Peu de gens le savent, mais en France, comme nulle part ailleurs, l’aromathérapie, l’hypnose, la méditation ou encore les massages font figure de pratiques susceptibles de « dérive sectaire » ! Et les professionnels de santé, même dûment formés à ces pratiques, risquent harcèlement administratif et judiciaire, même si les condamnations sont rares en définitive. La fasciathérapie, stigmatisée dans le guide “Santé et dérives sectaires” de la Miviludes, a réagi. Résultat : la justice condamne la Miviludes, service administratif rattaché au Premier ministre, et lui ordonne de supprimer cette référence de son guide. En effet, elle n’a jamais été en mesure de produire la moindre preuve de « dérive sectaire » à l’encontre de la fasciathérapie.
Interrogée par Florian Kaplar pour Ouvertures, Anouk Serre, présidente de l’association Fascia France, relate ce combat de cinq années qui laisse entrevoir un meilleur avenir pour cette pratique en particulier, mais aussi pour d’autres également sur la sellette. A condition qu’elles ne se laissent pas faire…
Ouvertures.- En 2012, saviez-vous que la fasciathérapie allait être répertoriée dans le guide « Santé et dérives sectaires » de la Miviludes ? Aviez-vous eu des signes avant-coureurs ou bien la mise à l’index s’est-elle faite de façon inattendue ?
Anouk Serre.- Oui il y a eu des signes avant-coureurs. Le terme fasciathérapie est apparu dans le rapport annuel de la Miviludes de 2007 (p. 200) pour une problématique de formation continue qui ne concernait pas la fasciathérapie. La Miviludes alertait alors sur les formations qui accueillent des non professionnels de santé pour les former à l’exercice thérapeutique. Ceci était déjà une erreur de la part de la Miviludes car la fasciathérapie n’était alors déjà accessible qu’à des masseurs-kinésithérapeutes[1]. Le seul fait d’être mentionné dans ce guide a été relayé par toutes les associations antisectes.
La fasciathérapie étant une approche globale, centrée sur la personne, s’adressant aux potentialités de la personne, à la capacité d’autorégulation de l’organisme et à l’influence entre le corps et l’esprit, était, par nature, susceptible d’intéresser la Miviludes. D’autant que cette approche humaniste s’appuyait sur des évaluations scientifiques qui s’inscrivent dans le courant des sciences humaines et sociales et non dans celui du modèle biomédical qui semble être pour la Miviludes la seule approche scientifique valide.
Parallèlement, la fasciathérapie était reconnue comme une formation continue des kinésithérapeutes et la société Point d’appui qui en dispensait l’enseignement était membre du Syndicat des organismes de formation continue en kinésithérapie adhérents à la charte de qualité (Sofac).
En fait, tout s’est emballé curieusement au moment où une recherche a été menée dans un cadre hospitalier, par des chercheurs indépendants, sur « la fasciathérapie et son impact sur la qualité de vie des patientes atteintes d’un cancer du sein ». Cette recherche répertoriée à l’Inca (Institut national du cancer) reçut le prix « Ruban Rose qualité de vie » d’Estée Lauder. Malheureusement, dirions-nous aujourd’hui, car cette recherche a focalisé tous les regards des “anti-médecines non conventionnelles” qui agitaient le risque d’introduire à l’hôpital des techniques non éprouvées scientifiquement et, donc pour eux, à risque de dérive sectaire. Le 20 septembre 2011, le journal Rue89 publie un article intitulé « face au cancer, la Fasciathérapie continue de diviser ». Cet article faisait un amalgame entre la fasciathérapie et les dérives sectaires, en s’appuyant sur le fait que la fasciathérapie avait été « épinglée » par la Miviludes en 2007. A la suite de cette publication, tout s’est précipité dans la presse et la fasciathérapie est devenue le symbole des luttes menées contre les médecines non conventionnelles.
