Suicides : près de 13 000 en France

L’exposition Le suicide en face se tient jusqu’au 6 avril, à la Cité des sciences et de l’industrie à Paris. Conçue avec l’appui de psychiatres, psychologues, épidémiologistes, sociologues, neurobiologistes, généticiens et de membres d’associations de prévention, elle vise à faire comprendre au public les multiples enjeux posés par cet acte toujours énigmatique et provocant.

Voici une sélection de faits et de chiffres tirés du dossier présenté au public:

– 10 713 personnes ont mis fin à leurs jours en 2005 selon les derniers chiffres de l'Inserm. Soit, si l’on complète ce chiffre par les 20 % de décès volontaires non officiellement répertoriés (cause inconnue, etc.), environ 12 900 suicides chaque année en France.

– Le suicide est la première cause de mortalité chez les 35-44 ans, avec un «pic» à 46 ans, «l'âge de la maturité et des ruptures», selon l’Union nationale pour la prévention du suicide (Unps). Les cinquante dernières années ont vu augmenter de manière considérable le taux de suicide des jeunes adultes entre 20 et 40 ans. Par rapport à leurs aînés, les jeunes doivent dorénavant faire face à une insécurité sociale et professionnelle et ce, dans un contexte marqué par le culte de la performance et l’obsession de la réussite.

– Selon le Conseil économique et social, 330 à 400 salariés se suicideraient ainsi en France chaque année sur leur lieu de travail.

– Chaque année, l'idée du suicide traverse l'esprit de 3,5 millions de personnes, sans passage à l’acte.

– 3 suicides sur 4 concernent des hommes. Mais les femmes font 4 à 5 fois plus de tentatives de suicide que les hommes. Le fait d’être femme semble avoir un effet protecteur. Presque partout dans le monde, les femmes se suicident beaucoup moins que les hommes, alors que leur statut, en particulier professionnel, se rapproche de plus en plus de celui des hommes. Hypothèse : leurs responsabilités particulières auprès de leurs enfants et petits-enfants les rendent moins vulnérables.

– La France est l'un des pays industrialisés qui connaît un des plus hauts taux de suicide.

Désamorcer «la bombe à souffrances»

Suicide: des Issues de secours, un livre de Bertrand VerfaillieSi le nombre de suicides en France, a tendance à se stabiliser et à baisser légèrement, il reste encore un des plus élevé en France dans les pays industrialisés. Or, «la bombe à souffrance peut être désamorcée», soutient Bertrand Verfaillie, journaliste, dans son ouvrage "Suicide : des issues de secours", Buchet/Castel , Paris, 2007. Il faudrait pour cela regarder le phénomène en face, déchirer les derniers voiles du tabou et sortir des représentations simplistes.

Il faut «accepter qu’il n’y ait pas de remède miracle mais une pluralité d’approches et de réponses à combiner entre elles. Démonter le mythe de la toute-puissance médicale : d’abord, parce que le système de santé générale et de santé mentale français est perclus de manques, d’inégalités territoriales, de pesanteurs, de restrictions ; ensuite, parce que la prise en charge thérapeutique n’est qu’un des aspects de l’aide à apporter aux personnes tentées par le suicide ; enfin, parce qu’il est sot et injuste de laisser à une seule catégorie professionnelle le soin de gérer un problème de société. (…) Malgré des acquis significatifs, la solitude, le cloisonnement et l’improvisation, avec ses promesses et ses dangers, continuent de prévaloir dans l’ensemble des entreprises relatives au suicide dans notre pays. Nous pouvons mieux faire».

Passer d’une société anxiogène parce qu’égoïste et injuste à une société de solidarité, de coopération et de compréhension est en fait l’affaire de tous et de chacun. Éveiller partout le goût de la vie est une tâche exigeante qui ne s’impose à personne. Mais qui peut être enthousiasmante quand on récolte les fruits portés…

– Selon l’Organisation mondiale pour la santé (OMS), en l'an 2000, environ 1 million de personnes se sont suicidées et 10 à 20 fois plus ont fait des tentatives de suicide à travers le monde. Soit en moyenne une mort toutes les 40 secondes et une tentative toutes les 3 secondes.

– En Chine, en Inde ou en Afghanistan, le suicide apparaît parfois comme la seule porte de sortie pour des jeunes femmes mariées de force et soumises à la violence de leur belle famille. La Chine est le seul pays au monde où le suicide féminin l'emporte sur le suicide masculin.

– Certaines catégories de population sont plus exposées au suicide que d'autres : veufs, divorcés et célibataires se suicident plus que les personnes mariées. De même, il y a sept fois plus de suicides parmi les détenus que dans la population générale. Certaines professions sont plus touchées que d’autres : militaires, policiers, médecins, agriculteurs, employés.

– Un tiers des homosexuels seraient victimes d'actes homophobes. Ils seraient cinq fois plus nombreux que les hétérosexuels à faire une tentative de suicide.

– Les jeunes qui font une tentative de suicide sont également ceux qui multiplient les conduites à risque (jeux dangereux, comme le jeu du foulard, l'abus d'alcool ou de drogues illicites, prise de risque motorisé, fugue, boulimie, anorexie). Plus celles-ci démarrent tôt (avant 15 ans), plus le risque de tentative de suicide est grand.

– On se suicide davantage en temps de paix qu’en temps de guerre, le lundi que le week-end, au printemps qu’en hiver, lors des crises économiques et dans les pays riches.

– Baisse de la fécondité, augmentation des divorces, diminution de la pratique religieuse favorisent également le suicide.

– Plusieurs études suggèrent un lien entre la prise de médicaments psychotropes et la tentative de suicide, voire le suicide, en particulier chez les jeunes.

 

Info ou promo ?

