Jean-Marc croit encore à la vie

Photo: Jean-Luc Martin-Lagardette

Jean-Marc a 54 ans. Je l’ai rencontré sur le pavé du boulevard Saint-Michel à Paris, avec sa casquette pour recueillir les aumônes des passants. Pour tenir son écuelle de coton, un livre : Les Damnés de la terre, de Frantz Fanon, dont il se dit solidaire.

Ce livre du psychiatre antillais militant des indépendances, préfacé par Jean-Paul Sartre et plusieurs fois saisi par la justice, a eu son heure de gloire. Il a servi – et sert toujours – de référence à des générations de militants anticolonialistes. « Il n’est pas à vendre », précise Jean-Marc aux passants qui l’interrogent. « C’est pour mon inspiration. »

Il a du mal à s’expliquer : « Je n’ai plus de mot pour dire ce que vis. J’ai perdu le sens de la parole à force de vivre comme un animal avec des obsessions : manger, dormir, pisser, chier et éviter de me faire voler le peu que je possède. Je pourrais jouer de la guitare – du “picking” à la Marcel Dadi, par exemple – mais je n’ai aucun endroit pour la déposer ».

Qui pourrait imaginer qu’assis à mendier sur le trottoir de la capitale, Jean-Marc est en fait facteur de clavecins ? Artisan, il construisait et accordait des clavecins et des flûtes. Les charges sociales ayant trop pesé sur son activité, il a dû rejoindre un confrère, en tant que salarié, avant de créer une entreprise avec des collègues.

Et puis, c’est le coup dur : le divorce après un mariage religieux auquel il tenait beaucoup. Et qui l’a abattu. Depuis, il ne parvient pas à reprendre pied, enchaîne les petits boulots, bénéficie des aides.

Mais Jean-Marc croit encore à la vie et n´a pas perdu confiance.

» Voir aussi notre grande enquête sur “la place et la parole des pauvres” dans la société.

Médias : l’ambition de la qualité

Un certain nombre de journalistes et de citoyens ont décidé de réagir face aux dérives constatées dans les médias. Des initiatives constructives se mettent en place, comme celles proposant une charte nationale de qualité de l’information, la reconnaissance juridique des rédactions et la création d’une instance de médiation entre le public et la presse.

 

Jérôme Bouvier et Yves Agnès.

Photos : Charlotte B.

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Les pistes lancées lors des Assises Internationales du Journalisme de 2007 ont donné naissance à trois projets majeurs présentés cette année 2008 en mai à Lille :

  • La charte qualité de l´information : pour que journalistes et éditeurs garantissent ensemble que l´information qu´ils produisent répond aux valeurs fondamentales du métier.
  • Une instance de médiation et de régulation (Conseil de presse) : pour permettre à la fois de protéger les bonnes pratiques et l´indépendance journalistiques et pointer les dérives.
  • La reconnaissance juridique des rédactions : pour que le droit collectif des journalistes à préserver la qualité éditoriale de leur travail soit garanti aux côtés de celui de l´éditeur actionnaire.

Les prochaines Assises sont prévues du 1er au 3 avril 2009.

Tout citoyen comme tout journaliste ou tout éditeur est invité à s’emparer de ces propositions pour que ces trois réformes prioritaires soient adoptées par toute la profession et inscrites dans la loi.

La Fédération française des agences de presse (FFAP), qui regroupe 126 agences dont les plus grosses, a décidé de soutenir officiellement la création d´un Conseil de presse en France .

» Contacter Jérôme Bouvier, initiateur des Assises, au 01 57 19 54 53
» Signer l’Appel en faveur d’une charte et d’une instance pour l’éthique et la qualité de l’information
» Soutenir l’Association de préfiguration d’un Conseil de presse (APCP) : yves.agnes@noos.fr

(L’auteur de cet article est membre de l’APCP)

Les réflexions d’un médiateur

C’est bien connu : les journalistes, qui aiment bien donner des leçons, n’aiment pas qu’on leur en donnent. C’est pourquoi ils ont souvent du mal à accepter les évolutions aujourd’hui nécessaires vers une meilleure prise en compte des avis de leur public par rapport à leur travail. Le rôle de médiateur de presse (journaliste chargé de recevoir les critiques des lecteurs) est ainsi un rôle difficile, ingrat, entre le marteau de la critique et l’enclume de la production éditoriale.

Dans son dernier ouvrage, Daniel Cornu, ancien rédacteur en chef de la Tribune de Genève, ancien vice-président du Conseil suisse de la presse, aujourd’hui médiateur des publications suisses du groupe Edipresse, livre une synthèse de son “sacerdoce” : « Le risque de déplaire est inhérent à la fonction ». Fonction qui est d’abord, selon lui, d’offrir au public « une instance de recours indépendante. (…) C’est une façon de restituer la liberté d’information au public, pour laquelle elle est faite. Une façon de manifester que la liberté de la presse n’est pas un privilège des journalistes et des entreprises de presse, mais un bien collectif, qui appartient à tous. Une façon enfin de montrer que l’exercice par les médias d’une fonction critique de la société ne les met pas eux-mêmes à l’abri de tout regard critique ».

Présomption d’innocence, hiérarchie de l’information, défis du scoop, etc. : Daniel Cornu présente de nombreux cas concrets qu’il analyse en détails dans cet ouvrage qui pourrait servir de guide du médiateur ou du journaliste sur les questions d’éthique.

“Médias, mode d’emploi ; le journaliste face à son public”, Labor et Fides, Genève, 2008.
Daniel Cornu a notamment publié Journalisme et vérité (Labor et Fides, 1994) et Ethique de l’information (PUF, Que sais-je ?, 1997).

Belgique : l’éducation aux médias renforcée

Un projet de décret créant un Conseil supérieur de l´éducation aux médias (Csem) a été approuvé par la commission de l´audiovisuel du Parlement de la communauté française. Le dispositif doit permettre d´apprendre aux publics jeunes et adultes à décoder une information avec un esprit critique, à décrypter un article de quotidien ou un journal télévisé. Outre à créer le Csem, le texte vise à étendre les initiatives et structures existantes actuellement dans ce secteur et qui sont limitées aux publics scolaires.

La subvention annuelle de 13 000 euros de l´actuel Conseil sera portée à 88 000 euros. Une cinquantaine de personnes fera partie du nouveau Conseil, au lieu des 20 membres de l´actuelle instance.

La ministre de l’audiovisuel a indiqué que des sujets comme la violence dans les médias ou l´impact de la publicité sont notamment pris en compte dans le décret.

(Source : 7sur7.be)

Libérez Moussa Kaka !

Moussa Kaka est en prison au Niger depuis le 20 septembre 2007 pour avoir fait simplement son métier de journaliste. Moussa est le correspondant de RFI (Radio France internationale) au Niger. Il est également le correspondant de Reporters sans frontières à Niamey. Les autorités lui reprochent d’avoir été en contact téléphonique avec la rébellion touarègue du nord du pays. Pour cela, Moussa Kaka risque la prison à vie.

>> Commentaire : C´est une des grandes difficultés du travail des journalistes. Comment parler de ce qui va mal, notamment des tensions entre le pouvoir et les opposants, sans être soupçonné de soutenir ces opposants ? Donner la parole à quelqu´un n´est pas forcément approuver ses positions…

Or, Moussa Kaka a été inquiété pour cette seule raison. C´est pourquoi nous vous proposons de le soutenir. Car c´est alors soutenir un principe vital dans toute communauté humaine, celui qui permet de rendre compte de la diversité des points de vue.

Tests génétiques : les fausses promesses d’un marché en explosion

Si la médecine s’intéresse au dépistage des maladies génétiques ou à la détection de prédispositions à certaines maladies, aux Etats-Unis, des start-ups de plus en plus nombreuses proposent des tests génétiques sur internet pour des finalités parfois moins sérieuses.

