Justice

Affaire Kabile : de graves irrégularités jamais élucidées

Les anomalies invraisemblables qui parsèment le dossier d’Eliane Kabile, cette grand-mère décédée en février 2001 à l’hôpital de Gonesse (Val d’Oise) dans des circonstances mystérieuses, menacent la confiance que les Français peuvent placer dans leur système institutionnel.

Thierry Kabile, un des fils de Mme Kabile dont on ne sait toujours pas vraiment où est la dépouille. Photo : J-L M-L.

Deux dates différentes de décès pour la même personne, entrée à l’hôpital pour une simple douleur au mollet. Deux corps transportés de deux hôpitaux différents pour une seule autopsie, autopsie pourtant déclarée effectuée quelques jours plus tôt. Des résultats d’autopsie incohérents. Une policière et un officier d’état-civil qui signent trois actes de décès pour la même personne dont on ne sait toujours pas vraiment où est le corps.

Cela fait beaucoup de choses pour les quatre enfants d’Eliane Kabile, et particulièrement pour Thierry, 54 ans, qui a donc entrepris plusieurs démarches judiciaires. Deux exhumations ont été ordonnées, mais là encore, des anomalies ont été constatées : des conditions de réalisation suspectes ; un cercueil exhumé différent du cercueil de l’enterrement ; une bouillie de plusieurs cadavres, dont une cage thoracique d’enfant ; un refus de communiquer les analyses d’ADN, le tout accompagné d’une condamnation pour « abus de procédure » ! Alors qu’il s’agissait simplement de vouloir la lumière sur cette douloureuse affaire.

« La pire enquête »

Photo de Mme Kabile publiée lors de l’émission “Sans aucun doute” de 2006.

C’est un dossier complexe, difficile, dont toute la presse a été informée mais qu’elle a très peu relayé. Au contraire de multiples sites et blogs non journalistiques sur internet.

Julien Courbet, animateur de « Sans aucun doute », avait reçu la famille éplorée en décembre 2006 : « C’est la pire enquête que nous n’ayons jamais eue à traiter. Elle glace le sang », explique-t-il en introduisant l’émission. Interrogé au téléphone par le journaliste, le médecin légiste qui a fait l’autopsie qualifie la famille de « pathologique ».

Le président Macron, alors candidat, avait répondu à la famille qu’il avait bien reçu son dossier et qu’il promettait de l’examiner.

Entretemps, une série d’actions en justice a été conduite, dont une citation directe, le 23 mars 2015, à l’encontre de Jean Maïa, agent judiciaire de l’État, devant la 11ème chambre correctionnelle du TGI de Paris, pour voies de fait et déni de justice. La demande a été rejetée. L’audience d’appel a été fixée au 12 septembre 2018.

La première présidente de la Cour d’appel de Paris, Chantal Arens, a fait répondre le 21 juin 2017 qu’elle allait répondre à la famille : elle est toujours silencieuse à ce jour, plus de six mois plus tard, malgré trois relances.

Confrontée aux réponses incomplètes voire à l’hostilité des autorités, la famille soupçonne un trafic d’organes masqué par des faux en écriture. Des conférences et des manifestations publiques devant le ministère de la justice ont été organisées des jours durant au cours de cette année avec l’aide de Politique de vie, le parti de Christian Cotten.

Affaire Eliane Kabile : la chronologie*

2000

– 22 décembre : Eliane Kabile, 64 ans, entre à l’hôpital de Gonesse (Val d’Oise) pour une douleur au mollet droit. Echographies négatives. Elle y reste jusqu’au 30 décembre.

2001

– 27 janvier : 2e hospitalisation : anémie, herpès, fièvre. Conclusions : insuffisance rénale, pneumopathie, péricardite.

– 09 février : entrée dans le service Dr Blin. Intubation, antibio, cathéter, épanchement péricardique, œdème pulmonaire lésionnel majeur (11/02), insuffisance rénale aigüe (12/02), myélogramme (13/02) : dysmyélopïèse.

Ce 9 février, le Dr Nizou écrit au médecin traitant de Mme Kabile (Dr Torjman) et l’informe du décès de sa patiente.

