La technologie s’interposant toujours plus entre les militaires et leurs cibles, les drones sont vus comme des outils très prometteurs et engendrent des appétits commerciaux. Petit survol des lieux. Avec un regard particulier sur les usages autres que militaires.
Drone français Harfang – DGA |
« Nous sommes, dans le cas des drones, face à une situation comparable à celle des débuts de l’aviation, avec un marché qui s’ouvre et qui va représenter, dans les dix années à venir, 20 milliards d’euros », estime Jean-Claude Viollet, auteur, avec son collègue Yves Wandewalle, d’un rapport de la Commission de la défense nationale et des forces armées sur les drones.
Un tel pactole ne pouvait manquer d’éveiller des appétits.
Ayant appris, en juin, que la France se préparait à acquérir plusieurs exemplaires de drones Predator B (General Atomics, USA), Dassault et Thales font pression pour que l´armée française adopte plutôt leur système de drones MALE (moyenne altitude, longue endurance). Ils ont pour cela agité le risque que l´Armée française ferait prendre aux industries nationales et européennes en achetant des drones aux États-Unis pour parer à son urgence opérationnelle (en l’occurrence l’Afghanistan).
Question de souveraineté
« C’est aussi une question de politique et de souveraineté », a déclaré Eric Trappier, directeur général international de Dassault Aviation. C’est déjà au nom de la « souveraineté » que les autorités soutiennent le SIDM-Harfang, drone MALE de la société Eads (dont chaque système coûte plus de 40 M€, hors coût du personnel d’utilisation). Les députés Viollet et Wandewalle expliquent ce favoritisme par des « considérations de souveraineté comme par la volonté de soutenir ce nouveau pan de l’aéronautique militaire, afin que nos industriels soient présents sur ce marché en progression. (…) Nos industriels ne pourront entrer et se maintenir sur le marché que si de fortes commandes publiques soutiennent leurs efforts ».
Les députés estiment que « les capacités dont nous disposons permettent à peine de soutenir notre déploiement en Afghanistan » et que, à terme, la France court le risque d’une « rupture capacitaire ».
Une priorité stratégique
La fonction « connaissance et anticipation » ayant été placée « au premier rang des priorités stratégiques » par le Livre Blanc sur la défense et la sécurité nationale, l’utilisation des drones est préconisée.
En effet, ils enrichissent considérablement les moyens à la disposition du décideur et du combattant tant pour la préparation que pour la conduite des opérations et leur évaluation. Ils permettent de déployer des vecteurs à différentes altitudes, à des profondeurs variables et avec une charge utile composée généralement de capteurs optroniques, de radars, mais aussi de capteurs électromagnétiques.
Au-delà de cette fonction de renseignement, certains drones sont armés et permettent de conduire des attaques, y compris en profondeur, sans mettre en danger la vie des pilotes et avec davantage de discrétion qu’un avion de chasse.
Drone américain Predator 4. |
Les gros utilisateurs
Les États-Unis, les premiers, ont utilisé les systèmes de drones, au cours de la guerre du Vietnam. Ils furent rapidement suivis par Israël, dans les années 1970 après la guerre du Kippour. Les drones ont connu un développement très rapide au cours des dernières décennies, mais c’est leur utilisation intensive par Israël, ainsi que par les États-Unis sur les théâtres irakien et afghan, qui a mis en lumière leur importance dans la gestion des conflits.
Aux États-Unis, le Department of Homeland Security estime le coût de l’heure de vol d’un Predator B Reaper à 3 600 $ (3 000 €).
1er salon européen des drones en septembre UAV Show Europe, le premier salon européen sur les micro et mini drones se déroulera les 15 et 16 septembre 2010 sur l’Aéroparc /Centre de services de Mérignac (Gironde). Organisée par Bordeaux Technowest, cette rencontre business réunira environ 400 participants : grands groupes, PME dédiées aux drones et aux activités connexes (informatique, capteurs, électronique). Ce premier salon doit servir de rampe de lancement à la filière drone en Aquitaine. |
À quoi servent les drones (usage militaire) ?
Les missions de surveillance : images et possibilité de mettre en œuvre des moyens de contre-mesure, par exemple de guerre électronique (brouilleurs).
Les actions de combat : les États-Unis ont conduit plusieurs milliers d’opérations sur la seule année 2009.
Le transport logistique : cette possibilité constitue une alternative opérationnelle ou financière à l’aérolargage, à l’héliportage ou à l’évacuation de blessés. La marine américaine a récemment retenu les candidatures de fabricants pour développer un drone cargo à voilure tournante, capable de transporter entre 4,5 et 9 tonnes de fret, y compris dans les conditions d’altitude et de climat de l’Afghanistan.
L’emploi des drones par l’armée israélienne
En Israël, les drones représentent actuellement 30 % de l’activité aérienne de Tsahal qui les déploie depuis 1999. On estime qu’ils ont même représenté 70 % des aéronefs mobilisés au cours de l’opération « Plomb durci » menée au début de l’année 2009 dans la bande de Gaza.
12 600 euros par heure de vol !
Depuis février 2009, le soutien industriel a fait l’objet de deux procédures contractuelles avec EADS et IAI, cocontractants avec la Direction de l´armement. Le coût du second contrat s’élève globalement à 106 millions d’euros, étalés sur quatre ans. Si l’on déduit de ce montant les provisions, le coût du contrat est ramené à 96,34 millions d’euros, couvrant un objectif d’activité de 1 900 heures (soit 7 600 heures sur la durée du contrat), ce qui correspond à un coût du soutien industriel de 12 600 euros par heure de vol, sans compter le soutien opérationnel.