Amour, bien-être, beauté, alimentation : une vaste panoplie de tests génétiques à la mode – plus d’un millier dans le monde ! – est désormais déroulée sur le marché international. Objectif : faire débourser à un vaste public des centaines de dollars en lui faisant espérer que des réponses à ses préoccupations mondaines ou sanitaires seront trouvées dans les génomes. Or, pour tous ces diagnostics concernant de près ou de loin la santé humaine, des questions éthiques, sociales et sanitaires ne manquent pas de se poser.

En France, des scientifiques et des membres de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst) proposent, dans le cadre de la révision des lois de bioéthique, de contraindre les tests à une autorisation de mise sur le marché (AMM) identique à celle qui existe pour les médicaments.

Les tests « qui ne font pas l’objet d’un remboursement ne sont soumis à aucune réglementation », remarque Hervé Chneiweiss, membre du comité d’éthique de l’Inserm.

Des prévisions incertaines

En France, les tests génétiques sont encadrés par la loi du 6 août 2004 qui précise que «l’examen des caractéristiques génétiques d’une personne ne peut être entrepris qu’à des fins médicales ou de recherche scientifique ». Parmi les 6 000 maladies génétiques répertoriées(1) , seules 10 % sont aujourd’hui concernées par les tests génétiques, selon l’Agence de la biomédecine(2) .

Si l’objectif de ces dépistages est avant tout d’anticiper l’avenir de santé d’un sujet pour mieux le préparer, caractériser des personnes comme des « malades en devenir » n’est pas sans conséquences. La connaissance d’un « risque génétique » devient alors un risque psychologique.

Par exemple, un test génétique sur l’autisme est en développement par une entreprise française, IntegraGen (Evry). En cas de réponse positive, le risque d’autisme serait de 10%. « Neuf enfants sur dix seraient étiquetés ’’pré-autistes’’, considérés comme ’’à risque’’ et soumis à un traitement préventif. S’ils n’étaient pas autistes, ce système fera en sorte qu’ils le deviennent », a mis en garde Bertrand Jordan, biologiste moléculaire(3) .

Ethique et déontologie

Incertitude dans la manifestation de la maladie et sa sévérité, interprétation des résultats difficile nécessitant de prendre en compte l’historique de la personne, qualité et fiabilité des tests proposés discutables sont autant de limites qui rendent ces « pré-diagnostics » délicats et devraient obliger ceux qui les mènent à suivre un protocole déontologique strict.

Quand les tests concernent la santé, le client peut-il faire confiance aux prédictions fournies et aux éventuels traitements proposés ? Pour l’ONG ETC Group(4) , ces tests s’avèreraient d’un usage limité et potentiellement néfaste pour la santé des clients. D’une part la fiabilité n’est pas toujours au rendez-vous et d’autre part, ils risquent de créer une confusion entre « résultats d’un test génétique » et « diagnostic médical ». Le risque serait que le client/malade sous-estime des résultats justifiant un suivi médical sérieux ou au contraire qu’il amplifie une information anecdotique et se ruine inutilement en soins et «para-soins ».

L’amour génétiquement décrypté

Sur scientificmatch.com, la « science de l’amour », pour reprendre le langage marketing de la société, aide à identifier l’âme « chimiquement » sœur. La comparaison des génomes permet non seulement de prédire la satisfaction sexuelle des deux partenaires, de garantir l’appréciation réciproque des odeurs corporelles, mais surtout d’assurer une bonne fécondité et la conception d’une progéniture pourvue d’un système immunitaire performant.

Cygene Direct prédit quant à lui les performances athlétiques du sujet et détecte ses éventuelles dispositions ou indispositions à la pratique de certaines activités physiques. D’autres sociétés surfent sur des préoccupations « à la mode » en prédisant la façon dont un sujet métabolise la caféine, en évaluant son potentiel d’addiction à la nicotine, en décryptant ses caractéristiques dermiques en termes de vieillissement et d’entretien de la peau, ou encore en détectant les séquences génétiques responsables de déséquilibres nutritionnels. Selon les cas, les firmes commercialisent des compléments nutritionnels ou des soins épidermiques adaptés au profil génétique du client.

Surfant sur la vague du net, certaines sociétés se lancent dans le développement de sites de réseaux sociaux reposant sur des critères génomiques. Profils génétiques et « amis » génétiquement appareillés sont au rendez-vous.

Un débat public quasi inexistant

Les citoyens sont-ils bien informés des finalités de ces pratiques ? Sont-ils favorables à l’élargissement des tests génétiques et au développement d’une médecine personnalisée avec les bénéfices, risques et dérives que cela implique ? Des cadres de régulation internationaux sont-ils envisagés pour éviter que des législations locales soient détournées par des compagnies opérant sur internet ? Peu de réponses positives à ces questions, alors qu’un important marché de la génétique humaine se met en place (entre 730 millions de dollars et 8 milliards de dollars selon les sources) sans que les questions d’égalité devant les soins, de respect de la « personne génétique » et d’éthique médicale ne soient vraiment posées et encore moins discutées dans le grand public.

François Rebufat

» L’enquête complète est consultable sur Vivagoveille avril 2008.

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(1) Online Mendelian Inheritance in Man, http://www.ncbi.nlm.nih.gov/omim/

(2) Tests génétiques en accès libre et pharmacogénétique : quels enjeux individuels et collectifs pour l’Europe ? Séminaire européen, octobre 2007, http://www.agence-biomedecine.fr/fr/presse/doc/DPcolloque021007.pdf

(3) SPS n° 269, octobre 2005, http://www.pseudo-sciences.org/spip.php?article465

(4) Direct-to-Consumer DNA testing and the myth of personalized medicine, mars 2008,
http://www.etcgroup.org/en/materials/publications.html?pub_id=675

Notre critique

Cocktail d’enfer, carnet 103
Raymond Clounet
Mutualité française/Editions Pascal, 2008

Ce thriller dénonce « les méthodes et stratégies pernicieuses » que les groupes de cigarettiers et d´alcooliers emploient pour capter l´attention des plus jeunes. Cocktail d´enfer est le journal d´un professionnel d´influence qui ne recule devant rien pour satisfaire ses clients, jusqu´au jour où il devient sa propre victime, sa propre proie. Un énorme piège se referme alors sur lui et ses proches. C´est ainsi que ce professionnel va nous livrer, à travers son Carnet 103, ses confessions les plus sidérantes !

L’ouvrage est publié en co-édition avec la Mutualité française dans sa collection Polar santé. Bien documentés, les romans policiers de cette collection offrent un éclairage à la fois original et inédit sur des questions qui nous concernent tous. A chaque fois, le ressort même de l´intrigue est bâti à partir de dossiers réels.

Pour une renaissance de la tontine
Dominique Kounkou
L’Harmattan, 2008

La tontine est promise à un bel avenir, selon Dominique Kounkou, docteur en droit international public. Ce système permet à des groupes d´amis, voisins ou collègues de proposer des aides à chacun des membres : les cotisations et les remboursements permettent de financer les projets à tour de rôle.

Basé sur la confiance (il est généralement purement oral), l’entraide, l’obligation fraternelle, la tontine est facteur de prospérité et de sécurité : « Le pouvoir de la tontine est le pouvoir du salut personnel et collectif, temporel et atemporel, économique et politique, mis à disposition de l’homme qui s’élève ». Parfois appelée « association rotative d’épargne et de crédit », elle devient une forme politique d’organisation sociale indépendante des institutions.