– 10 février : Mme Gaudimont voit sa sœur inerte, froide, intubée, écrans de contrôle muets, sauf celui du respirateur artificiel.

– 13 février : le chef service réanimation évoque une septicémie + décès arrêt cardiaque à 15 h15.

– 16 février : le procureur (TGI Pontoise) mandate le Dr Paraire, médecin légiste, pour une autopsie.

– 19 février : Elisabeth Humblot, capitaine de police, adresse deux requêtes de transport ce même jour :

• l’une au directeur de l’hôpital Gonesse : « Bien vouloir remette remettre le corps de Madame Kabile née le 02.08.36 aux Pompes funèbres générales (PFG) aux fins de transport à l’Institut médicolégal (IML) de Garches pour autopsie » (datée du 16 février !) ;

• l’autre au directeur du funérarium de Villetaneuse : « Bien vouloir faire effectuer le transport du corps de Kabile Eliane, décédée le 13.02.01 aux fins d’autopsie au Centre hospitalier de Garches. Bien vouloir procéder à l’enlèvement du corps de Kabile Eliane à l’hôpital de Garches et le transporter au funérarium de Gonesse ».

– 20 février : Conclusions autopsie : le décès résulte de l’évolution d’une leucémie aigüe entraînant un état de défaillance polyviscérale + lésions centres nerveux végétatifs, suffusions hémorragiques + état de choc. Pas d’infection nosocomiale.

Or, le rapport d’expert (Dr Reverberi) parlera de syndrome infectieux brutal. Le Dr Nizou évoque, lui, un « climat septique ».

Utérus absent. Les ovaires sont le siège d’infiltration tumorale leucémique. Or, après son hystérectomie, « notre mère avait été privée de ses ovaires ».

– 21 février : la mairie Gonesse « dresse » un acte décès n° 90. Or, le 21 mai 2014, une copie intégrale de la même mairie indique que le n° 90 concerne maintenant une certaine Jeanne Bergeron, décédée le 20 février 2001. En outre, le 7 août 2014, une autre copie intégrale indique que l’acte de décès de Mme Kabile a été dressé le 14 février 2001 (et non plus le 21 février). Et il porte maintenant le n° 81 !

Thierry Kabile : « Il faut juste rappeler que personne ne peut modifier un acte d’état-civil, sauf demande d’un procureur sur les très petites erreurs ou d’un juge du siège pour les corrections plus importantes. Or, cet acte, barré à la main de la mention “Annulé”, que j’ai découvert récemment et photographié, cet acte existe depuis 2001 dans le registre d’état-civil de Gonesse, aux pages soigneusement numérotées et tamponnées de rouge et qui ne peuvent formellement contenir qu’un seul et unique acte.

Étrangement, aucun juge, aucun procureur, aucun agent du gouvernement n’est allé voir de près ce registre. Or, il a été modifié par un officier de police judiciaire et par un officier d’état-civil, adjoint au maire de Gonesse. Personne n’a jamais cherché à comprendre. Personne, au sein des services de l’État, n’a ouvert la moindre enquête sérieuse et ce malgré les multiples dénonciations et procédures engagées par notre famille auprès de multiples autorités ».

– 26 février : suite à la plainte déposée par la famille, première inhumation au cimetière de Sarcelles-Village.

– 4 juillet : remise du rapport d’expertise (Dr Reverberi).

2002

– 12 février : plainte pour homicide involontaire et non assistance à personne en danger près le doyen des juges d’instruction.

– 30 juin : exhumation à 6h au lieu de 8h30.

A cette occasion, la famille constate la disparition de la dépouille du frère (suicidé à 20 ans) dans la sépulture où reposait également leur mère.

– 1er juillet : 2e autopsie, par Pr Durigon.

– 3 octobre : ouverture d’une instruction judiciaire.

– 13 novembre : expertise génétique ordonnée.

2003

– Prélèvements ADN : extraits du 8 juillet au 6 octobre sur les membres de la famille.

2004

– 12 janvier : conclusions de l’expert de Mazencourt : « Les prélèvements des 2 autopsies proviennent bien du même corps ».

