Santé environnementale : le ministre Laurent Wauquiez répond à la colère des chercheurs

Les chercheurs ne décolèrent pas depuis que l’Agence nationale de la recherche (ANR) a annoncé le report de son programme « Contaminants et Environnements : Métrologie, Santé, Adaptabilité, Comportements et Usages » (Cesa) qui devait recevoir une nouvelle enveloppe de 8 millions d’euros pour des projets à mener en 2012. Une pétition émanant de la communauté scientifique a déjà recueilli 3 500 signatures.

Le programme Cesa, qui avait permis de distribuer 8 millions d’euros pour des projets en santé environnementale et écotoxicologie en 2011, devait financer des études coordonnées par l´Institut de recherche sur la santé, l´environnement et le travail (Irset). La mission de cet institut est capitale : étudier des processus biologiques et des facteurs environnementaux qui influencent la santé humaine et soutenir les démarches des autorités concernées par la santé publique en leur fournissant des données scientifiques. Bisphénol A, phtalates, pesticides, polluants atmosphériques, autant de sujet au cœur des préoccupations sanitaires actuelles (problème de fertilité, allergies, problèmes pulmonaires, cancers).

Ouvertures fait le point sur la polémique avec une interview croisée du chercheur Bernard Jégou, président du conseil scientifique de l´Inserm, et de Laurent Wauquiez, ministre de l´enseignement supérieur et de la recherche.

 « Je crains un nouveau subterfuge » « Il y aura un programme Cesa lancé en 2012 »
Bernard Jégou, président du conseil scientifique de l´Inserm, directeur de l´Institut de recherche sur la santé, l´environnement et le travail (Irset).
> Lire l´interview de M. Jegou.
Laurent Wauquiez, ministre de l´enseignement supérieur et de la recherche.> Lire l´interview de M. Wauquiez.

Essais de médicaments : des abus décriés dans les pays en voie de développement

En Inde et en Argentine, des essais illégaux de vaccins et de médicaments sur des populations pauvres et mal informées défrayent la chronique.

 


Photo : DR.

Le laboratoire Glaxo Smith Kline vient d´être condamné en Argentine à payer une amende de 400 000 pesos, soit environ 71 000 €, pour avoir mené des essais de vaccins de manière irrégulière, qui auraient causé la mort de 14 bébés. Cette information, publiée début janvier dans le Buenos Aires Herald, signe la fin du feuilleton judiciaire pour des faits remontant à 2007 et 2008.

S´appuyant sur un rapport publié par l’Administration nationale de médecine, de l’alimentation et de la technologie (Anmat), la justice a estimé que la firme n’avait pas respecté le consentement des parents et falsifié les autorisations parentales. Les bébés étaient recrutés parmi les familles pauvres qui venaient dans les hôpitaux publics. En Argentine, 15 000 enfants de moins d’un an, issus de familles pauvres, ont ainsi participé à cinq essais cliniques dans plusieurs provinces.

Selon le Buenos Aires Herald, Ana Marchese, pédiatre à l’hôpital public pour enfants Eva Peron, à Santiago del Estero, celle qui a dénoncé l’affaire auprès de l’Anmat, a déclaré que GSK forçait les parents analphabètes ou des gens qui n’avaient pas la garde des enfants à signer des formulaires de vingt-huit pages de consentement pour ces expériences.

GSK a réfuté toutes les accusations ainsi que la condamnation du juge Aguinsky, et a déclaré que le laboratoire ferait appel. Les études ont été terminées en 2011 et le vaccin est à présent vendu dans 80 pays, a précisé la compagnie. Quant à Anmat, l’agence assure qu’il ne peut pas y avoir de liens entre les décès des enfants et le vaccin testé car « tous les cobayes ont reçu un placebo, c’est-à-dire un produit qui ressemblait au vaccin mais qui était dépourvu d’ingrédients actifs. Le vaccin est sûr. » Les placebos vaccinaux sont cependant sujets à controverse, du fait de la possible présence d´adjuvants dont la toxicité est mise en cause (voir Ouvertures « L´aluminium vaccinal met en danger le cerveau des enfants », affirment deux chercheurs canadiens).

Douze médecins condamnés

Le 8 février dernier, le journal La Croix publiait un long article sur le même thème, en Inde cette fois. Vanessa Dougnac, correspondante à New Delhi rapporte les condamnations en janvier dernier de douze médecins, dans l’État du Madhya Pradesh (centre). « Une amende de 5 000 roupies (72 €) leur a été infligée pour ne pas avoir fourni de détails concernant une série de tests conduits à l’hôpital public de la ville d’Indore. Les effets d’un médicament contre l’hypertension artérielle, déjà sur le marché pour traiter de dysfonctionnements sexuels, ont été étudiés auprès des patients de l’unité psychiatrique, qui comprend des enfants ».

Actuellement, rapporte La Croix, 1 500 séries d’essais sont conduites en Inde sur près de 150 000 sujets. Les décès de patients testés ont augmenté : 671 en 2010, contre 137 en 2007. À l’hôpital d’Indore, les violations auraient été nombreuses par le passé. D’après la revue médicale Monthly Index of Medical Specialities (Mims), « aucun des patients n’a été rémunéré pour les tests, les détails fournis sur les fiches sont flous »  et « les fortes doses administrées comportent des risques pour la santé ». Il y aurait ainsi eu 3 300  « cobayes » à Indore depuis quatre ans, dont 1 833 mineurs.

Deux précédents en Afrique, le Trovan et le Ténovofir

L´Afrique a aussi eu son lot de tests illégaux, comme au Nigéria, où la firme Pfizer a testé en 1996 un antibiotique, le fameux Trovan, dont l´affaire a inspiré le roman de John le Carré La Constance du jardinier et le film The Constant Gardener. Le Monde synthétisait, en 2006 : « Le rapport d´experts nigérians, bouclé il y a cinq ans mais jamais publié, montre que le gouvernement nigérian n´a jamais autorisé Pfizer à donner du Trovan, un médicament interdit dans le pays, à près d´une centaine d´enfants et de bébés dans un hôpital à Kano, au nord du pays, où ils étaient traités pour des méningites ».