En effet, note M. Kounkou, « les Etats sont des créations nécessaires à un ordre où les peuples ne sont pas en confiance pour coopérer ». Le développement de mécanismes tontiniers pourrait donner du pouvoir aux populations, voire à certains Etats pauvres, trop souvent mis à l’écart de la communauté internationale et de ses structures bureaucratiques.

Dominique Kounkou a également publié cette année Monnaie africaine ; la question de la zone France en Afrique centrale, à L’Harmattan.

Dieu et Darwin ; débat sur les origines de l’homme
Fernand Comte
JC Lattès, 2008

A l’approche du bicentenaire de la naissance de Darwin (2009) et du cent-cinquantenaire de la publication de son ouvrage L’Origine des espèces, les partisans d’une conception matérialiste de la nature (qui éradique tout anthropomorphisme et toute idée d’un Créateur à la source de l’Univers) et ceux, au contraire, d’un sens prédéterminé à l’Univers (qui pense qu’un Esprit créateur a voulu et le monde et l’homme) fourbissent leurs arguments, voire leurs armes. Des manifestations, des colloques, des livres vont se multiplier à l’approche de ces célébrations.

Voici un livre de Fernand Comte, diplômé de théologie et professeur de lettres. F. Comte est l´auteur de nombreux ouvrages sur la mythologie, la philosophie et les religions. Le titre de son livre est un peu trompeur, dans la mesure où le fameux débat n’apparaît qu’au milieu de l’ouvrage. L’auteur balaie d’abord sur 150 pages l’histoire des grands mythes créateurs avant d’exposer la querelle du darwinisme dans ses grandes lignes, sans apporter grand-chose de nouveau.

Sa position est insuffisamment approfondie : il n´explique pas comment il passe d’un soutien sans faille à la théorie darwinienne telle qu’elle est aujourd’hui généralement partagée à une plaidoirie tout aussi appuyée envers la proposition spiritualiste de Teilhard de Chardin, tout en balayant d’un revers de main les créationnistes et les tenants du Dessein intelligent.

École d’Été « Penser l’Évolution »
ULB, 25-27 août 2008

Que la révolution darwinienne interpelle encore, 150 ans après, témoigne de ce que la question est toujours ouverte, et même plus que jamais. Afin de souligner le caractère problématique du champ ouvert par cette révolution, l’Université libre de Bruxelles (ULB) cherchera à «penser l’Évolution», non pas seulement l’évolution biologique.

L’École d’Été dressera l’état des lieux de notre compréhension de l’histoire des vivants et de ses enjeux philosophiques et sociaux.

Les matinées seront consacrées à l’introduction des concepts liés à l’évolution biologique, et les après-midis aux questions, répercussions et controverses qu’a suscitées et suscite toujours la révolution darwinienne.

Pour en finir avec Dieu
Richard Dawkins
R. Laffont, 2008.

« Le Dieu des déistes est sûrement un progrès par rapport au monstre de la Bible. Malheureusement il n´y a pas beaucoup plus de chances qu´il existe, ou qu´il ait jamais existé. Dans l´une ou l´autre de ses formes, l’hypothèse de Dieu est inutile. »

Cette citation est extraite du dernier livre de Richard Dawkins, éthologiste britannique, vulgarisateur et théoricien de l´évolution. Et grand pourfendeur des religions devant l’Eternel… Ce pamphlet, car c’en est un, connaît un extraordinaire succès : plus de deux millions d’exemplaires déjà vendus dans le monde !

Pour Dawkins, auteur du concept de « gène égoïste » qui a fait fortune, Darwin et sa théorie de l’évolution suffisent très bien à expliquer le monde : « La tentation est naturelle d’attribuer l’apparence d’un dessein à un dessein réel. [Mais] c’est une fausse tentation car l’hypothèse du concepteur soulève aussitôt le problème plus grand du concepteur du concepteur. Tout notre problème de départ était celui d’expliquer l’improbabilité statistique. Il n’y a à l’évidence pas de solution pour postuler une chose encore plus improbable. Nous avons besoin d’une grue, pas d’un crochet céleste, car seule une grue peut faire ce travail qui consiste à monter graduellement et de façon plausible de la simplicité à la complexité qui sinon serait improbable ».

Un détail, mais qui a son importance : ni Darwin ni la théorie sélective ne proposent d’explication à l’émergence du monde. Et tous les écrits du naturaliste britannique, sur ce point, se réfèrent à un Créateur comme cause première. Si l’on accepte l’évolution, on n’en explique pas pour autant le fait qu’il y ait quelque chose plutôt rien…

La crise de l’eau ?
Patrick Philippon
Perrin, 2008

Un débat public émerge lentement en France : l´eau est-elle devenue rare ? Biologiste de formation, journaliste et auteur scientifique, Patrick Philipon dresse un état des lieux général, mais sans apporter de réponse précise. Un ouvrage utile à ceux qui ignorent les termes du débat, mais qui ne fait que survoler les problèmes. Et qui parfois ignore des informations pourtant utiles au débat, comme le crédit d’impôt désormais accordé en France aux particuliers qui récupèrent l’eau de pluie…

Pauvreté : ce que disent les internautes

Ouvertures conduit actuellement sur le site Agoravox une grand enquête participative sur la place et la parole des pauvres dans la société. Extraits.

Animée par Éric Lombard (voir encadré), l’enquête a défini ce thème (la place et la parole des pauvres dans la société) à la suite d’un vote, largement majoritaire, des internautes. Ceux-ci ont commencé à répondre aux questions que nous leur avons posées. Voici quelques extraits de leurs notes parfois pubiées sous pseudos :

Finael :

– « Juste sur un point de l’enquête : Comment votent les pauvres ?

Toutes les enquêtes montrent, et depuis longtemps, que plus on est pauvre, moins on vote !
A cela de nombreuses raisons:

  • Administratives: Sans domicile fixe (pardon, j’ai appris que l’on doit dire Sans domicile stable maintenant), on n’a pas de mairie d’attache, donc, souvent, pas de papiers en règle à présenter: une simple carte d’identité coûte cher – pour nous – et exige une adresse (même s’il existe des associations fournissant des adresses de complaisance).
  • Idéologiques: Cela ne nous concerne pas de savoir la couleur de la sauce à laquelle on va être mangés. Et puis qui intéresse-t-on
  • Pratiques: Même si on arrive à avoir une carte d’électeur, on ne sent pas vraiment à l’aise (doux euphémisme) dans la file d’attente, avec les regards méprisants qui pèsent. Et les “officiels” ne font rien pour atténuer ça.

Pour finir, une approbation sur un commentaire précédent: Etrangers dans notre propre pays, qu’est-ce que c’est vrai !!! »

– « Il n’y a pas de place pour les pauvres en France !

Expérience: D’un milieu aisé, je suis passé dans ce qu’on appelle la “grande pauvreté” – oui, il y a toujours à manger dans les poubelles -, c’était il y a longtemps et à l’époque, s’il n’y avait pas de Restos du Coeur, il régnait une grande solidarité chez les plus pauvres, et puis, il y avait les “squats”.

J’en suis sorti et j’ai retrouvé l’aisance parce qu’à cette époque il y avait du travail, et j’ai remonté “l’échelle sociale”, fortement aidé par mon éducation. Je me suis retrouvé ingénieur, cadre encadrant, respecté par “la bonne société”, même si certains de mes amis de la période précédente faisaient froncer les sourcils et provoquaient force chuchotements dans mon dos.

Jusqu’au jour où la société qui m’employait a coulé et là je me suis découvert “trop vieux”. La dégringolade a été rapide, les “amis” ont vite disparu, le jour où ma carte d’identité a été périmée je me suis retrouvé “invisible”, SDF c’est à dire sans droit de vote, sans pouvoir faire changer la plaque d’immatriculation de ma voiture se transformant progressivement en épave.
J’ai fini par retrouver du travail – au SMIC -: 4 CDD d’un an successifs, je vis dans un mobil-home (je l’ai déjà raconté ailleurs), et puis le dernier CDD s’est terminé en décembre dernier. De nouveau je n’existe plus.