La publicité et ses avatars se glissent insidieusement dans les contenus d’information. Aussi est-il utile d’aider les citoyens à décrypter leurs médias. Pour ce premier numéro d’Ouvertures, voici une rapide analyse à partir de deux exemples récents puisés dans la presse écrite quotidienne.Direct Soir, la promo décomplexéeDirect SoirLe quotidien gratuit Direct Soir (groupe Bolloré) publie à chaque édition deux pages rubriquées “Economie”. Sous cet intitulé, le lecteur pourrait s’attendre à des articles ou des enquêtes sur le chômage, les délocalisations, le pouvoir d’achat, etc. En fait, il ne reçoit que la promotion pure et simple de produits de consommation. Cinq exemples au hasard:

– Le 8 janvier : “Xerox : Copie conforme” : présentation du fameux photocopieur.
– Le 15 janvier : “Email Diamant : le précieux dentifrice”.
– Le 17 janvier : “Eau Sauvage : le souffle de l’élégance”.
– Le 18 janvier : “Smoking pour femme : La révolution selon Saint-Laurent”.
– Le 1er février : “Mag-Lite : Et la lumière fut” : la fameuse lampe torche.A chaque fois, l’article est accompagné d’une interview et de quelques brèves soit sur le produit lui-même, soit sur les “Acteurs du marché”, c’est-à-dire les concurrents. La confusion entre promotion et information est assurée…
A signaler également qu’il est impossible de trouver le nom d’un journaliste dans le journal, ni à la fin des articles en signature, ni dans l’ours (encadré contenant les indications légales).
L’homme d’affaires Vincent Bolloré, ami du président Nicolas Sarkozy, contrôle la chaîne de télévision Direct 8, deux quotidiens gratuits, Direct Soir et Matin Plus, l’agence de publicité Havas, dont il est le premier actionnaire, et l’institut de sondages CSA. Il tente actuellement de reprendre, avec l’ancien P-DG de l’Agence France-Presse Bertrand Eveno, le service français de l’agence de presse AP.
Mais la tendance à accueillir de la promotion et à la présenter sous forme d’information ne se limite pas à ces nouveaux médias gratuits regardés par certains avec condescendance. Même les plus sérieux de nos quotidiens sont touchés par cette mode.

Le Monde, la promo subtile
L‘installation de Nespresso, cet hiver, sur les Champs Elysées parisiens n’a certainement échappé à personne, tant la presse a largement “couvert” cet événement. Et en des termes laudateurs sinon admiratifs. Dans le Monde du 14 décembre 2007, la journaliste évoque «la stratégie du pionnier de la capsule individuelle de café» et le «positionnement dans des endroits prestigieux». Elle écrit : «Son pari réussi, faire passer le banal café pour un produit de luxe, fait déjà de Nespresso l’une des success story marketing des dernières années». Et bien sûr, au centre de l’article, figure le sourire charmeur de l’icône choisie pour lancer cette campagne, l’acteur George Clooney.
Deux jours plus tard passe une publicité, sur une page entière et en couleurs, pour Carte Noire sous le titre : «Savez-vous que le café contient naturellement des anti-oxydants ?» qui peuvent «contribuer à renforcer les cellules de votre corps». Et, le 19 décembre, une page de publicité entière consacrée à Nespresso s’installant près de l’Arc de Triomphe.
Le 20 décembre, nouvel article sur «Machines et dosettes : le nouveau snobisme du café», dans lequel la journaliste explique que «les fabricants parviennent ainsi à enrayer la baisse des ventes de cette boisson».
Cette débauche de promotion sans aucune distance pour le café et ses fabricants est en soi déjà difficilement acceptable. Le propre de l’information journalistique est d’avoir un certain recul par rapport aux pouvoirs, qu’ils soient économiques ou politiques.
En outre, l’impasse est presque faite sur les aspects négatifs de cette boisson. Heureusement pour notre grand quotidien de référence, l’honneur est sauvé par cet entrefilet de 18 lignes dans l’édition du 23 janvier. Il y est indiqué que, selon une étude scientifique (parue dans la dernière édition en ligne de l’American Journal of Obstetrics and Gynecology), la caféine augmente le risque de fausse couche. Les femmes «qui consomment au moins deux tasses de café par jour ont deux fois plus de risque de faire une fausse couche» que celles qui n’en prennent pas. Le Monde ne précise pas que les auteurs de l’étude recommandent aux «femmes enceintes d’arrêter de consommer des boissons caféinées»
Le journal aurait pu aussi ajouter, à un moment ou à un autre, que le café est souvent produit sur des terrains conquis dans les forêts tropicales (source : World Watch) ; que les consommateurs réguliers de café en machine encourent «des risques plus importants d’infarctus cardiaque» et que le café produit un certain nombre d’autres effets toxiques (voir encadré ci-dessous).

Le café est par ailleurs considéré comme une drogue par les pouvoirs publics (voir sur le site de la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie).

Les dangers du café


Selon le docteur Alexandra Pariente (Association française de l’anti-aging), le café induit effectivement certains effets positifs sur la santé : «Il en va de l’absorption du café comme de toute consommation : l’abus seul est dangereux». Elle précise cependant que «la caféine est un polluant toxique » et que « la toxicité survient dès que l’on consomme plus d’une tasse par jour d’après les études».
Quels sont ces effets toxiques ?
– Les enfants nés de mère consommant beaucoup de café ont un risque plus élevé d’apnée néo-natale. Les femmes prenant également un traitement hormonal substitutif ont un risque accru de maladie de Parkinson.
– L’association (fréquente) de la consommation régulière d’alcool et de tabac avec la caféine augmente considérablement le risque de cancer du pancréas. On peut donc envisager le thé vert dans la prévention du cancer de la prostate et l’évitement du café et de la caféine comme prévention plus généralisée des cancers.
– Le café augmente l’incidence des maladies cardio-vasculaires (hypertension, cholestérol, infarctus du myocarde, accidents vasculaires cérébraux).
– Les buveurs de café sont plus sont plus exposés à l’ostéoporose.
De son côté, le Conseil européen de l’information sur l’alimentation (Eufic), association co-financée par la Commission européenne et l’industrie européenne des aliments et des boissons (Coca-Cola, Danone, Nestlé, Unilever, etc.) affirme que «la consommation modérée de caféine ne comporte pas de risque pour la santé».
A chacun de mesurer le niveau du risque qu’il est prêt à prendre…

Il ne s’agit pas ici, bien sûr, de diaboliser le café. Mais de remarquer l’insuffisante prise de distance de la presse par rapport à un produit commercial présenté par la publicité et par les articles comme ne posant aucun problème de santé publique, voire favorisant la santé…

 

Nanotrucs dans les supermarchés : ni vus, ni connus

nanoparticules

Institut européen des membranes, Montpellier. © CNRS Photothèque/Cot Didier.

Partout mais imperceptibles, les nanoparticules sont déjà aussi dans nos aliments. Les pouvoirs publics, qui commencent à s’inquiéter des risques sanitaires de ces infimes molécules, demandent aux industriels de transmettre leurs informations. Mais ceux-ci rechignent à la transparence.

