Via une campagne publicitaire, l´Association internationale des édulcorants prend la défense de l´aspartame. Objectif : contrer le discrédit jeté par le Réseau environnement santé (RES). Le citoyen ballotté entre les campagnes médiatiques a bien du mal à démêler le vrai du faux…
Destinée à redorer le blason de l´aspartame, l´opération de communication aura coûté près de 500 000 euros à Azelis France, le leader européen de la distribution de produits chimiques de spécialité. C´est ce qu´a révélé récemment l´Observatoire indépendant de la publicité. Serait-ce donc le prix à payer pour perpétuer les recettes financières (et culinaires…) liées à cet additif au goût sucré, le E951, couramment utilisé dans les produits “light”?
Menée au printemps 2012 sous la houlette de l´Association internationale des édulcorants (ISA), la campagne « Aspartame, ce qu´il faut savoir », (voir les réponses dans l´illustration) a touché environ 6 millions de lecteurs (le Figaro, le Nouvel Obs, Le Point, Top Santé, etc). Son but était probablement de contrer la mauvaise presse alimentée, notamment, par les révélations du Réseau Environnement Santé (RES), à l´heure où l´Efsa, l´Agence européenne de sécurité alimentaire se voit par ailleurs contrainte de réévaluer la dose journalière admissible (DJA) de l´aspartame (avant la fin 2012), sur demande expresse de la Commission européenne.
Le RES, un réseau très pugnace sur la question des édulcorants
Ce réseau associatif militant fait face à un double adversaire : les fabricants d´édulcorants d´une part, aux moyens financiers conséquents, et les autorités sanitaires franco-européennes d´autre part, dont les facilités de communication véhiculent un argumentaire somme toute assez similaire. Le RES se montre néanmoins très pugnace sur la question des édulcorants : lettre ouverte au ministre de la santé, note sur deux études récentes à l´attention de l´Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire), conférences de presse et veille scientifique, accusation de conflits d´intérêt chez les experts de l´aspartame, révélations sur l´absence d´études encadrant la dose journalière admissible, etc. (voir le dossier du RES).
Cette communication abondante semble commencer à fonctionner auprès des professionnels de santé qui déconseillent désormais majoritairement l´aspartame aux femmes enceintes, comme le souligne le Journal international de médecine. La faute sans doute à cette fameuse étude danoise, Halldorsson et al., parue en septembre 2010 dans la revue à comité de lecture The American journal of clinical nutrition. L´abus de soda favoriserait les naissances prématurées, conclut l´étude. « Des résultats insuffisants » d´après l´Anses, et aussi d´après l´EFSA (l´agence européenne).
Diana Banati quitte l´Efsa pour le privé. |
Mais ces avis font de moins en moins autorité du fait des multiples accusations de conflits d´intérêt qui assaillent ces agences. En effet, l´actuelle présidente de l´Efsa vient de démissionner pour rejoindre l´industrie chimique et agroalimentaire, elle devient directrice exécutive europe de l´ILSI, un lobby de 400 entreprises pour lequel elle excerçait déjà d´importantes fonctions, parallèlement à son activité pour l´Efsa…
Des experts en vérité allégée ?
La question des conflits d´intérêt, à défaut de retenir l´attention générale de la presse, a alerté le Canard Enchaîné du 25 avril 2012. Le professeur venu prêter main forte à l´industrie pour sa campagne publicitaire (voir illustration) a reçu la palme du “conflit de canard” à cause de ses liens étroits, et non mentionnés, avec le premier fabricant d´aspartame, Ajinomoto. « C´est sans doute ce qu´on appelle une vérité allégée », conclut le Canard.
Les grands médias ne relayent pour l´instant que succinctement la polémique, bien que l´aspartame soit très présent dans le quotidien de leurs lecteurs et auditeurs (notamment via l´exposition permanente à la publicité) : produits allégés, médicaments, sucreries à la caisse des supermarchés.
Au rayon édulcorant, la stévia commence peu à peu à remplacer l´aspartame, sous la pression des consommateurs inquiets. |
La grande distribution fait sa com´ sur le dos de l´aspartame
La grande distribution, quant à elle, se montre bien plus consciente du problème au point que certains distributeurs sont en train de renoncer volontairement à l´aspartame au nom du principe de précaution, un formidable argument de vente “responsable”.
Ainsi, les Magasins U ont annoncé le retrait de l´aspartame de leurs sodas maison, par le biais d´une campagne de pub dans les journaux, alors que la campagne des industriels de la chimie battait elle aussi son plein…
L´opinion publique cantonnée au niveau superficiel de l´information
De quoi déboussoler encore un peu plus l´opinion publique, cantonnée au niveau superficiel de l´information car contrainte à se forger une opinion à partir des campagnes médiatiques des pour et des contre.
Mais la petite phrase « en l´état actuel des connaissances scientifiques… » qui faisait souvent office de formule magique pour les experts de la communication grand public, apparaît de moins en moins efficace face au « pouvoir de nuisance » du RES ou de certains lanceurs d´alerte comme Corinne Gouget, à temps plein sur le sujet :
« On sait que l´aspartame est un poison quelque soit la dose puisqu´il se transforme en méthanol, un composé reconnu toxique, affirme Corinne Gouget, l´auteur du petit guide des additifs alimentaires, un best-seller. Sur le plan éthique, l´étude danoise sur près de 60 000 femmes enceintes n´aurait même pas dû être conduite. Mais continuer cette étude par un suivi des enfants est absolument nécessaire maintenant. Je pense que malheureusement personne n´assumera ce travail ».
Des recettes minceur à l´aspartame
Pendant ce temps là, les blogs minceur continuent de s´échanger des recettes à l´aspartame, sans se soucier vraiment des doses. Une personne 60 kg ne devrait pas ingérer plus de 2,4 g par jour, selon la réglementation officielle, mais la DJA est contestée et doit être révisée. A l´heure des forum minceurs et des recettes signées Dukan, il est nécessaire de rappeler que la cuisson de l´aspartame est a priori vivement déconseillée pour des raisons d´éventuelle toxicité. Mais sur ce point-là aussi, le débat fait rage.
> A lire par ailleurs :
– Corinne Gouget : «Aspartame, glutamate : la nouvelle génération est en danger»
– Les bonnes feuilles de l´enquête “Notre Poison quotidien” de Marie-Monique Robin, sur Owni
C´est bien beau de parler de DJA mais la grande majorité des industriels ne veulent pas donner les dosages d´édulcorants utilisés dans leurs produits… Donc on fait comment pour savoir si l´atteint…