmt s’investit également dans la production de médicaments traditionnels. Dans ce cadre, 35 jardins de plantes médicinales ont été créés et les plantes médicinales au Bénin sont inventoriées par le biais d’un fichier régulièrement actualisé. Les Pmt constituent la cheville ouvrière de cette production. Dans cette optique, le nombre des Pmt connu est constamment mis à jour. Néanmoins, outre l’insuffisance de ressources financières et matérielles pour la recherche, le Pnpmt doit toujours faire face au fait que l’intégration de la médecine traditionnelle dans le système de soins au Bénin n’est pas encore effective (Source : Pnpmt).

> Médecine traditionnelle : C’est l’ensemble des connaissances et pratiques explicables ou non à l’état actuel de la science, pour diagnostiquer, prévenir ou éliminer un déséquilibre physique, mental ou social, en s’appuyant exclusivement sur l’expérience vécue et l’observation transmise de génération en génération, oralement ou par écrit (Oms, 2001).

>> Quel est le meilleur traitement contre le paludisme ? par l’Organisation mondiale de la santé (OMS).

Où en est la démocratie institutionnelle dans les pays africains ?

Le discours de La Baule prononcé par François Mitterrand le 20 juin 1990 lors du 16ème sommet France-Afrique a sonné le glas du régime du parti unique qui était la règle dans la plupart des anciennes colonies de la France. Une vingtaine d’années après, ces pays ont connu des fortunes diverses sur le plan démocratique. Eclairages.


Sommet France-Afrique à La Baule en 1990.
Source photo: leconservateur.net.

Dans ce discours prononcé devant ces chefs d’Etats africains, François Mitterrand à l’époque président de la République française demandait expressément à ceux-ci de faire de leurs pays des Etats véritablement démocratiques.

S’ensuivront les nombreuses conférences nationales organisées dans bon nombre de ces Etats. Mais dès février 90, le Bénin, en organisant une historique conférence des forces vives de la nation, avait devancé le vœu émis par François Mitterrand. Cette conférence balisera le terrain pour le renouveau démocratique dans ce pays. Le Niger et le Mali suivront cet exemple en organisant leur conférence nationale respectivement en 91 et 92.

Les « modèles de démocratie » en Afrique de l´ouest

La situation en Afrique de l’ouest est contrastée. Au Sénégal, au Bénin et au Mali, les élections sont régulièrement organisées depuis le début des années 90. Elles ont porté plusieurs alternances démocratiques à la tête de chacun de ces pays. C’est ainsi qu’en février 2000, Abdoulaye Wade, candidat du Parti démocratique sénégalais (Pds), a remporté l’élection présidentielle face à Abdou Diouf, président sortant et candidat du Parti socialiste (Ps) sénégalais au pouvoir sans interruption de 1960 à 2000.

Au Bénin en mars 1991, Nicéphore Soglo a remporté face à Mathieu Kérékou la 1ère élection présidentielle organisée après la conférence nationale. En prenant sa revanche en mars 1996 face au même Nicéphore Soglo, Mathieu Kérékou fera vivre au Bénin sa 1ère alternance politique démocratique.

Au Mali, Amadou Toumani Touré, qu’on surnomme « ATT », élu président de la République en 2002, succédait à Alpha Oumar Konaré élu successivement en 1992 et 1997.

Même si ces pays sont proches des standards démocratiques, il n’en reste pas moins que les élections n’ont pas résolu tous les problèmes. Au Bénin, la réélection de Boni Yayi à la tête du pays en mars dernier a été très contestée par l’opposition. Cela tranche nettement avec le scrutin de mars 2006 au cours duquel celui-ci avait accédé à la magistrature suprême au terme d’un plébiscite électoral.