Des nanoparticules d´oxyde de zinc peuvent être intégrées aux crèmes solaires. Ce sont des filtres UV classiques qui, à l´état de nanoparticules, permettent aux crèmes de ne plus laisser de traces blanches sur la peau. Observation d´un cristal d´oxyde de zinc formé lors de l´élaboration d´un matériau. Largeur : 15 micromètres.

Pansements ou vêtements aux nanoparticules d’argent, crèmes cosmétiques ou ciments aux oxydes de titane nanométriques, bières ou aliments renfermant des nanoparticules de silice, les produits «nano» sont présents dans tous les étals de nos supermarchés. L’institut américain Woodrow Wilson a recensé environ 700 produits de la vie courante utilisant des nanoparticules: raquettes de tennis, vélos, pièces de voiture renforcés par des nanotubes de carbone, réfrigérateurs ou couverts enrobés de nanoargent (antibactérien), bétons de revêtement de certains bâtiments (Cité de la musique à Chambery ou église du jubilée à Rome, trottoirs de la ville de Vanves).

La définition «Nano», qui désigne tous les dispositifs et matériaux comportant des éléments nanométriques (inférieurs à 100 nanomètres soit 0,1 microns), est vague et aboutit à considérer dans cette catégorie des choses qui n’ont rien à voir. Cependant, «tous ces produits exploitent les propriétés liées à la petite taille des nanoparticules», explique l’américain Michael Holman, conseiller chez Lux Research. C’est l’incorporation de ces fonctions nouvelles qui génère de nouveaux potentiels et une «chaîne de valeur».

Des nanocapsules transportent les vitamines

Ainsi des produits classiques se trouvent «améliorés» par l’inclusion de nanoéléments, comme l’additif dentaire de 3M, le nano-textile des pantalons d’Eddie Bauer, ou les peintures waterproof «nano-guard» de Behr…

Dans le domaine alimentaire, beaucoup de groupes réalisent des nanocapsules pour transporter vitamines et autres suppléments (Shemen industries ou SportMedix qui fait des biorégulateurs nanostructurés à destination des sportifs). Ainsi Aquanova, basée à Darmstadt, a reçu le prix d’excellence pour ses sphères de 30 nanomètres utilisées en cosmétique ou en nutraceutique.

Un logo et un certificat “nano-free” pour les produits de consommation

Si vous pouvez acheter des chaussettes ou sparadrap “nano”, des pneus renforcés aux nanotubes de carbone ou vous promener sur des trottoirs en nanociment, vous ne pouvez pas repérer les aliments ou les cosmétiques issus des nanotechnologies. Pour lutter contre cette difficile discrimination, la Soil Association, structure britannique de promotion de l’agriculture biologique, vient de créer un standard “nano-free” pour les produits de consommation. L’association certifie des cosmétiques, aliments et textiles dépourvus de nanomatériaux fabriqués par l’homme. Tout produit contenant des nanoparticules manufacturées inférieures 200 nanomètres est exclu. Ainsi le logo de la Soil Association, apposé sur les emballages, certifie l’absence de nanoparticules manufacturées.

Le marché des nanocapteurs biologiques (1.4 milliard de dollars) inclus dans les emballages est aussi très attractif (voir l’activité de Hansen Technologies aux Etats-Unis). L’objectif majeur est de prolonger la durée de vie des aliments en ajoutant des antibactériens ainsi que des exhausteurs de goût. Les bouteilles plastiques plus résistantes que le verre et empêchant l’oxydation ou l’inclusion de nanoargent dans les ustensiles de cuisine pour décontaminer font aussi partie des applications déjà présentes sur le marché.

Ces innovations arrivent donc sur le marché et tout serait parfait dans le meilleur des mondes si certains toxicologues n’avaient tiré la sonnette d´alarme sur des risques inédits, induits par des nanoparticules très réactives capables de pénétrer dans le cerveau, le placenta, et d’avoir des effets mutagènes dès lors qu’elles s’immiscent au cœur du noyau cellulaire.

Gunter Obersdoster, éminent toxicologue américain a attiré l’attention, dès 2004, sur les risques cancérigènes «de type amiante» des nanotubes de carbone. Selon un sondage publié dans le journal Nature du 25 novembre 2007 auprès de 363 scientifiques américains, ces derniers redoutent l’apparition de nouveaux problèmes de pollution et de santé provoqués par le développement des nanotechnologies.

On assiste donc à une course de «rattrapage» pour tenter de cerner précisément, et au cas par cas, les risques sanitaires de certaines nanoparticules. Alors même que des chercheurs, des ouvriers, des producteurs, des consommateurs sont d’ores et déjà exposés.

Eviter une guerre comme autour des OGM

La situation n’est pas confortable pour les pouvoirs publics. Ainsi Robert Madelin, directeur de la Direction générale Santé et consommateurs (Sanco), s’est retrouvé en octobre dernier en position de supplier les industriels de transmettre des informations sur ce qu’ils font : «Que les industriels dans cette salle qui ne font pas de nanoproduits se lèvent !» a-t-il osé, en octobre dernier face aux représentants de Danone, Nestlé, Kraft, Coca-Cola, L’Oréal, Unilever, Cargill… insistant sur le droit de savoir des consommateurs qui risquent fort «d’être furieux d’apprendre des choses a posteriori».

L’enjeu est de construire de la confiance en changeant les postures erronées qui ont conduit à la guerre autour des OGM. Le NanoForum qui se déroule actuellement au Conservatoire national des arts et métiers (Cnam), à la demande du Comité interministériel sur les nanotechnologies, a cette mission de réunir les acteurs concernés pour qu’ils partagent leurs connaissances et leurs questionnements. Nanociments, nanocosmétiques, nanoaliments ont été abordés depuis septembre. Mais les industriels rechignent à apporter leur contribution.

Pourtant, inclure les préoccupations sociétales dans les dynamiques d’innovation est devenu incontournable. D’autant que des problèmes éthiques s’ajoutent aux enjeux sanitaires des nanotechnologies, avec des dispositifs électroniques invisibles capables de surveiller ou localiser, des stimulateurs cérébraux intégrés ou encore la fabrication d’organismes vivants sur-mesure.

Dorothée Benoit Browaeys
Journaliste, co-fondatrice et déléguée générale de Vivagora

Comment mettre l’innovation en démocratie ? 