Autre exemple au Cameroun, où le Ténovofir, un médicament contre le Sida, a beaucoup fait parler de lui : « En 2005, sous la pression d’activistes du Nord et du Sud, les essais cliniques du ténovofir ont été interrompus au Cameroun, en raison de manquements éthiques graves (bras [groupe] placebo injustifié selon les associations, carences dans l’accompagnement en termes de counselling [conseil] et de prévention, pas de prise en charge prévue par le promoteur pour les personnes contaminées au cours de l’essai). Cet antirétroviral était testé en prévention préexposition auprès de 400 prostituées par l’association Family Health International pour le compte du laboratoire américain Gilead Sciences », déplore le magazine de l´association Sidaction Transversal, (n° 45, novembre-décembre 2008). « Plusieurs autres essais sur le même médicament ont également été suspendus au Nigeria, au Malawi et au Cambodge, mais d’autres sont poursuivis au Ghana, au Botswana et en Thaïlande ».

« L’Afrique est encore un terrain d’expérimentation pour la recherche, car les populations y sont beaucoup plus vulnérables, expliquait en 2008 à Transversal, le docteur Seni Kouanda, médecin épidémiologiste à l’Institut de recherche en science de la santé (IRSS), organisme de recherche public du Burkina Faso. Un malade sans éducation et sans ressources ne voit pas toujours là où on veut le mener, et il est parfois prêt à tout ».

Cantines scolaires : trop de viande imposée dans les menus ?

Cinq associations écologistes ou végétariennes ont déposé un recours devant le Conseil d´État contre le dernier arrêté sur les cantines scolaires. La place de la viande est jugée trop importante par rapport à l´alternative des protéines végétales. Les associations soulèvent par ailleurs la possible influence des lobbies sur ce dossier.

« Sous couvert de santé publique, ces textes constituent une intox nutritionnelle, interdisent aux personnes qui refusent de manger de la viande, du poisson et/ou tout produit d´origine animale de bénéficier de repas alternatifs, pérennisent un modèle alimentaire basé sur l’hyper-consommation de produits d’origine animale ». L´association L214, qui milite pour la protection animale et contre l´élevage intensif, ne mâche pas ses mots contre le dernier décret relatif aux cantines scolaires. Avec elle, l´Association végétarienne de France, One Voice, Ecologie sans frontière et la Société végane, ont déposé un recours contre le texte devant le Conseil d´Etat. Objectif : inscrire les plats végétariens au menu, du moins la possibilité d´en proposer en alternative à la viande ou au poisson.

L´arrêté précise que, sur 20 repas servis (généralement un mois de cantine scolaire), « il convient de servir :
– au moins 4 repas avec, en plat protidique, des viandes non hachées de bœuf, veau, agneau ou des abats de boucherie ;
– au moins 4 repas avec, en plat protidique, du poisson ou une préparation d´au moins 70 % de poisson et contenant au moins deux fois plus de protéines que de matières grasses ;
– au moins de 4 repas avec, en plat protidique, une préparation à base de viande, de poisson ou d´œuf contenant moins de 70 % de ces produits ».
Le texte précise sa définition d´un plat protidique : « plat principal à base de viandes, poissons, œufs, abats ou fromages ».

Le cabinet du ministre de l´agriculture se veut rassurant

Interrogé par Ouvertures, le cabinet du ministre de l´agriculture se veut rassurant : « Les menus de substitution pourront continuer d´exister si les villes respectent le décret. Il sera procédé à une analyse au cas par cas. En effet, le décret impose l´obligation de proposer 4 ou 5 plats à chaque déjeuner ou diner, dont nécessairement un plat principal comprenant une garniture, et un produit laitier. La notion de plat principal ne fait pas référence à des produits d´origine animale » (voir ci-dessous la réponse complète du ministère adressée à Ouvertures).


Isabelle
Dudouet-Bercegeay.

Des propos qui ne satisfont pas les associations. « Il s´agit d´un texte totalement confus, difficile à comprendre, et donc sujet à interprétations. Les propos du ministère constituent déjà une interprétation. Les services de contrôle, eux, ne s’embarrasseront pas du cas par cas, prévient Isabelle Dudouet-Bercegeay, la présidente de l´Association végétarienne de France. Certes, les cantines à choix multiples auront sans doute la possibilité de proposer des alternatives végétariennes à leurs clients, mais rien ne les y engage dans ce texte. Au contraire, dans le doute, les services de restauration, surtout les petites cantines, qui n´ont pas les moyens de proposer plusieurs plats principaux, opteront pour de la viande, du poisson, ou toute préparation à base de protéines animales toute la semaine ».

Les associations demandent que soit écrite noir sur blanc la possibilité de proposer des plats végétariens équilibrés en substitution aux protéines animales. « Non seulement c´est parfaitement réalisable, mais c´est aussi moins coûteux, aussi bien pour le ticket repas que sur le plan environnemental ».

Isabelle Dudouet-Bercegeay pointe par ailleurs que la moitié des plats protidiques devront être accompagnés de légumes secs, féculents ou céréales. « On arrive à des menus surprotéinés puisque les légumes secs contiennent une quantité importante de protéines végétales. Ce double emploi avec la viande témoigne d´une méconnaissance des subtilités de la nutrition. A cela s’ajoute le fromage ou le produit laitier, proposé tous les jours, et qui contient aussi des protéines animales ».

Une situation de conflit d´intérêts ?

