Entreprises et collectivités territoriales développent de nouvelles stratégies pour prévenir les risques psychosociaux et favoriser le bien-être au travail. Le temps de la douceur a-t-il sonné ?
Suicides chez France Télécom, Renault, Thales, à l’ONF, dans la police… Les médias se font de plus en plus l’écho de ces drames qui émaillent aujourd’hui la vie de nombreuses organisations. Face à eux, une prise de conscience émerge enfin qu’au-delà des obligations réglementaires, des stratégies peuvent être élaborées pour accompagner les salariés et les cadres. En effet, on se rend compte que « l´absentéisme, le turn-over, le manque de motivation ou d´implication, le stress des salariés sont très fortement liés à la politique de ressources humaines ou aux pratiques de management ».
Dans un numéro spécial Bien-être au travail, la lettre d’infos du Comité 21, n° 127, présente les initiatives de quelques uns de ses adhérents. Le défi est ambitieux : donner du sens au travail de chacun, repenser l´organisation, valoriser la qualité du management, cultiver le “vivre ensemble”.
Cliquer sur l´image pour télécharger la Lettre Spécial Bien-être au travail.
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Ne pas créer de mal-être et de souffrance au travail est la première responsabilité d´un employeur : le code du travail définit les obligations des employeurs relatives à la protection de la santé et aux « droits à la dignité » de la personne au travail. Par ailleurs, l´ISO 26000 définit les lignes directrices de la responsabilité sociétale des organisations en matière de santé/sécurité au travail et de développement du capital humain. |
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Sophrologue et yogathérapeute pour accompagner les salariés
Dans son programme Diversity « Egalité des chances, progrès social, engagement », Suez Environnement s´est engagé, avec des objectifs chiffrés, à assurer la qualité de vie au travail en préservant l´intégrité des personnes et des biens. Outre le confort de services de conciergerie et de crèche, un poste inédit de responsable santé et bien être au travail a été mis en place en 2011.
A côté du service médical classique (médecin du travail et infirmière), le Groupe a recruté une praticienne au profil atypique en entreprise : sophrologue et yogathérapeute. La démarche personnalisée qu´elle engage avec ses patients collaborateurs leur permet « de découvrir leurs potentialités, de s´appuyer sur leurs propres ressources pour s´épanouir dans leur environnement quotidien. Le but est également d´accompagner le changement, prévenir les risques psychosociaux, travailler avec les managers pour identifier les situations à risque le plus tôt possible, mettre en place une écoute active, proposer une aide et des actions de prévention ».
Développer un management “biocompatible”
Jacques Fradin, comportementaliste et cognitiviste, directeur de l´Institut de médecine environnementale (IME, Paris), institut de recherche interdisciplinaire dans les domaines des risques psychosociaux et de la performance socio-organisationnelle, explique :
« Les organisations ne peuvent garantir le bien-être au travail. Mais elles peuvent œuvrer à la mise en place et au respect des conditions nécessaires au bien-être et à la santé durables de leurs salariés. Cela suppose notamment le développement d´une organisation et d´un management “biocompatibles”…
« Nous entendons par “biocompatibilité” les caractéristiques universelles qu´un poste, une organisation et un management doivent posséder pour être compatibles avec le fonctionnement du cerveau humain, indépendamment des compétences ou qualités personnelles de chacun. Le maître mot en ce domaine est “cohérence” : au même titre que le stress individuel résulte largement d´attitudes décalées (manque d´acceptation ou de recul, de réflexion ou d´opinion personnelle…), le stress organisationnel ou managérial est induit par des “missions impossibles”, comme d´assumer des responsabilités sans le niveau d´autonomie nécessaire pour y parvenir ! »
« La plupart de ces dysfonctionnements sont structurels et anonymes, ils ne sont ni voulus ni contrôlés par personne. Apprendre à les identifier et à les résoudre devrait faire partie des nouvelles fonctions des managers. Or le potentiel à libérer est considérable ! C´est un véritable Eldorado à découvrir… » |
Musique, potager et poulailler contre le stress
La petite agence de communication [id-pop] a misé, dès sa création, sur le télétravail et des horaires souples ont été instaurés. Les collaborateurs peuvent, au minimum un jour par semaine, être en télétravail. Cela permet de limiter les transports tout en profitant un peu plus de chez soi ou de sa famille. Tous les outils nécessaires (outils en ligne, serveur, etc.) pour collaborer à distance ont été mis à disposition des salariés. La taille réduite de l´agence, la configuration du local et le jardin ont permis d´organiser un « bien-être au travail » avec la mise à disposition de matériel de musique pour en jouer librement, la possibilité d´écouter de la musique, de faire la cuisine et de profiter de pauses collectives dans le jardin.
Par ailleurs, l´agence a créé un potager et un poulailler gérés par les salariés pour leur plus grand bonheur. Chaque fin d´année, une pause détente (massage, hammam, etc.) est offerte aux salariés.
Développer le « savoir être au travail »
Pour faciliter les changements durables au sein de leurs organisations, Altamire et son partenaire proposent Potencial, une plateforme de formations intégrant les derniers apports scientifiques et méthodologiques issus des sciences humaines, neurosciences et technologies de l´information. Construits pour développer le « savoir être au travail » comme un réel savoir-faire, les parcours Potencial permettent de s´entrainer à mieux gérer son stress individuel et relationnel, optimiser son temps, comprendre les motivations profondes d´action, préserver un équilibre vie professionnelle/vie privée, développer ses compétences de manager-coach…
Une expérimentation originale sur la qualité de vie au travail
Le Groupe Afnor lance avec ses partenaires une expérimentation unique et originale en France sur la « Santé et la qualité de vie au travail » en coopération avec le Québec, qui a une longueur d´avance sur ces sujets. Objectif : concevoir et mettre en oeuvre une démarche de construction de la santé et du mieux-être au travail. Elle sera déployée en 2012-2013 sur la région Aquitaine.