Les processus industriels d’innovation sont de plus en plus questionnés par des exigences sociales nouvelles : demandes sanitaires, revendications environnementales, considérations éthiques. Des cadres législatifs instaurent des obligations nouvelles : Convention d’Aarhus (1998), loi sur la démocratie de proximité (2002), loi NRE (nouvelles régulations économiques – 2001), principe de précaution dans la Constitution (2005).
Comment les acteurs industriels et économiques vivent-ils ces transformations ? Sont-elles vécues comme des contraintes ou comme des opportunités ? Le débat public peut-il devenir un nouveau carburant de l’innovation ?
Comment organiser cet espace public de concertation où le citoyen peut être mieux informé, partager ses expertises, s’impliquer, influencer et devenir acteur durable des choix qui le concernent?
Telles sont les questions auxquelles tentera de répondre un colloque, animé par Vivagora, organisé le mardi 18 mars au conseil régional Ile-de-France, Paris. Avec le soutien du ministère de l’écologie, du conseil régional Ile-de-France et de Genopole. En partenariat avec la Cnil, la Fing, Centrale-Ethique, Reporters d’espoirs. Avec le parrainage de l’Académie des Technologies.


Références utiles :

– Les promesses des aliments nanotechnologiquement modifiés, Jean-Marc Manach, internet Actu.
Rapport du Comité de la prévention et de la précaution (CPP) mai 2006.
Rapport AFSSET

Associations
Amis de la Terre et en anglais.
ETC Group, Rapport Down on the farm, The impact of Nano-scale technologies on Food
and Agriculture, novembre 2004.

Manger mieux pour vivre vieux!

Pour vivre vieux, mangeons mieux!

Deux études récemment parues démontrent le lien entre alimentation saine et bonne santé.

– La première étude, menée par l'Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale), baptisée Suvimax 2, vise à établir l'impact de l'alimentation sur la santé. La moitié des sujets ont reçu des vitamines et antioxydants équivalant à la consommation quotidienne recommandée de cinq fruits et légumes, l'autre moitié un placebo. Au terme de huit ans de suppléments quotidiens, l'étude fait apparaître une réduction de 31% du risque de cancer et de 37% de la mortalité chez l'homme. L'expérience n'a en revanche eu aucun effet spécifique chez la femme, dont la consommation en fruits et légumes, selon les chercheurs, est naturellement plus élevée.

Le professeur Serge Hercberg, qui dirige l'unité Epidémiologie nutritionnelle de l'Inserm, équipe qui mène cette étude, est par ailleurs président du comité de pilotage du «programme national nutrition santé». Vous pouvez télécharger les objectifs de ce programme qui a pour objectif d’améliorer l’état de santé de l’ensemble de la population en agissant sur la nutrition.

– Vous pouvez espérer vivre 14 ans de plus si vous adoptez ces quatre comportements sains : faire de l'exercice, ne pas trop boire d'alcool, ne pas fumer et manger suffisamment de fruits et légumes. Telle est la conclusion d'une étude menée par l'université de Cambridge au Royaume-Uni de 1993 à 2006 auprès de 20.000 hommes et femmes. Ce travail est paru sur le site internet Public Library of Science (PLOS).

Photo : Flickr/creativecommons/valkiribocou. Légende de l'auteur : "Oooh un donuts!" (Homer Simpson)

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Comment évolue notre alimentation ?

L’Agence française de sécurité alimentaire des aliments (Afssa) vient de publier une enquête qui couvre l’observation sur une année de l’alimentation des Français. Cette Étude Individuelle Nationale des Consommations Alimentaires (Inca) compare les résultats de 2007 avec ceux de la précédente étude en 1999. Les chiffres concernent la consommation des adultes de 18 à 79 ans.

Diminution

• Produits laitiers : Femmes : -16% / Hommes : -6%.
Au sein de ce groupe, la consommation de lait diminue fortement (-24%), alors que celle des yaourts et autres produits ultra-frais laitiers augmente légèrement.
• Boissons alcoolisées : Femmes : -27% / Hommes : -9%.
• Viandes et abats : Femmes : -16% / Hommes : -3%.
• Sucres et dérivés : Femmes : -22% / Hommes : -27%.
La baisse concerne le sucre de table, les confitures, le miel et les confiseries, connaît une baisse de sa consommation de et de chez les. D’autres groupes de produits comprenant du sucre comme ingrédient augmentent par ailleurs (glaces et desserts glacés par exemple).

Stabilité

• Produits céréaliers : la consommation moyenne reste stable : femmes = 203 g/j ; hommes = 294 g/j. Mais certains aliments de ce groupe connaissent une diminution modérée de leur consommation – par exemple, le pain dont la consommation diminue de 7% – tandis que d’autres voient leur consommation augmenter – par exemple, le riz : + 20%.
• Aliments « snacking » (pizzas, sandwichs) : proches de 50g/j chez les hommes et de 32 g/j chez les femmes.
• Poissons, produits de la mer : consommation voisine de 30 g/j aussi bien chez les hommes que chez les femmes.
• Légumes : 141 g/j chez les femmes et 135 g/j chez les hommes

Augmentation

• Fruits frais ou transformés : + 16%.
• Glaces et crèmes glacées : + 30%.

Ces informations sont appréciées des scientifiques travaillant dans le domaine de la nutrition. Mais elles se révèlent aussi indispensables pour évaluer l’exposition alimentaire de la population aux pollutions phytosanitaires. En effet, pour connaître les doses ingérées quotidiennement, les contaminations des aliments doivent être comparées aux consommations alimentaires au niveau individuel…

L'état nutritionnel des Français

Autres données intéressantes, celles publiées en décembre 2007 dans l’Étude nationale nutrition santé (ENNS). L’objectif principal de ce travail était de décrire les apports alimentaires, l’état nutritionnel et l’activité physique des adultes et des enfants vivant en France en 2006, en les comparant avec les indicateurs du Programme national nutrition santé (PNNS) établi par le ministère de la santé en 2001.

Parmi les conclusions importantes de cette étude, le constat de prévalences élevées de surpoids chez les adultes : un adulte sur six est touché par l’obésité.


Le label HON pour les sites de santé

Les usagers ont désormais des outils pour améliorer leur esprit critique à l’égard des sites internet dédiés à la santé. La Haute autorité de santé (HAS) a en effet lancé en novembre 2007 une démarche de certification pour ces sites, certification qui est assurée par la fondation suisse Health On the Net (HON).

Selon la HAS, la démarche de certification poursuit trois buts: identifier les sites de qualité et de confiance, contribuer à l’amélioration générale de la qualité de l’information et de la qualité des sites et aider l’usager dans sa recherche de l’information en santé. Les forums de discussion faisant l’objet d’une modération sont également concernés. La certification ne porte pas sur le contenu de l’information mais sur la qualité de sa diffusion.