Ce décret se base sur les recommandations relatives à la nutrition du Groupe d´étude des marchés de restauration collective et de nutrition (GEMRCN) en date du 4 mai 2007. Les travaux de ce comité servent de base à la Direction générale de l’alimentation (ministère de l´agriculture). Son objectif : aider les acheteurs publics à élaborer leur cahier des charges et leurs contrats. Son guide nutritionnel 2007 est le référent pour la réalisation des menus voulus par l´arrêté.

La composition du groupe interpelle cependant les associations qui ont déposé un recours. Pour elles, le texte de l´arrêté est potentiellement influencé par les industries de la viande et des produits laitiers, des représentants de ces filières sont en effet membres du GEMRNC.

On y trouve notamment, sur une cinquantaine de membres :
– une représentante du Centre d´information des viandes,
– un représentant de l´Association nationale des industries alimentaires, du Syndicat national des fabricants de produits surgelés et du Syndicat des fabricants industriels de glaces,
– une représentante du Syndicat national de la restauration collective (Sodexo, Elior…)
– une représentante du Syndicat français des aliments de l’enfance (Blédina, Candia, Régilait…)
– une représentante de Nestlé
– une autre représentante de l´Association nationale des industries alimentaires une représentante de l´Association des entreprises de produits alimentaires élaborés
– une représentante du Syndicat des entreprises françaises des viandes.

« Notre guide nutritionnel inclut les protéines végétales »

Contacté par Ouvertures, le coordonnateur du groupe qui dépend du ministère du budget (service des achats), Vincent Martinez, explique : « Les recommandations du GEMRCN sont rédigées par les diététiciens et les médecins experts en nutrition membres du Groupe. Ce document ne sort pas de la ligne définie par le Plan national nutrition santé (PNNS). Il est fort logique que les représentants des syndicats professionnels soient aussi associés à la réflexion. Nos recommandations visent une application pratique dans le cadre des appels d´offre et des marchés publics. Il s´agit en effet de définir un langage commun et de faire en sorte que les textes soient applicables pour les fournisseurs. Notre guide nutritionnel inclut les protéines végétales dans la définition du plat protidique, sans pour autant les mettre en avant ».

Mais dans l´arrêté paru au Journal Officiel, la définition du plat protidique a été réduit aux seules protéines animales. Ce point agace les associations végétariennes : « La valeur nutritive des protéines végétales est unanimement reconnue par la communauté scientifique, pourquoi sont-elles éludées dans l´arrêté ? », demande Isabelle Dudouet-Bercegeay.

Les recommandations du PNNS elles-mêmes stipulent : « 10 à 15 % de l’apport énergétique doit provenir des protéines, avec un rapport idéal des protéines animales/protéines végétales de 1 ». C´est-à-dire autant de protéines animales que végétales ! Il n´est pas certain que le décret sur la restauration scolaire conduise à respecter ce ratio.

La réponse du ministère à propos des menus végétariens et confessionnels

Les menus de substitution pourront continuer d´exister si les villes respectent le décret. Il sera procédé à une analyse au cas par cas.

En effet, le décret impose l´obligation de proposer 4 ou 5 plats à chaque déjeuner ou dîner, dont nécessairement un plat principal comprenant une garniture, et un produit laitier. La notion de plat principal ne fait pas référence à des produits d´origine animale.

Cette disposition est complétée par des fréquences de service de plats définies au sein de l´arrêté.

Concernant la thématique des plats à base de produits d´origine animale, seules les fréquences suivantes sont prescrites sur 20 repas :
· 4 repas au moins avec, en plat protidique, des viandes non hachées de bœuf, veau, agneau ou des abats de boucherie;
· 4 repas avec, en plat protidique, du poisson ou une préparation d’au moins 70% de poisson et contenant au moins deux fois plus de protéines que de matières grasses ;

Seulement moins de la moitié des repas[1] doivent donc comporter de la viande ou du poisson, mais ceci avec des caractéristiques de produits spécifiques : ces dispositions visent à garantir les apports en fer et oligo-éléments et à assurer le rééquilibrage du régime alimentaire des jeunes en acides gras. Concernant les 12 autres repas, aucune disposition particulière quant à la nature du plat principal n´est fixée[2]. Une alternative végétarienne/végétalienne peut donc être régulièrement proposée, tout particulièrement dans le cas de choix multiples.

De manière générale, les règles fixées par les textes relatifs à la qualité nutritionnelle des repas servis dans les restaurants scolaires laissent une souplesse à leur application concrète et ne comportent pas de contraintes limitantes au service de plats végétariens.

La consommation de fruits et légumes est par ailleurs encouragée et soutenue à travers l´obligation notamment de servir au moins 10 fois des crudités, 8 fois des fruits crus et 10 fois des légumes cuits.

[1] En toute rigueur, une lecture croisée des fréquences relatives aux légumes et féculents pourrait suggérer une obligation de service plus importante de plats d´origine animale (viande – poisson – oeuf – fromage) puisqu´il est aussi indiqué que pour garantir les apports en fibres et en vitamines, il convient de servir 10 repas avec en garniture ou accompagnement du plat protidique [plat principal à base de viande, poisson, oeufs, abats ou fromages], des légumes cuits, autres que les légumes secs et 10 repas, avec en garniture ou accompagnement du plat protidique [plat principal à base de viande, poisson, oeufs, abats ou fromages], des légumes secs, féculents ou céréales.

Cependant il convient de préciser que l´obligation ne porte pas dans ce cas sur les éléments protidiques mais sur les légumes et féculents.

[2] Hormis le cas d´une préparation à base de viande, de poisson ou d’œuf contenant moins de 70% de ces produits qui ne doit pas excéder 4 repas, exemple : quiches, cordon bleu, etc.

Cancer du sein : malgré la controverse, on vise toujours 80% de participation au dépistage

La Haute Autorité de Santé a rendu public vendredi 3 février 2012 son rapport sur le dépistage organisé du cancer du sein. Deux médecins généralistes appartenant au groupe de travail ont refusé de signer la recommandation. Selon eux, il aurait d´abord fallu réévaluer le bénéfice du dépistage mis en cause par plusieurs études.