Un dentier de Mme Kabile, qui aurait pu constituer une pièce à conviction génétique, a été lavé puis écarté par le médecin légiste Durigon.

– 27 janvier : ordonnance de refus d’acte : la date erronée du 30 juin 2003 du rapport d’autopsie serait une « pure erreur matérielle ».

2005

– 25 mars : plainte avec constitution parte civile pour homicide involontaire et non assistance à personne en danger ; pour atteinte au respect dû aux morts.

– mai : reportage France 3 (JT 19/20h) : « Le corps réinhumé suite à l’autopsie de 2003 n’est pas celui de notre mère ».

– 14 mai : dépôt du rapport Dr Urbajtel, expert judiciaire.

2006

– 16 février : information ouverte pour atteinte à l’intégrité physique d’un cadavre.

– 15/12 : nouvelle demande d’exhumation.

2007

– 20 juin : 2e exhumation.

Découverte cette fois-ci du corps de frère. Contestation des parties civiles sur l’identité du cadavre (cercueil et vêtements différents, médaillon, restes humains « frais »…).

Trois n° différents hospitalisation.

– 21/06 : l’expertise génétique (Nantes) confirme l’identité de la morte.

La famille exprime ses doutes sur l’identité du corps examiné par le légiste. Pas d’ADN dans le rapport.

– 26 juillet : ordonnance non lieu ; appel le 1er août.

– 11 septembre : demande de contre expertise ADN.

– 26 septembre : Refus de la juge d’instruction TGI de Pontoise, Émilie Burguière, pour vice de forme et absence de motivation.

2008

– 28 mars : condamnation de la famille à 15 000 € d’amende par Sylvaine Reis, vice-présidente du TGI Pontoise, pour constitution de partie civile abusive.

2014

– 12 août : plaintes contres hôpital, mairies Gonesse et Sarcelles, IML de Garches et trois professeurs.

2015

– 23 mars : citation directe effectuée à l’encontre de Jean Maïa, agent judiciaire de l’État, devant la 11ème Chambre correctionnelle du TGI de Paris.

– 21 mai : prescription + clôture 22 septembre.

– 03 novembre : action des parties civiles.

– 16 décembre : jugement TGI Paris : rejet des demandes.

2016

– 14 janvier : déclaration d’appel.

– 16 mai + 17 juin : conclusions de Thierry Kabile.

– La date de la prochaine audience d’appel civil est au 9 mai avec une audience formelle de clôture au 10 avril 2018. L’appel au pénal contre M. Maïa, agent judiciaire de l’État, est fixée au 12 septembre 2018.

* L’établissement de cette chronologie uniquement factuelle nous paru nécessaire pour deux raisons :

  • Parce que l’affaire, telle qu’elle est présentée sur le Net, est extrêmement embrouillée, mêlant événements, accusations et suppositions. Ici, nous nous sommes contentés de citer les faits tels qu’ils apparaissent dans les documents officiels ;
  • Parce que les citoyens ont le droit de connaître les tenants et aboutissants de cette affaire que les “grands médias” passent sous silence.

> Enquête de France-Culture sur l’affaire Kabile (2007).

> L’affaire Kabile sur France Inter (2007).

Pour aller plus loin :

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1 commentaire pour cet article

  1. Bravo pour cet article. Je cherche moi-même à médiatiser mon affaire (mon fils de 24 ans assassiné à Toulouse le 25-26 septembre 2008 pour ses organes et tentative de maquillage en suicide sur voie ferrée le le,demain de sa disparition (ils ont eu la nuit pour faire leur trafic d’organes), mais je les ai tous démasqués : gendarmes, médecin légiste, magistrats et journalistes). Ils ont commis un nombre de faux impressionnants et fait disparaitre des scellés majeurs. Ils sont très organisés pour saboter les enquêtes et faire taire les familles qui ne demandent que la vérité. OUI EN FRANCE IL Y A UNE MAFIA DES ORGANES DONT FAIT PARTIE LA JUSTICE. Je voudrais contacter l’avocat de Thierry Kabile car il est très courageux de prendre sa défense (je crois qu’il a eu beaucoup d’ennuis avec l’ordre des avocats qui cherche à le faire taire).