De même, en interne, le Comité d´entreprise a financé la sensibilisation de l´ensemble des représentants du personnel à la responsabilité sociétale et en particulier à son volet social : le sens et les valeurs, le dialogue et la cohésion sociale, le bien-être au travail…
« No stress » en web-série
Planète Bureau, « la web-série qui met le DD en boîte », produite par l´agence ICOM, propose une approche originale du développement durable au travail. Elle s´attaque aux risques psychosociaux et lance le 13 mars prochain un épisode sur le stress au travail : « No stress ». L’épisode aborde ces sujets sérieux et polémiques avec humour et légèreté, permettant de faire passer les messages clés en douceur : besoin de formation, de valorisation, gestion du temps, pistes de prévention… Une fiche ressource, élaborée par la Carsat Midi-Pyrénées (Assurance maladie section risques professionnels), accompagne cet épisode afin d´aller plus loin et de donner les liens pour agir.
Surveiller les situations personnelles et collectives préoccupantes
Dans le cadre de son nouvel Agenda 21, le conseil général du Finistère veut « favoriser le bien-être au travail » de ses 3 800 agents grâce à une démarche qualité de vie au travail. Durant 18 mois, sous l´égide d´un comité de pilotage comprenant le comité hygiène et sécurité (CHS), un chef de projet anime une démarche interne, participative et paritaire. Un état des lieux de la qualité de vie au travail et un plan d´actions ont été mis en place. Objectifs : préserver des facteurs existants favorisant le bien-être au travail ; améliorer tout ce qui peut l´être, dans le cadre des moyens dont dispose la collectivité ; développer la prévention des risques concernant tous les domaines liés au travail. Par exemple, un atelier participatif animé par trois agents volontaires, dont un représentant du personnel, fait des propositions pour garantir la prise en compte et le traitement des « situations individuelles préoccupantes ». Dans le même temps, un groupe de travail du CHS propose la même chose mais en matière de « situations collectives préoccupantes ».
Engagés en faveur du bien-être
Une dizaine d´entreprises dont GDF Suez, Schneider Electric, la Ratp, Areva, Danone, Thalès, La Poste, Malakoff-Médéric, ainsi qu´une dizaine de partenaires sociaux avec le soutien de différents partenaires, a signé l’engagement « en faveur du bien-être au travail et du droit universel à la santé » présenté par l´Observatoire social international (OSI). Cet engagement a créé une dynamique faisant du travail « un facteur de santé, d´épanouissement personnel et collectif, de réalisation de soi et de performance pour l´entreprise, à l´opposé d´une logique de risque psychosocial ».
En 2012, l´OSI organise avec l´Anact une session nationale d´échanges entre partenaires sociaux « Comment passer du travail vécu comme risque au travail conçu comme source de santé et d´efficacité ?».
Développement personnel et massages pour les salariés
Utopies suit une logique simple : lorsque l´on se soucie de son équipe de salariés, on la rend plus confiante, plus stable et enthousiaste dans son travail. Ainsi, elle a mis en place diiérentes dispositions en faveur du développement personnel de ses salariés. Par ailleurs, Utopies réserve le calme maximal aux bureaux qui sont aménagés de façon propice au travail et au respect de chacun, tandis que les salles de réunion sont utilisées pour les discussions, appels et conférences téléphoniques. Enfin, un professeur de yoga est disponible une fois par semaine ; des séances de massages assis sont offertes tous les quinze jours dans un espace dédié. Un baromètre interne a été mis en place afin de rester à l´écoute des salariés de l´entreprise.
Former les étudiants au bien-être
L´Escem introduit un nouveau module de trente heures au sein de son Master de gestion et d´administration du développement durable. Celui-ci porte entre autres sur le développement de compétences humaines telles que la confiance en soi, la gestion du stress, la créativité, l´adaptabilité. L´éclosion de ses compétences vise à l´épanouissement professionnel des étudiants, mais aussi à la recherche d´un bien-être personnel nécessaire à cet épanouissement.
Un des éléments importants de ce module est la construction d´un suivi du bien-être des étudiants par un outil de diagnostic permettant de cartographier ses propres compétences. L´étudiant qui mesure son propre bien-être peut alors cibler plus facilement les compétences dites « soft » qu´il doit développer. Cette démarche invite l´étudiant à projeter lui-même sa capacité de bien-être dans son environnement de travail.
Des congés solidaires aidés
L´association Planète Urgence permet aux collaborateurs d´entreprises de s´engager pour une mission de solidarité internationale de deux à trois semaines, effectuée sur leur temps de congés payés, avec le soutien financier de l´employeur. C´est le principe du Congé Solidaire, qui a déjà permis à 6 000 citoyens non experts de la solidarité Nord-Sud, mais riches de compétences utiles, de partir en mission à travers le monde. Ac
uellement, 85 entreprises sont partenaires du programme.
Pour l&acut
;entreprise, les bénéfices sont multiples : renforcement du lien avec les salariés autour de valeurs fortes, amélioration de l´image (interne et externe), expression de la responsabilité sociétale à travers un angle singulier et innovant, enrichissement de la culture d´entreprise…
>> Les initiatives que nous évoquons ici n´ont pas été vérifiées par la rédaction. Elles sont reportées comme exemples positifs d´une volonté de traiter concrètement ces nouvelles préoccupations.