Lors de la conférence de presse organisée par la Haute Autorité de la santé. Photo : Pryska Ducoeurjoly.

« L´objet de la présente conférence de presse n´est pas de discuter de la polémique sur le bien-fondé du dépistage du cancer du sein », a entamé le professeur Jean-Luc Harrousseau, président du Collège de la Haute Autorité de Santé. « Il n´y a pas de signal qui permette de remettre en cause le dépistage de la femme de 50 à 74 ans ». Exit donc la polémique qui enfle depuis le milieu des années 2000 sur ce sujet (voir notre article), « cette question devrait faire l´objet d´une revue approfondie de la littérature et n´est pas l´objet de la présente saisine », explique le document. La HAS a donc simplement présenté vendredi 3 février 2012 une recommandation visant à améliorer la prise en charge des femmes dans le cadre d´un dépistage organisé, et non individuel. Son intitulé : « La participation au dépistage du cancer du sein des femmes de 50 à 74 ans en France, situation actuelle et perspectives d´évolution ». Objectif : 80% de participation, contre 52 % actuellement.

« En 2011, les conclusions de la controverse autour de l´intérêt du dépistage du cancer du sein par mammographie ne sont toujours pas tranchées. L´existence d´un certain nombre de surdiagnostics et d´effets anxiogènes associés au dépistage, en cas de résultats faussement positifs, est unanimement reconnue. Elle est inhérente à toute procédure de dépistage mais doit rester limitée », reconnaît la Haute Autorité de Santé. Cependant, cette reconnaissance du phénomène de surdiagnostic n´a pas suffi à emporter l´adhésion des deux médecins généralistes participant au groupe de travail. Leur désaccord avec le document a été mentionné.

Deux médecins en désaccord

Dr Julien Gelly, médecin généraliste : « Avant d´entreprendre des recommandations visant à promouvoir le dépistage organisé du cancer du sein par mammographies, il aurait été plus pertinent de ré-évaluer sa balance bénéfices/risques au regard des données actuelles de la science. En outre, il est indispensable de développer des projets de recherche, et de produire des recommandations reposant sur des preuves solides, couvrant l´ensemble des mesures préventives réalisables en soins primaires. »

Dr Philippe Nicot, médecin généraliste : « Il n’y a plus de données scientifiques solides permettant de recommander le dépistage du cancer du sein de manière individuelle ou organisée. En effet le bénéfice en terme de mortalité est constamment revu à la baisse, et tant le surdiagnostic que le surtraitement ont des conséquences néfastes de mieux en mieux connues et importantes »

Les thèmes des recommandations en santé publique étant choisis par le Collège de la HAS, il semble donc que la controverse ait été intentionnellement éludée. Interrogé par Ouvertures, le président Harrousseau a confirmé que la réévaluation de l´intérêt du dépistage n´était pas programmée pour l´instant.

« Dès la réception des documents, j´ai fait part de mon étonnement devant l´absence des données de la controverse, explique à Ouvertures le docteur Philippe Nicot. Après les avoir demandées, elles nous ont été communiquées « hors saisine ». Sur la question de l´intérêt du dépistage, plusieurs études publiées en 2009 et 2010 ont confirmé que le bénéfice était quasiment nul sur la réduction de la mortalité par cancer du sein. Parallèlement, le dépistage n´est pas sans conséquence pour les femmes qui se voient parfois diagnostiquer à tort un cancer. Cela entraîne une altération de l´état physique et psychologique, mais aussi des problèmes d´ordre socio-économique comme des difficultés pour emprunter ».

Mastectomies totales : + 4 % entre 2006 et 2009

Interrogé dans le Bulletin de l´Ordre des médecins (janvier-février 2012) à propos de l´impact du dépistage sur la mortalité, Philippe Autier, vice-président de l’Institut international de recherche et de prévention de Lyon (iPri), assure : « Son impact est nul ou marginal. L’étude européenne publiée par mon équipe dans le British Medical Journal en août 2011 montre qu’il n’y a pas de différence de mortalité entre les pays qui pratiquent le dépistage organisé, comme la Suède, les Pays-Bas ou l’Irlande du Nord, et ceux où la participation au dépistage est faible, comme la Belgique, la Norvège ou la République  d’Irlande. Même si le taux de participation en France atteignait les 80 %, cela ne changerait rien : c’est l’efficacité des traitements et de l’organisation des soins qui permet de maîtriser la mortalité, pas le dépistage ».

Interrogée par le même média, Agnès Buzin, présidente de l´Institut national du cancer, n´avance pas les mêmes chiffres : « Les études internationales montrent une baisse de 20 à 30 % de la mortalité par cancer du sein dans les pays qui pratiquent le dépistage organisé depuis au moins quinze ans. La France ne l’ayant instauré qu’en 2004, le recul est insuffisant pour tirer des conclusions ».

Philippe Autier, qui a dirigé plusieurs études internationales sur le sujet, réplique : « Nous avons étudié l’incidence des formes avancées de cancer du sein dans les registres de 15 pays, et celle-ci ne diminue pas dans ceux pratiquant le dépistage. C’est le cas aux Pays-Bas qui fait beaucoup de dépistage depuis 1989. De façon surprenante, les cancers avancés et très avancés ne reculent pas ! Les cancers in situ peuvent être volumineux sans qu’on ait une idée de leur évolution, et des mastectomies totales sont pratiquées. Les femmes sont ainsi pénalisées d’être allées au dépistage ! Les mammographies digitales augmentent encore ce risque de surdiagnostic, donc de surtraitement ».