Les 8 principes HON

1. Autorité (indiquer la qualification des rédacteurs)
2. Complémentarité (venir en complément, et non en remplacement de la relation du médecin avec son patient)
3. Confidentialité (préserver la confidentialité des informations personnelles soumises par les visiteurs du site)
4. Attribution (citer la/les source(s) des informations publiées et dater les pages santé)
5. Justification (justifier toute affirmation sur les bienfaits ou les inconvénients de produits ou traitements)
6. Professionnalisme (rendre l’information la plus accessible possible, identifier le webmestre, et fournir une adresse de contact)
7. Transparence du financement (présenter les sources de financements)
8. Honnêteté dans la publicité et la politique éditoriale (séparer la politique publicitaire de la politique éditoriale).

L’éditeur d’un site qui veut bénéficier de la certification doit en faire la demande (c’est gratuit). La certification porte sur le respect de huit principes, reprenant ceux définis dans le code de bonne conduite de HON, le “HONcode”.

Les principes définis par HON, ONG depuis 2001, correspondent aux critères qualité applicables aux sites santé établis par la Commission européenne dans sa communication “eEurope 2002”. Actuellement, 5.706 sites répartis dans 72 pays répondent à ce HONcode et peuvent faire figurer le label HON sur leurs pages.

Portugal : la ferme à vagues

Photo : Pelamis pendant les essais.

Le Portugal vient de lancer, au large des côtes d’Agucadoura, dans le Nord du pays, la première exploitation commerciale de turbines à vagues, une solution innovante pour produire de l’électricité à partir la houle marine.

Le Portugal devient le premier producteur mondial de ce type de production d’énergie renouvelable. Les machines, des Pelamis semi émergées, nom d’origine latine qui signifie serpent de mer, sont conçues par une entreprise écossaise, Pelamis Wave Power (PWP).

Le Pelamis est composé de plusieurs cylindres de 3,5 mètres de circonférence reliés entre eux sur une longueur totale d’environ 150 mètres. Les vagues provoquent la montée et la descente du serpent métallique. Au niveau des charnières, des marteaux hydrauliques pompent une huile à haute pression et fournissent une énergie qui est convertie en électricité par un générateur.

Le projet Pelamis, commandé par la compagnie d’énergie renouvelable portugaise Enersis, fournira à ses débuts 2,25 megawatts (MW) d’énergie propre au large d’Aguçadoura, dans le Nord du Portugal, de quoi fournir l’équivalent énergétique des besoins de 1 500 foyers. Disposant de trois appareils au départ, Enersis veut porter la ferme à vagues à 30 machines dès l’année prochaine pour atteindre en quelques années une centaine de machines pour une production de 500 MW qui rendrait le projet rentable. A terme, le projet sera capable de générer l’énergie de 15 000 maisons.

«On compte actuellement dans le monde une cinquantaine de projets portant sur l’exploitation de l’énergie produite par les vagues. Ils sont localisés principalement en Grande-Bretagne, au Portugal et en Amérique du Nord, note Hakim Mouslim, du Laboratoire de Mécanique des Fluides (LMF) de l’Ecole Centrale de Nantes. On peut distinguer quatre grandes familles dans ce type d’énergie : à déferlement (les vagues remplissent un réservoir qui fait tourner des turbines en se vidant, engendrant du courant) ; à colonnes d’eau oscillantes (de l’air est comprimé par le mouvement montée/descente à la surface de l’eau) ; flotteurs articulés et flotteurs non-articulés ; bouées pilonnantes (oscillant sur un axe). Pour l’instant, aucune technologie n’émerge particulièrement au-dessus des autres.»

A Nantes, le Searev pendule

Dans la famille des bouées pilonnantes, un Système électrique autonome de récupération de l’énergie des vagues (Searev) a été créé par l’équipe d’Alain Clément (LMF) et du CNRS. Le Searev se compose d’un flotteur clos et étanche à l’intérieur duquel est suspendue une roue chargée, celle-ci jouant le rôle d’un pendule embarqué. D’un diamètre de 9 mètres, cette roue à axe horizontal, dont la moitié supérieure est évidée, a sa masse concentrée dans la moitié inférieure, lestée de béton. D’où l’effet de pendule. Sous l’action de la houle et des vagues, le flotteur de Searev oscille, entraînant à son tour un mouvement de va-et-vient de la roue pendulaire. C’est le mouvement relatif entre le flotteur et la roue qui actionne un système hydro-électrique de conversion de l’énergie mécanique en électricité. Ce système pourrait être commercialisé à l’horizon 2011-2012.

Une maquette à l’échelle 1/12ème d’un prototype de ce flotteur a d’ores et déjà été testée dans la plus grande cuve à houle de France. Installé à l’Ecole Centrale de Nantes, cet outil exceptionnel est doté de 48 générateurs de vagues pilotés par un logiciel. Tous les types de houlomoteurs existant de par le monde pourront y être testés.

6 GW le long des côtes françaises

L’énergie provenant des vagues est concentrée entre les latitudes 40° et 60°. En Europe, la côte nord-ouest depuis le Portugal jusqu’en Ecosse possède un potentiel énergétique parmi les plus élevés du monde (740 TWh/an, dont 12% facilement récupérables). Au Royaume Uni, on estime que 15% de la consommation d’électricité pourrait être fournie par l’énergie marine. Le potentiel énergétique de la mer exploitable le long des côtes françaises serait de l’ordre de 6 gigawatts, soit le second en Europe après le Royaume Uni, évalué à 10 gigawatts, soit aussi 10 fois plus que la puissance éolienne française actuelle ou la puissance de centrales nucélaires.

La France finance peu de projets sur son propre territoire. Elle investit au Royaume Uni où EDF finance Marine Current Turbines à 25 %. Total a acheté 10% de capital à la société hydrolienne Scotrenewables Marine Power. L’Ifremer participe au projet britannique Orecon pour mettre au point un convertisseur de houle. Un atlas des ressources de l’énergie marine au Royaume Uni a été réalisé. Un Centre européen d’énergie maritime (Emec) a été installé sur l’Ile d’Orkney dans l’archipel des Orcades au nord de l’Ecosse. Il permet notamment aux entreprises de tester leurs prototypes. C’est là que PWP a mis au point son convertisseur Pelamis.

