C’est un fait admis depuis longtemps : nombreux sportifs français d’origine africaine se sont imposés comme des valeurs incontournables dans leurs disciplines sportives. A côté d’eux, c’est désormais aux humoristes africains d’émerger. Non seulement par le biais de leurs spectacles, mais également par des chroniques quotidiennes ou des émissions de télévision et de radio en France. C’est le cas de Phil Darwin, Patson et de Mamane.
Sur Radio France internationale (Rfi) depuis janvier 2009, Mamane, originaire du Niger, propose une chronique où il tourne en dérision l’actualité africaine, française et internationale. Phil Darwin, originaire du Congo et Patson de la Côte d’Ivoire, interviennent quant à eux quotidiennement sur Africa n°1, une radio dont l’une des deux antennes est basée à Paris et sur laquelle Mamane a entre temps officié. Phil Darwin et Patson y présentent respectivement une chronique et une émission.
Un tournant sociologique ou technologique ?
Le parcours de ces humoristes ne les prédestinait pas forcément à ce type d’activités. Mamane est arrivé en France au début des années 90 pour y poursuivre ses études supérieures en télédétection. Patson fait lui toujours carrière en tant qu’expert automobile en moteur diesel. Sourire en coin, Phil Darwin estime « qu’il y a 20 ans, la télévision française pensait encore qu’un humoriste noir apparaîtrait en noir et blanc à la télé». Aussi estime-t-il qu’aujourd’hui avec internet, « si la télé nous boycotte, nous avons la possibilité de combler ce manque de visibilité sur la toile, de remplir nos salles de spectacle et d’être invités à la télé parce que nos salles sont pleines ».
En faisant une comparaison avec la danse que l’homme noir aurait naturellement dans la peau, Phil Darwin lance une boutade par laquelle il définit l’ADN par “Africain drôle et noir” Pour lui, «heureusement que l’homme noir a l’humour dans la peau, car c’est très souvent par rapport à cette peau que l’on veut nous faire la peau ». Cet humour lui « permet de prendre du recul et de dédramatiser les situations difficiles ». Guy Kalenda, coordinateur d’antenne d’Africa n°1, abonde dans le même sens. Dans leurs spectacles, explique-t-il, « les humoristes africains-français s’évertuent à intégrer les réalités qu’ils vivent au quotidien sur scène, en traduisant entre autres les frustrations, les difficultés de la vie, la discrimination à l’école, à l’emploi, dans la rue ». S’il reconnait que c’est avant tout pour en rire, il estime que « ces humoristes donnent également à réfléchir ».
Une liberté de ton indéniable
Phil Darwin, qui a joué l’un de ses spectacles en Tunisie avant la chute de Ben Ali en janvier 2011, confie qu’on lui a fait comprendre à plusieurs reprises qu’il ne devait « faire aucune allusion ni de près, ni de loin, ni même de très loin au pouvoir en place ». Une chose impensable en France. C’est pourquoi, selon Guy Kalenda, « ces humoristes français et les autres ont une telle latitude pour se moquer des travers de la société, des autorités et de la vie ordinaire ». Originaire de la République démocratique du Congo (Rdc), le coordinateur d’antenne d’Africa n°1 souligne « qu’il faudra qu’on y arrive sur le continent africain, parce que c’est la seule manière d’éradiquer les multiples tares et défauts de nos sociétés, en nous moquant de nous-mêmes pour nous délivrer ».
Et le Jamel Comedy Club
L’idée de cette émission diffusée chaque semaine à partir de l’été 2006 sur Canal +, reposait sur le stand-up. Créée, produite et présentée par Jamel Debbouze, elle devait « mettre la lumière sur une nouvelle scène de talents comiques », afin de « leur donner une chance d’être entendus par le public et de servir de tremplin pour leur carrière ».
Outre Patson et Mamane, d’autres humoristes d’origine africaine tels que Thomas N’Gijol, Fabrice Eboué et Claudia Tagbo y ont participé. Directement venu des Etats-Unis, le stand-up met en prise direct l’humoriste avec son public qu’il tient en haleine avec ses mots durant toute la durée du spectacle. En France, Jamel Debbouze, Elie Semoun et Gad Elmaleh sont entre autres les figures emblématiques de cet art oratoire. Si cette émission a eu un succès indéniable, elle avait également pour but de « refléter la diversité multiethnique de la société française ».
Guy Kalenda estime que « Jamel Debbouze a été le porte-étendard de la nouvelle génération », en tirant dans « son sillage beaucoup de jeunes inconnus » qui grâce à cette émission « font aujourd’hui la pluie et le beau temps, non seulement en France, mais aussi partout ailleurs en Europe et aux Etats-Unis, sans oublier l’Afrique ». Pour lui, « le stand-up est une des voies de libération ». En effet, il estime que « la culture du spectacle est encore très minoritaire dans les populations d’origine africaine en France, pas seulement en ce qui concerne les humoristes, mais aussi le cinéma et le musée par exemple ». Le Jamel Comedy Club a donc contribué a inciter ces Français d’origine africaine à assister à ces spectacles dont le public reflète de plus en plus la diversité de la société hexagonale.