En France, le nombre de mastectomies totales a augmenté de 4 % entre 2006 et 2009. Pour les opposants au dépistage par mammographie, cette hausse des interventions opératoires fait partie du phénomène du surdiagnostic. Trop de femmes passent sur le billard pour rien : 10 femmes sur 2000, contre une femme sur 2000 qui en tire un réel bénéfice (brochure d´information de la collaboration Cochrane).

Un scandale éthique ?

Agnès Buzin oppose que les mastectomies totales ont été réduites (- 1 %) pour la tranche d´âge concernée par le dépistage organisé qui permet des inventions plus précoces et moins mutilantes (Panorama du médecin, décembre 2011). Cette augmentation serait davantage liée au dépistage individuel et à des tumeurs plus agressives chez la femme jeune. Elle avance dans le Bulletin de l´ordre des médecins : « Il n’existe à ce jour aucun marqueur pronostic pour identifier ces cancers non évolutifs. Il serait ainsi beaucoup trop risqué et contraire à l’éthique de ne pas intervenir ! »

Elle est sur ce point en total désaccord avec d´autres spécialistes du cancer du sein, qui prônent l´observation de l´évolution des tumeurs, plus que l´intervention précoce. « Certaines des toutes premières modifications cellulaires (que, dans le langage médical, on appelle carcinome in situ) sont souvent retrouvées en plusieurs endroits du sein. Le sein entier est alors enlevé une fois sur quatre dans ces situations, alors que seule une minorité de ces modifications cellulaires s’est transformée en cancer », écrit un chercheur de renommée mondiale, Peter Gøtzsche, le directeur de l’institut Cochrane nordique, dans la brochure rédigée à l´attention des femmes avant qu´elles ne se fassent dépister.

Ce chercheur vient de publier un ouvrage de 400 pages chez Radcliffe (« Mammography Screening », Dépistage par mammographie : vérité, mensonges et controverse).   « La raison de ce livre, et de tant de recherches consacrées au dépistage du cancer du sein par mammographie, c´est la violation des droits des femmes. En matière de santé, c´est sans doute le plus grand scandale éthique qui soit », a-t-il déclaré dernièrement au journal The Guardian.

« La vraie question que devrait poser la HAS, c´est comment peut-on faire pour informer équitablement les femmes de ces données controversées, plutôt que chercher à minimiser la polémique, lance Philippe Nicot. Mais remettre en cause le dépistage organisé est difficile pour la HAS, qui a mis en place un dispositif très lourd et très médiatisé, et a entraîné les radiologues à faire des investissements importants ».

> Participer au dépistage du cancer du sein relève d´une décision personnelle que les femmes doivent pouvoir prendre en connaissance de cause. Le paradigme médical actuel laisse croire qu´une tumeur cancéreuse décelée par une biopsie, sans symptôme clinique, évoluera nécessairement vers un cancer évolutif et invasif. Ce fait n´est pas prouvé. Il est donc légitime que certaines femmes choisissent de ne pas céder à la peur du cancer et préfèrent ne pas se faire dépister. Pour celles qui optent pour le dépistage, elle peuvent aussi décider d´éviter une intervention chirurgicale précoce, “préventive”. Elles pourront conserver leur intégrité physique et s´épargner des interventions médicales qui ne sont pas non plus sans risque, tout en optant pour une surveillance régulière de leur tumeur (palpation chez un gynécologue, mammographie).

> Un livre sur le sujet : « No mammo ?  Enquête sur le dépistage du cancer du sein », Rachel Campergue, Ed. Max Milo. Octobre 2011.


«L´aluminium vaccinal met en danger le cerveau des enfants», affirment deux chercheurs canadiens

L´association belge Initiative Citoyenne soutient une marche pour la liberté vaccinale, ce vendredi 20 janvier 2012 à Bruxelles. Elle pourra s´appuyer sur  une nouvelle alerte de la part de chercheurs en neurosciences canadiens concernant les dangers de l´aluminium. Cet adjuvant peut porter atteinte au développement du cerveau des enfants et endommager le système immunitaire, affirment les scientifiques de la University of British Columbia dans un article paru dans Lupus.


Le chercheur canadien Christopher
A. Shaw, professeur à la l´université
de British Columbia
.

Nul doute que cette nouvelle prise de position sur les dangers de l´aluminium vaccinal aura ses détracteurs. Cet adjuvant est en effet considéré comme sûr par les autorités sanitaires et l´establishment médical[1], même si un grand nombre de médecins généralistes se posent des questions sur la sécurité des vaccins[2]. En plein scandale du Médiator et face à la polémique croissante sur les conflits d´intérêts qui minent les recommandations des institutions de santé publique, il y a tout lieu de considérer avec intérêt cette récente publication, synthèse de nombreuses études sur le sujet[3].

Christopher A. Shaw et sa collègue de l´université de British Columbia, Lucija Tomljenovic, tirent ainsi la sonnette d´alarme dans un article paru début janvier dans la revue Lupus, « Mechanisms of aluminum adjuvant toxicity and autoimmunity in pediatric populations » (mécanismes toxicologiques de l´aluminium comme adjuvant et problème d´autoimmunité en pédiatrie).

On peut lire, dans une traduction partielle effectuée par l´association belge Initiative Citoyenne : « L’aluminium (Al) est hautement toxique. Il a été démontré qu’il pouvait perturber le développement du cerveau en phases prénatales et postnatales tant chez l’homme que chez l’animal.

Des altérations permanentes du cerveau comme des fonctions immunitaires

« Au cours du développement du cerveau, il existe des périodes critiques au cours desquelles de subtils défis immunitaires (y compris ceux qui sont induits par les vaccinations) peuvent conduire à des altérations préjudiciables et permanentes du cerveau comme des fonctions immunitaires. En effet, un simple vaccin anti-hépatite B adjuvanté à l’aluminium et administré à de jeunes primates dans les 24 heures après leur naissance, s’avère suffisant pour provoquer des retards neuro-développementaux dans l’acquisition de réflexes essentiels à la survie.