En Espagne, Iberdrola, la compagnie d’électricité nationale, en partenariat avec la filiale Americaine OPT (Ocean Power Technologies), a démarré la construction d’une usine pilote au large de Santona, près de Santander en Cantabrie. 10 bouées géantes de 16 mètres de long et 6 mètres de diamètre transformeront en courant électrique la force des vagues. Le succès de cette réalisation pourrait être rapidement suivi par la construction de plusieurs centrales du même type sur toute la côte Cantabrique et totaliser une puissance de 100 MW.

(Sources : AE2D, Systèmes solaires)

Janet Moffat, une directrice d´école passionnée

Photo: Paolo Pellizzari, Lasne (Belgique)

«L’intégration, c’est le respect des différences entre les personnes et en même temps l’union du groupe sur les valeurs fondamentales communes. Tout commence avec l'estime de soi. Si vous ne respectez pas la religion de quelqu’un, ses codes vestimentaires, sa différence culturelle, son langage, son pays, etc., cette personne ne pourra ni bâtir sa confiance en elle-même ni respecter vos propres valeurs. C’est encore plus vrai parlant des enfants. L’estime de soi est la clé pour prévenir la violence et la criminalité. Une fois cette confiance acquise, il devient facile de construire des valeurs universelles comme la loyauté, la justice et la responsabilité, être membre d’une équipe sportive, être fier d’être écolier à Melcombe, par exemple.»

Melcombe est une école primaire au centre-ville de Londres. Janet Moffat, qui vient de s’exprimer en ces termes, en est la directrice. Une «extraordinary people» dont le photographe belge Paolo Pellizzari a saisi toute la passion et la sensibilité dans ce simple cliché.

Janet cite un exemple de sa philosophie intégrative : «Dans notre école, les élèves portent l'uniforme mais nous autorisons le tchador. Nous enseignons à tous les différences religieuses mais nous laissons chaque communauté célébrer ses rites à sa manière. Tous les ans au printemps, nous organisons une semaine internationale pour fêter la diversité culturelle. C’est l’occasion pour chacun d’observer ce qui l’unit aux autres mais aussi ce qui le rend unique. Mieux encore, chacun est incité à être “top” autant à ses propres yeux qu’à ceux des autres.»

La directrice base son action sur cette équation : vision+action+passion = succès : «Notre démarche s’appuie sur le sentiment d’appartenance (à une communauté apprenante) et sur l’orientation : les écoliers savent toujours clairement où on les conduit. Nous discutons avec eux de la façon dont ils pourront atteindre les objectifs pédagogiques ainsi que des critères choisis pour atteindre ces objectifs. Nous nous assurons en permanence que chacun est émotionnellement en état de suivre. Et, périodiquement, nous faisons un “break cognitif”, pour que l’enfant puisse réfléchir sur ce qu’il fait et aiguiser ses capacités d’attention. Chacun est valorisé dans son individualité et son originalité. Après chaque journée d’apprentissage, ses acquis sont reconnus et célébrés».


Yves Juillet, conseiller du président du Leem

Les entreprises du médicament :

«Nous voulons être plus transparents»

Lors de la présentation des vœux du Syndicat des entreprises du médicament (Leem) à la presse, le 25 janvier dernier, son président Christian Lajoux a voulu dire un mot sur «l’image» du secteur et «les critiques formulées dans le cadre d’un débat normal et démocratique avec les Français» : «Je trouve quelquefois certaines prises de position excessives, injustes, déséquilibrées, mal documentées, voire véhiculant quelques contrevérités (sur la surconsommation par exemple). Je souhaite trouver avec vous [journalistes] les moyens d’un dialogue totalement transparent sur tous ces sujets et je veux rappeler que notre industrie est celle de la vie et du progrès. Je suis conscient que nous pouvons progresser dans de nombreux domaines et je m’inscris dans la nécessité de rendre des comptes.»

Suite à ces propos, nous avons voulu interroger le Leem. Le docteur Yves Juillet, conseiller du président et secrétaire permanent du Comité d’éthique et de médiation de l’industrie pharmaceutique (Cemip), a répondu à nos questions.

Jean-Luc Martin-Lagardette. – Un grand reproche généralement fait à l’industrie du médicament est de nier les effets contraires de ses produits.

Yves Juillet. – Le médicament est complexe. En la matière, il ne peut pas y avoir d’affirmations à 100%. Il est vrai que toute prise de médicament peut entraîner des effets indésirables, qui peuvent parfois même être graves. Cela résulte des principes actifs que contient le produit. Mais il faut mettre en relation le bénéfice par rapport aux risques, l’efficacité en face de la tolérance. On admet des effets contraires plus sévères pour des pathologies plus sévères. Comme par exemple, avec les anticancéreux. Pour un rhume, on n’admettra pas le même niveau de risque.
La tendance est de grossir le cas particulier, de privilégier le témoignage individuel. L’ensemble n’est pas relativisé ni mis en perspective. C’est pourquoi nous avons décidé de répondre systématiquement aux questions posées. Nous voulons aussi être plus transparents. Par exemple, désormais, tous nos essais cliniques en cours de réalisation sont mis en ligne à partir du 21e jour de l'inclusion du premier malade ainsi que les résultats des essais, qu’ils soient positifs ou négatifs. C’est vrai pour la France, mais aussi au niveau européen ou mondial.

J.-L M.-L. – Il est difficile de savoir ce qui en est réellement concernant ces effets indésirables des médicaments. Chaque année, affirme un ancien directeur du Conseil national de l’Ordre des médecins, 3 millions de personnes seraient concernées par des accidents iatrogènes (provoqués par la médecine). Ceux-ci causeraient 10 000 décès. Selon Bernard Kouchner, ministre de la santé en 2002, on recense environ 400 000 signalements d'accidents nosocomiaux (maladies survenues à l’hôpital) par an, dont 18 000 morts. Que dites-vous de ces chiffres ?

Y. J. – Je n’ai jamais su d’où ils étaient tirés. Je connais les chiffres de la littérature mondiale. Selon eux, on retrouve la survenue d’évènements indésirables graves dans 2,4 % à 16 % des hospitalisations. L’étude nationale sur les évènements indésirables graves liés aux soins observés dans les établissements hospitaliers (Eneis/2004), confirme à peu de choses près ces données. Mais ce qui est important à retenir, c’est ceci : entre 30 % et 60 % de ces événements sont évitables, surtout en ce qui concerne les personnes âgées. Il y a donc des progrès à faire ! Nous en sommes conscients. Depuis trois ans, nous sommes engagés dans la prévention de la Iatrogénèse Médicamenteuse Evitable (IME) chez les plus de 65 ans. En 2007, par exemple, 14 réunions de formation ont été organisées et plus de 200 professionnels de santé formés dans le cadre de la formation médicale continue. Ce n’est pas seulement une question de connaissance du médicament, mais de comportement à son égard. Toute la chaîne, du fabricant au malade en passant par le médecin prescripteur, le pharmacien et le milieu institutionnel, doit jouer son rôle, sans culpabiliser personne. Il faut aussi que le patient ose poser des questions à son médecin.