Au Sénégal, les opposants d’Abdoulaye Wade l’accusent de vouloir positionner son fils Karim Wade actuellement ministre au sein du gouvernement sénégalais, et ce dans l’optique de l’élection présidentielle prévue pour février 2012. Le président sénégalais est d’ores et déjà candidat à ce scrutin, même si l’année prochaine il aura plus de 86 ans. La succession du président malien est déjà en marche car celui-ci achèvera son 2ème et dernier quinquennat en mai 2012.

Burkina : le pouvoir de Blaise Compaoré secoué

Pays frontalier du Togo, le Burkina-Faso est dirigé par Blaise Compaoré parvenu au pouvoir en octobre 1987 suite à  un coup d’Etat militaire, marqué  par l’assassinat du capitaine Thomas Sankara. Les élections qui y sont organisées depuis 1991, ont toujours vu la victoire de Compaoré et celle de son parti le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP). Mais depuis avril dernier, le pouvoir de Blaise Compaoré tangue, conséquence d’une mutinerie au sein des forces armées. Une contestation que le président burkinabè s’évertue à calmer. Mais cette mutinerie s’ajoute à une situation socio-économique difficile pour la majorité de la population. Bien que le processus démocratique soit en marche au Niger depuis 92, il a été émaillé par plusieurs coups d’Etats militaires, dont le dernier a eu lieu en février 2010.

Ce putsch est une conséquence directe du fait que Mamadou Tandja, élu en 1999 et réélu 05 ans plus tard ait voulu demeurer au pouvoir en violation de la constitution nigérienne qui ne permet que 02 mandats consécutifs au président de la république. Après une transition dirigée par les militaires, le pays vient d’élire son nouveau président. Au Togo, le Rassemblement du peuple togolais (RPT), l’ancien parti unique, dirige le pays sans interruption depuis 1969. Faure Gnassingbé au terme d’une élection contestée et marquée par des violences et plusieurs centaines de morts a succédé en 2005 à son père Gnassingbé Eyadéma, président de 1967 à 2005. Celui-ci dont la mort a été brutal en 2005, a dirigé d’une main de fer le pays dont il a pris la tête à la suite d’un coup d’Etat.

Les cas de la Côte d’ivoire…

La crise post électorale née après le 2ème tour de l’élection présidentielle de novembre dernier, vient de prendre fin. Mais les causes de cette crise, remontent au début des années 90 à la mort d’Houphouët Boigny, Président ivoirien de 1960 jusqu’à son décès en décembre 93. Cela a entrainé dans la foulée des tiraillements entre Alassane Ouattara, 1er ministre d’Houphouët Boigny de 90 à 93 et Henri Konan Bédié, le président de l’Assemblée nationale. En vertu de la constitution ivoirienne, Bédié assura l’intérim jusqu’en octobre 95, où il est élu à la présidence de la république. Henri Konan Bédié introduit le concept de « l’ivoirité », et procède à une réforme du code électoral qui interdit à ceux dont les parents ne sont pas nés ivoiriens de se présenter à l’élection présidentielle. Dans un pays où un 1/3 de la population est d’origine étrangère, et ce principalement du Burkina-Faso, du Mali et du Sénégal cette réforme indexe directement ces personnes. Alassane Ouattara étant d’origine burkinabè, cette modification était destinée à l’écarter du jeu politique.

C’est dans ce climat délétère que Bédié se fera renverser en décembre 99 par le général Robert Guéï. Celui-ci tentera dans un 1er temps d’apaiser la situation, mais très rapidement il reprit à son compte « l’ivoirité ». Lors des élections présidentielles d’octobre 2000, la candidature d’Ouattara est rejetée. Laurent Gbagbo est élu face à Robert Guéï qui a tenté de truquer les résultats de  ces élections. Le nouveau président met en place un processus de réconciliation, qui permet à Alassane Ouattara de  se faire reconnaitre officiellement sa nationalité ivoirienne. Malgré cela, un coup d’Etat manqué intervient le 19 septembre 2002.