« Au cours du développement prénatal et postnatal le développement du cerveau est extrêmement vulnérable aux agressions neurotoxiques. (…) La barrière hémato-encéphalique n’est pas complètement formée et est donc davantage perméable aux substances toxiques. A cela s’ajoute l’immaturité du système rénal des nouveaux-nés qui compromet de manière significative leur capacité d’éliminer les toxiques environnementaux. C’est pour toutes ces raisons, qu’avec les adjuvants aluminiques, les enfants courent de plus grands risques que les adultes.

Les vaccinations de routine des enfants associées à toute une série de problèmes autoimmuns

« Les vaccinations multiples peuvent précipiter une régression du développement, pour le moins chez les sujets sensibles. Finalement les vaccinations de routine des enfants ont été associées à toute une série de problèmes autoimmuns, comprenant la myélite transverse, le diabète insulino-dépendant (IDDM), la sclérose en plaques (MS) et l’encéphalite NMDA ».

Les chercheurs apportent une précision confondante : « Une formule de vaccin type contient tous les ingrédients nécessaires pour induire une maladie auto-immune ».

On n´a jamais comparé la santé des enfants vaccinés et celles des enfants non vaccinés

Les auteurs déplorent que les études cliniques susceptibles de démontrer sans ambiguïté la sécurité des vaccins ne soient toujours pas réalisées. On n´a jamais, par exemple, comparé la santé des enfants vaccinés et celles des enfants non vaccinés. « Le fait que ces études contrôlées n’aient pas été réalisées peut s’expliquer, par le fait que, historiquement, les vaccins n’ont jamais été considérés comme intrinsèquement toxiques par les Agences sanitaires.

A  voir

France 5 diffusera un documentaire de cinquante minutes le 22 janvier 2012, à 20h40 : « Aluminium, notre poison quotidien », réalisé par Valérie Rouvière, qui s´intéresse à l´aluminium en tant qu´additif multi-usages : cosmétique, alimentaire et vaccinal.

A noter que France 3 a déjà consacré un dossier sur ce sujet au cours du journal télévisé du 6 décembre 2010.

« En dépit d’un consensus largement répandu selon lequel les vaccins sont en grande partie sans danger et leurs effets secondaires extrêmement rares, il convient de se rendre à l’évidence qu’un examen plus approfondi de la littérature scientifique ne confirme nullement ces vues ».

Un très grand nombre d’essais cliniques utilisent  comme « contrôles » des placebos contenant de l’aluminium

Autre information lourde sur l´aluminium, il entrerait aussi dans la composition des vaccins témoins : « Le fait qu’un très grand nombre d’essais cliniques utilisent comme « contrôles » des placebo contenant de l’aluminium ou même un autre vaccin contenant de l’aluminium, empêche une évaluation correcte des complications liées aux vaccins. (…) ». Dès lors, le protocole de ces essais ne permet pas de détermier la toxicité éventuelle de l´aluminium.

Les auteurs concluent que « historiquement les essais cliniques des vaccins ont de manière routinière exclu les individus vulnérables présentant toute une série de problèmes de santé pré-existants (prématurés, histoire personnelle ou familiale de retards de développement, troubles neurologiques comprenant des convulsions de quelque origine que ce soit, l’hypersensibilité aux constituants des vaccins, y compris l’aluminium, etc.). Du fait de ces différents biais de sélection, la survenance d’effets secondaires graves résultant des vaccinations peut être considérablement sous estimée. (…) Pour toutes ces raisons, les véritables risques des vaccinations restent inconnus ».

Selon le programme vaccinal américain, les enfants de 6 ans ont déjà reçu pas moins de 126 stimulations antigéniques d´origine vaccinale. La France est au-dessous de ces chiffres, mais les jeunes enfants « bénéficient » tout de même d´un très grand nombre de vaccins. Si les parents suivent à la lettre le calendrier vaccinal, il y a déjà vingt stimulations antigéniques à l´âge de quatre mois, sachant que le système immunitaire n´est correctement formé qu´à six mois.

Le listing de l’Afssaps est incomplet

« L’Afssaps n’exerce aucune veille bibliographique sur le sujet de la toxicité de l’aluminium vaccinal, contrairement à ce qu’elle veut faire croire. Le listing de l’Afssaps est incomplet. Des publications essentielles portant sur la toxicité de l’adjuvant aluminique sont absentes », déplore l´association Entraide aux malades de Myofasciite à Macrophages, pathologie imputable à la présence d´aluminium vaccinal dans les muscles. « Le prétendu consensus sur l’innocuité de l’adjuvant aluminique n’existe plus. La majorité des publications remet en cause cet adjuvant », explique l´association dans un document de synthèse consacré aux études scientifiques sur l´aluminium.

Pour sa part,  l´Afssaps répond au micro d´Europe 1, le 13 octobre 2010, quant à la dangerosité de l’aluminium dans les vaccins : « aujourd’hui, nous n’avons pas de preuve et d’argument solide ». Néanmoins : « on a mis en évidence un certain nombre de risques suite à une forte exposition et répétée ». Pas de quoi, toutefois, actionner le principe de précaution : « on a besoin de vaccins et on risque de déstabiliser l’efficacité de l’injection en retirant trop vite un adjuvant ».

> Pourquoi M. Sirjacobs a voulu la marche citoyenne, à Bruxelles, pour la liberté vaccinale.

> Le groupe d´études de l´Assemblée sur la vaccination recommande un moratoire sur les adjuvants à base de sels d´aluminium.


[1] L´aluminium est considéré comme le “plus fidèle des adjuvants, bien toléré et qui donne les meilleures réponses avec les plus faibles quantités”, assure le Professeur Bégué, membre de l’Académie de médecine, à Europe 1.