Les rapporteurs s’étonnent de ce coût très élevé, qui ne saurait s’expliquer qu’en partie par des effets d’échelle du fait du faible nombre de vecteurs concernés.
Le drone français en Afghanistan
Déployé à Bagram, le système SIDM-Harfang (EADS) couvre la zone Nord-Est du pays. De février à octobre, il a réalisé des missions au profit de l’ensemble de la coalition, notamment des forces françaises, américaines et norvégiennes.
La durée de vol moyenne y est de 10 à 12 heures, même si les capacités de l’appareil permettent d’atteindre 17 heures. En tenant compte du temps de vol nécessaire pour se rendre sur zone et en revenir, trois engins sont donc nécessaires pour assurer la permanence de la mission. En régime de croisière, il nécessite le déploiement de 40 militaires ainsi que de deux assistants techniques d’EADS. Cette donnée invite là encore à relativiser l’image d’un drone peu coûteux. On déploie finalement beaucoup de personnels pour un nombre de vecteurs limité (12). La mission elle-même mobilise de quatre à six personnes pour sa conduite, le pilotage et l’analyse, avec un changement d’équipe toutes les deux heures. Le SIDM-Harfang a principalement assuré des missions de surveillance de zones (39 %), de préparation à l’action (18 %), de reconnaissance d’axes avant le passage de convois (15 %), de protection de bases (9 %), d’escorte de convois (6 %), de détection de cibles en mouvement (6 %), ainsi que d’appui à la conduite d’opérations par les troupes au sol (3 %). Depuis le mois d’avril (2009), l’une des trois plate-formes est hors service à la suite d’un incident de vol. Fin 2009, la plateforme était en réparation chez IAI. Et un second vecteur était cloué au sol, servant de réserve de pièces détachées pour le seul vecteur actif.
La promesse des usages civils
Les usages civils des drones se développent rapidement dans le monde, malgré les problèmes qui restent à régler concernant leur certification pour leur insertion dans l’espace aérien civil et la gestion des bandes de fréquences électromagnétiques pour leur pilotage et la transmission des données.
Les expériences étrangères
Aux États-Unis, les drones sont utilisés depuis plusieurs années pour la lutte contre la criminalité organisée (notamment le trafic de stupéfiants), pour la sécurité civile (feux de forêt, inondations) ou pour des travaux scientifiques (évolution du climat).
L’administration des douanes et de la protection des frontières disposent de drones équipés de capteurs images jour et infrarouge et l’administration souhaite les équiper d’une capacité de renseignement électromagnétique qui fait débat (problème constitutionnel car il s’agit d’écoutes).
La société Elbit a également fourni aux États-Unis une prestation de surveillance de leur frontière entre l’Arizona et le Mexique, à raison de 10 à 12 heures par jour sur une durée de six mois, mobilisant une équipe de huit personnes.
Au Royaume-Uni, les forces de police du comté de l’Essex sont équipées de drones de surveillance. La police brésilienne aurait aussi signé le 11 octobre 2009 un accord avec Israel Aircraft Industries (IAI) portant sur l’achat de 14 vecteurs Heron 1 qui seront destinés à la surveillance des frontières ainsi qu’à la lutte contre le trafic d’armes.
Enfin, on peut relever que les drones montrent également un potentiel intéressant pour la surveillance et l’entretien des réseaux, notamment en Australie pour l’entretien du réseau électrique, ou encore en Russie pour la surveillance des gazoducs. Des fabricants français, notamment des PME, développent déjà des dispositifs pour la surveillance d’ouvrages d’art, tels que les ponts.
Les usages envisageables en France
> Police, douanes et gendarmerie : Les forces de police et de gendarmerie peuvent trouver dans les drones un complément naturel des moyens héliportés pour la surveillance des espaces et des flux, que ce soit en métropole (sommets internationaux, maintien de l’ordre, filature) ou encore outre-mer (répression de l’orpaillage illégal en Guyane ou surveillance maritime).
La gendarmerie est en train d’élaborer sa doctrine d’emploi. En 2007, elle a acquis pour 150 000 euros un drone à voilure fixe et, en 2009, un autre à voilure tournante. Le GIGN utilise des minidrones depuis 2007.
La police nationale a quant à elle développé le démonstrateur ELSA (engin léger de surveillance aérienne). Elle souhaite un système d’une grande simplicité d’emploi utilisable en zone urbaine et avec une grande qualité d’image, pour des usages judiciaires. Le marché potentiel serait d’une centaine de vecteurs.
Depuis le début des années 2000, l’administration des douanes mène également une réflexion sur ce sujet, consciente du potentiel considérable des drones. Elle pourrait les utiliser pour des missions de surveillance de surfaces régulières (trafics illégaux en mer par exemple), de points de passage importants (tels que le rail d’Ouessant), ou en montagne, pour l’observation des mouvements suspects aux abords des barrages routiers, ou bien pour mener des filatures.
> Sécurité civile : La sécurité civile pourrait se montrer également intéressée par le recours aux drones pour différentes missions : surveillance de feux de forêt, recherche de personnes lors d’actions de sauvetage en haute montagne, etc.
>> Voir également : « Les drones, c´est l´avenir ! »
(Sources: Actualité + Rapport d´information déposé en application de l´article 145 du Règlement par la Commission de la défense nationale et des forces armées sur les drones, Assemblée nationale)
ça fait peur de penser a ces drones qui nous surveille .