A partir de cette date, les rebelles dits des Forces nouvelles (FN) qui ont raté leur tentative de putsch ont pris le contrôle du nord du pays, majoritairement musulman. Laurent Gbagbo et ses partisans ont toujours accusé Alassane Ouattara d’être derrière les ex-FN. Des milliers de personnes ont été tué depuis septembre 2002 suite à des violences ethniques, et aux combats entre les FN et l’armée ivoirienne dont une bonne partie est restée loyale à Laurent Gbagbo  jusqu’à la chute de celui-ci en avril dernier. Les ex-rebelles ont été rebaptisés depuis mars dernier, comme étant les Forces républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI).

… et de la Guinée

Alpha Condé a été élu en novembre dernier à la tête de la Guinée à l’issue de la toute 1ère élection démocratique, organisée 52 ans après l’indépendance de ce pays frontalier de la Côte d’ivoire. Opposant historique, Alpha Condé succède au Général Sékouba Konaté qui a dirigé une transition mis en place de concert avec les civils. Mais avant, la Guinée a été marquée par une dictature politico-militaire, qui a vu tour à tour se succéder au pouvoir le civil Sékou Touré de 1958 à 1984, le général Lansana Conté entre 1984 et décembre 2008 et le capitaine Dadis Camara jusqu’en décembre 2009. Durant ces 52 dernières années, plusieurs centaines de personnes sont passés de vie à trépas. Le dernier évènement sinistre encore dans tous les mémoires, a eu lieu le 28 septembre 2009 dans le stade du 28 septembre. La junte guinéenne qui était alors dirigée par Dadis Camara y a réprimé dans le sang un rassemblement de l’opposition guinéenne.

Gabon : Omar Bongo, l’ex-doyen des chefs d’Etats africains

Ali Bongo Ondimba est depuis août 2009, le président du Gabon. Il  a été élu au terme d’un scrutin qui l’a vu affronter les anciens caciques du Parti démocratique gabonais (PDG), que portait à bout de bras son père Omar Bongo Ondimba décédé en juin 2009 après plus de plus 42 ans de pouvoir sans partage. Durant la longue présidence d’Omar Bongo, le Gabon avait tout l’air d’être une démocratie sous contrôle car celui-ci a entretenu la classe politique gabonaise en gratifiant notamment ces hommes politiques de nominations à des postes ministériels. Il a pu ainsi calmer les velléités contestataires des uns et des autres. A sa mort, les appétits des uns et des autres se sont réveillés et tout ce système a implosé. C’est pourquoi, plusieurs de ses anciens poulains politiques sont aujourd’hui les principaux opposants à Ali Bongo Ondimba. Celui-ci tente de se démarquer de son père tout en s’appuyant sur le PDG, un véritable parti-Etat. Pays voisin du Gabon, le Cameroun est dirigé depuis 1982 par Paul Biya.

En octobre prochain, les camerounais se rendront aux urnes pour une élection présidentielle, pour laquelle Paul Biya sera sans surprise candidat. Près de 30 ans après son accession à la présidence de la république, Paul Biya a toutes les chances de rempiler pour un nouveau septennat. Comme d’autres de ses pairs, il a un peu ouvert le jeu politique au début des années 90. L’activisme des opposants a quelque peu ébranlé son pouvoir, mais depuis il a repris le contrôle. C’est d’ailleurs grâce à cette reprise en main qu’il a pu modifier la constitution du pays afin de pouvoir se présenter à la prochaine élection présidentielle. La loi fondamentale du pays interdisant que le président de la république fasse plus de deux mandats consécutifs.