[2] En 2005, une étude (non publiée) auprès d’un échantillon représentatif de 400 médecins généralistes et pédiatres montrait qu’une majorité d’entre eux (58%) se posait des questions sur l’opportunité de certains vaccins donnés aux enfants et 31% faisaient part de leurs craintes par rapport à la sécurité de ces produits (source INPES).

[3] On doit notamment au Docteur Jean Pilette un important travail de collecte sur les dangers de l´aluminium vaccinal.

La naturopathie a-t-elle tué ou, au contraire, aidé Steve Jobs ?

Décédé en octobre 2011, alors qu´il était au sommet de sa réussite, Steve Jobs, patron d’Apple, atteint d´un cancer du pancréas depuis 2004, est-il mort d’avoir fait confiance à son naturopathe ?


Une figurine articulée de l´ancien patron d´Apple réalisée par In Icons, un fabricant de statuettes de collection.

C´est ce que sous-entend la Miviludes (Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires), par la voix de son président, Georges Fenech, qui déclarait, le 1er décembre 2011, lors d´un colloque à Toulouse : « Regardez Steve Jobs, c’était un génie, pourtant, son cancer du pancréas aurait pu être soigné par la médecine moderne, mais il était sous l’emprise d’un naturopathe et se soignait avec des jus de fruits ».


Georges Fenech, président de la Miviludes.

Contrairement aux affirmations de Georges Fenech, Steve Jobs n´a jamais totalement rejeté la médecine conventionnelle. Ainsi, en juillet 2004, il subit une ablation de sa tumeur au pancréas.  Le 20 juin 2009, il bénéficie d´une greffe de foie. Il est cependant avéré que Steve Jobs a différé de neuf mois l´ablation de sa tumeur, comme le rapporte sa biographie autorisée. Il confesse ainsi, dans sa biographie :  « Je ne voulais vraiment pas qu´ils m´ouvrent le ventre, aussi j´ai essayé si d´autres choses pouvaient marcher ».

C’est effectivement le droit de tout patient (“Lorsque le malade, en état d´exprimer sa volonté, refuse les investigations ou le traitement proposés, le médecin doit respecter ce refus après avoir informé le malade de ses conséquences”, art. 36 du Code de déontologie médicale).

Dans la forme la plus répandue du cancer du pancréas, grave et souvent fulgurante, dont l´évolution est lente, l´issue est généralement favorable. « Les patients n´ont pas forcément l´obligation de se précipiter sur le traitement. (…) il peut être normal qu´une personne attende quelque temps avant une opération chirurgicale », explique sur Myhealthnewsdaily, Julie Fleshman, présidente de l´organisation américaine  Pancreatic Cancer Action Network, réseau national qui milite pour la recherche sur le cancer du pancréas.


Un livre sur la spiritualité de Steve Jobs, rédigé par
Caleb Melby, reporter à Forbes.

La plupart de ces tumeurs sont bénignes, mais pas toutes. Au départ, il est souvent difficile pour un praticien d´affirmer la bénignité ou la malignité d´une TEP, et donc de prédire l´évolution, comme le précise l´étude intitulée Histoire naturelle et pronostic des tumeurs endocrines du pancréas, parue dans la revue Gastroentérologie Clinique et Biologique (Vol 27, N° SUP 3  – mars 2003, pp. 20-25).

Comment Georges Fenech peut-il dès lors se prononcer avec certitude sur la survie de Steve Jobs s´il s´était soigné exclusivement par la médecine conventionnelle ? C´est évidemment plus facile avec le recul et l´issue fatale qu´a connu le patron d´Apple…

Ce n´est pas la première fois que l´organisation anti-sectes s’en prend à la naturopathie. Dans son rapport 2010, la discipline est citée dans une liste « non exhaustive » de thérapeutiques non conventionnelles potentiellement sectaires. Il va de soi que la mort de Steve Jobs, comme celle du psychiatre David Servan-Schreiber, montre que  les médecines douces ne sont pas la panacée en cas d´atteinte d´un cancer grave. Mais cela  implique-t-il que la naturopathie mette en danger ces patients, alors que dans le cas d´un cas de cancer du pancréas grave (adénocarcinome), les traitements conventionnels ne parviennent pas non plus à éviter 7 200 décès par an ?

Le taux de survie est inférieur à 5 %

Dans ce type de cancer, cinq ans après le diagnostic, le taux de survie est inférieur à 5 % pour l’ensemble des malades. « Le cancer du pancréas est terriblement meurtrier. Son traitement – difficile – n’offre que de très faibles perspectives de guérison. (…) La prévention n’est pas une garantie de protection à 100%. Mais si l’on considère le taux de mortalité effrayant de ce cancer, la pratique préventive est certainement le bon pari à faire », plaident le Dr Henri Pujol, cancérologue, président de la ligue contre le cancer, et le Pr Henri Joyeux, chirurgien cancérologue, spécialiste des relations entre le cancer et l’alimentation, auteur de Changez d´Alimentation – Prévention des cancers – Faut-il manger Bio ? (Ed FX de Guibert).

« Les recommandations qui ont été validées scientifiquement comme protectrices pour de nombreux cancers et pour les maladies métabolites (diabète, hypercholestérolémie) sont les mêmes à appliquer face au cancer du pancréas. (…) A limiter : le tabac, l’alcool, le surpoids, les graisses en excès (notamment celles provenant des viandes et des produits laitiers), les aliments industriels contenants trop de sucre et d’additifs. Tous considérés comme « polluants » pour l’organisme. A renforcer : les fruits et les légumes (légumes secs compris) qui sont une source naturelle de vitamines anti-oxydantes (vit A, C E, et provitamine A ) et de fibres ».