Je doute que beaucoup de contributeurs d’AgoraVox aient fait cette expérience: l’inexistence, l’invisibilité … c’est quelque chose que l’on ne peut décrire qu’à des gens qui la partagent, les autres – vous – ne peuvent pas comprendre ! »

Éric Lombard mène l’enquête

Ingénieur physico-chimiste, consultant en gestion de production, Éric Lombard effectue depuis 1999 des recherches personnelles sur l´utilisation d´internet comme outil d´une démocratie plus participative. Il les publie de manière plus ou moins régulière sur dialogue-democratique.net et debatpublic.net. Depuis 2002, il anime hyperdebat.net, site expérimental de débat méthodique, dont il est l´un des fondateurs.

Orange :

– « Le plus pauvre ne cherche pas l’aumône, mais cherche à faire évoluer les mentalités (changement de regard). Il ne faut pas voir que la fraternité, mais le regard négatif que certains ont sur la pauvreté est à amélioré. C’est une prise de conscience sur soi même. »

– « Pourquoi n’arrive-t-on pas à éradiquer la pauvreté ?

La pauvreté qui est née de génération, en génération est très difficile à faire disparaître, tant qu’il existera l’individualiste et l’indifférence.
Et si les plus pauvres se rassemblaient pour manifester comme font tous ceux qui ne sont pas content.

Je raconte un exemple vécue en 1985, où je venais de me séparer d’une vie commune. Un jour je vais au CCAS de ma commune pour demander une aide. Celle-ci m’a été refusée sous prétexte que je pouvais vivre avec mon allocation de parents isolé. Je devais acheter pour aménager l’appartement de j’avais obtenu.

En sortant de se service, je me trouve nez à nez avec une manifestation d’infirmière qui manifestais pour une augmentation de salaire. Cela m’a bouleversée car je ne pouvais pas me défendre pour avoir une aide.

Les pauvres, (les vrais) ceux du quart-monde devraient faire une grande manifestation pour une meilleure justice sociale.»

– « Comment faire pour que la parole soit mieux entendue ?

Il faudrait qu’un ou plusieurs pauvres s’engagent à faire de la politique. »

Marc Bruxman :

– « Mesures de pauvreté

Pour la majorité des gens c’est le ressenti qui compte. D’ou la définition de l’INSEE (institut national de statistiques). On ne sent pauvre car on n’a pas accès aux mêmes ressources (nourritures, logement, loisirs) que tout le monde.

Ainsi de nombreuses personnes que l’on considère aujourd’hui et en France comme pauvre ne seraient pas considérées comme pauvres dans un autre pays ou au XIXème siècle. Le fait que certains répondent à cette enquête se sentir pauvre car ils doivent accepter des boulots qu’ils jugent ne pas correspondre à leurs qualifications est révélateur.

La mesure de l’INSEE correspond donc au ressenti des gens et non a une condition objective (avoir du mal à se nourrir, être SDF, etc.). Le fait d’avoir une mesure objective de la pauvreté permettrait de mieux mesurer les progrès ou régressions sociales que la vision de l’INSEE. (A condition que les critères objectifs soient constants). Car la vision de l’INSEE mesure avant tout le degré d’inégalités sociales dans le pays et non la pauvreté réelle. Si tout le monde gagnait de quoi manger et se loger décemment (ce qui serait déjà un progrès), on aurait encore des pauvres avec la vision de l’INSEE car les gens seraient malheureux de ne pas avoir droit à certains loisirs auxquels les plus riches auraient droit.

Elle ne prend pas non plus en compte le patrimoine (si je gagne 800 € par mois et que je n’ai pas de loyer à payer, je vis plutôt bien alors que si je dois payer un loyer en Ile-de-France avec un smic je suis dans la merde. De même un RMiste (RMI : revenu minimum d’insertion) propriétaire de son logement vivra certainement mieux qu’un smicard qui doit payer son loyer), ni la région dans laquelle on vit. Et la encore, smicard dans certaines régions de France est vivable mais dans les grandes villes c’est absolument impossible.

La précarité quand à elle ne saurait compter dans la mesure de la pauvreté. Il y a beaucoup de gens qui ont des emplois précaires et qui ne sont pas pauvres pour autant. Un freelance par définition occupe un poste précaire. Mais certains vivent très bien. La précarité peut être perçue comme pénible à vivre mais elle n’a pas forcément d’incidence sur les conditions matérielles. L’intérim ou le CDD (contrat à durée déterminée) paie même une prime de précarité.
Le plus important dans la mesure de la pauvreté c’est de séparer ce qui relève de conditions de vie réellement indignes (logements insalubres, difficulté à se nourrir, …) de ce qui relève du “je ne peux pas vivre comme ce que l’on voit à la télé”. Le premier type de pauvreté peut être éradiqué, le second non.

Je ne me sens pas pauvre mais je pense que personne n’est à l’abri de le devenir.
Le fait de lutter contre la pauvreté passe avant tout par l’éducation que ce soit à l’école ou dans des cours de rattrapage pour ceux qui n’ont pas eu la chance d’y réussir. Il faut enfin donner des cours adaptés aux besoins des entreprises. Beaucoup de gens ne trouvent pas de boulot non parce qu’ils sont bêtes ou fainéants mais parce qu’ils ont suivi une formation inadaptée.
Le divorce est également un fléau qui plonge dans la pauvreté nombre de femmes.»

– « Comment les pauvres sont-ils perçus ?

Il y a un mélange de gêne que l’on perçoit notamment lorsque des mendiants passent dans le métro. Si le mendiant à l’air trop misérable, les gens détournent le regard. Paradoxalement, on a l’impression que, pour mendier dans le métro, il faut apparaitre ni trop riche (pas trop bien habillé, tout ca) ni trop miséreux. Un peu comme si la vision du pauvre faisait peur à la classe moyenne.
Pour d’autres il y a le coté “abus des assedics (allocations chômage), rmi, etc”… Ce phénomène n’est en soit pas nouveau. Je me souviens quand j’étais plus jeune ou j’entendais dire que “certains clochards qui font la manche vont boire au bistro une fois qu’ils ont de l’argent”. Mais aujourd’hui le fait que la solidarité soit non plus voulue (je donne volontairement a des personnes que j’identifie physiquement ou une association en qui j’ai confiance) mais forcée (je donne mes impôts et l’Etat le redistribue de façon aveugle) exacerbe ce phénomène de rejet. »

– « Le contrôle de sa vie

Il y a aussi cette sensation de ne pas avoir le contrôle de sa vie. Je parle ici de pouvoir plus que d’argent même si les deux sont liés. Et c’est surement plus difficile à vivre parfois qu’une certaine pauvreté matérielle. D’ou cette haine pour les patrons, et les spéculateurs que l’on rend responsable de sa situation. Mais à la fin, toute structure au niveau du pouvoir est pyramidale. Dans notre société, il faut avoir de l’argent pour avoir du pouvoir. Mais même dans des sociétés “communistes”, il reste une grande différence entre les gens du parti qui décident (et remplacent les spéculateurs) et les citoyens qui subissent.

