A l’occasion de la sortie de son livre « L’Homme Africain est-il intelligent ? » aux éditions Afrique noire debout (Afnod), Alexandre de Souza invite « l’Homme Africain » à s’approprier sa véritable histoire, condition première pour réussir le développement de son Continent.
Le titre de votre ouvrage pose une question directe. Peut-on répondre par oui ou par non ?
Alexandre de Souza. |
Que cette réponse soit un oui ou un non, c’est à chacun de voir puisque c’est une question que je pose aux autres. Ce qui est sûr, c’est qu’il y a déjà une réponse universelle qui dit que tout homme est intelligent. L’Homme Africain fait partie du genre humain, il est donc intelligent tout autant que les autres. Maintenant, ce serait trop facile de croire que je pose une telle question pour apporter une réponse par oui ou par non. Je veux aller en profondeur ; je n’entends pas apporter une réponse que nous connaissons tous déjà.
Qu’est-ce que le lecteur pourra découvrir dans votre ouvrage ?
L’histoire de l’Afrique, ou celle de l’humanité, qu’on ne lui a pas enseignée à l’école. Elle n’est pas dans les manuels ni dans les traités d’histoire parce que, tout simplement, elle est toujours racontée par une autre personne. Cette histoire de l’Afrique, y compris celle de l’Homme Africain, est racontée par une personne qui n’est pas africaine. Le colonisateur ou une autre personne ayant d’autres intérêts en jeu raconte l’histoire de l’Homme Africain de son point de vue. En fin de compte, cette histoire arrange ses intérêts plutôt que celui des africains. Ce livre, je l’ai écrit en pensant essentiellement à l’Homme Africain, à sa situation dans le monde et à son Continent. Le livre est destiné à l’Homme Africain. Je ne l’écris pas pour lui dire ce qu’il connait déjà, mais pour lui montrer une autre facette de cette histoire (que nous traînons jusqu’à maintenant comme un boulet), que j’ai appris à découvrir. Je veux aussi partager les expériences que je vis du point de vue d’un homme qui se sent profondément africain, mais qui vit hors de son continent.
Etes-vous un afro-pessimiste ou bien un afro-optimiste ?
Je suis très optimiste quant à l’avenir du continent. Je sais aussi que le travail sera long, car j’estime qu’on a volé à l’Afrique cinq siècles et plus de son histoire. Ce n’est donc pas évident de se reconstruire au bout de 500 ans. Aujourd’hui, beaucoup de gens ont tendance à demander ce qui a été fait, ce que les Africains ont eu à prouver depuis les indépendances. Mais comparé aux cinq siècles, c’est toute l’âme de l’Afrique qui a été volée. C’est cela qu’il faut reconstruire d’abord, c’est pourquoi je renvoie encore à l’histoire. Quand on se connait, quand on sait d’où on vient, on peut savoir où on va.
Aujourd’hui, l’Homme Africain peine à se reconnaitre, on ne reconnait pas Homme Africain, de même que ce qui est typiquement africain. Moi-même je suis dans le lot, vous aussi. Même au niveau de notre savoir, nous sommes un produit de la pensée française ou occidentale. Tout simplement. Nous avons été colonisés par la France, ce sont les valeurs de la France et la culture de ce pays qu’on nous a enseignées. On essaye donc de se référer à des valeurs qui ne sont pas les nôtres. Il y a quelque chose de perdu culturellement. Et au niveau de l’esclavage et de la colonisation, c’est encore plus grave que cela : c’est toute l’âme de l’Afrique qui a été perdue. Il faut reconstruire cette humanité africaine avant d’espérer pouvoir embrasser le chemin du développement à l’africaine.
Selon vous, l’Occident est-il le seul responsable des maux de l’Afrique ?
L’Occident y est pour beaucoup. Mais aujourd’hui ce que je demande à l’Homme Africain, c’est de se prendre en charge, et ce même si ce n’est pas facile. Aujourd’hui, parce que le Continent ne se développe pas, certains veulent que nous fassions ceci ou cela. Ceux qui le disent sont les mêmes qui nous imposent la façon dont nous devons nous développer selon eux. Je veux dire à l’Homme Africain qu’il n’y a pas un modèle unique de développement, qui consisterait à copier celui de l’Occident. A ce jeu là, il y aura toujours un gagnant et un perdant. Pour que l’Homme Africain puisse retrouver le chemin de l’émancipation, celui du développement, il y a une étape qu’il ne faut pas sauter. Il faut que l’homme africain retourne à sa source, qu’il découvre son origine et qu’au finish il puisse s’approprier son histoire. Il pourra alors en tirer les forces et l’énergie nécessaire pour assumer son développement, c´est-à-dire un développement intégral. L’Afrique a des potentialités. Mais je le dis toujours, ce n’est pas l’Afrique qui dépend de l’Occident, c’est plutôt le contraire et je le prouve dans le présent ouvrage. C’est cette idée reçue qu’on nous inculque à l’école. Il faut retourner à la base pour que nous puissions réapprendre notre histoire, l’histoire vraie à partir de laquelle nous pourrons impulser notre développement.
Si, pour son développement, l’Afrique ne doit pas s’inspirer de l’Occident, quel est le modèle de développement qui correspond le mieux au Continent ?
Le modèle de développement qui correspondrait à l’Afrique doit être recherché à l’intérieur des cultures africaines. Aujourd’hui, en tant qu’Africain, nous avons plusieurs choses à tirer de nos valeurs et de nos modèles. Quand je vois aujourd’hui le niveau de développement de l’Occident, j’ai l’impression qu’il atteint un point de non retour. Cela pousse alors les Occidentaux à chercher les voies et moyens pour retourner à des valeurs anciennes. Par exemple, quelle est la finalité des avancées technologies actuelles ? Cette même civilisation, qui facilite beaucoup de choses actuellement, dépouille l’humanité, détruit quelque chose en l’Homme. Et malheureusement en Afrique, on veut copier et arriver à ce même niveau de développement. Je ne crois pas que ce soit le meilleur modèle, car il doit être endogène et créé à partir de nos propres cultures. Ce n’est pas du tout le fait de construire des tours qui touchent les nuages, qui prouvent qu’un pays est développé. A l’intérieur du développement, il y a l’Homme, son bonheur, en bref son émancipation. La question finale serait : est-ce qu’on est plus heureux ici, parce qu’on a tout à proximité, de même que des immeubles gigantesques ? Ou est-ce qu’on est plus heureux là où il n’y a rien ?