Instabilité politique au Tchad

Idriss Déby Itno et François Bozizé, respectivement président du Tchad et de la Centrafrique viennent d’être réélus. Tous les deux sont parvenus au pouvoir après avoir dirigé une rébellion militaire. L’histoire du Tchad depu
s son indépendance en 1960, a
oujours été ponctuée par des conflits meurtriers opposant le gouvernement à des mouvements rebelles. Président, Idriss Deby l’est depuis 1990 où il a renversé Hissène Habré au pouvoir depuis 1982 et dont le régime était devenu autoritaire. A son tour,  il a dû faire face à plusieurs rebellions qui étaient instrumentalisées par Omar el-Béchir, le président du Soudan, avec qui il s’est maintenant réconcilié depuis quelques mois. Elu en 1996 à l’issue de la 1ère élection présidentielle du pays, l’actuel président tchadien bénéficie également de la bienveillance de la France qui y dispose de deux bases militaires. Attaqué par les mouvements rebelles, son pouvoir a été sauvé en 2006 et 2008 grâce à l’intervention de ces militaires français. Depuis mars 2003 où il est parvenu au pouvoir, François Bozizé doit faire face à une rébellion militaire active dans le sud-est du pays à la frontière avec la République démocratique du Congo (RDC) et dans le nord-est aux alentours de Birao. Le chef rebelle qu’il était, s’est fait élire président en 2005. Comme son homologue Idriss Déby, il maitrise bien le jeu politique centrafricain et rien ne semble en mesure de remettre en cause son pouvoir.

Guerre civile au Congo-Brazzaville

Que dire alors de Denis Sassou Nguesso le président du Congo-Brazzaville, un autre allié de la France en Afrique centrale. Président de 1979 à 1992 alors que le Parti congolais du travail (PCT) était le parti unique du pays, il a dû quitter le pouvoir après avoir perdu l’élection présidentielle de 1992 face à Pascal Lissouba. Mais la présidence de Lissouba a été marquée par une guerre civile. Entre 93 et 94 à Brazzaville la capitale politique du Congo, a été le théâtre de combats qui ont opposé les partisans de Pascal Lissouba, de Sassou Nguesso et de Bernard Kolélas, le maire de la ville. Ces combats auraient fait plus de 2000 de morts et contraints plus de 100 000 personnes à se déplacer à l’intérieur du pays. Mais la guerre civile ne tardera pas à reprendre. C’est dans ce chaos qu’avec le soutien de l’Angola, Denis Sassou Nguesso devenu entre temps le chef de la milice armée des « cobras », a repris en octobre 97 le pouvoir à son ancien challenger qui s’était allié pour la circonstance avec Bernard Kolélas. Les combats furent une fois encore meurtriers. Malgré cela d’autres hostilités ont opposé en 99, l’armée de Sassou Nguesso aux miliciens « Ninjas » de Bernard Kolélas. En mars 2002, suite à des élections critiquées par l’opposition Denis Sassou Nguesso est élu président.

L’Afrique sub-saharienne et le printemps arabe

Depuis le début de cette année, le monde arabe connait une révolution marquée par plusieurs centaines de morts, et dénommée « printemps arabe ». Ce vent de révolte, a précipité la chute des présidents Ben Ali et Hosni Moubarak, qui étaient respectivement à la tête de la Tunisie et de l’Egypte depuis plus de deux décennies. Mouammar Kadhafi le guide libyen doit également faire face à une insurrection militaire lancée depuis l’est de son pays. Ces insurgés depuis le 19 mars dernier, sont soutenus par l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (Otan) qui bombarde les forces militaires restées loyales à Mouammar Kadhafi. Cette intervention militaire de l’Otan ayant été actée à la suite d’une résolution votée par le conseil de sécurité de l’Onu, afin de protéger les civils contre les attaques de l’armée libyenne. Il est quasiment impossible de connaître précisément le nombre des victimes de cette confrontation militaire entre Kadhafi, et les insurgés appuyés par l’Otan. Les deux camps se livrant une guerre des chiffres, alors que l’Otan s’enlise et que le guide libyen résiste beaucoup plus que ce n’était prévu.

