La présidente de la Confédération nationale de l´esthétique parfumerie (la CNEP) remue ciel et terre contre un projet de décret encadrant l´activité des instituts de beauté. Selon Régine Ferrère, 90% des soins esthétiques reviendrait dès lors aux médecins. Inacceptable pour une organisation professionnelle qui englobe 56 000 salariés, dont 29 000 esthéticiennes.
Ouvertures. Vous dénoncez un projet de décret limitant les pratiques des instituts pour les réserver exclusivement au corps médical. De quelles pratiques s´agit-il concrètement ?
Régine Ferrère. La CNEP a été informée le 31 mars que le premier ministre et le ministre de la santé tentaient de faire passer en force, dans le plus grand secret, un nouveau décret sur proposition du directeur général de la santé. Si ce décret était signé, 90% de nos pratiques seraient interdites ! Dans les domaines qui nous intéressent (la ride, le poil, la minceur), nous ne pourrions plus appliquer de produits ni utiliser des appareils innovants, à base de lumière pulsée ou autre technique électro-magnétique. C´est abusif car nos actes ne sont pas ceux de la chirurgie esthétique, dits invasifs, et logiquement réservés au corps médical. Avec 11 millions de clients, nous n´avons d´ailleurs jamais déclenché le moindre problème de santé publique… Au contraire, nous avons un rôle préventif ou d´alerte car nous savons reconnaître une anomalie dermatologique. Les esthéticiennes ne sont pas de ravissantes idiotes…
N´est-ce pas normal de vouloir protéger les clients contre des pratiques dont l´innocuité n´est pas prouvée?
Nous sommes tout à fait d´accord. On se bat même depuis 5 ans pour cela. Comme l´Etat ne veut pas nous encadrer, nous mettons en place une norme Afnor pour nous auto-réglementer. Nous prêchons pour que le personnel soit correctement formé au métier. Mais pas seulement. Pour toutes les technologies et appareils de pointe, nous souhaitons que les praticiennes acquièrent un certificat de qualification qui précise leur champ d´application (limites, contre-indications, règles d´usages). Les dispositifs doivent être contrôlés et avoir fait preuve de leur innocuité. Nous nous appuyons sur des études scientifiques sérieuses, publiées sur Pubmed ou Medline. On a désormais un recul de 25 ans sur nos pratiques. La pince à épiler ou la cire, c´est du passé ! Les clients n´en veulent plus. Il faut donc s´adapter. Nous voulons bien être encadrés, mais pas interdits d´exercer !
Vous avez déjà eu des problèmes avec l´ordre des kinésithérapeutes, maintenant c´est avec l´ordre des médecins ?
Les kinés ont cru bon de nous interdire d´employer le mot « massage » pour préserver leur profession. Qu´ont-ils fait de ce monopole ? Rien. Nous proposons toujours autant de « modelages » (c´est le mot « autorisé »). Cette activité est même en pleine expansion grâce au développement du secteur bien-être (spas, depuis l´an 2000). Avec les médecins, ce sera le même flop qu´avec les kinés. Vous imaginez 11 millions de clients aller chez un médecin ou un dermatologue pour une épilation semi-durable à la lumière pulsée, pour des applications de crème anti-ride ou minceur ? Et puis, qui payera l´addition ? Le rôle de la médecine, c´est de soulager et de soigner, pas de vendre des soins esthétiques. Que les services sanitaires s´occupent d´abord de la sécurité de leurs propres produits, plutôt que d´aller surcharger les cabinets médicaux avec nos activités cosmétiques ! Nous pèserons de tout notre poids économique puisque la discussion semble impossible sur le plan scientifique. Avec un tel décret, nos 30 000 entreprises ne vaudront plus rien du jour au lendemain.
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> Pour aller plus loin : La Cnep a plaidé sa cause en mai dernier au sénat lors de la mission d´information sur les dispositifs médicaux implantables et les interventions à visée esthétique (vidéo ou transcription écrite).