Bref, le « régime » de Steve Jobs…

>> La prévention par l´alimentation, pilier de la naturopathie, n´aurait-elle donc pas plutôt aidé Steve Jobs à survivre près de huit ans avec un cancer du pancréas tout en conduisant son entreprise au top niveau ? Végétarien depuis toujours, adepte des médecines douces et du bouddhisme, le patron d´Apple semble au contraire avoir mis toutes les chances de son côté en matière de prévention du cancer. Ainsi, jeter l´opprobre sur la naturopathie apparaît comme un raccourci un peu rapide, susceptible de détourner la population des différents moyens d´adopter une meilleure hygiène de vie, notamment avec l´aide des principes ancestraux de la naturopathie.

Ph. Foucras : « Médicaments antialzheimer : on n´est pas passé loin du retrait du marché ! »

La Haute autorité de santé (HAS) a récemment suspendu six recommandations médicales. En cause, l´indépendance de ses expertises. Le président du Formindep, Philippe Foucras, plaide en faveur d´une évaluation vraiment indépendante des médicaments.

Ouvertures.- Dans un récent communiqué, intitulé « Indépendance de l’expertise : la Haute autorité de santé tient ses engagements », la HAS a annoncé qu´elle retirait six « recommandations », en plus de celles concernant le diabète et la maladie d´Alzheimer déjà suspendues en mai. Comment analysez-vous la suspension de ces préconisations médicales ?

Photo : Miguel Medina

Philippe Foucras.- Nous étions invités sur le plateau de France Inter lorsque la HAS a annoncé qu´elle allait réexaminer toutes ses recommandations, nombre d´entre elles étant en effet douteuses pour cause de conflits d´intérêt majeurs chez les experts de l´institution sanitaire. Ce n´est pas un hasard si cette annonce a été faite juste après le retrait forcé de la recommandation sur le diabète, que nous réclamions depuis longtemps et que nous avons donc finalement obtenu par voie juridique.

Nous avions aussi déposé un recours concernant la maladie d´Alzheimer. La HAS, sentant que la décision n´allait pas lui être favorable, a retiré d´elle-même cette recommandation, en mai 2011. Puis six autres, en septembre, « de sa propre initiative ».

 

– Depuis, la HAS a produit une nouvelle recommandation sur la maladie d´Alzheimer. L´avez-vous comparée avec la précédente ?

– Ce travail est en cours. Mais l´important, c´est que cette recommandation a été réécrite après la réévaluation des médicaments antialzheimer en novembre par la Commission de la transparence. Le service médical rendu (SMR) par ces médicaments a été dégradé : d´important, il est devenu faible. La durée de la prescription a été réduite. Nous avons suivi de près les débats – et pour cause, l´un des experts sollicités, Philippe Nicot, est membre du Formindep.

Visionner les vidéos des travaux permet de mieux comprendre le problème des influences. Des conclusions scientifiques peuvent être radicalement différentes suivant qu´elles s´appuient sur les travaux d´experts indépendants ou au contraire travaillant avec l´industrie pharmaceutique. C´est d´autant plus marquant que les données de la science n´ont pas beaucoup évolué depuis la précédente recommandation Alzheimer (2007). A une voix près, la commission de la transparence votait le déremboursement de ces médicaments ! C´est dire si on n´est pas passé loin du retrait du marché !

– Pourquoi la Commission de transparence a maintenu l´usage de ces médicaments alors que les conclusions des experts indépendants sollicités pour réévaluer ces molécules jugeaient ces dernières inutiles, voire néfastes ?

– Les experts étaient indépendants, mais les membres de la commission, eux, n´étaient pas forcément à l´abri des influences. Si on a bien senti que le président Gilles Bouvenot penchait en faveur des conclusions des experts, n´oublions pas que l´industrie a mené une intense campagne médiatique, par la voix de ses leaders d´opinion, à coup de tribunes dans Le Monde par exemple. Comme si la prise en charge des patients ne se résumait qu´à la seule prise de médicaments… La pression est si forte sur cette question que voter pour le déremboursement aurait provoqué un séisme.  La Commission a fait de son mieux, mais il y avait trop d´enjeux.

– Quelles sont les conséquences des dysfonctionnements de l´expertise pour le déficit de la sécurité sociale ?

– La HAS a une responsabilité directe sur les soins délivrés aux malades et sur les remboursements. Si les médecins et les experts travaillaient à l´abri de toute influence, il n´y aurait certainement plus de « trou de la sécu »… Sur l´hypertension par exemple, on économiserait 300 millions d´euros par an si l´étude Allhat n´avait pas été étouffée (voir notre article  « Grande étude, petites conséquences »). L´UFC-Que choisir s´est aussi attaquée au problème des surprescriptions. Sur cinq classes de médicaments délivrées par la médecine de ville, un milliard d´euros aurait pu être économisé entre 2002 et 2006, soit “200 millions par an”. Ce ne sont que quelques exemples qui donnent une idée de l´ampleur des économies potentielles.

– A quand un corps d´experts publics indépendants ?

– C´est notre demande principale. Le Sénat, dans son rapport sur l´après-Médiator, reprenait une des propositions du Formindep : créer un corps d´Etat d´experts sanitaires publics de haut niveau et indépendants. Mais ce n´est toujours pas d´actualité puisque le texte a été supprimé à l´Assemblée nationale. Le gouvernement et le président de la République n´ont jamais appuyé cette idée. C´est toute la différence entre le discours officiel, qui assure qu´il suffit de déclarer ses intérêts pour que l´expertise soit valable, et la réalité, qui démontre le contraire.

Le problème est encore plus énorme au niveau européen. Nous travaillons sur cette question avec le collectif ALTER-EU qui dénonce le pantouflage (les « revolving doors »), ce jeu de chaises musicales qui permet à de hauts fonctionnaires d’être recrutés par les firmes pour devenir des lobbyistes à leur service, et à des lobbyistes des firmes de devenir de hauts fonctionnaires, décideurs des politiques publiques. Or, à côté du problème européen, les agences françaises font presque figure d´enfants de chœur.