La publication du guide « Santé et dérives sectaires » en 2012 a été un pas supplémentaire puisque la fasciathérapie était cette fois citée comme une des méthodes les plus répandues et qu’il était clairement dit que sa pratique laissait présumer une dérive sectaire, faisant courir des risques au patient (page 89 du guide, fiche 2-6 consacrée aux masseurs kinésithérapeutes). Ce rapport est venu parachever la lutte contre l’intégration des médecines non conventionnelles dans les hôpitaux et contre l’intégration de ces approches dans les universités.
Nous n’avons pas eu d’autre choix que d’intenter un procès contre la Miviludes pour faire entendre notre voix car il n’y avait aucune possibilité de discussion, du simple fait que nous étions étiquetés « dérive sectaire ». Il a fallu cinq ans pour obtenir réparation par la justice.
– Quel a été l’impact de l’inscription de la fasciathérapie dans le guide : nombre de praticiens avant et après par exemple, méfiance croissante des patients, etc. ?
– Tout d’abord, la confiance des patients qui avaient recours à la fasciathérapie n’a pas été affectée. Les patients ont réagi en nous soutenant, en s’indignant et en exprimant leur incompréhension face à ces accusations infondées. Lors de la publication du guide « santé et dérives sectaires », une pétition avait été mise en ligne et avait récolté plus de 10 000 signatures en quelques semaines. Il y a eu une baisse de demande de rendez-vous pour certains praticiens sans doute due à la méfiance des personnes ne connaissant pas la fasciathérapie, étant donné que la campagne médiatique suivant la parution de ce guide et visant à informer sur le danger sectaire des pratiques non conventionnelles prenait systématiquement pour exemple la fasciathérapie.
Puis, comme mentionné sur le compte-rendu du jugement, la société Point d’appui qui enseignait la fasciathérapie a dû cesser son activité de formation professionnelle. Le Cnomk (Conseil national de l’ordre des masseurs kinésithérapeutes) s’est appuyé sur ce guide pour émettre un avis défavorable à la pratique de la fasciathérapie. La Direccte (Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi) a utilisé ce guide pour procéder à des contrôles ciblés sur les organismes de formation professionnelle qui enseignent les pratiques non conventionnelles à visée thérapeutique (Pncavt) et plus particulièrement la fasciathérapie (p.164, Annexe au Projet de loi de finances 2015 – Formation professionnelle).
Enfin, la commission d’enquête du Sénat sur les dérives sectaires dans le domaine de la santé s’est appuyée sur ce guide et les articles qui ont suivi pour citer la fasciathérapie à titre d’exemple dans son rapport et dans la campagne de communication qui a suivi.
Pour conclure, toute cette campagne médiatique qui a suivi la publication du guide a eu un effet dévastateur sur les praticiens qui se sont sentis atteints dans leur honneur et leur respectabilité et sur le fondateur de la fasciathérapie, Mr. Danis Bois, alors docteur en sciences de l’éducation, agrégé en sciences sociales et professeur d’université, qui a été discrédité publiquement dans plusieurs journaux nationaux de grande audience (Rue 89, Paris-Match) bien que son nom n’ait jamais été cité par la Miviludes. Les travaux scientifiques et la reconnaissance universitaire ont été détournés et présentés comme des tentatives d’infiltration sectaire. La publication de l’essai clinique qui avait été réalisé dans le cadre hospitalier sur « la fasciathérapie et son impact sur la qualité de vie des patientes atteintes d’un cancer du sein » a été annulée suite à cette déferlante médiatique.
– Pouvez-vous expliquer votre stratégie juridique et ce qui a permis cette issue favorable ? Savez-vous si la Miviludes va interjeter appel ?
Il y a eu des tentatives de la part des institutions représentant la fasciathérapie envers la Miviludes, pour clarifier cette situation et pour demander plus d’informations sur d’éventuelles dérives de la part des praticiens leur indiquant que nous condamnerions ce type de comportement s’il était avéré. Face à ce refus de dialogue, nous avons adressé directement un courrier au Premier ministre, dont dépend la Miviludes, afin de lui demander de justifier l’attitude de la Miviludes et de retirer la fasciathérapie du guide. Ce dernier a répondu défavorablement à notre demande prétextant, entre autres, qu’il y avait des signalements à l’encontre de la fasciathérapie. C’est suite à cette démarche que nous avons pu engager une procédure judiciaire à l’encontre de la Miviludes.