Les aides sociales mal utilisées ont également été un “cadeau empoisonné”. Et je pense la notamment aux populations d’origines étrangères pour qui l’octroi du RMI lorsqu’ils arrivaient de leur pays apparaissait déjà comme un cadeau inespéré. (Et oui, un RMiste vit mieux que nombre de gens qui vivent en Afrique noire). De ce fait, ce cadeau inespéré a pu retarder leur volonté de chercher du travail notamment lorsqu’ils ont été confrontés au manque de travail, au racisme et à la difficulté d’apprendre notre langue. Cela a sans aucun doute retardé leur intégration. Et une fois arrivé à la deuxième génération, les enfants qui n’avaient connus leur pays d’origines ont eu quand à eux tout un tas de raisons d’être frustrés par ce RMI.»

– « Quelques solutions quand même

Je le redis, c’est une éducation adaptée qui restera le meilleur moyen de sortir de la pauvreté. Et je ne parle pas forcément de longues études universitaires. Parfois une simple compétence basique mais réclamée par les entreprises permet de se sortir de la merde.

C’est ce que l’on a trop oublié dans notre système. Rien ne sert d’avoir un Bac + X pour finir caissier au supermarché (avec le salaire de merde et la précarité que cela implique). Surtout lorsqu’un plombier gagne quand à lui un salaire de cadre sup.

Et surtout, le plus important, il faut cesser de victimiser ceux qui sont dans la merde en leur disant “c’est de la faute de X, Y ou Z” (remplacer par Sarkozy, les Spéculateurs, les Patrons, les Immigrés, …). Parce que ca démoralise vachement. Prenez les jeunes issus de l’immigration : ils entendent dire à longueur d’année qu’ils ne trouvent pas de boulot et que c’est “à cause des racistes”, etc, etc, … C’est vrai qu’il y a du racisme. Mais il y a aussi des jeunes issus de l’immigration qui réussissent et même très brillamment. Peut être que montrer ceux la en exemple, pour montrer à ceux qui sont toujours dans la merde que eux aussi peuvent réussir sera la chose la plus bénéfiq
e qui soit. Car parmi tous ces jeunes, beaucoup ne réussissent pas c
r ils ont baissés les bras. »

Moins on en fait, plus on en parle?


Exemple de greenwashing pour faire passer un 4×4 comme non polluant («seulement 173g/km» reste malgré tout une pollution). Merci à Olivier Demaegdt, le créateur de Quotidien Durable.

Dans une étude publiée début avril et menée par Hotwire, agence internationale de relations publiques dans le secteur des technologies, l’Allemagne, pays en tête du changement en faveur de l’environnement, est le pays européen qui communique le moins sur le sujet. En revanche, les entreprises basées en France sont celles qui font le plus appel à ce langage (16,6 %) – contre 7,6 % pour les entreprises allemandes.

Après la France, le classement des pays pour la promotion des initiatives vertes par les entreprises s’établit ainsi : Espagne (12,8 %), Royaume-Uni (11,2 %), Italie (8 %) et l’Allemagne en dernière place.

L’étude de Hotwire portait sur l’importance croissante des stratégies vertes en matière de communication d’entreprise et de leur influence possible sur les achats des consommateurs en Europe. Près de 20 % des communiqués de presse analysés faisaient référence à l’environnement. Les consommateurs européens, à prix égal, préfèrent (dans 73 % des cas) les produits qui sont présentés comme étant plus écologiques.

En ce qui concerne les secteurs, les services publics utilisent le plus le langage vert et ce dans 25,2 % de leurs communiqués de presse. Viennent ensuite, loin derrière, l’industrie (9,8 %), la distribution (7,6 %), les High-Tech (6,5 %) et le secteur des services financiers (5,3 %).

L’audit publié par Hotwire a été réalisé en étudiant auprès de 25 entreprises l’usage du langage ‘vert‘ dans leurs communiqués de presse – le support de communications corporate le plus universel – et en questionnant 500 consommateurs d’Europe sur leur propension à acheter des produits verts.

L’homme est-il un singe comme les autres ?

Oui ! affirme dans son dernier livre Emmanuelle Grundmann, primatologue qui a vécu avec les orangs-outans dans la forêt de Bornéo. Pas tout à fait, pensons-nous.

L’ouvrage comprend près de 200 magnifiques photos présentant souvent côte à côte, et dans des postures semblables, une figure humaine et une figure animale. L’effet est saisissant. Le texte fourmille d’anecdotes, de résultats d’études et de réflexions philosophiques sur ce qui distingue ou rapproche nos deux espèces.


Photos: Dominique Fontenat et Cyril Ruoso

Les singes étant capables d’apprendre, de suivre des règles de conduite, de reconnaître leur image, leurs comportements ont finalement plus de similitudes que de différences avec les nôtres : « L’homme serait bel et bien un singe comme les autres, bipolaire qui plus est, oscillant entre le modèle bonobo et le modèle chimpanzé. (…) Mais est-ce nous qui sommes redevenus des singes ou eux qui sont désormais des humains ? Si l’outil, la morale, la politique, la culture, la bipédie, le rire et la raison ne nous différencient plus des grands singes, comment définir alors le propre de l’homme. Existe-t-il encore ? Et cette question a-t-elle réellement lieu d’être ? ».

La scientifique est portée par la volonté de défendre ces animaux dont elle a étudié de très près le comportement pour sa thèse. En nous réunissant, les singes et nous, en une grande famille humaine (pour elle, ils sont nos « frères »(1) ), elle veut nous réconcilier avec la nature avec qui nous ne faisons qu’un. Nous pouvons ainsi retrouver « une sorte de paradis perdu ». Et « faire enfin preuve de sagesse, de responsabilité et d’humanité » en protégeant effectivement, au lieu de les exterminer, ces primates qui nous ressemblent tant.

Pour Emmanuelle Grundmann, la frontière entre l’homme et l’animal est une « frontière mythique », un « préjugé » que l’observation des primates permet de dissiper : « Plongez votre regard dans ceux de grands singes, et vos doutes, si tant est que vous en ayez encore, s’effaceront ».

Personnellement, tout en reconnaissant l’animalité de l’homme, nous pensons qu’il existe entre l’animal et l’homme une différence de nature. Mais cette différence, essentiellement spirituelle, philosophique et morale, n’est pas à rechercher en opposition avec les animaux, fussent-ils les grands singes. Car effectivement, nous participons, eux et nous, d’une même nature animale.

Seulement, en l’homme (non qu’il y soit pour quelque chose…), la liberté de la pensée et la possibilité de savoir qu’il sait, ainsi que le langage articulé, font de lui un animal aux potentialités infiniment plus riches et diversifiées. Et d’une autre nature (il n’en a pas moins le devoir de tout mettre en œuvre pour respecter une nature, dont il participe effectivement, mais qu’il a jusqu’ici soumise à ses caprices et à ses intérêts).

C’est pourquoi nous n´acquiesçons pas totalement à la conclusion de l’auteure de ce beau livre quand elle dit: « S’interroger sur le propre de l’homme et chercher la réponse du côté des grands singes, n’est-ce pas une manière de s’éloigner des vraies réponses et de la peur indicible qui nous ronge de dévoiler au grand jour notre face obscure ? Le propre de l’homme n’est-il pas simplement à rechercher là, au fond de nous-mêmes, une fois que nous serons arrivés à nous réconcilier avec la nature, avec notre nature ? ».

Nous pensons, en effet, que cela ne suffira pas. Car, selon nous, il y a en l´homme une dimension morale et spirituelle et une potentialité créative qui le différencie des autres êtres vivants. Le simple fait, d´ailleurs, de nous poser la question de l´existence ou non d´une différence entre les animaux et nous nous distingue d´eux absolument.

» E. Grundmann, L’Homme est un singe comme les autres, Hachette Pratique, Paris, 2008, 29,90 €.

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(1) L’éditeur, plus prudent, emploie le mot « cousins ».

La « mémoire de l’eau » : et après ?