J.-L M.-L. – Que répondez-vous aux critiques au sujet de la surmédicamentation française ? Et du lobby mené par l’industrie pharmaceutique ?

Y. J. – Nous nous occupons de questions de santé : pas question pour nous de mettre en danger la santé d’autrui. Il y a des précautions à prendre et des préconisations concernant chaque médicament. Elles sont inscrites sur sa fiche signalétique. La surconsommation médicamenteuse est une question complexe. En France, on observe plus de consultations par habitants que dans d’autres pays. Les habitudes de prescription sont différentes, c’est vrai, mais il faut regarder en détail. Quand on baisse la consommation d’une certaine classe thérapeutique, d’autres croissent. Par exemple, si on baisse l’usage de veinotoniques, on augmente celui d’anti-inflammatoires. Si on diminue les benzodiazépines, on voit croître les antidépresseurs. Les dépenses augmentent mais globalement, le volume des médicaments consommés reste stable d’année en année.
Pour ce qui est de la promotion, maintenant. Toutes les activités de promotion du médicament, en France, sont encadrées. Les documents de publicité adressés au corps médical sont remis à l’administration (Afssaps) qui peut ainsi exercer un contrôle, a priori pour l’automédication, a posteriori pour les autres., Pour éviter des dérives éthiques de la visite médicale, elle est encadrée elle aussi: les propos du visiteur, préalablement élaborés par les entreprises, sont progressivement certifiés par des structures indépendantes agrées. Toutes les entreprises devront l’être d’ici juin 2008. Bien sûr, il restera toujours une part non maîtrisable lors de l’échange entre le visiteur et le médecin. Et, comme partout, il y a des gens qui peuvent sortir du cadre. Mais le médecin a une formation scientifique, il est à même de jauger les paroles du visiteur médical.

J.-L M.-L. – Mais cette formation est largement tributaire de l’industrie pharmaceutique. Le blog de la formation continue, par exemple, est financé par Pfizer…

Y. J. – Il n’y a pas forcément un lien entre financement et maîtrise. Les produits des laboratoires ne sont pas cités dans ces formations. Le vrai conflit d’intérêt, est quand il n’y a pas transparence sur la nature du financement ou les liens existants entre les experts et les entreprises. Or, aujourd’hui par exemple, dans toutes les commissions sur les médicaments, tous les experts indiquent leurs collaborations éventuelles avec le milieu industriel.

Les actions de formation ont fait l'objet d'une Charte de Bonnes Pratiques entre les entreprises et les organismes de formation. Ces organismes, quelles que soient leurs origines, doivent être maintenant accrédités pour participer à la FMC validante.

Pour ce qui concerne le CEMIP (Comité d'Entreprise et de Médiation de l'Industrie Pharmaceutique) il peut être saisi par toute partie prenante (entreprises concurrentes), Conseils de l'Ordre, Associations de Patients et de Consommateurs, à partir du moment où la plainte ne provient pas d'un individu isolé et qu'elle n'est pas anonyme. Ces plaintes peuvent être adressées au Secrétariat Permanent du CEMIP qui a la capacité de s'auto-saisir, ceci sous la surveillance de la Commission de Déontologie, présidée et sous contrôle de membres indépendants de l'industrie.

Trois médias d´information certifiés qualité

Quatre ans après la création du premier standard de management de la qualité pour l’industrie médiatique, trois médias viennent d’obtenir la certification ISAS BC 9001, la nouvelle norme de management de la qualité adaptée aux médias.

C
ette norme pour les médias, déclinée en ISAS BC 9001 (broadcasting) et ISAS P 9001 (print media) a été adoptée à ce jour par environ 25 entreprises de média dans le monde. Trois d’entre elles ont été certifiées “conformes” en décembre 2007 par un organisme indépendant et reconnu internationalement. Ces trois médias pionniers sont :

Canal 11, TV éducative publique mexicaine, elle emploie 750 personnes. L’organisme indépendant certificateur est l’Institut mexicain de normalisation et de certification (IMNC);

Trans TV, première télévision commerciale indonésienne en terme d’audience et de parts de marché (2 000 personnes). Organisme certificateur: URS.

Latvijas Radio, radio nationale lettone, elle emploie 300 personnes et regroupe quatre chaînes : LR1 (généraliste), LR2 (musique pop en langue lettone), LR3 (musique classique) et LR4 (destinée aux minorités et aux russophones). Toutes chaînes confondues, Latvijas Radio atteint 43% des parts de marché, soit environ un million d’auditeurs. « La qualité et la reconnaissance de notre engagement en faveur de la qualité par un organisme international de certification étaient nécessaires pour gagner en crédibilité après 50 ans de soviétisme », a expliqué son directeur général Aigars Semevics. L’organisme indépendant certificateur est DNV (Veritas).

La norme ISAS BC 9001 (BC pour broadcasting : radio et télévision ; ISAS P 9001 : P pour presse écrite), “fille” en quelque sorte de la célèbre ISO 9001 (et avec laquelle elle est compatible), est un standard international dévolu au système de management de la qualité pour les entreprises du secteur des médias. Elle a été créée en 2003 sous l’égide de la Fondation Médias et Société (FMS), dirigée par Guillaume Chenevière à Genève. Elle constitue une réponse concrète aux organismes de radio-télévision qui souhaitent une évaluation et une reconnaissance indépendantes de la qualité de leurs systèmes de management.

Les démarches de préparation à la mise en conformité du système de management, aussi bien dans les entreprises médiatiques que dans les organismes certificateurs, ont été menées par Certimedia. Cette instance est le département spécialisé médias de Challenge Optimum, entreprise internationale de formation et de consulting spécialisée dans les systèmes de management de la qualité, basée à Genève. Certimedia est animée par Magali Modoux (notre photo), docteure en sociologie politique de l’Institut d’études politiques de Paris (Sciences Po).

La certification est accordée pour trois ans ensuite de quoi un nouvel examen est effectué. Entretemps, chaque année, un audit de vérification est mené par l’organisme certificateur qui prodigue ses conseils en fonction des manquements constatés. Si, passés les trois ans, les progrès promis ne sont pas acquis, le label peut être retiré.