Si l’idée de la démocratie est en vogue en Afrique sub-saharienne depuis plusieurs années, et ce au gré des putschs, des rebellions militaires et des révisions opportunistes de la constitution par certains Chefs d’Etats, les peuples tunisiens et égyptiens  sont actuellement à une sorte de session de rattrapage « démocratique ». Mais de l’autre côté du Sahara, on observe et on spécule sur tous ces bouleversements politiques inédits et leurs répercussions éventuelles au plan local.

Africains : « Réapprendre notre histoire pour impulser notre développement »

A l’occasion de la sortie de son livre « L’Homme Africain est-il intelligent ? » aux éditions Afrique noire debout (Afnod), Alexandre de Souza invite « l’Homme Africain » à s’approprier sa véritable histoire, condition première pour réussir le développement de son Continent.

Le titre de votre ouvrage pose une question directe. Peut-on répondre par oui ou par non ?


Alexandre de Souza.

Que cette réponse soit un oui ou un non, c’est à chacun de voir puisque c’est une question que je pose aux autres. Ce qui est sûr, c’est qu’il y a déjà une réponse universelle qui dit que tout homme est intelligent. L’Homme Africain fait partie du genre humain, il est donc intelligent tout autant que les autres. Maintenant, ce serait trop facile de croire que je pose une telle question pour apporter une réponse par oui ou par non. Je veux aller en profondeur ; je n’entends pas apporter une réponse que nous connaissons tous déjà.

Qu’est-ce que le lecteur pourra découvrir dans votre ouvrage ?

L’histoire de l’Afrique, ou celle de l’humanité, qu’on ne lui a pas enseignée à l’école. Elle n’est pas dans les manuels ni dans les traités d’histoire parce que, tout simplement, elle est toujours racontée par une autre personne. Cette histoire de l’Afrique, y compris celle de l’Homme Africain, est racontée par une personne qui n’est pas africaine. Le colonisateur ou une autre personne ayant d’autres intérêts en jeu raconte l’histoire de l’Homme Africain de son point de vue. En fin de compte, cette histoire arrange ses intérêts plutôt que celui des africains. Ce livre, je l’ai écrit en pensant essentiellement à l’Homme Africain, à sa situation dans le monde et à son Continent. Le livre est destiné à l’Homme Africain. Je ne l’écris pas pour lui dire ce qu’il connait déjà, mais pour lui montrer une autre facette de cette histoire (que nous traînons jusqu’à maintenant comme un boulet), que j’ai appris à découvrir. Je veux aussi partager les expériences que je vis du point de vue d’un homme qui se sent profondément africain, mais qui vit hors de son continent.

Etes-vous un afro-pessimiste ou bien un afro-optimiste ?

Je suis très optimiste quant à l’avenir du continent. Je sais aussi que le travail sera long, car j’estime qu’on a volé à l’Afrique cinq siècles et plus de son histoire. Ce n’est donc pas évident de se reconstruire au bout de 500 ans. Aujourd’hui, beaucoup de gens ont tendance à demander ce qui a été fait, ce que les Africains ont eu à prouver depuis les indépendances. Mais comparé aux cinq siècles, c’est toute l’âme de l’Afrique qui a été volée. C’est cela qu’il faut reconstruire d’abord, c’est pourquoi je renvoie encore à l’histoire. Quand on se connait, quand on sait d’où on vient, on peut savoir où on va.
Aujourd’hui, l’Homme Africain peine à se reconnaitre, on ne reconnait pas Homme Africain, de même que ce qui est typiquement africain. Moi-même je suis dans le lot, vous aussi. Même au niveau de notre savoir, nous sommes un produit de la pensée française ou occidentale. Tout simplement. Nous avons été colonisés par la France, ce sont les valeurs de la France et la culture de ce pays qu’on nous a enseignées. On essaye donc de se référer à des valeurs qui ne sont pas les nôtres. Il y a quelque chose de perdu culturellement. Et au niveau de l’esclavage et de la colonisation, c’est encore plus grave que cela : c’est toute l’âme de l’Afrique qui a été perdue. Il faut reconstruire cette humanité africaine avant d’espérer pouvoir embrasser le chemin du développement à l’africaine.