Petit rappel historique : le 30 juin 1988, une prestigieuse revue scientifique – Nature – publie un scoop : l’eau serait capable de garder le “souvenir” de molécules dissoutes qu’elle avait contenues, et cela sans que la moindre trace de la molécule soit présente dans l´eau ! D’où l’expression la « mémoire de l’eau », expression qui a fait couler… beaucoup d’encre.


Jacques Benveniste interviewé par terre.tv

L’auteur de l´article, Jacques Benveniste, est un chercheur réputé. Médecin et biologiste, directeur d´une unité de recherche à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm, Unité 200 à Clamart), il est entre autres le découvreur d´une molécule appelée PAF-acéther, un des principaux médiateurs de l´inflammation.

Pour les partisans de l´homéopathie, la découverte est inespérée : si l´eau diluée à l´extrême, jusqu’à ne plus rien contenir de la molécule, peut quand même avoir un effet, cela justifierait le mécanisme d´action des médicaments homéopathiques.

Les hypothèses fleurissent. S’agit-il d’un nouvel état de la matière ? A-t-on découvert un nouveau mécanisme de communication cellulaire ?

Vers la biologie numérique ?

Mais l’histoire se complique : la revue Nature envoie dans le laboratoire une équipe d’enquêteurs dont la composition surprenante (notamment l’illusionniste sceptique américain Randi) et les méthodes inhabituelles dans le monde scientifique choquèrent même certains de ceux qui n’étaient pourtant pas favorables aux thèses que défendait le chercheur.

Dans les années qui suivent, Jacques Benveniste donne à la « mémoire de l’eau » des développements encore plus étranges dont les principaux avatars furent la « transmission électromagnétique » et la « biologie numérique ».

Le « chercheur maudit » (malgré l’extrême rigueur de sa démarche, il est traité d’imposteur et d’illuminé) croit en sa découverte : « Place maintenant à la biologie de l’information, du signal moléculaire rapide comme la lumière, numérisable ». Il en espère une myriade d’applications, comme des détecteurs de pollutions, des médicaments et des vaccins électromagnétiques pouvant être copiés sur disque dur ou transmis par internet, etc.

Il finit par être évincé de l’Inserm avant de continuer ses investigations sur fonds privés puis de disparaître le 3 octobre 2004.

Francis Beauvais chez Benveniste

Francis Beauvais : « Un échantillon d’eau sensé ne pas avoir d’effet et qui produit quand même un effet, c’est intriguant ! ».
Photo : JL ML.

Entré en 1984 comme étudiant en thèse dans le laboratoire de Jacques Benveniste après des études de médecine et de biologie, Francis Beauvais, aujourd’hui rédacteur médical pour l’industrie pharmaceutique, partage d’abord une partie de son temps avec l’équipe « hautes dilutions » du chercheur. C’est pendant cette période qu’a lieu l’« affaire Nature » qu’il relate en détails dans un premier récit (1) . Parti en 1992 vers d’autres horizons, il a ensuite l’opportunité de travailler de 1996 à 2000 à proximité immédiate de l’équipe de J. Benveniste. Sans faire partie de l’équipe mais ayant conservé des liens amicaux avec l’ensemble de ses membres, il est dans une « position privilégiée » pour observer les expériences étonnantes de ses anciens collègues, prêtant à l’occasion main-forte pour une expérience « à l’aveugle ».

Pour Francis Beauvais, il s’est « vraiment passé quelque chose » lors des expériences menées par Benveniste. Et ce quelque chose n’a pas d’explication selon les lois physiques classiques.

Vu les précautions prises, toute idée de fraude peut être exclue.

« Il s´est vraiment passé quelque-chose ! »

Bien que plusieurs systèmes biologiques aient été utilisés par Benveniste et son équipe, le plus spectaculaire est l´appareil de Langendorff qui utilise un coeur de cobaye perfusé en continu par du sérum physiologique. Le sérum irrigue les artères coronaires et est recueilli dans des tubes qui défilent sous le coeur, à raison d´un par minute. On peut ainsi visualiser les variations de débit. Le débit reste constant tant que rien n´est injecté dans le sérum, augmente ou diminue quand on injecte des produits actifs.

Ce qui s´est passé, c´est que des produits supposés inactifs pour la science officielle ont fait réagir les coeurs de manière reproductible, au moins tant que la nature des produits injectés était connue de l´expérimentateur. Parce que dès que les manips étaient faites à l´aveugle, ça ne marchait plus aussi bien.

Malgré ses efforts continus pour éliminer toutes les causes imaginables de biais, jusqu´à construire un robot complètement automatique avec lequel l´expérimentateur n´avait plus qu´à appuyer sur un bouton pour démarrer le cycle d´expériences, Benveniste a toujours buté sur le fait que les effets n´étaient démontrés que lorsqu´il maîtrisait les expériences de A à Z, avec ses expérimentateurs à lui et des échantillons “ouverts” ou codés par des familiers qui s´impliquaient dans l´expérience.

– Avec les coeurs, dès que les échantillons à tester étaient codés par des personnes qui restaient extérieures au “cercle expérimental”, le système biologique ne répondait plus de manière cohérente : des contrôles supposés inactifs pouvaient se montrer actifs, alors que des produits qui étaient actifs en “ouvert” ne l´étaient plus.

– Avec le robot, qui effectuait lui-même le codage, le système répondait comme prévu tant que l´expérimentateur habituel de Benveniste était là, mais après le départ de Benveniste et de son équipe, il n´y a plus eu aucun effet, ni avec les produits supposés actifs, ni avec les témoins.

Éric Lombard

Francis Beauvais : « Tout se passe comme si le résultat réellement observé au cours de l’expérience dépend de ce qui est attendu par l’expérimentateur ».
Photo : JL ML.

Une conclusion générale, selon lui, s’impose à la lecture des faits, une conclusion que s’était refusé de tirer Jacques Benveniste : « Tout se passe comme si le résultat réellement observé au cours de l’expérience dépend de ce qui est attendu par l’expérimentateur. » Ou, en d’autres termes, « il existe une corrélation entre l’état mental et les a priori de l’expérimentateur et les résultats fournis par le système expérimental ».

« Comme le chat du Cheshire »

Difficile à croire ?

Lui-même a du mal à prononcer cette formulation qui pourrait laisser croire à l’existence de liens, d’influences plus ou moins magiques entre la pensée de l’observateur et l’objet de son étude. Ce serait la porte ouverte à la parapsychologie, à des conceptions faisant intervenir des forces occultes incontrôlables et invérifiables.

Pourtant, dans un deuxième ouvrage(2) récemment paru, Francis Beauvais expose et développe cette vision des choses. Benveniste ayant été un scientifique de talent, ses manipulations sur la paillasse ne peuvent être traitées par le mépris ou tout simplement ignorées, comme c’est le cas aujourd’hui. Elles méritent une explication. Mais pas forcément selon la grille de lecture de leur concepteur initial.

« Comme le chat du Cheshire dans Alice au Pays des Merveilles, suggère Francis Beauvais, les “phénomènes liés à la mémoire de l’eau” avaient une fâcheuse tendance à s’évanouir dès lors que l’on cherchait à les “localiser” trop précisément. N’en restait plus alors que le “sourire”, promesse de futurs résultats censés être définitifs mais également source de nouvelles désillusions ».

Renoncer à la « mémoire de l’eau »

Pour Francis Beauvais, il faut renoncer à l’hypothèse de la “mémoire de l’eau” telle qu’envisagée par Jacques Benveniste. Car celle-ci repoussait toujours à des tests ultérieurs l’essai crucial qui aurait permis de démontrer que, structurellement, l’eau conservait l’information électromagnétique de la molécule que cette information soit le résultat d’une « haute dilution » ou d’une « transmission ».