Une dizaine d’autres médias poursuivent actuellement des consultations en vue de cette certification : Radio Fribourg (Suisse), Vertice TV, compagnie de télévision privée de la région de Puerto Montt (Chili), Radio Romania (Roumanie), Radio-TV Slovenia (Slovenie) Maharaja TV et Radio (Sri Lanka), MTV (Hongrie), Prasar Bharati Radio (Inde). Le seul quotidien de presse écrite qui y réfléchit est El Comercio (Pérou).

Derrière ces explications un peu techniques, il faut voir une grande innovation dans le monde médiatique, généralement peu favorable sinon hostile aux démarches d’évaluation et de reporting (procédures de récolte et d’analyse d’informations internes à une entreprise permettant d’analyser les progrès effectués par rapport à un référentiel, un système donné d’exigences de qualité). La norme ISAS BC ou P 9001 permet de mesurer des critères comme la satisfaction du public, la qualité et l’exactitude de l’information, le respect de la charte déontologique, l’innovation, l’indépendance éditoriale, la transparence de la gestion, le respect et la représentativité des minorités, etc.

Selon le média, les engagements peuvent être plus ou moins novateurs. Canal Once, par exemple, a réfléchi à la question des conflits d’intérêts pouvant intervenir entre journalistes et direction. Il est le seul des trois médias certifiés à avoir l’intention de créer un mécanisme à cet effet. Une commission de défense des journalistes est en constitution, chargée précisément de ce type de questions, indépendamment de toute considération en matière de droits sociaux, qui dépendent des syndicats et d’autres systèmes de régulation.

Pour rassurer les journaux qui hésiteraient à s’engager dans ce type de démarche, Magali Modoux précise : « La norme n’en est pas une au sens commun du terme. D’abord, la démarche est volontaire. Ensuite, elle n’impose que des principes : elle ne dit rien sur la façon dont le média doit les mettre en œuvre. Le “comment” est laissé à la libre appréciation du manager ».

Quelle médiation entre public et média ?

– A Radio Latvijas, la direction de la radio a opté pour une solution collective, à travers un comité ad hoc de résolution de conflits, qui se réunit à la demande, quand le besoin s’en fait sentir. Les réclamations et remarques arrivent par le biais habituel au service des relations publiques, qui transmet les messages aux personnes compétentes. Reste à vérifier que le service des relations publiques est bien compétent pour distinguer ce qui ressort du mécanisme de médiation.– A Trans TV, trois personnalités extérieures à la télévision ont été nommées pour être mises à la disposition du public pour en recevoir les plaintes ou demandes d’explications sur les pratiques: un ancien ministre, un professeur et un avocat.- Sur Canal Once, un défenseur, assisté de deux personnes, est à la disposition du public. Sur le site web de la TV, un clic permet, dès la page une, de prendre connaissance de ses interventions. Chaque semaine, il apparaît quelques minutes pour exposer le suivi qu’il a donné aux réclamations du public.

 

Droit de réponse en ligne : le décret est paru

Le décret n° 2007-1527 du 24 octobre 2007 pris en application de l’article 6-IV de la LCEN (loi sur la confiance dans l’économie numérique) du 21 juin 2004 est venu préciser les modalités du droit de réponse en ligne, instaurant un 3° régime de droit de réponse, après le droit de réponse en matière de presse écrite et le droit de réponse en matière audiovisuelle.

 

Aux termes des nouvelles dispositions de ce décret, toute personne nommée ou désignée dans un service de communication au public en ligne dispose d'un droit de réponse.

 

Il n’est nullement nécessaire qu'une atteinte à l'honneur ou à la considération soit commise comme cela est le cas en matière audiovisuelle.

 

La demande d'insertion doit être adressée dans un délai de trois mois à compter de la mise à disposition du public du message justifiant cette demande, au directeur de publication ou, lorsque la personne éditant à titre non professionnel a conservé l'anonymat, au fournisseur d'hébergement qui doit la transmettre au directeur de publication dans un délai de 24 heures.

 

La demande doit être adressée par LRAR (lettre recommandée avec accusé de réception) ou par tout autre moyen garantissant l'identité du demandeur et apportant la preuve de la réception de la demande (le décret prend ainsi en considération la technique de la signature électronique, encore peu usitée). Elle devra être mise en ligne par le directeur de publication dans les trois jours de sa réception, sous peine d'une amende de 3750 euros.

 

La demande doit indiquer les références du message (titre), sa nature (écrit, son, image), les passages contestés, ses conditions d'accès (adresse URL), le nom de son auteur s'il est identifié et la teneur de la réponse sollicitée.

 

La réponse, qui ne peut jamais excéder 200 lignes, doit se présenter sous la forme d'un écrit limité à la longueur du message qui l'a provoquée ou, lorsque ce dernier ne se présente pas sous la forme d'un écrit, à celle de sa transcription sous forme d'un texte.

 

La réponse sera accessible durant la même période que celle pendant laquelle le message qui la fonde a été mis à disposition du public, sans pouvoir être inférieure à un jour.

 

Les hébergeurs ne sont pas oubliés puisque le décret crée une nouvelle infraction pénale à leur encontre : au cas où ils ne transmettraient pas "dans un délai de vingt-quatre heures la demande de droit de réponse conformément aux éléments d'identification personnelle que cette personne détient". Ils seraient en effet passibles d’une amende 3 750 euros.

 

Il convient de préciser que le décret est inapplicable aux services permettant l'insertion de la réponse par la personne elle-même tels les : forums et salons de discussion, les blogs et wiki sauf si les administrateurs de ces services empêchent la diffusion de la réponse par une modération a priori.

 

L’on peut dire que ces nouvelles dispositions ont déjà suscité de vives critiques. En premier lieu, la complexification d’un nouveau régime qui alourdit encore les obligations des éditeurs et ajoute une infraction pénale à une époque où les Recommandations les plus fermes du Conseil de l’Europe vont dans le sens d’une dépénalisation du droit de la presse. En outre, vives contestations du côté des fournisseurs d’hébergement qui se voient imputer une responsabilité pénale ainsi que du côté des personnes mises en cause, qui considèrent que la simple faculté de répondre sur les blogs, forums, wiki, à l’exclusion de tout droit de réponse, ne les protègent pas suffisamment.

 

Marie-Christine de Percin,

Avocat à la Cour d’appel de Paris

Vice-présidente Presse Liberté