Nous avons alors, sur le conseil de notre avocat Me Monod, intenté un recours auprès du Tribunal administratif de Paris afin de demander explicitement la rectification du guide et le retrait de la fasciathérapie du guide. Cette démarche s’est avérée payante puisque le jugement en appel a clairement indiqué que la Miviludes n’a pas été capable de démontrer la preuve de la dérive sectaire et d’apporter les « prétendus » témoignages. Dans ce contexte, la cour administrative d’appel de Paris nous a donné raison et rendu le 7 décembre 2017 l’arrêt suivant : « Les informations concernant la fasciathérapie ne doivent plus figurer dans le guide « Santé et dérives sectaires » publié par la Miviludes en avril 2012 ».
En ce qui concerne l’intention de la Miviludes de se pourvoir en cassation, il semblerait que son président actuel réfléchisse aux suites à donner à cette affaire. Quoi qu’il en soit, ce recours n’étant pas suspensif de la décision du 7 décembre 2017, il devra supprimer du guide de 2012 la fasciathérapie et se plier aux injonctions du jugement.
> Suite de l’interview : Anouk Serre, présidente de Fascia France : « Les thérapies des fascias bénéficient d’un intérêt et d’une reconnaissance internationale croissants »
1.- Certes, il y a des praticiens formés avant cette période qui exercent la fasciathérapie sans avoir le titre de masseur-kinésithérapeute. Nous avons souhaité ces dernières années réserver l’enseignement de la fasciathérapie à des professionnels de la santé et l’avons inscrite dans le champ de la formation continue professionnelle. D’autre part, le terme fasciathérapie n’étant pas protégé, beaucoup de personnes s’attribuent le titre de fasciathérapeute sans que cela indique le type de technique pratiquée. Notre association a pour but de rassembler les praticiens formés à la fasciathérapie méthode Danis Bois et garantit la qualité des professionnels adhérents.
La carte Vitale repose sur une norme internationale gérée par l’ISO (organisation mondiale de la normalisation, à Genève) et mise à jour périodiquement. Or l’ISO a fait entrer dans les normes du monde médical l’ayurthérapie, la médecine chinoise traditionnelle (TCM), et quantité de médecines du monde, notamment d’origine asiatique. La démarche de la Miviludes suppose qu’au préalable elle soit parvenue à définir en qui consiste une dérive sectaire. Or, elle n’y est jamais parvenue ! à suivre !
Tout d’abord, trop de gens en ce y compris ceux de la Miviludes semblent ne pas maîtriser correctement la langue française : une « dérive sectaire » est uniquement le fait de sectes avérées et reconnues comme telles ; il aurait donc mieux valu utiliser un vocable plus approprié et par exemple, parler de « dérive de NATURE/TYPE sectaire » !
En fait, pour continuer à exister et pour justifier les plantureux subsides (publics) dont on les gratifie, la Miviludes et les autres organismes du même genre doivent constamment prouver leur utilité et chercher assidûment à nourrir leurs “fond de commerce”, en s’empressant d’épingler mais avec bien trop de légèreté, des (prétendues) “dérives sectaires”, au travers de ce qui a trop souvent ressemblé à de véritables chasses aux sorcières, comme au temps du moyen-âge (comme le montre le cas présent relaté dans l’article plus haut) !
On ne connaît que trop bien les exagérations outrancières de la MIVILUDES et qui sont servilement relayées sans esprit critique ni quelconque réelle investigation par les grands médias ; exemple : « 50 000 enfants en danger dans les sectes, selon la Miviludes ? Non, tout juste 9 cas en cours d´instruction liés à une problématique sectaire en 2 ans, selon l´administration française » !!! (Source : https://www.ouvertures.net/sectes-comment-la-presse-se-laisse-manipuler-par-le-pouvoir/)