Il y a bien un effet, tangible, mesurable, qui apparaît au cours de l’expérience, mais cet effet ne peut être analysé comme une « structuration de l’eau » : « Le fait scientifique qui émerge de la “mémoire de l’eau” serait donc celui-ci : les expériences marchaient tant qu’on ne cherchait pas à les utiliser dans un dispositif qui aurait permis de transmettre une information ».

Car alors des « discordances cohérentes » (4) se font jour, malgré les corrélations établies entre la cause supposée (un échantillon d’eau censé avoir été « informé ») et le résultat du test.
Il y a bien une réponse du système biologique mais cette réponse apparaît étonnamment monotone : la sensibilité du système pour détecter le signal hypothétique et l’amplitude de la réponse ne semblent pas dépendre du support physique du « message » et de la nature de ce dernier. Surtout, si l’on souhaite « communiquer » avec un observateur complètement « extérieur » au dispositif expérimental dans son ensemble pour utiliser les corrélations constatées, celles-ci s’estompent.

C’est ce qui s’est produit de nombreuses fois, empêchant l’équipe de Benveniste de faire reconnaître sa démarche par des observateurs externes.

Cela peut paraître totalement farfelu. On peut comprendre que l’échec de la preuve ait été attribué généralement à des soupçons de fraude, d’artefacts ou de biais de procédure.

Une interprétation « quantique »

Francis Beauvais, qui ne peut plus douter qu’il s’est réellement passé quelque chose de troublant à Clamart, a peu à peu élaboré une interprétation originale qui « colle » avec les résultats de Benveniste. Celle-ci fait appel à des notions empruntées à la physique quantique.

A l’échelle de l’infiniment petit, la matière n’est plus composée d’objets localisés avec précision, mais d´entités dont les propriétés sont régies par des lois de la probabilité. L´observateur fait cesser la superposition d´états tous probables. Avant l´observation, le chat de Schrödinger(5) est à la fois vivant et mort, après, il est l´un ou l´autre. L´observateur fige la particule en l´un de ses états probables.

C’est ce rôle privilégié de l’observateur en physique quantique qui a conduit Francis Beauvais à recourir à cette dernière pour accepter de penser que les résultats concernant les expériences de Benveniste dépendent plutôt de « l’idée qu’on se fait de ce que devraient être les résultats de l’expérience ».

Francis Beauvais évoque également la non-séparabilité ou non-localité, phénomène de la physique quantique qui a pour conséquence que deux particules corrélées (jumelles) ne forment plus qu’une seule entité, toute action sur l’une ayant un effet instantané sur l’autre, quelle que soit la distance qui les sépare.

Ainsi, la « configuration cérébrale » des expérimentateurs, dans le cas des « phénomènes de Clamart », serait liée par un « canal quantique » avec l’état final attendu. Non pas une influence dans le sens causal du terme, mais une relation d’unité entre les deux, entre l’état mental (c´est-à-dire une configuration cérébrale donnée) et le résultat.

« Tout éventuel fantasme d’un “pouvoir” que pourraient conférer les corrélations non-locales à celui qui les maîtriseraient doit être oublié, précisément à cause de cette absence de relation de cause à effet, prévient Francis Beauvais. Les phénomènes non-locaux ne permettent pas d’agir, car agir et ne pas agir selon un ordre donné autoriserait la transmission d’informations, ce que récuse formellement la non-localité. En revanche, habilement utilisés, les phénomènes non locaux peuvent permettre de corréler des événements ».

Réenchanter le monde

D’où l’aspect très « perturbant » et « frustrant » des découvertes de Benveniste : la très grande difficulté à « prouver » (qui implique une relation de cause à effet) : « L’observateur se réjouit de constater que ses idées sont confirmées par ce qu’il perçoit ; ce qu’il perçoit n’est toutefois que le reflet de ses propres idées dans le “miroir de l’eau”. Lorsqu’il cherche à en convaincre d’autres observateurs, c’est l’échec si ces derniers cherchent à vérifier en restant “extérieurs” au système car les corrélations non-locales n’autorisent pas la transmission des informations qui permettraient d’établir l’existence d’une relation causale. […] Faire émerger des corrélations non-locales nécessite des observations minutieuses et empathie avec l’objet “observé”. Le « je » conscient n’est alors plus séparable de ce qu’il observe. Il faut être bien conscient que ces considérations sapent d’une certaine façon le caractère supposé universel de la démarche expérimentale classique qui postule l’indépendance entre l’observateur et son sujet d’étude ».

On comprend pourquoi les expériences de Benveniste restent très mal reçues dans la communauté scientifique mécaniste. Etudiées honnêtement, elles obligent à sortir des schémas classiques véhiculés, y compris en biologie, depuis des décennies. Ce qui est difficile, même à une tête scientifique…

Reste encore à valider l’hypothèse avancée par Francis Beauvais, en effectuant d’autres expériences pour vérifier si dans certaines situations expérimentales des corrélations non-locales peuvent surgir, établissant ainsi des corrélations entre les attentes ou les aprioris de l’expérimentateur et les résultats observés. Ou en recensant, par exemple, des observations similaires qui auraient déjà été faites en d’autres domaines mais qui n’auraient pas été poursuivies parce que trop étranges.

Pour Francis Beauvais, la « focalisation sur l’eau et la fascination qu’elle exerce [ont] détourné l’attention d’un autre phénomène encore plus captivant et inattendu », grâce auquel « nous pouvons espérer réenchanter le monde ».

» Une interview de Jacques Benveniste.

» Le site de Francis Beauvais.

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(1) F. Beauvais, L’Âme des molécules, Collection Mille Mondes, 2007.

(2) F. Beauvais, A travers le miroir, au-delà de la « mémoire de l’eau », Collections Mille Mondes, 2008.

(3) Tous ne renoncent pas : le professeur Luc Montagnier, co-découvreur du virus du sida, a déposé deux brevets, au nom de sa société Nanectis Biotechnologies, faisant appel à la mémoire de l’eau. Un ancien collaborateur de Benveniste, Jamal Aissa, travaille d’ailleurs avec lui.

(4) Des « diableries ! » s’exclamait parfois à leur sujet Jacques Benveniste.

(5) L´expérience du chat de Schrödinger fut imaginée en 1935 par le physicien Erwin Schrödinger, afin de mettre en évidence des lacunes supposées de l´interprétation de Copenhague de la physique quantique.

Où voir des dinosaures?

Mettez un peu de culture dans vos loisirs en allant voir, avec vos enfants ou vos amis, les restes de ces géants qui nous ont précédés sur Terre.

De nombreux musées d’histoire naturelle conservent des restes de dinosaures. La liste donnée ici mentionne avant tout les musées français exposant des fossiles de dinosaures de façon plus ou moins permanente.

Parallèlement, nombre d’autres musées montrent des restes de reptiles mésozoïques autres que des dinosaures. Appelé anciennement « ère secondaire », le mésozoïque est une ère géologique qui s´étend de – 251 à – 65,5 millions d´années, et au cours de laquelle apparaissent des espèces de mammifères et de dinosaures.

Il existe aussi quelques sites de plein air où l’on peut voir des pistes de dinosaures ou des chantiers de fouilles.

Reconstitution du grand théropode jurassique de Plaimbois-du-Miroir au Muséum Cuvier de Montbéliard (Doubs).
Reconstitution du grand théropode jurassique de Plaimbois-du-Miroir au Muséum Cuvier de Montbéliard (Doubs).

Musées

Musée des Dinosaures, Espéraza (Aude). Le musée, entièrement consacré aux dinosaures, met l’accent sur ceux du Crétacé supérieur du Sud de la France. Il propose aussi une importante collection de moulages de squelettes venant du monde entier.