Selon vous, l’Occident est-il le seul responsable des maux de l’Afrique ?

L’Occident y est pour beaucoup. Mais aujourd’hui ce que je demande à l’Homme Africain, c’est de se prendre en charge, et ce même si ce n’est pas facile. Aujourd’hui, parce que le Continent ne se développe pas, certains veulent que nous fassions ceci ou cela. Ceux qui le disent sont les mêmes qui nous imposent la façon dont nous devons nous développer selon eux. Je veux dire à l’Homme Africain qu’il n’y a pas un modèle unique de développement, qui consisterait à copier celui de l’Occident. A ce jeu là, il y aura toujours un gagnant et un perdant. Pour que l’Homme Africain puisse retrouver le chemin de l’émancipation, celui du développement, il y a une étape qu’il ne faut pas sauter. Il faut que l’homme africain retourne à sa source, qu’il découvre son origine et qu’au finish il puisse s’approprier son histoire. Il pourra alors en tirer les forces et l’énergie nécessaire pour assumer son développement, c´est-à-dire un développement intégral. L’Afrique a des potentialités. Mais je le dis toujours, ce n’est pas l’Afrique qui dépend de l’Occident, c’est plutôt le contraire et je le prouve dans le présent ouvrage. C’est cette idée reçue qu’on nous inculque à l’école. Il faut retourner à la base pour que nous puissions réapprendre notre histoire, l’histoire vraie à partir de laquelle nous pourrons impulser notre développement.

Si, pour son développement, l’Afrique ne doit pas s’inspirer de l’Occident, quel est le modèle de développement qui correspond le mieux au Continent ?

Le modèle de développement qui correspondrait à l’Afrique doit être recherché à l’intérieur des cultures africaines. Aujourd’hui, en tant qu’Africain, nous avons plusieurs choses à tirer de nos valeurs et de nos modèles. Quand je vois aujourd’hui le niveau de développement de l’Occident, j’ai l’impression qu’il atteint un point de non retour. Cela pousse alors les Occidentaux à chercher les voies et moyens pour retourner à des valeurs anciennes. Par exemple, quelle est la finalité des avancées technologies actuelles ? Cette même civilisation, qui facilite beaucoup de choses actuellement, dépouille l’humanité, détruit quelque chose en l’Homme. Et malheureusement en Afrique, on veut copier et arriver à ce même niveau de développement. Je ne crois pas que ce soit le meilleur modèle, car il doit être endogène et créé à partir de nos propres cultures. Ce n’est pas du tout le fait de construire des tours qui touchent les nuages, qui prouvent qu’un pays est développé. A l’intérieur du développement, il y a l’Homme, son bonheur, en bref son émancipation. La question finale serait : est-ce qu’on est plus heureux ici, parce qu’on a tout à proximité, de même que des immeubles gigantesques ? Ou est-ce qu’on est plus heureux là où il n’y a rien ?

Les Verts béninois face à l’indifférence du pouvoir

Une cinquantaine d’années après l’indépendance du Bénin, les différents gouvernements qui se sont succédés à la tête du pays ont fait montre d’une certaine indifférence face à la question de l’écologie. Une situation que tente de retourner le parti des Verts du Bénin.


Toussaint Hinvi, président des
Verts béninois.

En ce début d’après-midi à Cotonou (Bénin), Toussaint Hinvi, président du parti des Verts du Bénin, habillé en tenue locale, nous reçoit pour un entretien relatif aux questions environnementales. Notre échange est ponctué par plusieurs sujets, notamment celui relatif à la gestion de l’eau au Bénin. C’est la Société nationale des eaux du Bénin (Soneb) dont le capital est détenu majoritairement par l’Etat béninois, qui en a la charge.

Pour Toussaint Hinvi, l’eau qui sort des robinets au Bénin est traitée avec une quantité exagérée de chlore. Or à long terme, les citoyens courent selon lui le risque d’avoir un cancer. En outre, il n’y a pas une structure indépendante qui soit chargée du contrôle de cette eau. Cette gestion solitaire de la Soneb est « un fait que nous dénonçons régulièrement car en tant que groupe politique, la dénonciation est l’unique moyen dont nous disposons pour nous faire entendre », souligna t-il.

Dans quelles conditions l’uranium est-il transporté ?

Le Niger, l’un des plus grands producteurs d’uranium au monde, utilise le port de Cotonou pour l’exporter. Mais « personne ne sait les conditions dans lesquelles l’uranium est transporté jusqu’à Cotonou et si les populations de ces deux pays ne sont pas irradiées à leur insu », continua-t-il. A cela s’ajoute la pollution des lagunes et des lacs par les populations, et les bateaux qui déversent impunément des substances toxiques dans les eaux territoriales béninoises. Or estime-t-il, « nous tirons tout de l’environnement. Que ce soit le poisson, les légumes, ou l’eau que nous buvons. » Autant de faits dont les autorités béninoises sont au courant, poursuivit-il.

Il est revenu sur le projet Zéco-4, lancé par l’Agence française de développement (Afd), en partenariat avec le ministère béninois de l’environnement, pour lutter contre la pollution des motos-taxis. Il déclare que « l’objectif de départ de cet projet est un non-sens. Le choix le plus judicieux aurait été d’utiliser ces fonds pour mettre en place, dans la ville de Cotonou, un réseau de bus qui serviront au transport urbain public ». Concernant l’importation des véhicules d’occasions, Toussaint Hinvi martèle que ces véhicules importés au Bénin sont des déchets. Mais malheureusement, conclut-il, le gouvernement facilite la tâche à ces importateurs tout simplement parce qu’il perçoit des taxes sur chacune de ces voitures vieilles de plusieurs années qui entrent sur le territoire béninois. Au-delà des dispositions législatives, « c’est par la volonté politique que l’écologie deviendra une priorité de l’Etat béninois » ajouta-t-il.

Les Verts : aucun élu à l’Assemblée nationale

Selon Toussaint Hinvi, la marge de manœuvre dont dispose son parti sur l’échiquier politique est étroite. Car les « réalités du pays viennent nous compliquer la tâche ».

Au Bénin, les partis politiques sont plutôt des « clubs électoraux » au service d’une seule personne qui est l’unique pourvoyeur de fonds
de ladite formation politique. Celle-ci ne rassemble que des gens mus par la sauvegarde d’intérêts immédiats et particuliers. « Notre parti se démarque sur deux points essentiels des mœurs politiques béninoises : il compte actuellement 500 membres qui y ont adhéré par conviction. Ils versent régulièrement une cotisation qui sert à financer nos activités ».

Cette difficulté liée à la particularité de la vie politique s’ajoute au fait que le Bénin soit l’un des pays pauvres au monde. Un alibi derrière lequel se réfugie l’Etat, qui se désintéresse des questions environnementales en donnant la priorité à d’autres secteurs tels que l’éducation et la santé par exemple. Pour Toussaint Hinvi, si le problème est pris par ce bout tout est biaisé : il ne faut pas lier l’adhésion à la défense et à la protection de l’environnement au niveau de développement d’un pays et à celui de ses habitants. Car à son entendement, comme les Occidentaux, les Africains et particulièrement les Béninois ont le droit de respirer un air sain, de boire une eau potable et au finish de vivre dans un environnement adéquat. « Il est inutile de dépenser des millions de FCFA lorsque, par exemple, des cas de choléra sont enregistrés à Cotonou, car l’insalubrité de cette ville est le 1er vecteur de cette maladie. Il faut donc avant tout rendre cette agglomération et toutes les autres villes du pays propres. » L’influence politique des verts au Bénin est faible : le parti ne dispose d’aucun élu à l’Assemblée nationale ou dans les 77 conseils municipaux du pays.