Muséum National d’Histoire Naturelle, Paris. La galerie de paléontologie présente divers dinosaures français, dont le Compsognathus de Canjuers, le sauropode de Damparis et des spécimens du Crétacé supérieur de Provence, en plus de nombreux fossiles et moulages de toutes les régions du monde.

Muséum d’Histoire Naturelle du Havre (Seine-Maritime). Présente notamment le stégosaure Lexovisaurus, du Jurassique du Calvados.

Muséum d’Histoire Naturelle de Lille (Nord). Dinosaures jurassiques du Boulonnais.

Muséum Cuvier, Montbéliard (Doubs). Pour le grand théropode jurassique de Plaimbois-du-Miroir.

Muséum d’Histoire Naturelle, Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône). Importantes collections d’ossements et œufs de dinosaures provenant de Provence.

Muséum d’Histoire Naturelle, Marseille (Bouches-du-Rhône). Possède 81 000 échantillons de paléontologie, entre autres des spécimens historiques décrits par Matheron.

Musée de Cruzy (Hérault) : présente les abondants restes de vertébrès du Crétacé supérieur, dont de nombreux dinosaures, trouvés dans les riches gisements aux environs du village.

Musée de Millau (Aveyron) : importante collection d’empreintes de pas de la région des Causses.

Sites de plein air

Coisia (Jura) : le long d’une route à la sortie du village on peut voir une dalle rocheuse couverte d’empreintes de pas de sauropodes du Jurassique terminal.

Saint-Laurent-de-Trèves (Lozère) : à l’intérieur du Parc National des Cévennes, un site à pistes de théropodes du début du Jurassique.

Campagne-sur-Aude (Aude) : en été, les fouilles effectuées par le Musée des Dinosaures d’Espéraza dans un gisement de dinosaures du Crétacé supérieur au-dessus de ce village sont ouvertes au public. Source : geowiki)

Bruxelles

La nouvelle Galerie des Dinosaures

Inaugurée en octobre dernier, elle occupe l´aile Janlet entièrement rénovée du muséum des Sciences naturelles. Cet espace rénové de 3 000 m2 met en lumière 35 squelettes complet, originaux et moulages confondus: Iguanodon, Diplodocus, Ultrasaurus, Olorotitan, T. rex, Parasaurolophus, Pachycephalosaurus…

Bien d´autres fossiles de dinosaures sont également exposés, parmi lesquels des crânes, des œufs, des fragments de squelette et des empreintes de pas, mais aussi des fossiles d´animaux contemporains des dinosaures comme les tortues, ammonites et autres mammifères primitifs. L´exposition ambitionne de devenir une référence dans le domaine de la vulgarisation biologique et éthologique des dinosaures.

La nouvelle Galerie des Dinosaures offre une vision modernisée de fossiles de dinosaures mais aussi de leur mode de vie et de leur évolution.

 

» Téléchargez cette fiche sur les dinosaures en France.

Diarrhées du nourrisson : que sait votre médecin?

Que faire en cas de diarrhée aiguë du nourrisson (moins d’un an)? Assurez-vous que votre médecin est bien informé. Curieuse réponse? Certes, mais non dépourvue de fondement. Une étude(1) de l’Institut national de veille sanitaire (InVS) a en effet montré que les médecins généralistes abusaient de prescriptions pouvant constituer un risque pour les enfants.

L’étude de l’InVS du 18 mars 2008 publiée dans le BEH n° 12, révèle que beaucoup de médecins prescrivent, en contradiction avec les recommandations officielles, des médicaments pouvant constituer un risque pour les enfants.

Les recommandations pour la prise en charge de la diarrhée aiguë de l’enfant sont pourtant claires : agir conformément à « l’avis du 22 septembre 2006 du Conseil supérieur d’hygiène publique de France relatif aux vaccins contre le rotavirus ».

Ce texte donne les recommandations suivantes : « Administrer un soluté de réhydratation orale (SRO) pour corriger la déshydratation en 4 heures, reprendre l’alimentation normale dès la 4e heure avec maintien de l’apport d’un SRO et poursuivre l’allaitement maternel, éviter l’utilisation de médicaments qui ne sont pas nécessaires ».

En outre, il déconseille de vacciner tous les nourrissons de moins de 6 mois contre le virus(2). Pour deux raisons : la gastro-entérite à rotavirus n´est qu´une partie des gastro-entérites virales aigües et il existe des solutions de réhydratation orale (SRO) qui sont un moyen très efficace pour lutter contre la déshydratation des nourrissons. Car ce n´est pas le rotavirus en lui même qui est dangereux, mais la déshydratation liée à la gastro.

L’étude de l’InVS constate « qu’en dépit de ces recommandations, des médicaments symptomatiques sont aussi prescrits : ralentisseurs du transit et anti-sécrétoires (RT), microorganismes antidiarrhéiques (PM), antiseptiques intestinaux (ATSI), anti-émétiques (AE), adsorbants (AD) et spasmolytiques (S). »

Les chercheurs ont enregistré, entre 2004 et 2006, « 373 cas de diarrhée traités avec du lopéramide. Ce médicament, analogue structurel des opiacés, est contre-indiqué avant l’âge de 2 ans en raison du risque d’effets indésirables de type iléus paralytique, voire de perforation digestive, et d’effets sur le système nerveux central pouvant aller jusqu’à la dépression respiratoire ou au coma. (…) Du nifuroxazide, contre-indiqué avant 2 ans en raison d’effets indésirables de type allergique, a été prescrit dans 1 351 cas ».

Le traitement recommandé par le SRO n’a été retrouvé que dans 50% des cas. «L’absence de prescription de SRO est significativement plus élevée si la prescription émane d’un médecin de ville plutôt que d’un médecin hospitalier et d’un généraliste plutôt que d’un pédiatre. »

Selon l’étude de l’InVS, la diarrhée aiguë représente un enjeu important de santé publique dans le monde. En France, le taux d’incidence annuel des gastro-entérites est estimé à 17 pour 100 nourrissons âgés de 1 à 5 mois et de 35 pour 100 nourrissons âgés de 6 à 11 mois. Le nombre annuel de décès liés au rotavirus chez les nourrissons de moins de 5 ans est estimé à 14.

Bien que les vaccins (le Rotarix et le Rotateq) ne soient pas recommandés par les autorités de santé, beaucoup de familles ont été informées dès l’obtention d’AMM (autorisation de mise sur le marché) et ont souhaité faire vacciner leur enfant. D’importants blogs très lus par les mamans ont relayé l’information en incitant à cette vaccination.

Le site Doctissimo, quant à lui, affirme que, « aux yeux des experts, la vaccination représente aujourd’hui le seul moyen (nous soulignons, ndlr) de réduire le nombre de morts et les hospitalisations. Deux vaccins existent aujourd’hui contre la gastro-entérite à rotavirus. Un vaccin de plus pour nos bambins, s’inquiéteront les parents depuis longtemps perdus dans les affres du calendrier vaccinal… Ces deux vaccins, administrables dès l’âge de 6 semaines, ont toutefois l’avantage de se présenter sous forme buvable, avec des administrations calquées sur le calendrier vaccinal existant en France ».

Or, la vaccination n’est pas « le seul moyen » de réduire le nombre de malades et de morts. Ce n´est qu´un moyen de prévention parmi d´autres. Et les vaccins en question ne sont pas dans le calendrier vaccinal…

Informations complémentaires: blog de Bernard Guennebaud.

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(1) Cette étude a porté sur 63 591 cas enregistrés chez des nourrissons de moins d’un an, entre 2004 et 2006 en région Rhône-Alpes et identifiés à partir de la base des remboursements de l’Assurance maladie.

(2) Comme ces vaccins ne peuvent être utilisés au delà de 6 mois cela revient à dire « pour tous ».